Cent façons de tuer un prince charmant 13

Chapitre 13


Shen Jue ne prêta pas attention à la dague de Dao Zhan et il s'avança vers la table avec une expression assurée. Sur la table miteuse, il y avait une théière et trois tasses, le tout en porcelaine blanche et d'un type très commun.

« Mes deux seigneurs, désirez-vous un peu de thé ? »

Shen Jue retourna les tasses sur la table et se prépara à servir du thé.

Dao Zhan jeta un coup d'œil à la théière des plus ordinaires et fit :

« Non merci, petit eunuque. »

Shen Jue pencha la tête et lança un sourire d'excuse à Dao Zhan.

« Cet esclave a vraiment soif. Puis-je boire un peu d'eau avant de répondre à vos questions ? »

En se disant que Shen Jue allait mourir, Dao Zhan agita la main négligemment.

« Vas-y. »


Shen Jue sourit de nouveau puis leva la théière pour se servir de l'eau dans la tasse. Il but lentement toute la tasse avant de se tourner vers Dao Zhan et Yang Xu.

« Je me demande ce que ces deux seigneurs veulent demander à cet esclave. »

Dao Zhan plissa les yeux.

« La nuit de l'anniversaire de l'Empereur, tu étais de service à la Cour ?

– Oui, répondit Shen Jue.

– Alors tu as vu le régent ?

– En effet, » répondit-il de nouveau.

Yang Xu sortit son épée de son fourreau.

Dao Zhan poursuivit son interrogatoire :

« Le régent s'est fait agresser ce soir-là, tu as vu qui l'a attaqué ? »


Shen Jue reposa de nouveau sa tasse de thé à l'envers.

« Cet esclave a seulement vu quelqu'un tenter de s'en prendre à sa Majesté alors pour le protéger, cet esclave s'est permis de frapper le mécréant à la tête avec un chandelier. Quant à attaquer par surprise le régent, cet esclave ne sait vraiment rien. »

Les yeux de Dao Zhan devinrent glaciaux.

« Dans ce cas, c'est ce petit eunuque qui a agressé son Excellence cette nuit-là, n'est-ce pas ?

– Non, cet esclave n'a pas agressé un homme mais un animal. »

La voix de Shen Jue mourut et la dague de Dao Zhan fila aussitôt droit vers lui. L'eunuque pivota immédiatement afin d'esquiver. Dao Zhan ricana en réponse puis tenta alors de l'attaquer, mais ressentit une douleur à la poitrine.

Il ouvrit la bouche mais ne put que tomber à genoux faiblement, et il entendit le même son en provenance de derrière.

Yang Xu était également tombé.


Dao Zhan afficha son incompréhension.

« Pourquoi ? Nous n'avons pourtant pas bu ce thé ! »

Il avait soupçonné qu'il y avait du poison dans le thé, voilà pourquoi il n'en avait pas bu du tout.

« Si vous en aviez bu, vous auriez survécu. C'est dommage que vous ayez refusé de boire, fit calmement Shen Jue. Je savais que quelqu'un allait venir pour moi, alors toute cette pièce est empoisonnée. Ce n'est que par le toucher que cela devient de plus en plus empoisonné. L'antidote se trouve également ici, c'est le thé sur ma table. Je vous ai gentiment proposé d'en boire mais comme vous avez refusé, je n'y peux rien. »

À ces mots, Dao Zhan se leva pour s'emparer de la théière. Cependant, Shen Jue eut l'œil vif et récupéra la théière juste avant lui. Il la reposa un peu plus loin et secoua légèrement la tête.

« C'est trop tard à présent. »


Shen Jue avait prévu ça avant l'anniversaire de Murong Xiu. Bien qu'il avait un corps de mortel à présent et ne pouvait plus employer les techniques d'immortel, il avait néanmoins conservé ses souvenirs. À la base, il cultivait pour devenir immortel mais quand il s'ennuyait, il s'occupait autrement et avait commencé à développer des poisons. Il était allé voir l'assistant du médecin impérial Xu afin de lui demander quelques herbes et autres ingrédients. Le garçon n'était pas comme son maître : sans interroger soigneusement Shen Jue sur ce qu'il comptait faire de ces ingrédients, il les lui avait généreusement donnés parce qu'ils étaient extrêmement communs.

Peu de gens savaient que mélangés ensemble, ces ingrédients donnaient un poison.

Non seulement Shen Jue portait le poison sur lui, mais il en avait aspergé sa résidence. Ce poison était incolore et inodore. Il suffisait que quelqu'un l'inhale pour être empoisonné. Vu le temps que Dao Zhan et son compère étaient restés dans sa chambre, ils avaient été naturellement empoisonnés.


Dao Zhan n'aurait jamais cru qu'ils commettraient tous les deux cette erreur stupide qui leur coûterait la vie. Le regard qu'il lança à Shen Jue fit si féroce, comme si seul le fait de dévorer la chair de l'autre suffirait à apaiser sa haine.

« Tu penses vraiment que si tu nous tues, mon frère et moi, son Excellence te laissera t'en sortir ? Dao Zhan ricana.

– Bien sûr que non, votre maître ne me laissera pas m'en sortir, autrement il ne vous aurait pas envoyés me tuer. Malheureusement, je n'ai aucune envie de mourir encore alors vous devez mourir en premier. »

Shen Jue pencha la tête sur le côté et ce visage ordinaire arbora un sourire innocent.

« C'est vous qui m'avez tué le premier, alors vous ne pouvez pas m'en vouloir. »


Dao Zhan voulut répliquer mais son cœur lui faisait de plus en plus mal. Il inspira une dernière fois puis tomba complètement à terre. Il en fut de même pour Yang Xu derrière lui.

Shen Jue vit que les deux hommes ne bougeaient plus du tout puis il sortit de la chambre avec la théière. Il alla à la pile de bois dans un coin de la cour devant la maison et versa de l'huile dessus. Il alluma le tout. Quand il vit les flammes engouffrer le panneau de la porte, il fit demi-tour et s'éloigna.


* * *


La nouvelle de l'incendie se répandit très vite.

Quand Liang Rong se précipita pour informer Murong Xiu de l'affaire, Shen Jue se tenait déjà près du bureau de l'Empereur et avait commencé à moudre l'encre.

Les sourcils de l'eunuque en chef firent un bond en voyant que Shen Jue était toujours en vie.

Murong Xiu leva les yeux et lança un regard tiède à l'autre eunuque.

« Qu'y a-t'il ?

– Votre Majesté, les quartiers des eunuques ont été ravagés par un incendie et de nombreuses maisons ont brûlé, » fit l'eunuque d'un ton circonspect.

Murong Xiu émit un oh indifférent.

Liang Rong jeta un coup d'œil à Shen Jue et se renfrogna en voyant son air calme.

« Votre Majesté, c'est la maison de Shen Jue qui est le point de départ de l'incendie. La maison est complètement détruite, il y a du petit bois empilé devant la porte et...

– Je suis déjà au courant. Ce ne sont que quelques maisons brûlées. Tu peux disposer. Ce n'est pas utile de venir me rapporter des affaires si triviales, » l'interrompit Murong Xiu avant que Liang Rong ne puisse finir son rapport.

Liang Rang en resta bouché bée et ne put que renoncer.


Après que l'eunuque se soit retiré, Murong Xiu lança un regard à Shen Jue qui se trouvait sur le côté.

« C'est ton œuvre ?

– En, admit l'adolescent.

– Pourquoi ?

– Quelqu'un voulait tuer cet esclave, » répondit Shen Jue sans cesser de moudre.

Murong Xiu l'observa faire en silence pendant un moment puis fit lentement :

« La prochaine fois que ce genre de choses arrive, viens m'en parler d'abord. N'agis pas seul, c'est bien trop dangereux. »

Shen Jue se pinça les lèvres et eut un léger rire à ces mots, dévoilant les légères fossettes de son visage.

À cet instant, il rit vraiment comme un enfant innocent.

« Cet esclave comprend. »


* * *


Le visage du régent resta inexpressif tandis qu'il contemplait les deux corps qui avaient été brûlés au point où on ne reconnaissait plus que la forme humaine.

Liang Rong était agenouillé devant le régent, n'osant pas respirer. Même lui savait que Dao Zhan et Yang Xu étaient les hommes de confiance du régent. Cependant, quand ils étaient tous deux partis tuer un eunuque qui n'avait même pas la force de ligoter un poulet Une expression qui veut dire qu'il est très faible. (1), ils avaient échoué et avaient été tués dans un incendie par l'autre personne.

Après l'examen des deux corps, le médecin s'agenouilla devant le régent et fit son rapport :

« Votre Excellence, ces deux hommes ne montrent aucun signe de traumatismes ou de lutte. Ils sont apparemment morts à cause de l'incendie.

– Impossible, répliqua froidement le régent. Quand on est en train de brûler, comment pourrait-on ne pas se débattre ? Tu as vérifié s'ils n'ont pas été empoisonnés ? »

Le médecin s'inclina et vérifia de nouveau, pourtant il ne trouva toujours rien.


En voyant ça, le régent ne put s'empêcher de rire. Shen Jue était vraiment doué pour tuer les gens ; ils étaient même incapable de comprendre comment il avait fait.

Le régent était quelqu'un de fier et là, il avait l'impression que Shen Jue lui avait asséné une bonne gifle. Il ne se soucia donc plus de la discrétion et prit des gens pour aller directement au palais de Murong Xiu. Quand l'Empereur le vit, il en resta sidéré un moment puis se redressa.

« De quel droit venez-vous sans vous faire annoncer ? »

Quand le régent vit Shen Jue se tenir derrière le jeune homme, il renifla de mépris et prit une chaise pour s'asseoir.

« Depuis quand cette Excellence doit-elle se faire annoncer pour venir au palais de votre Majesté ? Et cet esclave derrière vous, pourquoi ne salue-t 'il pas cette Excellence ? »


Quand Murong Xiu entendit les paroles du régent, il sut que l'autre était venu pour Shen Jue cette fois. Il fronça les sourcils et tenta de protester, mais sa manche fut légèrement tirée.

Il tourna la tête et vit Shen Jue secouer lentement la tête.

Murong Xiu comprit que l'eunuque lui demandait de ne pas confronter le régent de manière frontale.

Il se mordit la lèvre inférieure et ne put rien dire.

Shen Jue lâcha la manche de l'Empereur puis s'agenouilla respectueusement.

« Cet esclave salue le régent. »

L'autre homme lui lança un regard glacial, n'ayant rien raté de l'échange muet entre Murong Xiu et Shen Jue à l'instant.

« Que fais-tu agenouillé si loin ? Viens ici saluer cette Excellence sans te lever. »

À ces mots, Murong Xiu lança un regard hostile au régent.


Shen Jue s'exécuta : en restant agenouillé tout du long, il s'approcha du régent et reçut alors un coup de pied en plein cœur.

Le régent n'y était pas allé de main-morte et Shen Jue fut projeté en arrière, roula plusieurs fois puis cracha du sang sur le sol.

« Ni Xinyan, que fais-tu ? »

Murong Xiu n'aurait jamais cru que le régent se permettrait de frapper Shen Jue devant lui, et ses mains tremblèrent de rage.

Le régent détourna les yeux de Shen Jue. Quand il vit les affreuses cicatrices sur le visage de l'Empereur, ses yeux s'assombrirent mais il fit :

« Cette Excellence donne une bonne leçon à un chien d'eunuque. Votre Majesté a trop bon cœur. Si vous ne voyez rien, cette Excellence peut venir donner une leçon.

– Mes gens reçoivent désormais des leçons du régent ? »

Murong Xiu se précipita pour se placer devant Shen Jue.

« Si tu veux lui donner une leçon, pourquoi ne pas commencer par moi ? Si tu veux le tuer, il faudra me tuer d'abord. »


Le régent fronça les sourcils, son regard glacial.

« Votre Majesté dit-il cela sous le coup de la colère ? Ou bien désirez-vous réellement renoncer au trône pour un esclave ? »

Les yeux de Murong Xiu ne cillèrent pas, il était même déterminé.

« Shen Jue est sous ma protection. Si le régent n'est pas satisfait de moi et décide de changer d'empereur, je n'aurai aucun regret. »

Le régent rit de colère.

« Murong Xiu, tu es vraiment une bonne personne. Je vais te montrer aujourd'hui si je peux le toucher ou pas, fit-il avant de hausser le ton, furieux : Gardes, entrez ! »

Quand sa voix s'éteignit, Murong Xiu sortit une fine dague de sa manche et la pointa vers son propre cou.

« Je te l'ai dit : si tu veux le tuer, il faudra me tuer d'abord. »

Murong Xiu leva la tête bien haut, son cou blanc tel le cou d'un cygne. Il semblait être en extrême souffrance pourtant il tendit le cou, ses yeux entêtés et un peu fous.


Toujours à terre, Shen Jue était caché derrière Murong Xiu et regarda le régent.

Son petit manège fut naturellement perçu par l'autre homme mais Shen Jue n'eut pas peur. Il tendit même une main pour ressuyer le sang de ses lèvres.

Shen Jue lança un sourire suave au régent et lécha lentement le sang du bout de ses doigts.

Son visage était de toute évidence très banal mais en cet instant, il avait l'air vraiment terrifiant.

Ce fut à ce moment que le régent comprit où il s'était trompé. Il avait actuellement demandé à Shen Jue de servir Murong Xiu. Shen Jue était comme un démon perché sur le dos de Murong Xiu, se cachant dans l'obscurité pour les observer se battre à mort.

Cet esprit diabolique avait des intentions maléfiques. Le régent s'était montré aveugle auparavant et avait sous-estimé l'autre personne.


La parole à l'auteur :

Shen Jue : En fait je suis un immortel, vraiment.

Régent : Ouh, le vilain menteur. Bouh bouh.

Beau Murong : Que tu sois un immortel ou un démon, tu n'as pas le droit de me quitter.



Note de Karura :

Il y a encore des lectrices qui s'inquiètent pour Shen Jue et le prennent en pitié ? 😅


Notes du chapitre :
(1) Une expression qui veut dire qu'il est très faible.






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