Chapitre 116 : Jouer au plus malin
Pour le Dao Démoniaque, le Pic du Yang Vermillon était perdu.
Les nouvelles déferlèrent dans la Montagne de la Tombe du Vent l’une après l’autre, chacune aussi mortelle que l’autre.
« Xu Xingzhi possède le Livre du Monde ! Il a dessiné une porte et a ainsi pénétré dans la muraille de fer du seigneur Chu !
– Le seigneur de forteresse Chu est mort !
– … La forteresse des Eaux Noires a changé de camp !
– Quand le Pic du Yang Vermillon a été attaqué, les quatre anciennes sectes ont clamé à tout bout de champ que si Wu Xiang, le fils du seigneur de la forteresse des Eaux Noires était mort, c’était… des propres mains du maître. Il a été sacrifié pour servir d’excuse afin que le maître puisse attaquer la Vallée de la Pure Fraîcheur ! Le seigneur Wu a conduit ses disciples hors des défenses du pic et deux jours plus tard, la branche de la secte du Serpent Rouge sur le mont Nuage Rapide a été attaquée. Cette branche a lancé le signal de détresse ! »
Ces mots parvinrent aux oreilles de Jiu Zhideng, mais ne suffirent pas à le faire réagir.
Il était assis sur les marches devant le Palais Interdit et ressuyait son épée à l’aide d’un chiffon doux, son expression aussi calme que jamais.
« … Vraiment ? » fit-il
Sun Yuanzhou était déjà blasé depuis un mois face à l’attitude de Jiu Zhideng qui ne se souciait de rien et restait indifférent.
Il se réjouissait même un peu que Jiu Zhideng se tienne tranquille et reste en permanence dans ce palais calme et isolé. Comme ça au moins, il ne montrait pas cet air abattu aux autres.
Hélas, la situation actuelle l’avait forcé à faire irruption dans le jardin secret de Jiu Zhideng.
Sun Yuanzhou s’inclina légèrement.
« Maître, les seize maîtres de secte et les vingt-trois seigneurs de forteresse vous attendent tous dans le Palais de Bambou Vert. »
Jiu Zhideng cessa de ressuyer son épée.
Sun Yuanzhou avait vraiment très peur qu’il ne dise ‘Non’ alors avant que l’autre ne puisse parler, il ajouta :
« La situation est vraiment chaotique, chacun veut y aller de son idée. Mais il y a quarante ou cinquante bouches en tout, alors qui écouter ? »
Jiu Zhideng pencha la tête sur le côté avec un sourire et demanda comme un jeune homme qui ignorait tout du monde :
« Est-ce qu’ils m’écouteraient, moi ? »
Depuis que Jiu Zhideng était revenu de l’Île du Fleuve Céleste, Sun Yuanzhou l’avait plus vu sourire ces dix derniers mois que durant les treize années passées. Mais ces sourires n’étaient pas destinés à quelqu’un en particulier. Parfois, Jiu Zhideng pouvait sourire dans le vide comme s’il était en train de songer à quelque chose d’amusant.
C’était précisément à cause de ça que Sun Yuanzhou le traitait de plus en plus comme un enfant. En tant que subordonné, son cœur était déjà épuisé depuis longtemps par un tel maître, alors il avait carrément changé d’attitude et commencé à éprouver une certaine pitié et tendresse pour ce jeune homme.
Sa voix se fit très rassurante, presque comme celle d’un père :
« .. Oui. Après tout, vous êtes le maître de la montagne. »
En entendant sa réponse, Jiu Zhideng replia ses longues jambes qu’il avait étendues sur les marches et prit son appui, mais il ne parvint pas à se lever.
Il eut un sourire en contemplant ses genoux, puis tendit une main vers l’autre homme.
Sun Yuanzhou eut peur qu’il ne soit tombé malade.
« Maître, vous allez bien ?
– J’ai les jambes engourdies. Aide-moi. »
Par respect, Sun Yuanzhou ne se permit pas de lui tenir la main. Il prit simplement sa manche d’une main et le soutint à la taille de l’autre, à moitié en train de le porter et à moitié en train de l’aider à se relever.
Tout en le soulevant, Sun Yuanzhou constata avec stupeur que le corps de Jiu Zhideng était léger. On n’aurait pas du tout dit un corps d’adulte, mais plutôt le corps d’un petit serpent rampant sur la glace et couché dans la neige.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Jiu Zhideng marcha en boitant un peu sur quelques pas, puis la sensation d’engourdissement dans ses jambes disparut peu à peu et il retrouva son apparence de pin bien droit et rempli de vigueur.
Les deux hommes se dirigèrent lentement vers le Palais de Bambou Vert. Avant d’atteindre la porte, ils entendirent une vive exclamation venant de l’intérieur :
« Arrêtez un peu de chercher des excuses à ce bâtard ! Si le maître de forteresse Chu est mort, c’est bien parce qu’il n’a pas voulu prendre ses responsabilités ! »
Le visage de Sun Yuanzhou changea d’expression et il voulut toussoter pour signaler leur présence, mais Jiu Zhideng leva la main pour couvrir sa bouche.
Quelqu’un à l’intérieur de la salle émit une objection :
« Tes paroles sont bien trop agressives.
– Quoi ? Il peut faire n’importe quoi et les gens n’ont pas le droit de commenter là-dessus ? Jiu Zhideng n’a pas la moindre considération pour la vie des Démoniaques ! Vous avez donc tout oublié après toutes ces années de souffrances ?! La secte de sang a été tellement réprimée par lui qu’elle n’a jamais pu redresser la tête et la secte des cadavres suit le même déclin. Il est indéniable que durant les dix années et plus qu’il a gouverné le Dao Démoniaque, nous avons régressé. Il a nui terriblement au Dao Démoniaque ! »
Certaines personnes approuvèrent à voix basse :
« C’est vrai, ah. Tous ses projets n’ont jamais été dans l’intérêt du Dao Démoniaque. Pourquoi le Dao Démoniaque a-t’il vaincu les quatre grandes sectes si c’est pour se faire autant réprimer ? Devons-nous mener une vie d’ascète comme ces prêtres Daoïstes aigris ? Autant devenir un cultivateur errant et profiter de la vie. »
Quelqu’un murmura à voix basse :
« Le maître a grandi parmi les quatre grandes sectes, il est inévitable qu’il apprécie ce genre de vie alambiquée et inutilement rude. Ce n’est pas du tout étrange qu’il se soit fait influencer. »
Cela ressemblait à une défense, mais la provocation que contenaient ces paroles était bien plus grave.
En effet, le premier à avoir parlé ricana et renchérit :
« Les quatre sectes ont élevé un petit bâtard comme lui, elles ont bien mérité de se faire détruire, ah.
– Et là, il œuvre de tout cœur pour le bénéfice des quatre grandes sectes !
– Oh que oui, s’il préfère mourir en faisant le moins possible, pourquoi devrions-nous encore nous soucier de lui ? Allons plutôt attaquer directement le Pic du Yang Vermillon ou l’Île du Fleuve Céleste. Au moins, nous pourrons nous battre férocement ! »
Pendant que tout le monde discutait avec passion, des applaudissements peu bruyants résonnèrent dans toute la salle. Du coup, l’agitation bouillonnante devint un silence de mort.
Jiu Zhideng fit son entrée, suivi par un Sun Yuanzhou bien pâle.
Il s’assit tranquillement sur un divan.
Ceux qui osaient le regarder se rendirent compte qu’il semblait avoir la peau bien plus blanche que d’ordinaire, comme s’il sortait tout droit d’une zone enneigée. La lumière dorée tombait sur lui, pourtant elle était incapable de faire fondre la glace et la neige de son corps.
Son regard balayant l’assemblée, Jiu Zhideng fit :
« Que celui qui a proposé de partir s’en aille maintenant. »
Personne ne bougea. Ces gens qui parlaient tout à l’heure de devenir féroces étaient redevenus des rats qui se terraient dans les égouts.
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Mais après tout, ils étaient venus demander des idées. Si personne ne parlait, cela ne ferait que retarder leurs propres affaires.
Un maître de secte qui n’avait encore rien dit se risqua à briser le silence :
« Maître, comment devrions-nous gérer la situation actuelle ? Donnez-nous des idées, je vous en prie. Vous voulez bien ? »
Jiu Zhideng joua avec ses manches et répondit sans hésiter :
« La seule manière de s’en sortir, c’est de se regrouper et de s’unir. »
Sun Yuanzhou n’en revint pas quand il entendit ça.
Il aurait cru qu’après que Jiu Zhideng se soit isolé pendant un mois, il avait réellement l’intention d’ignorer les autres et de déprimer jusqu’au bout.
Tout en se réjouissant, il se plaignit quand même intérieurement : Pourquoi n’a-t’il rien dit plus tôt s’il avait une stratégie ?
Mais sa joie ne dura pas plus qu’un instant.
… Sun Yuanzhou se rendit compte qu’aucun des maîtres et seigneurs plus bas n’arborait un air joyeux. Au contraire, il y avait une certaine lueur dans leurs regards, comme s’ils complotaient quelque chose. Le cœur de Sun Yuanzhou qui avait été transporté de joie l’instant d’avant retomba aussitôt dans un abîme sans fond.
Jiu Zhideng continua de parler comme s’il n’avait rien remarqué.
Il avait dû se répéter ces paroles des centaines de fois dans sa tête, alors les mots coulèrent naturellement et de manière fluide :
« Il y a cinquante-deux sectes dans le Dao Démoniaque. Je voudrais qu’elles se rassemblent par dix au même endroit selon leurs positions respectives, ce qui fait un total de cinq bastions. Ce n’est qu’en abandonnant son territoire d’origine et en formant une nouvelle alliance que vous pourrez espérer résister aux quatre anciennes sectes. »
Quand la personne la plus grossière qui avait calomnié Jiu Zhideng le premier entendit ça, il garda le silence un moment, puis fit d’un ton ironique :
« … Alors qui dirigera chaque alliance ?
– Dois-je également m’occuper de désigner ces gens ? » demanda Jiu Zhideng en retour.
Bien qu’ayant craché sur Jiu Zhideng autant que possible, cet homme fut soulagé et fit avec un sourire :
« Si le maître ne les désigne pas, alors comment ces subordonnés sauront-ils que faire ? Qui décidera de la stratégie, qui dirigera les troupes pendant les combats et comment répartir les trésors et pierres spirituelles collectés par chaque secte ? Le maître doit nous donner des instructions précises, pas vrai ? »
Après avoir dit ça, il écarta les mains et ajouta :
« … Au fait, ne comptez pas sur moi. Je ne suis que le maître de l’humble secte de sang du Principe Céleste. J’ai été contraint d’abandonner mes pratiques il y a des années alors maintenant, je fais juste illusion et je dois compter sur le raffinage de pilules pour survivre. »
Les autres gens autour ne critiquèrent pas le comportement hautain du maître de la secte du Principe Céleste.
C’était parce que tout comme lui, personne ne voulait être le chef d’une de ces cinq alliances. Accepter une telle responsabilité ne présentait que des risques et aucun avantage. Ils ne voulaient pas s’attirer cet ennui, alors ils se regardèrent les uns les autres sans répondre, espérant qu’il y aurait des imbéciles passionnés pour accepter cette tâche.
Allez savoir s’il fallait s’en réjouir ou le déplorer, mais tous les gens présents étaient aussi des êtres humains.
Sun Yuanzhou observa tout ça et sentit un grand froid envahir son cœur.
Les gens qui avaient l’habitude de gérer leurs propres affaires ne pouvaient pas supporter la moindre contrainte. En plus, au moins la moitié d’entre eux étaient des sectes de sang. Profondément impactés par les ordres de restrictions de pratiques de Jiu Zhideng, ils gardaient une certaine rancœur en eux et refusaient de continuer à servir sous ses ordres.
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Ce qu’ils avaient cherché en venant ici n’était pas de tous s’unir, mais ils avaient plutôt espéré que Jiu Zhideng puisse prendre la tête et éliminer les ennemis avec son propre pouvoir et les laisser ensuite retourner à leur paix et leur tranquillité.
En d’autres termes, ils méprisaient la puissance de Jiu Zhideng tout en ayant besoin. À leurs yeux, il n’était qu’une arme utile.
Treize ans auparavant, cette arme les avait guidés pour étendre leur royaume et créer un monde prospère pour le Dao Démoniaque. Elle devait à présent être brandie pour les protéger aussi.
… C’était ce que Jiu Zhideng était censé faire, n’est-ce pas ?
Cependant, ce dernier ne parut pas comprendre leurs profondes intentions, alors il fit simplement d’un ton indifférent :
« … Quant aux commandants, vous pouvez en décider par vous-mêmes. »
Voyant que Jiu Zhideng comptait s’en laver les mains, la foule plus bas s’agita soudain. Sans plus se soucier de l’étiquette, beaucoup de gens se mirent à parler en même temps. Sun Yuanzhou tenta de rétablir l’ordre plusieurs fois, mais rien n’y fit.
Jiu Zhideng les laissa parler. Il les observait tranquillement et regardait même ces gens furieux avec un peu de pitié.
Quand Sun Yuanzhou tourna la tête et vit cela, son cœur trembla un peu.
Le jeune homme qui avait autrefois décapité le précédent maître de la secte du Serpent Rouge afin de réprimer leurs envies de révolte n’avait même pas l’intention de dégainer son épée pour remettre de l’ordre ici.
Cela faisait treize ans que Jiu Zhideng s’évertuait à remettre de l’ordre dans le plateau de jeu chaotique et désuni du Dao Démoniaque. Durant cette période, il avait eu son lot d’intrigues et de rivalités mutuelles.
… Il devait vraiment être las.
Au milieu du chaos, un autre seigneur de forteresse demanda carrément :
« Si je puis me permettre de poser une question au maître, que se passe-t’il avec le Livre du Monde ? Vous n’aviez pas annoncé publiquement que Xu Xingzhi était mort ? »
Jiu Zhideng ignora son ton agressif et ne donna que la seule information qu’il possédait :
« Le Livre du Monde se trouve effectivement dans le corps de Xu Xingzhi.
– Quel est son pouvoir ? demanda de nouveau le seigneur de forteresse.
– Je l’ignore, » répondit Jiu Zhideng.
Le seigneur de forteresse lâcha un rire curieux.
« En un moment pareil, pourquoi le maître continue-t’il à nous cacher des choses ? »
Jiu Zhideng prit un air glacial.
« Je te le dis, je ne sais vraiment pas quels sont les pouvoirs du Livre du Monde. »
Il était inutile de continuer à débattre sur ce point. Tout le monde estima que cela ne servait à rien de rester plus longtemps, alors ils se retournèrent et s’en allèrent brusquement avec des ricanements moqueurs. La dizaine environ de gens au tempérament plus doux n’osa pas non plus s’attarder. Ils joignirent rapidement leurs mains en coupe pour saluer Jiu Zhideng, puis se tournèrent pour partir.
Quand tout le monde fut parti, la voix de l’arrogant et dominateur maître de la secte du Principe Céleste parvint de loin à l’extérieur de la salle, vaguement audible :
« … Au lieu de choisir cinq dirigeants, on ferait mieux de ré-élire un maître ! Le Dao Démoniaque est complètement impuissant avec ce type aux commandes. »
Jiu Zhideng ne réagit pas du tout face à de telles paroles rebelles. Sun Yuanzhou ne pouvait pas se permettre d’intervenir et de se fâcher à sa place, alors il demanda doucement :
« … Maître ? »
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Il n’était pas très sûr si Jiu Zhideng n’était vraiment pas fâché ou irrité, ou bien s’il prévoyait de noter tous les affronts et de régler les comptes au moment opportun.
Mais le jeune homme ferma simplement les yeux et fit :
« Je suis fatigué. Je veux juste me reposer un peu ici. Dis aux autres de ne pas me déranger. »
Sun Yuanzhou émit un son d’assentiment, tout en gardant de l’espoir dans son cœur. Quand Jiu Zhideng souleva ses jambes pour les poser sur le divan, il demanda d’une voix tranquille :
« Maître, vous ne comptez vraiment pas intervenir ? Il suffirait d’une seule victoire pour revigorer les cœurs. C’est tout ce que ces gens demandent, rien de plus. »
Jiu Zhideng baissa les yeux.
Quand il n’employait pas son pouvoir spirituel, ses yeux étaient noirs sur fond blanc, clairs et paisibles. On ne pouvait pas y voir l’hostilité d’un Démoniaque.
Au bout d’un moment, il répondit :
« … Je ne peux pas leur donner ce qu’ils demandent. »
Sun Yuanzhou se dit que ce ‘je ne peux pas’ voulait en fait dire ‘je ne veux pas’, mais il comprenait également. Avec un soupir, il prit un manteau de fourrure et couvrit Jiu Zhideng avec. Il fit gentiment :
« C’est bon, reposez-vous. »
Le patriarche de la secte du Serpent Rouge agissait comme un simple serviteur. Si d’autres personnes avaient vu cette scène, ils se seraient forcément sentis indignés pour Sun Yuanzhou. Mais justement, comme ce dernier connaissait sa propre valeur et ses capacités, il était très habile pour servir les gens.
Jiu Zhideng avait subi cette réunion chaotique qui n’avait été ni trop longue, ni trop courte, et cela semblait l’avoir vidé de son énergie. Il se roula en boule sur le côté et s’endormit rapidement.
Il n’y avait que peu de chair autour de sa taille, juste assez pour la saisir délicatement. Allongé sur le côté dans le divan, ses traits de visage étaient encore plus exquis, comme méticuleusement dessinés avec un pinceau fin. Ils étaient de la plus haute qualité, avec un front plein et des lèvres fines. Il avait l’air d’une beauté fragile.
Toutefois, ce que Nian Zai n’avait jamais pu faire, ce que Sa Luo n’avait jamais pu accomplir, cette beauté fragile avait tout fait.
… Mais quelle importance d’avoir réussi ?
Il restait Jiu Zhideng sans foyer et sans abri. Que ce soit le Dao Démoniaque ou les quatre sectes, aucun n’était sa demeure.
En songeant à ça, Sun Yuanzhou ressentit encore plus de pitié pour lui. Voyant que Jiu Zhideng se renfrognait dans son sommeil, il se dit qu’il devait être mal installé. Il voulut lui trouver quelque chose pour soutenir sa tête.
Toutefois au moment où il allait se lever, Jiu Zhideng lui saisit la main et la pressa directement sur son torse.
Sun Yuanzhou se pencha.
« Maître ?
– … Grand frère martial, ne t’en va pas, murmura le jeune homme dans son sommeil. Grand frère martial, je sais que j’ai eu tort… Je ne veux pas retourner là-bas, s’il te plaît, ne me renvoie pas au Dao Démoniaque. »
Le cœur de Sun Yuanzhou s’adoucit subitement. Il mit un genou à terre devant le divan.
Dans son sommeil, Jiu Zhideng avait complètement retiré son armure et était devenu un enfant triste et impuissant qui suppliait d’une voix rauque :
« Je ne connais personne là-bas… Grand frère martial, tu pourrais abolir ma cultivation, hein ? Laisse-moi rester dans la Montagne de la Tombe du Vent pour être ton serviteur. Je peux tout faire… »
Sun Yuanzhou garda le silence. Il pressa le dos de son autre main sur le front de Jiu Zhideng et le trouva si glacial que sa main brûlait.
« … Maître. »
Le titre honorifique ramena l’esprit confus de Jiu Zhideng sur le chemin de la lucidité. Il lâcha soudain la main de l’autre homme, se tourna sur le côté et serra fermement l’épée à sa ceinture sans dire un mot.
Sun Yuanzhou soupira. Il l’aida en remettant sur lui le manteau en fourrure qui était tombé, puis il sortit en refermant la porte. Une fois dehors, il appela un disciple de sa secte.
« Comment s’appelle le maître de la secte du Principe Céleste qui a assisté à la réunion de tout à l’heure ? »
Après réflexion, le disciple lui donna le bon nom qu’il cherchait.
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Sun Yuanzhou ordonna calmement :
« Envoie un groupe de disciples pour anéantir la secte du Principe Céleste. »
Dans l’état actuel des choses, les pensées des Démoniaques allaient dans tous les sens. Cela ne ferait aucune différence si une secte était détruite ou venait à disparaître. Mais exterminer ce loup ingrat qui avait des pensées rebelles servirait au moins d’exemple aux autres cinquante-et-une sectes et cela leur ferait savoir qu’il était hors de question que le seigneur du Dao Démoniaque se laisse insulter par eux et marcher dessus.
Quoi que pouvaient en dire le monde et les générations futures, aux yeux de Sun Yuanzhou, Jiu Zhideng était le héros du Dao Démoniaque sans le moindre doute.
Après avoir donné ses ordres à son disciple, Sun Yuanzhou fit demi-tour et retourna dans le Palais de Bambou Vert, continuant à chercher de toutes ses forces un oreiller pour son maître.
Après avoir fouillé partout, il trouva une petite boîte de glace dans un compartiment secret sous le bureau.
La boîte était scellée par du pouvoir spirituel, alors Sun Yuanzhou ne pouvait pas l’ouvrir. En plus, cela ne l’intéressait guère d’explorer les secrets de Jiu Zhideng. Il retira plutôt sa tunique extérieure et l’enroula autour de la boîte de glace en plusieurs couches, faisant ainsi un oreiller de fortune. Puis il alla le caler sous la nuque de Jiu Zhideng.
L’homme allongé sur le divan était très sensible : il ouvrit les yeux dès qu’il se fit toucher.
Son regard se focalisa sur la personne en face de lui et il cessa de délirer :
« … Sun Yuanzhou. »
Ce dernier répondit très doucement :
« Oui. »
Jiu Zhideng referma les yeux un moment et quand il les rouvrit, une autre inquiétude lui était venue à l’esprit :
« … Wen Xuechen, vous ne l’avez toujours pas retrouvé ?
– En réponse au maître, les disciples continuent de le chercher, » rapporta Sun Yuanzhou.
Allongé sans bouger sur le divan, Jiu Zhideng fit :
« Si un espion le voit avec grand frère martial ou bien si on le retrouve dans les Terres Sauvages, il faut absolument venir me le dire. »
Sun Yuanzhou ne parvenait pas à comprendre comment Jiu Zhideng n’arrivait pas à se sortir de la tête un cadavre réveillé alors que la bataille était imminente. Cependant, il joignit ses mains respectueusement et répondit :
« Entendu, c’est bien noté. Le maître désire-t’il autre chose ?
– En effet, il y a encore quelque chose. »
Sun Yuanzhou leva les yeux pour regarder Jiu Zhideng et il l’entendit demander doucement :
« Si tu étais le seigneur du Dao Démoniaque, dans ces circonstances, tu te rendrais ou bien tu te battrais ? »
Les genoux de Sun Yuanzhou faiblirent aussitôt et il se prosterna violemment au sol, suant à profusion. Il refusa de dire un mot.
Jiu Zhideng garda aussi le silence, attendant sa réponse.
Pendant ce silence qui s’éternisait, le visage de Sun Yuanzhou devint aussi rouge que du papier doré et il grinça des dents jusqu’à en avoir mal. Il ne se résolut à répondre qu’après être sûr qu’il ne pourrait pas y réchapper et déballa d’un coup ce qu’il avait sur le cœur :
« Si ce subordonné était le seigneur, il abandonnerait la Montagne de la Tombe du Vent pour protéger la majorité des autres sectes. »
Sun Yuanzhou voulait en fait dire que s’il avait été le maître du Dao Démoniaque à l’époque, il aurait soit décidé de laisser les Démoniaques anéantir les quatre grandes sectes, détruire le mal à sa racine, les laisser se livrer à la luxure à cœur joie et agir à leur guise, tout ça pour être tranquille, ou bien devenir un ministre des quatre sectes pour avoir la paix et s’épargner bien des soucis.
Jiu Zhideng avait choisi une voie où il devait lutter en permanence. Cela ne servait à rien d’être bon, cela ne servait à rien d’être méchant. Démoniaque ou pas Démoniaque, Daoïste ou pas Daoïste, humain ou pas humain, Revenant ou pas Revenant, à quoi bon se tourmenter ?
Après avoir entendu la réponse de Sun Yuanzhou, Jiu Zhideng resta silencieux un bon moment.
Sun Yuanzhou ne parvenait pas à déterminer son état d’esprit et se sentit un peu mal à l’aise.
« Ce subordonné a juste parlé sans réfléchir… »
Avant qu’il ne puisse finir sa phrase, Jiu Zhideng saisit son col et le tira vers lui pour lui murmurer quelque chose à l’oreille.
Sun Yuanzhou tressaillit soudain et sa gorge se serra.
« Maître, non… »
Jiu Zhideng resserra sa prise sur son col et ajouta quelques mots.
Le visage de Sun Yuanzhou changea soudain d’expression. Ses lèvres tremblèrent et ses yeux gris furent envahis par une très profonde tristesse.
« … Maître, je comprends. »
Jiu Zhideng le lâcha, puis se rallongea sur le divan. Il rendit à Sun Yuanzhou sa tunique supérieure et garda la boîte de glace dans ses bras. Il fit doucement :
« Fais ce que je t’ai dit. »
Puisque Jiu Zhideng refusait d’intervenir personnellement, toutes les sectes du Dao Démoniaques durent s’allier à contrecœur. C’était une chose de s’insulter, c’était une chose de se quereller mais dans le fond, elles voulaient toutes avoir la vie sauve.
Cependant, la situation actuelle était à l’opposé total de lorsqu’ils avaient attaqué les quatre sectes face au même ennemi.
Treize plus tôt, le maître Qing Jing était mort, Xu Xingzhi avait été chassé de sa secte et Meng Chongguang s’était enfui avec lui. Les quatre sectes se croyaient en sécurité en comptant sur le pouvoir de faux artefacts mais au bout du compte, elles se firent prendre par surprise par l’attaque brusque du Dao Démoniaque.
Treize ans plus tard, les cultivateurs honorables n’avaient plus ni artefacts, ni demeures mais heureusement, leur sang était resté bouillant. Désormais, c’étaient les Démoniaques qui étaient pris par surprise.
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Treize années, ce n’était ni trop court, ni trop long. Ceux qui se rappelaient comment le Dao Démoniaque avait vaincu les quatre grandes sectes à l’époque étaient encore en vie et beaucoup de gens arrivaient encore à distinguer qui représentait le bien et qui représentait le mal.
Le Dao Démoniaque n’était pas orthodoxe. À l’époque, il s’était imposé avec une grande puissance dans une attitude d’une élégance extrême. Toutefois, cela faisait longtemps que toutes sortes de problèmes existaient : une seule personne pour régner, des frictions parmi les différentes factions, la désobéissance envers les supérieurs. Quand Xu Xingzhi et les autres s’étaient échappés des Terres Sauvages et avaient attaqué à l’improviste avec une force à écraser un bambou, leur armure relativement belle et lumineuse avait aussitôt volé en éclats, ne laissant que des plumes de poulet par terre.
Avec la confusion se répandirent des rumeurs.
En temps de guerre, les rumeurs se répandaient toujours plus vite et plus largement que la vérité. En particulier après la bataille du Pic du Yang Vermillon, tous les disciples Démoniaques ne faisaient que parler des pouvoirs surnaturels de Xu Xingzhi. Ils ajoutaient des détails et les histoires se transmettaient de bouche à oreille, alors les rumeurs devinrent de plus en plus exagérées.
— Xu Xingzhi n’avait qu’à dessiner une porte dans les airs pour se rendre où il le souhaitait.
— S’il voulait renverser une montagne ou assécher une rivière, il n’avait qu’à s’asseoir à une table et écrire.
En résumé, il possédait le pouvoir de rendre réel tout ce qu’il écrivait. S’il écrivait au pinceau le nom d’une personne, il pouvait lui ôter la vie à des centaines de li de là en lui tranchant la tête. Il était comme un Yama vivant qui détenait le légendaire pinceau du juge des Enfers.
Les rumeurs qui se répandaient devenaient de plus en plus incroyables. Après que Xu Xingzhi et les autres se soient emparés du Pic du Yang Vermillon pour s’y installer, il y eut un léger tremblement de terre sur le mont Tailai où était située la secte Démoniaque des Trois Passions. Cela terrifia et fit paniquer les femmes disciples qui pratiquaient la cultivation de la chair. Elles s’écrièrent que c’était un avertissement de la part de Xu Xingzhi : si elles ne se rendaient pas, qui sait si la prochaine fois qu’il agiterait son pinceau, il n’allait pas réduire toute la montagne en morceaux ?
Les quatre grandes sectes étaient arrivées remplies de haine et elles étaient déjà puissantes. En plus des rumeurs, quand ils s’infiltrèrent dans une seconde alliance temporaire au moyen de la porte des Terres Sauvages, les trois alliances restantes cédèrent totalement à la panique.
Ces alliances qui avait été décidées à la va-vite s’effondrèrent sans la moindre résistance, chacun se sauva dans son coin sans la moindre solidarité. Le Dao Démoniaque devint rapidement comme du sable qui coulait.
Au contraire, les cultivateurs errants qui avaient dû subir la répression du Dao Démoniaques depuis des années se rassemblèrent.
Au fil des années, tandis que le pouvoir du Dao Démoniaque grandissait, ils n’avaient pas eu d’autre choix que de disparaître, craignant que le Dao Démoniaque ne leur fasse subir des représailles. Après tout ce temps, ils retrouvèrent enfin de l’espoir. Aussitôt, ils contactèrent le Pic du Yang Vermillon et l’Île du Fleuve Céleste. Des cultivateurs de tous horizons se mêlèrent sans souci aux troupes des quatre sectes.
Actuellement, c’était Qu Chi qui gérait toutes les affaires des quatre grandes sectes. Face aux condisciples, cultivateurs errants et cultivateurs Démoniaques venus se rendre ou exprimer leur bonne volonté, Qu Chi les interrogea et les accepta un par un. Il était si occupé que ses pieds ne touchaient plus terre, mais tout était bien organisé. Telle une girouette, il surplombait tout et organisait les choses de manière ordonnée.
Quant à Xu Xingzhi qui était le centre de toutes les rumeurs, il était naturellement bien content que le monde extérieur se charge d’amplifier les mystères autour de lui. Alors il en profita simplement pour faire une pause. Il poussa Zhou Wang et lui demanda d’aider Qu Chi pour diverses affaires.
La jeune fille ne comprit pas tout de suite ces intentions, pourtant elle l’écouta sans discuter.
En moins de trois jours, elle se mit à éprouver une admiration sincère pour Qu Chi.
Le gentil parrain qui était toujours prêt à partager un bonbon / caillou avec elle dans les Terres Sauvages était bien différent de l’homme qu’elle voyait traiter les affaires avec efficacité, en sachant avancer ou reculer quand il le fallait. Quelle que soit la version de son parrain, elle l’aimait énormément.
Elle confia à Xu Xingzhi en privé :
« Mon parrain est vraiment extraordinaire.
– Extraordinaire, hein ? »
Xu Xingzhi sourit tout en pelant des oranges.
« Apprends plus auprès de lui : ce que cela veut dire d’avancer en brandissant son épée pour conquérir le monde, puis de reculer pour gouverner le monde. … Au fait, ne t’inspire pas de ton oncle. Il est bon uniquement à agiter une lance et faire danser un sabre. S’il se distinguait bien dans les Terres Sauvages, ici, dans un monde en paix, son talent à la lance est toujours juste bon à faire des spectacles de rue. »
Quand il eut fini de parler, il se fit pourchasser par Zhou Beinan qui avait entendu par accident sa remarquable opinion. L’autre homme le poursuivit presque sur deux li pour lui éclater la tête sur une pierre.
Cela dit, Xu Xingzhi n’était pas complètement oisif.
Un jour, Qu Chi revint à son palais après une dure journée bien chargée. Il aperçut alors Xu Xingzhi qui donnait des instructions à Meng Chongguang devant sa fenêtre.
Un des côtés du visage de Meng Chongguang était couvert de boue. Xu Xingzhi était accroupi à côté de lui et se moquait gentiment :
« Petit chat. »
La main couverte de boue de Meng Chongguang bondit vers lui comme un chaton, laissant trois empreintes de doigts sur sa joue.
« Grand frère martial aussi. »
Xu Xingzhi fut obligé de se mettre assis à cause de lui. Les deux chats rirent ensemble. Qu Chi ne put s’empêcher de sourire avec eux.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Mais très vite, il aperçut quelque chose de bizarre devant sa fenêtre : il y avait un pêcher.
En voyant l’arbre faible et tranquille, le cœur de Qu Chi se serra. Il ne put se maîtriser et fit deux pas en avant.
« … Xingzhi. »
Xu Xingzhi était en train de ressuyer avec un mouchoir le visage de Meng Chongguang qui refusait de se tenir tranquille et jouait les fripouilles. Quand il releva la tête, ses yeux rieurs étaient plissés.
« Tu es rentré ? »
Il remit le mouchoir dans sa manche et ramassa l’éventail en bambou posé à côté de lui.
« La montagne de Sa Si est humide et chaude. J’avais peur que Xiao Tao ne soit pas à l’aise là-bas, alors je te l’ai ramené à l’avance. »
Le Pic du Yang Vermillon avait toujours joui d’eau spirituelle et les terres étaient très riches et fertiles. Xu Xingzhi tapota de son éventail la terre retournée près du petit arbre : la terre noire était presque gorgée d’eau et de nutriments.
Xu Xingzhi se tourna de nouveau vers Qu Chi :
« Regarde, cet endroit est parfait. Il y a du soleil et tu peux le voir dès que tu ouvres ta fenêtre. Au printemps prochain, Tao Xian va pouvoir pousser et fleurir. »
Note de Karura : Encore un long chapitre, bien qu’un peu moins long que le monstre précédent…
Prochain chapitre : adieu, Jiu Zhideng.
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