4. Sans titre
Sur les rives de la rivière Li, le paysage de printemps était lumineux et le vent du sud soufflait. Un vieux pêcheur sur un radeau en bambou tenait sa canne à pêche dont le reflet sur l’eau était déformé par les nombreuses ondulations à la surface.
L’odeur des jeunes roseaux mélangée à l’humidité soufflait sur les visages. La vapeur d’eau n’était pas trop chaude et c’était très rafraîchissant sur le corps et le visage.
Pas très loin des roseaux, un bateau à fond plat voguait. Xu Pingsheng était assis sur un bord. Il tenait une racine de roseau sucré et la suçait pour en extraire le jus.
Comparé à lui, Sa Si était dans un état bien plus embarrassant. Son visage était couvert de fleurs de roseaux, comme si une poule avait fait son nid sur sa tête.
Tout en agitant la rame, Sa Si ne cessa de se plaindre :
« Ce n’est pas toi qui voulais faire du bateau ? J’ai juste fait un petit somme, pourquoi tu n’as pas dirigé la barque ailleurs quand elle s’est coincée dans les roseaux ?! »
Xu Pingsheng aimait les roseaux alors au lieu de se disputer avec lui, il cassa en deux une racine de roseau et la mit en bouche pour sucer le jus sucré.
N’obtenant pas de réponse, Sa Si prit simplement la longue rame et le frappa dans le bas du dos avec.
« Ai ai ai, debout et allonge-toi comme un crétin. »
Xu Pingsheng se pinça les lèvres et le regarda de nouveau. Quand il vit sa tête couverte de fleurs de roseaux comme un nid, il en resta stupéfait un moment, puis le coin de ses lèvres s’étira légèrement vers le haut.
Sa Si se sentit soudain rafraîchi et sa voix se fit plus forte :
« … Tu sais rire, ah ?! »
Xu Pingsheng rabaissa subitement ses lèvres en une ligne fine et détourna le regard, ne le laissant plus regarder.
Un Xu Pingsheng qui pouvait rire attisa naturellement l’intérêt de Sa Si.
Ensuite, le jeune homme s’ingénia par tous les moyens et fit tout son possible pour faire de nouveau rire Xu Pingsheng.
Cependant, le visage de l’autre resta aussi austère et ennuyeux qu’une tombe. Sa Si eut beau faire le clown et des grimaces, Xu Pingsheng resta de marbre.
Après plusieurs tentatives ratées, Sa Si se découragea. Il se plaignit en marmonnant :
« Tu es encore plus difficile à plaire que la beauté principale d’une maison de fleurs. »
Xu Pingsheng répliqua :
« Parce que tu as déjà visité une maison de fleurs ? »
Sa Si rougit et fit sur le ton de la confidence :
« Pas moi, ah. Mais Xu Xingzhi m’a dit ça. Il a dit que des gens étaient prêts à dépenser une tonne d’argent pour faire simplement rire la beauté principale. »
Xu Pingsheng fronça les sourcils et fit :
« Xingzhi est bien trop jeune pour aller dans ce genre d’endroits. Ne salis pas son innocence. »
Cela fit rire Sa Si :
« … Parce qu’il est vraiment encore innocent ? »
Xu Pingsheng ne fut pas du tout content que l’autre se permette ce genre de commentaire sur son petit frère. Il allait exploser quand soudain, Sa Si agit le premier : il le prit dans ses bras et chatouilla la chair tendre de sa taille et de ses aisselles, tout ça dans l’espoir de le faire rire.
Xu Pingsheng ouvrit de grands yeux.
En tant que cadavre réveillé, il ne connaissait plus le chatouillement ou la douleur. Mais que ce soit de son vivant ou après sa mort, il avait toujours eu un rejet instinctif des gestes trop intimes.
Sa Si confondit son rejet avec une réaction à ses chatouillis, alors il redoubla d’efforts. En réaction, Xu Pingsheng qui se débattait lui frappa plusieurs fois la tête très fort, ce qui mit Sa Si très en colère.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Les deux jeunes gens passèrent d’un jeu à un vrai demi combat. Ils roulèrent sur la barque en bambou et projetèrent de l’eau partout. Tout ça finit par agacer le vieux pêcheur plus loin qui leur cria plusieurs fois d’arrêter de faire peur aux poissons.
Les deux n’eurent pas d’autre choix que de s’arrêter et de se fixer du regard.
Après un moment, Sa Si fit d’un ton fâché :
« … Je veux manger du sanhuafen. »
Quand ils étaient en voyage, c’était Xu Pingsheng qui gérait l’argent. Autrement, il suffisait que Sa Si voie une bonne épée pour être capable de dépenser toutes leurs économies d’un coup. Ensuite, les deux devraient dormir dans des temples en ruines et se nourrir de baies sauvages.
Serrant la bourse, Xu Pingsheng fit lui aussi d’un ton irrité :
« J’ai faim. »
Un demi shichen plus tard, ils étaient revenus à l’auberge de la ville de Li où ils logeaient.
Bien que Sa Si ne suivait plus le Dao Démoniaque et ne pratiquait plus la secte de sang et de cadavres comme autrefois, il ne suivait pas non plus la voie de la cultivation et la méditation. Par conséquent, il ne se privait pas des désirs des mortels ordinaires. Il avait entendu dire que le sanhuafen de la rivière Li était un incontournable. Sa Si avait parlé d’en manger lorsqu’ils étaient encore à cent lis de la petite ville de Li. Et à présent, il était assis dans un stand de nouilles et contemplait le bol de nouilles de sanhuafen au bouillon clair et à la saveur rafraîchissante placé juste devant lui. Du coup, il avait totalement oublié depuis longtemps la dispute désagréable de tout à l’heure.
Il poussa naturellement le bol vers Xu Pingsheng :
« Mange d’abord. »
Contrairement à lui, Xu Pingsheng était nettement plus rancunier. Sans la moindre hésitation, il prit le bol d’assaisonnement et le versa en entier dans son bol. Après avoir utilisé la bouteille de vinaigre, il la cacha exprès sous le banc.
Quand la part de Sa Si fut déposée sur la table, il voulut l’assaisonner à son tour mais ne trouva rien.
Il regarda tout autour :
« … Vinaigre. »
Xu Pingsheng garda le silence.
En regardant tout autour, Sa Si ne vit pas le vinaigre mais ne se posa pas plus de questions que ça. Avec agilité, il prit de la poudre dans le bol de l’autre homme et prit même une demi-cuillère de bouillon vinaigré pour l’ajouter au sien.
Xu Pingsheng : « … »
Il était vraiment furieux, si furieux qu’il ne voulait plus payer l’addition.
Une fois leurs estomacs remplis, la note fut payée et les deux jeunes gens s’ennuyèrent, alors ils allèrent se promener dans la rue.
Xu Pingsheng savait que ce que Sa Si préférait le plus dans la vie, c’était les épées. Chaque fois que le Démoniaque se rendait dans une ville, il devait visiter le magasin d’armes du coin le plus correct afin de s’y renseigner sur les pierres locales utilisées pour fabriquer les armes. Après s’être bien renseigné, il devait forcément aller dans les montagnes alentours pour chercher des pierres. Si par malheur, il ne trouvait rien de convenable pour fabriquer une épée, il retournait aussitôt dans le magasin d’un pas furieux et traitait l’échoppe “d’endroit pourri, je n’y remettrai plus jamais les pieds !”
Comme cette routine se répétait à chaque fois qu’ils étaient en voyage, dès qu’ils quittèrent le stand de nouilles, Xu Pingsheng se mit à interpeler les passants :
« Excusez-moi, où se trouve le magasin d’armes d’ici… ?
– Pourquoi un magasin d’armes ? »
Contre toute attente, Sa Si lui prit le bras comme à un poulet.
« Viens, allons visiter la ville. »
Quand Sa Si disait qu’il voulait visiter, cela voulait vraiment dire visiter.
Il emmena d’abord Xu Pingsheng chez le couturier. Il désigna une pile de fils à broder et demanda :
« Quelle couleur tu préfères ? Choisis. »
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Face au regard confus de l’autre homme, Sa Si lui murmura à l’oreille avec une certaine complaisance :
« La prochaine fois que tu perdras un bras ou une jambe, je te ferai une broderie sur la partie amputée. Tu préfères des canards mandarins jouant dans l’eau ou bien les Huit Immortels qui présentent leur vœu d’anniversaire aux personnes âgées ? »
Xu Pingsheng préféra s’abstenir de répondre.
Vu les talents de Sa Si pour la broderie, ce serait déjà bien si ses canards mandarins ressemblaient à des poulets.
Il entortilla quelques fils autour de ses doigts et commenta :
« C’est trop souple et trop cassant. Le fil à coudre est plus solide.
– … Si tu veux que ce soit solide, il n’y a qu’à y injecter du pouvoir spirituel, fit Sa Si en riant. Je t’ai cousu de manière si horrible avant. Si je n’avais pas eu peur que tu ne tombes en morceaux, j’aurais tout enlevé pour recommencer. »
Xu Pingsheng roula des yeux et finit par choisir deux bobines de fils de broderie qui étaient assez proches de sa couleur de peau. Quant à Sa Si, il prit des fils indigo, orange et rouge, sans se soucier de la discrétion.
« Ça et ça, vous pouvez tout emballer. »
Sa Si désigna joyeusement Xu Pingsheng du doigt et fit au vendeur :
« C’est lui qui paye. »
Xu Pingsheng : « … »
Les deux hommes continuèrent de flâner dans la ville toute l’après-midi, achetant des choses qui étaient inutiles du point de vue de Xu Pingsheng : des fruits confits et des prunes séchées, du tofu mariné et de la sauce pimentée, tout ça occupait déjà deux grands sacs pleins. Il y avait aussi tout plein d’autres petits objets pris sur les étals et c’était Xu Pingsheng qui portait tout.
Il leva les yeux vers le ciel et vit les nuages qui commençaient à s’empourprer. S’ils restaient encore plus longtemps, ils n’auraient pas le temps de se rendre dans les montagnes pour y chercher des pierres.
Toutefois, Sa Si ne semblait pas pressé. Il s’arrêta une fois de plus devant le stand d’un peintre et regarda en se caressant la joue.
L’érudit d’âge moyen qui tenait le stand aperçut un nouveau client qui s’arrêtait. Il l’accueillit aussitôt d’un ton chaleureux :
« Cher client, désirez-vous que je peigne votre portrait ? On peut justement voir les monts du Buffle Jaune d’ici. Pour seulement trois pièces d’argent et si vous restez poser pendant un shichen, mon humble personne pourra peindre un beau tableau avec les montagnes, la rivière et vous-même, cher client. »
Quand Xu Pingsheng entendit le prix trop cher, il allait refuser. Ce fut alors qu’il entendit Sa Si faire :
« Quatre pièces d’argent pour deux personnes, qu’en dis-tu ? »
Le visage de l’érudit se fendit d’un grand sourire et il étala aussitôt le papier de riz.
« D’accord, d’accord, d’accord. »
Xu Pingsheng s’étrangla de colère :
« Toi — »
Sa Si tira un tabouret vers lui avec le pied. Il retira les sacs en papier et tissu que tenait son compagnon pour les poser à côté. Il força ensuite Xu Pingsheng à s’asseoir en faisant :
« Quand on vient à la rivière Li, il faut bien en garder un souvenir, pas vrai ? »
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Ce souvenir était bien trop cher payé. Xu Pingsheng n’avait pas envie et il remit le sac d’argent autour de sa taille. Il allait reculer quand Sa Si le saisit par le poignet.
« Hé, tu as déjà fait un portrait ? »
Xu Pingsheng secoua la tête.
« Quelle coïncidence, moi non plus ! »
Sa Si s’assit joyeusement sur le tabouret et il tourna la tête vers lui.
« Vite, recoiffe-moi, que ce soit encore plus beau. »
Xu Pingsheng était furieux de le voir si dépensier et qu’il ne pouvait rien y faire. Il se servit de ses mains pour se défouler : il fit exprès de serrer très fort les cheveux de Sa Si en les attachant, si fort que l’autre homme se mit à sourire et que le coin de ses yeux fut étiré vers le haut.
Sa Si ne se fâcha pas contre lui. Une fois ses cheveux bien coiffés, il le fit s’asseoir avec lui sur le tabouret et fit au peintre :
« Excuse-moi, tu pourrais le dessiner en train de sourire ? »
Xu Pingsheng : « … »
Bien entendu, l’érudit accepta volontiers, quoique Xu Pingsheng restait sceptique. Et pour une pièce d’argent de plus, l’homme allait les peindre comme deux immortels.
Ce fut aussi la première fois que Xu Pingsheng posait pour un portrait de toute sa vie. Après être resté assis bien droit et aussi immobile qu’une montagne pendant très longtemps, il se rendit compte qu’il pouvait quand même parler et bouger.
« … Et tes épées ? demanda-t’il à Sa Si à voix basse. Quand est-ce que tu vas aller chercher tes épées ? »
Sa Si regarda droit devant lui et répondit brièvement :
« Je n’irai pas. »
Xu Pingsheng songea : Il veut sûrement dire qu’il n’ira pas aujourd’hui.
Ils allaient devoir payer une nouvelle nuit à l’auberge, ah…
À travers le tissu de la bourse à sa taille, il compta les pièces du bout des doigts. Après un après-midi à dépenser sans compter, la bourse était plutôt vide, il ne restait plus que quelques taëls d’argent, ce qui était un peu minable.
Cela dit, il savait qu’il y avait aussi des pierres spirituelles dans sa bourse. Du moment qu’il en échangeait une, cela donnerait suffisamment d’argent pour qu’ils logent dans la chambre céleste d’une auberge de première classe pendant cinq ans.
Mais il ne fallait pas toucher à ces pierres spirituelles : Sa Si en avait besoin pour acheter les pierres qui servaient à fabriquer les épées.
Xu Pingsheng ne pouvait que s’inquiéter pour leurs conditions de vie.
Quand le portrait fut achevé, les nuages empourprés dans le ciel avaient peu à peu disparu. Sur la peinture, il y avait les montagnes, la rivière et deux personnes assises côte à côte sous les nuages ardents.
Sa Si prit leur portrait et le contempla inlassablement.
Après avoir quitté l’étal et marché un bon moment, Xu Pingsheng continuait de faire la tête.
« … Trop cher. »
Sa Si regarda le Xu Pingsheng du portrait qui était en train de sourire et fit en riant :
« Quatre pièces d’argent pour te voir avec un visage souriant, c’est une bonne affaire ! »
Xu Pingsheng, qui se faisait du souci pour l’argent, lâcha sans réfléchir :
« Plutôt que de claquer notre argent, j’ai autant te sourire… »
Sa voix se tut aussitôt.
Sa Si devina la fin de sa phrase. Il rangea le rouleau et fit :
« D’accord, c’est toi qui l’as dit. Vas-y, souris-moi. »
Xu Pingsheng détourna le regard.
« … »
Sans vergogne, Sa Si imita les prostituées et saisit le menton de Xu Pingsheng. Ce dernier rougit subitement et leva son pied pour le frapper. Sa Si reçut le coup directement, mais ne se fâcha pas. Il éclata de rire et ébouriffa les cheveux de l’autre homme.
À cause de sa grande gueule, Sa Si se faisait frapper au moins huit fois par jour par cet âne sauvage. Malgré tout, il ne retenait pas ses paroles et ne s’en lassait jamais.
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Ils retournèrent à l’auberge et s’installèrent pour une autre nuit.
Comme Sa Si l’avait trop taquiné tout à l’heure, Xu Pingsheng l’ignora et fit simplement le tri dans ce que Sa Si avait acheté en faisant la tête. Après ça, il quitta la chambre.
Après que Sa Si ait prit son bain, Xu Pingsheng n’était toujours pas revenu.
Les cheveux mouillés, le jeune homme était bien trop fainéant pour employer un sort afin de les sécher. Il se mit au lit avec un abricot sec dans la bouche, allongé sur le dos. Il laissa pendre ses cheveux trempés d’un côté du lit, mâchonnant sa friandise en attendant que ses cheveux sèchent tous seuls.
S’il avait osé faire ça en présence de Xu Pingsheng, il se serait fait forcément éjecter du lit. Il ne pouvait donc agir comme ça que lorsque Xu Pingsheng n’était pas là.
S’ennuyant, il sortit le portrait qu’il avait fait peindre dans l’après-midi et l’examina de nouveau.
Franchement, le talent de peintre de cet érudit ne valait pas quatre pièces d’argent : le portrait était un peu grossier mais heureusement, les expressions étaient bien faites. Le Xu Pingsheng de la peinture souriait légèrement et son visage était cent fois plus doux que d’habitude.
Sa Si espérait que Xu Pingsheng allait un jour ressembler à cet homme sur le portrait, pas comme maintenant. Il souhaitait que l’autre devienne un bon compagnon de voyage, tout comme l’avait été son père.
En songeant à cela, Sa Si serra le portrait dans ses bras. Il se tourna sur le côté et sans s’en rendre compte, il s’endormit. Il allait dans ses rêves trouver son compagnon de voyage Daoïste qui aimait parler et rire.
Au milieu de la nuit, le vent de la montagne souffla par la fenêtre ouverte et le volet claqua, réveillant Sa Si qui dormait d’un sommeil léger sur le lit ;
… L’autre côté était vide, Xu Pingsheng n’était toujours pas revenu.
Subitement alarmé, Sa Si se tourna et se leva du lit. Il poussa pour ouvrir la fenêtre qui venait juste d’être refermée par la brise nocturne.
L’air humide et frais lui sauta au visage, mais il n’avait pas du tout le cœur à apprécier ça. Il contempla le croissant de lune dans le ciel, puis leva sa main pour recouvrir son œil droit.
— Comme Xu Pingsheng avait bu son sang, il avait un contrat de sang avec Sa Si et pouvait être considéré comme son esclave cadavre. Les deux partageaient donc leurs yeux : chacun pouvait voir et entendre ce que l’autre voyait et entendait.
Peu de temps après, Sa Si pâlit soudain. Il posa une main sur le bord de la fenêtre et sauta dans la nuit brumeuse.
En un instant, il disparut de la rue.
La lune brillait vivement dans le ciel et la Voie Lactée étincelait aussi, ajoutant un certain charme pittoresque à la vallée montagneuse.
Toutefois, dans une grotte sombre dans la vallée, des lianes grimpantes séparaient nettement l’intérieur et l’extérieur en deux mondes totalement différents.
Les mains de Xu Pingsheng étaient fermement attachées dans son dos et il gisait dans une mare de son propre sang. Son corps était si pâle, comme s’il ne contenait plus la moindre trace de sang. Sur les poignets, la nuque et les chevilles exposées, on voyait plein de petites coupures faites par une lame acérée. Les plaies étaient blanches et il n’y avait plus assez de sang pour qu’elles saignent.
Une personne s’approcha oisivement. Elle posa son pied sur le visage de Xu Pingsheng et le retourna pour qu’il soit allongé sur le dos.
Xu Pingsheng ne poussa même pas un cri de douleur. Il avait les yeux légèrement fermés, comme étourdi.
L’homme renifla de mépris.
« Il ne sent pas la douleur et ne peut pas mourir, alors c’est vraiment bien trop facile pour lui. »
À ces mots, un serviteur qui le suivait derrière fit écho à ses paroles :
« Le maître de secte a bien raison, c’est vraiment trop facile pour cet homme. Si vous voulez briser le cœur de ce Sa Si, mieux vaut directement démembrer cette personne et réduire ses os en poussière… »
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Dans l’obscurité de la grotte, la voix grave de l’autre homme fit soudain :
« Si on le tue pour de bon maintenant, comment Sa Si fera-t’il pour le retrouver ? Comment l’attirer dans notre piège sans ça ? »
Quand cet homme ouvrit la bouche, celui qui avait flatté le ‘maître de secte’ à l’instant n’osa pas en dire plus. Il ce contenant de faire stupidement :
« Votre honneur, vous avez raison… »
L’homme qu’il venait d’appeler ‘votre honneur’ eut un rire sombre :
« Il ne faut pas le tuer, mais on peut toujours s’en servir pour aiguiser nos lames. »
Le flagorneur eut un gloussement. Il joignit les mains vers l’endroit dans l’ombre et fit :
« Ce subordonné a compris les ordres de votre honneur… »
Cependant, avant qu’il ne puisse en dire plus, un cri comme un rugissement de dragon lui parvint soudain d’au-dessus.
Les pierres furent éclaboussées et un Qi d’épée s’abattit !
La tête s’envola violemment en aspergeant tout de sang, laissant uniquement un tronçon de nuque de la taille d’un bol qui pissait le sang comme un volcan en éruption. Mais le liquide pourpre ne toucha pas les vêtements de son assaillant.
Sa Si se tenait sur le vent astral généré par l’épée. Sa longue tunique voleta un moment, avant de s’immobiliser.
Il posa les yeux sur Xu Pingsheng qui baignait dans son propre sang. Ses yeux bleu de corbeau révélèrent une lueur aussi froide et tranchante que la lame d’une épée.
« … Qu’est-ce que tu viens de dire ? Qui est ton aiguisoir ? »
Naturellement, ces paroles n’étaient pas destinées à Xu Pingsheng. Pourtant ce dernier bougea un peu en entendant cette voix familière.
Même s’il avait été vidé de son sang, Xu Pingsheng ne ressentait aucune douleur. Par contre, il était très fatigué et ses paupières étaient extrêmement lourdes. Il ne put donc pas voir clairement le visage du nouveau venu.
… Mais il se sentait mystérieusement en sécurité.
Quand Sa Si fit exploser les roches et fit irruption dans la grotte, le maître de secte s’était déjà relevé d’un rocher humide. Quelques rayons de clair de lune projetés dans la grotte illuminèrent un visage pâle et hagard.
« Sa Si, tu arrives juste au bon moment ! Tu as déshonoré le sang de la voie Démoniaque, tu as rejoint l’ennemi, tu as caché les rebelles des quatre grandes sectes dans la montagne de Qiemo et tu as comploté pour nuire à la grande cause de la voie Démoniaque ! Comment pourrait-on te laisser continuer à vivre après de tels crimes ?! Quiconque ayant la moindre goutte de sang de Démoniaque ne peut que pourchasser un tel pécheur et le tuer !
– Arrête un peu tes grands discours ! »
Sa Si étira les lèvres en un sourire mauvais et fit en ricanant :
« … Tu montres ta bravoure en kidnappant mon ami Daoïste et en le torturant, tout ça en attendant que je vienne de moi-même ? »
Le maître de secte fit avec un sourire sinistre :
« À quoi bon s’arrêter sur les petits détails quand un homme devient un héros ? »
Quand il eut fini de parler, il tapa fort dans ses mains plusieurs fois. Le trou sombre et qui semblait étroit s’étira à l’infini des deux côtés et la série de roches accidentées dans l’obscurité se transformèrent en formes noires, humaines et vêtues de noir : des disciples démoniaques !
Sa Si renifla.
— Cette illusion avait été très bien faite. Même lui s’y était laissé prendre un moment.
D’innombrables paires d’yeux glaciaux se fixèrent sur le visage de Sa Si. Si les regards pouvaient lancer des couteaux, le jeune homme serait déjà coupé en mille morceaux et laissé mort sur place.
Le maître venait de dévoiler son atout et il eut un rictus glacial :
« J’ai une tortue dans un bocal à attraper, le jeune seigneur Sa peut-il m’aider ? »
Sa Si eut un léger rire et suivit ses paroles :
« Attraper une tortue dans un bocal, j’aime bien cette expression. »
Il tourna la tête et son épée, qui retombait à ses côtés jusque là et dont la lame dégoulinait de sang, fut placée à l’horizontale le long de son avant-bras gauche. La manche gauche repliée servit à ressuyer le sang sur la lame, dévoilant une lueur comme de la neige.
« … Au bout du compte, cela fait cent vingt-et-une tortues. Je n’ai qu’à les attraper proprement. »
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Le cerveau du maître connut un moment de blanc.
Sa Si… comment pouvait-il qu’il y avait en tout cent vingt-et-un disciples démoniaques dans cette grotte, y compris le maître ?
S’en était-il rendu compte dès le début ?
Non, c’était absolument impossible !
Le maître avait totalement confiance en son illusion.
Cela dit, si Sa Si n’avait pas repéré l’illusion à l’avance, il y avait alors une explication encore plus terrifiante que ça : en si peu de temps, Sa Si aurait déjà senti la présence de tous les autres et compté combien de gens il y avait dans la grotte !
Alors que le maître était en proie au doute, la lame que Sa Si venait de nettoyer avec sa manche retomba à ses côtés. Avec le mouvement, elle émit une légère vibration et le chant d’une épée.
Ce ne fut qu’à ce moment que les yeux de Sa Si furent animés d’une lueur assoiffée de sang qui était propre aux membres du Dao Démoniaque. Mais le coin de ses lèvres restait étiré en un sourire, ce qui rendait l’ensemble encore plus effrayant à voir.
« … Je plaisante. Vous n’êtes pas des tortues, vous n’êtes que des aiguisoirs de piètre qualité ! »
Tandis que l’épée répandait le sang et que des cris à glacer le sang et des lamentations retentissaient de toute part, la respiration de Xu Pingsheng s’accéléra.
Il n’était naturellement pas intéressé par son propre sang qui avait perdu depuis longtemps sa vitalité. Par contre, quand du sang frais fut versé en masse autour de lui, une faim dévorante s’éleva de son estomac. Au bout d’un certain temps, son instinct le poussa à se relever du sol et avec une légère sensation de folie, il se précipita vers le cadavre le plus proche.
Mais avant qu’il ne puisse atteindre la gorge du mort, une paire de bras le retint par derrière.
« … Pingsheng, Xu Pingsheng ! »
Il était si affamé qu’il se débattit désespérément mais à cause de sa perte massive de sang, sa petite résistance faisait plutôt penser à un chat ou un chien qui se frottait contre son maître.
Très vite, l’odeur du sang frais parvint à ses narines, comme si quelqu’un venait de s’entailler le poignet.
La voix d’ordinaire cynique prit soudain un timbre plus doux, comme dans un rêve et elle l’amadoua :
« Allez, bois mon sang. Ne bois pas le leur, c’est sale. »
Xu Pingsheng avait si faim qu’il se rua en avant pour coller sa bouche contre la plaie qui pissait le sang. Il suça avec impatience, faisant un bruit de déglutition très fort du fond de sa gorge pour attester de sa faim et de sa soif immenses.
Il n’aurait su dire quelle quantité de sang il avait bu. Il savait seulement que quand il reprit connaissance et un peu de forces, Sa Si était en train de le porter sur le dos et de redescendre lentement le long du sentier rocailleux de la montagne.
Xu Pingsheng plissa les yeux pour examiner la peau de la nuque du jeune homme qui était la plus proche de lui.
Cette portion de peau était devenue d’une pâleur extrême à cause de la perte de sang. Les veines bleues et violettes du cou se voyaient très nettement à cause de cette pâleur.
« Tu es réveillé ? »
Quand il entendit que la respiration régulière dans son dos s’était arrêtée, Sa Si avait deviné que Xu Pingsheng n’allait pas tarder à se réveiller.
« Comment tu te sens, tu as encore faim ? »
Xu Pingsheng cligna des yeux et répondit honnêtement :
« … Faim.
– Va falloir te retenir un peu. »
Sa Si ajouta ensuite d’un ton rancunier :
« … Ce n’est pas toi qui t’es blessé en se battant contre ces enfoirés, pourtant tu as bu toute une marmite de sang. Alors va falloir te montrer raisonnable. »
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Xu Pingsheng fut un peu honteux de ces paroles.
Il se rappelait encore bien avoir bu du sang et quand Sa Si parlait d’une ‘marmite de sang’, ce n’était pas du tout une exagération.
Même si Xu Pingsheng resta silencieux, cela ne voulait pas dire pour autant que Sa Si n’allait pas avoir le fin mot de cette histoire :
« Qu’est-ce que tu foutais au beau milieu de la nuit à ne pas dormir et à courir partout ? Comment ils t’ont attrapé ? »
Pour être honnête, Sa Si était de très mauvaise humeur.
S’il n’y avait pas eu ses enfoirés pour qu’il puisse se défouler un moment, il n’aurait pas pu promettre de ne pas frapper Xu Pingsheng pendant que l’autre était inconscient.
Comment Xu Pingsheng aurait-il pu ne pas se rendre compte que c’était son imprudence qui avait provoqué ces ennuis ? Il se pressa dans le dos de Sa Si et expliqua en bafouillant un peu :
« … Je suis allé au magasin d’armes pour me renseigner sur les pierres pour toi. »
Sa Si s’arrêta soudain.
Xu Pingsheng continua avec gêne :
« Au départ, j’ai juste demandé ça comme ça. Le vendeur m’a dit que ce n’était pas facile de produire de bonnes pierres en ville car l’endroit était trop proche de l’eau et trop humide. Ils se fournissent donc en pierres dans la vallée du Buffle Jaune. Alors je suis allé… je suis allé dans la vallée du Buffle Jaune en passant pour jeter un coup d’œil. Je n’aurais jamais pensé… »
Quand il entendit son explication, Sa Si redevint subitement de bonne humeur.
« Tu es venu jeter un coup d’œil en passant ? Vraiment ‘en passant’ ? Un ‘en passant’ qui t’a fait faire un détour de quinze li ? »
Un peu gêné, Xu Pingsheng resta allongé sur son dos et ne dit plus rien.
Sa Si descendit rapidement de la montagne, le pas un peu plus léger.
« Tu n’aurais pas dû écouter les conneries de ce vendeur. Les pierres ici sont très mauvaises, je peux le sentir.
– Moi aussi, répliqua Xu Pingsheng d’un ton mécontent. Mais je voulais gagner du temps et éviter des ennuis… Nous sommes restés ici trop longtemps, nous n’avons presque plus d’argent. Comment on va faire au prochain endroit pour trouver des pierres pour forger une épée ? »
Sa Si lâcha un rire étouffé.
Les bras de Xu Pingsheng autour de son cou se resserrèrent.
« … Qu’est-ce qui te fait rire ?
– Durant les treize dernières années, j’ai dû rassembler et préparer des armes afin que les disciples des différentes sectes puissent se protéger. J’ai dû aller un peu partout pour ça. »
Sa Si se tourna à moitié vers lui :
« Maintenant que tout est redevenu stable, nous voyageons tous les deux pour le plaisir et non plus pour chercher des épées. »
D’un ton ignorant, Xu Pingsheng répéta :
« … Tu ne veux vraiment plus en chercher ? »
Sa Si répondit en souriant.
« C’est bien ça, plus besoin d’en chercher. Alors ne planque plus tes pierres spirituelles. Dépêche-toi d’en échanger une pour acheter plus de foie de porc et de poulet dans les deux prochains jours, afin que je reprenne des forces. »
Xu Pingsheng enfouit son visage dans le dos de l’autre homme et répondit, un peu heureux :
« … D’accord. »
Sa Si sentit quelque chose d’étrange dans son dos, mais il ne pouvait pas tourner la tête pour le moment.
« Hé, tu es en train de sourire ? »
Xu Pingsheng recula son visage de lui et se força à effacer le sourire de ses lèvres. Puis il se pressa de nouveau contre Sa Si et feignit d’être sérieux :
« … Non. »
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