Cent façons de tuer un prince charmant 25

Chapitre 25


Présentement, Shen Jue trempait dans une mare. Il regarda tout autour de lui et se rendit compte qu'il se trouvait dans le palais de Qizhang où Murong Xiu avait vécu en tant que prince.

Murong Xiu avait reçu le titre de prince à six ans. Il n'avait pas eu de chance depuis tout petit : sa mère, une concubine, était décédée très tôt et il avait été élevé par la concubine Jing à partir de l'âge de trois ans. Durant les premières années, la concubine Jing traita bien Murong Xiu mais quand elle donna naissance au huitième prince, la vie de Murong Xiu devint plus difficile. Sans la présence d'une mère concubine auprès de l'Empereur, comment un jeune prince pouvait-il gagner ses faveurs ?

Qui plus est, la personnalité de Murong Xiu n'était pas des plus plaisantes. Il se faisait régulièrement martyriser plusieurs autres princes et même le huitième prince, pourtant plus jeune que lui, osait le réprimander ouvertement.


Murong Xiu s'installa dans le palais de Qizhang à l'âge de dix ans. Shen Jue avait quatre ans de moins que lui et il était entré au service de Murong Xiu à l'âge de cinq ans. En fait, le palais de Qizhang n'était guère différent du Palais Froid Là où l'Empereur envoyait les concubines qui n'avaient plus ses faveurs. (1). Les autres palais avaient des lacs mais le palais de Qizhang n'avait qu'une mare pitoyable sans barrière de protection autour. On avait l'impression qu'on pouvait tomber dedans à tout moment.

Shen Jue passa peut-être trop de temps à examiner les environs : Murong Xiu, qui se tenait au bord de la mare, perdit patience. Il mit un genou à terre et saisit les longs cheveux à l'arrière du crâne du garçon. Shen Jue se fit soudainement attraper par les cheveux et sa tête fut penchée en arrière de manière douloureuse.

De cette manière, il était très proche du visage de Murong Xiu.

En le voyant de plus près, il ne pouvait lui trouver aucun défaut : les longs cheveux noirs, les lèvres rouges, la peau blanche comme de la neige et l'apparence d'une fleur. Quand il était jeune, Murong Xiu s'habillait la plupart du temps avec des couleurs vives, comme sa tenue actuelle : la tunique vert lotus rehaussait son teint de neige, digne d'un lotus de neige. Il était telle une pivoine d'automne soigneusement cultivée.


Il était dommage que Murong Xiu soit à présent une pivoine d'automne avec des épines partout. Ses yeux de phénix étaient légèrement rétrécis et ses lèvres rouges s'agitèrent :

« Ton cerveau a trop pris l'eau ? Qu'est-ce que tu regardes ? Se peut-il que tu ne reconnaisses même plus ton maître ? »

Quand Shen Jue vit un tel Murong Xiu, il se rappela de ce que le Vénérable Chi Yan avait dit —

« les maîtres de ces mondes pourraient t'en vouloir de les avoir tués et te ramener de force dans leur monde pour tout recommencer à zéro... »

Mais même s'il recommençait ce monde à zéro, Murong Xiu n'avait jamais été comme ça dans sa jeunesse, à moins que...


Le Murong Xiu actuel était de toute évidence différent de celui d'avant. Le jeune Murong Xiu n'avait jamais possédé une aura si rude et oppressante, tandis que le Murong Xiu qui lui faisait face n'avait rien d'un adolescent, que ce soit dans son regard ou le tempérament de tout son être.

Shen Jue crut en deviner la raison : peut-être que ce Murong Xiu avait conservé le souvenir de sa vie précédente, qu'il se souvenait que Shen Jue l'avait tué, voilà pourquoi il était devenu ainsi.

Après tout Murong Xiu ne l'avait jamais maltraité aussi durement durant les vies précédentes. Il était à présent au beau milieu d'une mare et c'était Murong Xiu qui venait de lui presser la tête dans l'eau. L'adolescent avait manqué de le tuer à l'instant, voilà pourquoi le miroir à souvenirs s'était activé et lui avait rendu sa mémoire.


« Pourquoi tu ne dis rien ? »

Quand Murong Xiu vit que Shen Jue tardait à répondre, ses yeux s'assombrirent davantage.

En voyant ça, Shen Jue ne put que dire faiblement :

« Votre Majesté, cet esclave a tellement froid. »

Murong Xiu eut un léger reniflement.

« Mais je n'ai pas encore récupéré mon bien. Shen Jue, retournes-y. »

Quand il eut fini de parler, il le lâcha puis se ressuya la main sur ses vêtements avec virulence, comme si Shen Jue était trop sale.

Shen Jue n'aurait jamais pensé qu'il reviendrait dans le monde de Murong Xiu et encore moins que ce dernier aurait conservé ses souvenirs de sa vie précédente. Il se dit que le fait d'avoir tué Murong Xiu dans la vie précédente avait rompu tout lien entre eux et que Murong Xiu devait certainement le haïr dans cette vie. Quand Shen Jue songea à cela, il replongea directement dans l'eau. Il se détendit un moment et les souvenirs de cette vie lui revinrent en mémoire par intermittence.


Dans cette vie, depuis que Shen Jue était entré au service de Murong Xiu, ce dernier l'avait traité très rudement, le disputant et le battant pour un rien, et aujourd'hui ne changeait pas des autres jours. Shen Jue n'avait que dix ans mais il avait déjà approché des portes des Enfers de nombreuses fois. S'il n'avait pas bien failli mourir cette fois-ci, il aurait été à craindre que le miroir à souvenirs ne s'enclencherait plus.

Ce matin, Murong Xiu avait subitement annoncé que le pendentif penannulaire En forme de cercle non fermé. (2) en jade qu'il portait aujourd'hui sur lui avait disparu alors il lui avait ordonné de le retrouver. Cependant Shen Jue avait eu beau fouiller dans tout le palais de Qizhang, il ne l'avait pas trouvé. Murong Xiu devint furieux et le conduisit à la mare en déclarant que le pendentif penannulaire devait être tombé dans l'eau.

Le Shen Jue de dix ans savait nager mais pas très bien. Murong Xiu avait soudain appuyé sur sa tête tandis qu'il sortait de l'eau pour respirer.

Ce fut alors que Shen Jue avait recouvré sa mémoire.


* * *


Shen Jue se résigna à plonger de nouveau dans l'eau. Il ouvrit grand les yeux et chercha le pendentif en jade dans l'eau tout en planifiant ce qu'il allait faire ensuite. Il devait briser de nouveau le monde de Murong Xiu mais est-ce qu'un Murong Xiu avec ses souvenirs pourrait encore tomber amoureux de lui ?

Cela avait beau être Shen Jue, il n'avait pas confiance à ce point en ses capacités. C'était facile de duper quelqu'un une fois mais si vous vouliez le duper une seconde fois, il était impossible de se servir de la même méthode sauf si l'autre était un idiot. Cependant Murong Xiu n'avait rien d'un idiot. Pire encore, le Murong Xiu actuel ne semblait pas du tout facile à approcher.

Ayant failli se faire noyer par l'autre tout à l'heure, Shen Jue avait retenu la leçon et il nagea cette fois délibérément au milieu de la mare pour s'assurer que Murong Xiu ne pourrait que le regarder depuis les berges sans pouvoir le toucher.


Sur la rive, Murong Xiu épousseta sa tunique et contempla le garçon dans l'eau d'un air glacial et sévère. Quand il réalisa que Shen Jue s'éloignait de lui à chaque fois qu'il faisait surface pour respirer, ses yeux devinrent plus froids. Shen Jue n'avait que dix ans et en plus il avait failli se noyer tout à l'heure. Après quelques plongées, il était complètement épuisé et il grimpa difficilement sur la rive pour haleter bruyamment. Il tourna la tête pour voir Murong Xiu de l'autre côté de la mare et prit un air craintif :

« Votre Altesse, cet esclave n'a vraiment plus de force. Je ne pourrai pas le chercher demain ?

– Comment ça ? Et si quelqu'un d'autre le récupérait ? » répliqua Murong Xiu d'un ton lent.

Non seulement il n'y avait pas grand-monde au palais de Qizhang mais en plus, qui irait dans l'eau chercher un pendentif en jade qui, si ça se trouve, n'existait même pas ?


Shen Jue n'avait vraiment plus de forces. Il était encore trop jeune, avec des bras et des jambes tous maigrelets. S'il plongeait une fois de plus dans l'eau, il risquait vraiment de mourir noyé. Mais en voyant l'expression de Murong Xiu, ce dernier ne semblait vraiment pas vouloir le laisser s'en tirer comme ça. Shen Jue se mordit légèrement les lèvres et se tourna, prêt à plonger de nouveau. Cependant dès qu'il se mit en mouvement, la voix de Murong Xiu retentit soudain :

« Oublie ça, la nuit va tomber. Je ne suis plus d'humeur à m'amuser avec toi. »

L'adolescent sortit un pendentif penannulaire en jade de sa manche, l'agita d'abord devant Shen Jue avant de le lancer directement dans la mare.

« Dès que tu l'auras récupéré, tu pourras manger. Si tu ne le récupères pas, tu n'auras rien à manger. »

Sur ce, Murong Xiu fit demi-tour et s'en alla.


Shen Jue contempla son dos et après un moment, il rampa hors de l'eau. Dès qu'il fut sorti, il s'écroula par terre et n'eut même plus la force de se lever. Le ciel devenait sombre, les lanternes étaient allumées dans le palais voisin et la lueur orange des bougies offrait une couleur chaude dans la nuit.

Tard dans cette nuit d'été, Shen Jue resta tranquillement allongé sur le sol un bon moment avant de se lever en tremblant. Il essora ses cheveux trempés puis les vêtements mouillés qu'il portait. Ensuite il se dirigea vers sa résidence actuelle.

Le Shen Jue actuel n'était pas comme avant. Avant, Murong Xiu le laissait vivre dans sa chambre et dormir sur le lit du dragon. À présent Shen Jue vivait avec plusieurs autres eunuques.

Murong Xiu, le sixième prince, avait pour le moment un eunuque en chef et quatre jeunes eunuques, dont Shen Jue. Il n'avait cependant pas de servantes car la tradition du clan Murong stipulait que le prince devait attendre d'avoir seize ans pour avoir une femme à son service afin d'éviter de souiller son corps. Actuellement Murong Xiu n'avait que quatorze ans donc il n'y avait aucune servante dans le palais de Qizhang.

Shen Jue était le plus jeune des cinq eunuques. Vu que Murong Xiu le traitait extrêmement mal dans cette vie, l'attitude des autres eunuques envers lui était également horrible. Shen Jue faisait tout le sale travail mais c'était lui qui mangeait en dernier.


Quand Shen Jue retourna à la maison, elle était sombre et vide. Il ne prit pas la peine d'allumer la lanterne et se basa sur le clair de lune qui venait de l'extérieur. Shen Jue se rendit à son lit, tira un coffre d'en dessous et prit des vêtements propres à l'intérieur. Au moment où il allait se changer, la porte fut ouverte, accompagnée des rires de deux personnes.

« Cet imbécile de Shen Jue a encore été puni par son Altesse, fit le premier.

– Comment ose-t'il mettre son Altesse en colère nuit et jour ? Il l'a vraiment mérité, renchérit l'autre.

– Je te le dis, ah... »

Celui qui venait de parler vit tout à coup Shen Jue en train de se changer et, comme un poulet à qui on tordait le cou, il émit un son strident et désagréable.

« Shen Jue, pourquoi tu ne fais pas de bruit, ah ? Tu veux me faire mourir de peur ou quoi ?! »


Après que l'homme ait fini de l'insulter, il se dit que cela ne suffisait pas à calmer sa colère alors il s'avança à grands pas et frappa plusieurs fois la tête de Shen Jue. Ce dernier avait déjà des vertiges, c'était à peine s'il tenait debout. Après plusieurs coups sur la tête, il ne put en supporter davantage : son corps trembla et il s'effondra par terre avec un vlan, paf.

« Pourquoi tu fais semblant ? Shen Jue, debout ! »

Le jeune homme qui venait de frapper Shen Jue en resta ébahi. Il s'accroupit et lui donna d'autres coups. Comme Shen Jue ne réagissait toujours pas, le jeune homme comprit qu'il était vraiment évanoui.

« Il s'est évanoui ? fit l'autre eunuque derrière, un peu paniqué. Il a dû plonger dans l'eau plusieurs fois cet après-midi. Il ne va pas mourir, hein ? »

Le premier jeune homme plaça aussitôt sa main sous le nez de Shen Jue et sentit un souffle, ce qui le rassura.

« Il n'est pas mort, juste évanoui. »

Il roula des yeux et se tourna vers l'autre eunuque derrière lui.

« Ne dis rien à son Altesse. S'il apprend qu'il est malade, il va certainement être encore plus furieux. »

Le jeune homme derrière hésita mais finit par acquiescer.


Le premier eunuque contempla avec dégoût les vêtements trempés de Shen Jue mais il ramassa le garçon par terre et le porta jusqu'à son lit. Il ne s'embêta pas à le changer car il estimait que c'était déjà assez généreux de sa part de le recouvrir de sa couverture.

Après avoir fait cela, il tira le second eunuque par le bras et ils partirent sans demander leur reste.


* * *


Shen Jue resta inconscient jusqu'au milieu de la nuit suivante. Il ne se réveilla pas de lui-même mais fut réveillé par un coup.

Quelqu'un lui donna plusieurs coups de pied et souleva sa couverture.

« Shen Jue, ça fait combien d'heures que tu dors ? J'ai dû faire tes corvées aujourd'hui, alors lève-toi et au travail. »

Shen Jue ouvrit les yeux avec du mal. En voyant celui qui se tenait devant son lit, il referma les yeux et fit :

« Ne me... frappe plus, je me lève. »

Dès le premier mot, Shen Jue réalisa que sa voix était affreusement rauque.

Il avait gardé ses vêtements trempés depuis la veille et ils étaient à présent dans un état pas possible. Il sentait que son corps était glacé tandis que sa tête était brûlante, comme si elle allait exploser d'un instant à l'autre.


Celui qui avait exigé que Shen Jue se lève s'appelait Li Feng. Il avait six ans de plus que Shen Jue et était du genre fainéant alors il demandait toujours à Shen Jue de faire son travail pour lui. Si le garçon osait refuser, il se faisait battre. C'était également Li Feng qui avait cogné Shen Jue la veille au soir.

En voyant que Shen Jue avait perdu connaissance, il avait eu peur que l'eunuque en chef soit au courant de cette affaire alors il avait fait tout le travail de Shen Jue durant la journée et là, il le sortait du lit de bonne heure.


Shen Jue leva la main pour la presser contre sa tête. Il sortit du lit en s'appuyant sur une épaule. En le voyant se lever, Li Feng se rallongea aussitôt et se rendormit. Il était seulement entre trois heures et demi du matin et le ciel était encore sombre. Mis à part Shen Jue, les autres trois eunuques pouvaient quasiment tous dormir jusqu'à ce que le ciel soit légèrement illuminé par le soleil.

S'ils devaient se réveiller aux aurores, c'était parce que le sixième prince Murong Xiu se levait bien trop tôt. S'ils étaient tombés sur un maître qui dormait tard, ils auraient certainement dormi jusqu'à ce que le corbeau d'or Dans la mythologie chinoise, le corbeau d'or habite et représente le soleil. (3) montre ses fesses au soleil.

Même avec Shen Jue qui faisait quasiment tout le travail, ils détestaient se réveiller tôt. Tandis que le garçon encore malade se changeait, ils n'apprécièrent pas le bruit et claquèrent de la langue plusieurs fois. Pas un seul instant ils ne se dirent que Shen Jue était le plus jeune d'entre eux et que donc il avait besoin de sommeil.


Après que Shen Jue se soit changé, il prit le linge sale. Il mit d'abord ses vêtements à tremper dans une bassine puis lava les vêtements des autres eunuque et enfin ses propres vêtements. Après les avoir pendus, il prit les vêtements que Murong Xiu avait retirés durant son bain la veille pour les ramener à l'office du linge. Une fois revenu, il se mit à balayer la cour.

Shen Jue avait énormément de travail. Il était encore très jeune et malade de surcroît alors quand Li Feng et les autres se réveillèrent, il n'avait pas encore fini.

Quand Li Feng entra dans la cuisine et vit que Shen Jue n'avait pas encore allumé le feu, il le tira par le bras, furieux, et jura :

« Tu n'es qu'un bon à rien. Tu n'as même pas encore allumé le feu. Son Altesse ne va pas tarder à se réveiller, tu veux le faire attendre ? »

Shen Jue tomba directement par terre suite au geste rageur de Li Feng et il connut à nouveau l'expérience de voir des petites étoiles devant les yeux.


Il resta assis un bon moment et quand il vit Li Feng s'occuper du feu, il se leva et sortit.

À présent que ces gens allaient être occupés à servir Murong Xiu, personne ne ferait attention à lui pendant un bon moment.

Dans cette vie, Murong Xiu le détestait alors Shen Jue n'avait aucune tâche pour la vie quotidienne du prince.

Pour Li Feng et les autres, le moment du réveil de Murong Xiu était leur moment le plus chargé de la journée tandis que pour Shen Jue, c'était son moment de libre. Il se rendit à la mare de la veille et examiner les eaux dont on ne pouvait pas voir le fond.

Le pendentif penannulaire en jade que Murong Xiu avait perdu se trouvait toujours au fond et Shen Jue n'aurait rien à manger tant qu'il ne le récupérerait pas.


Shen Jue porta une main à son ventre qui criait déjà famine. S'il devait risquer sa vie en allant chercher ce pendentif et se blesser volontairement pour gagner la sympathie de l'autre, il fallait que Murong Xiu soit présent. Shen Jue y réfléchit un moment puis jeta un regard derrière lui, vers la chambre de Murong Xiu.

Le prince n'était pas encore levé.

Shen Jue détourna le regard puis s'éloigna d'un pas résolu. Il ne voulait pas mourir ici. Dans cette vie, même s'il traitait Murong Xiu avec le plus grand soin, ce dernier ne lui accorderait plus sa confiance. Dans ce cas, Shen Jue avait autant arrêter de faire semblant d'être bon envers le prince. Il voulait simplement manger un bon repas.


La faim allait le rendre fou, surtout qu'il était à présent jeune et ne pouvait pas du tout supporter la privation de nourriture. Il voulait manger, alors il se mit à marcher de plus en plus vite et ne ralentit qu'en s'approchant des cuisines impériales. Par coïncidence, quelqu'un en sortait au même moment. L'homme vit soudain Shen Jue et inspira brusquement. Quand il vit que le garçon n'était pas un fantôme mais une tête de chou, et en plus une tête de chou qu'il connaissait, le coin de ses lèvres s'étira vers le haut.

« Que fais-tu ici ? »

Shen Jue n'avait pas mangé à sa faim dans cette vie, il était souvent affamé alors il n'avait pas du tout l'air d'un enfant de dix ans.

Aux yeux des gens qui le rencontraient pour la première fois, Shen Jue semblait être une tête de chou qui avait bizarrement pris vie.

L'homme vit la tête de chou lever soudain la tête et crier :

« Grand-père Liu, cet esclave a faim. »

C'était une bonne voix. Avec ce rugissement, l'eunuque Liu qui était toujours si posé en eut les sourcils qui frémirent, paniqué. Il s'avança rapidement pour couvrir la bouche de la tête de chou.

« Petit morveux, arrête un peu de crier. Si tu continues à crier, tu n'auras plus le droit de venir me voir. »


Shen Jue ne fut absolument pas gêné d'agir comme un petit enfant. Il tendit une petite patte sale pour saisir la manche du grand-père Liu.

« Cet esclave a seulement mangé un pain farci hier matin maintenant son estomac crie famine. »

Grand-père Liu fut amusé par ses paroles et tapota son front du bout du doigt.

« Très bien, suis-moi. »


* * *


L'eunuque Liu s'appelait Liu Anshun et il travaillait comme intendant général dans les cuisines impériales. Il était connu pour sa gentillesse. Dans le palais, il y avait pleins de gens importants mais c'était très rare de rencontrer quelqu'un avec un poste important et qui était gentil envers les autres. Liu Anshun faisait partie de ces rares personnes. Il avait un peu plus de trente ans et occupait fermement le poste d'intendant général des cuisines. Aucun des jeunes eunuques sous ses ordres n'osait le mécontenter et même l'eunuque en chef au service de l'Empereur traitait Liu Anshun avec une pointe de respect.

Shen Jue l'avait rencontré par pur accident. Il avait été souvent maltraité et affamé durant sa vie. Un jour alors qu'il avait sept ans, Shen Jue avait si faim qu'il s'était introduit en douce dans les cuisines impériales pour voler quelque chose à manger. Li Feng et les autres le maltraitaient tellement qu'il n'avait même pas droit à une miette de pain farci.

Il avait été découvert par un eunuque des cuisines impériales avant de pouvoir mettre la main sur de la nourriture. L'autre eunuque l'avait immédiatement attrapé et lui avait demandé à quel palais il appartenait. Shen Jue avait refusé de répondre. Le jeune eunuque lui donna alors plusieurs fessées. Cela fit si mal que Shen Jue se mit à crier, ce qui fit venir Liu Anshun.


Liu Anshun était si gentil que non seulement il demanda à l'autre eunuque de lâcher Shen Jue mais il lui demanda aussi doucement s'il était perdu.

Shen Jue avait reniflé et répondu d'un ton misérable :

« Cet esclave a faim. »

Liu Anshun avait baissé les yeux puis posé la main sur le ventre de Shen Jue. En général, les garçons avaient toujours le ventre bien rond mais ce petit gars était si maigre que Liu Anshun avait l'impression de toucher son dos. Ce fut ainsi que Shen Jue avait reçu deux pains farcis.

Il s'était accroupi dans un coin pour dévorer sa nourriture. Liu Anshun s'était doucement approché de lui pour murmurer :

« Tu as encore faim ? Les cuisiniers ont cuit une cuisse de poulet en trop et ils ne veulent pas la manger. Tiens, c'est pour toi. »

Comment la cuisine impériale aurait-elle pu cuire une cuisse de poulet en trop ? C'était en fait celle de Liu Anshun et il l'avait donnée au garçon.

Dans les années qui suivirent, Shen Jue venait de temps en temps mais uniquement quand Murong Xiu n'était pas là.


* * *


Liu Anshun prit Shen Jue par la main et le conduisit dans une petite pièce derrière les cuisines impériales.

« Tu tombes bien, j'allais prendre le petit-déjeuner. Tu viens pour quelle raison cette fois, hein ? »

Après un moment de réflexion, Shen Jue répondit :

« Son Altesse a jeté un pendentif penannulaire en jade dans la mare et a ordonné à cet esclave de le récupérer mais cet esclave n'y est pas arrivé. Alors son Altesse a dit que je n'aurai pas le droit de manger tant que je n'aurai pas retrouvé le pendentif. Voilà pourquoi cet esclave a vraiment très faim. »

Liu Anshun fronça les sourcils. Bien que le palais soit un endroit extrêmement rude et impitoyable, ce n'était quand même pas un endroit où on maltraitait ainsi les enfants. Cela faisait trois ans qu'il connaissait Shen Jue et durant ces trois années, pas une fois il l'avait vu manger à sa faim au service du sixième prince Murong Xiu. Il avait déjà songé à le faire transférer du palais de Qizhang mais l'eunuque en chef de ce palais avait agité les mains et fait d'un ton vague :

« Oubliez cette histoire. »


Cela avait laissé Liu Anshun perplexe.

« Si le maître déteste tellement cet enfant, ne serait-ce pas mieux de ne plus le voir ? »

L'eunuque en chef avait pris un air bien embêté et n'avait pas voulu en dire plus.

« N'en parlez plus, cela ne fonctionnera pas de toute façon. »

Il avait marqué une pause, comme s'il prenait vraiment Shen Jue en pitié, et avait ajouté :

« Vous pouvez lui donner à manger en cachette, veillez juste à ce que le maître n'en sache rien. »

Liu Anshun n'avait pas pu faire autrement que de renoncer mais il n'en garda pas une bonne impression de cet abuseur de sixième prince. S'il savait déjà torturer les gens à cet âge-là, qu'allait-il devenir une fois grand ?


* * *


« Entendu, viens manger chez moi. »

Liu Anshun conduisit Shen Jue dans la pièce derrière les cuisines impériales où se trouvait une table garnie du petit-déjeuner.

Les yeux de Shen Jue brillèrent involontairement en voyant le repas. Il était à présent un enfant et son esprit avait un peu régressé : même s'il savait qu'il ne devait pas regarder aussi franchement de la nourriture, il ne pouvait pas s'en empêcher.

Il était déjà aux limites de son contrôle en se retenant de dévorer directement les plats.

Liu Anshun lui tapota doucement l'épaule.

« Vas-y, mange. Tu me parleras quand tu auras l'estomac plein.

– Merci grand-père Liu. »

Une fois que Shen Jue l'eut remercié, il s'assit aussitôt sur le tabouret. Il contempla les plats sous ses yeux et opta pour le porridge afin de caler son estomac. Cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas mangé. S'il mangeait quelque chose de trop consistant et avec de la viande, son estomac risquait de ne pas le supporter.


Quand Liu Anshun vit le garçon prendre d'abord le porridge, ses yeux exprimèrent de la satisfaction mais aussi de la désolation. Avant d'entrer au palais, il avait eu un petit-frère du même âge que lui actuellement. Le garçon ne savait rien et ne savait pas prendre soin de lui. Au contraire, Shen Jue savait déjà prendre soin de lui malgré son jeune âge : il avait tant souffert et pourtant survécu.

Shen Jue lui avait dit à l'instant que le sixième prince Murong Xiu lui avait ordonné de récupérer un pendentif en jade. C'était peut-être une parole en l'air mais ce prince était suffisamment grand pour savoir que c'était risqué d'envoyer un petit enfant dans l'eau. En fait cet enfant ne venait pas le voir souvent mais à chaque fois, il était très affamé.


Liu Anshun réfléchit un moment puis s'avança à côté de Shen Jue. Il posa sa grosse main sur la petite tête du garçon.

« Shen Jue, si je trouve un moyen pour que tu viennes travailler ici comme commis, tu aimerais ça ? »

Shen Jue mordit sa cuillère et se tourna pour le regarder.

Liu Anshun était né avec un visage blanc et tout rond, comme un pain farci à la vapeur ; il donnait l'impression d'être très amical. Quand il vit Shen Jue le fixer, il lui adressa un gentil sourire.

« Ne t'en fais pas, viens ici comme commis et je te laisserai manger tout ce que tu veux. »

Puis il regarda la taille actuelle du garçon d'un air écœuré.

« Tu es trop petit, tu dois grandir. Sinon si tu restes aussi petit au milieu de l'hiver, les gens te trouveront laid plus tard. »

Shen Jue cligna des yeux puis hocha la tête.

En voyant ça, Liu Anshun caressa de nouveau la petite tête.

« Très bien, mange d'abord, je dois y aller. »


* * *


Dans le palais de Qizhang.


Un adolescent beau comme le jade se tenait dans le palais et plusieurs eunuques étaient agenouillés devant lui, y compris Lu Li, l'eunuque en chef du palais de Qizhang.

« Tu n'avais pas dit qu'il se trouvait au palais ? Alors où est-il ? »

Bien que la voix de Murong Xiu ne soit pas trop forte, les petits eunuques à genoux tremblèrent en l'entendant. Quand ils avaient été assignés au palais de Qizhang, ils avaient cru au départ que le sixième prince défavorisé serait un maître faible et tolérant mais en seulement quelques jours, ils purent goûter aux méthodes de Murong Xiu et depuis, c'était à peine s'ils osaient respirer en sa présence. Heureusement que Shen Jue servait de souffre-douleur au prince en temps normal.


Dans la chaleur estivale de cette fin d'été, le front de Lu Li était perlé de sueur.

« Cet esclave n'en sait rien.

– Tu n'en sais rien ? » fit Murong Xiu avec une intonation montante.

Il se tourna pour poser les yeux sur le groupe qui était agenouillé. Il s'avança soudain près de Li Feng. Ce dernier aperçut un pan des vêtements du prince et en eut le souffle coupé. Au moment où il retint son souffle, il se fit piétiner par Murong Xiu et relâcha l'air dans ses poumons.

Murong Xiu mit un pied sur le dos de Li Feng et pour un adolescent de quatorze ans, il avait vraiment une force incroyable. Il parvint à faire tomber Li Feng qui avait deux ans de plus, si fort que même ses os sentirent le choc avec le sol. C'était vraiment extraordinaire.

« Toi, tu devrais savoir, hein ? Où est-il ? »

Li Feng plissa son visage et prit un air amer. Il répondit d'une voix tremblante :

« Votre Altesse, cet esclave ne sait vraiment pas. »


Les lèvres de Murong Xiu frémirent légèrement. Il souleva son pied pour l'abattre de nouveau avec force, cette fois sur la tête de Li Feng. L'eunuque cria et implora sa pitié jusqu'à ce qu'il entende le jeune homme au-dessus de lui dire :

« Puisqu'il n'est pas revenu, tu aideras ce prince à récupérer son pendentif en jade. Si tu n'y arrives pas, inutile de revenir. »

Li Feng n'eut pas d'autre choix que de se soumettre et quand Murong Xiu releva son pied, il se leva prestement et quitta vite les lieux.

Les quelques gens restants virent que Li Feng avait été puni et devait récupérer le pendentif pennanulaire en jade. Ils baissèrent aussitôt la tête plus bas et auraient tout donné pour disparaître sur-le-champ devant Murong Xiu.

« Vous autres, allez chercher Shen Jue pour ce prince. Si vous ne pouvez pas le trouver, inutile de revenir, » fit Murong Xiu en insistant bien sur chaque mot.

Dans ses yeux se trouvait une malveillance comme celle d'une bête sauvage, prête à surgir de ses yeux à tout moment.


Quand il vit que tout le monde était parti, Murong Xiu posa subitement une main sur son abdomen et ses mains tremblèrent légèrement. Il n'avait plus aucune blessure à cet endroit mais il pouvait en permanence ressentir une légère douleur à cet endroit, comme si la dague de sa vie précédente était toujours plantée dans son corps.

« Je suis fatigué alors finissons-en ici. »

C'était ce qu'avait dit Shen Jue avant de le tuer dans sa vie précédente.

Cette phrase était restée gravée dans son cœur.

Peut-être étaient-ce les Cieux qui n'avaient pas pu regarder ça plus longtemps et lui avaient accordé la chance de renaître. Cette histoire entre Shen Jue et lui, lui seul devait y mettre un terme.

Murong Xiu ferma lentement les yeux et scella temporairement la bête tapie dans leurs profondeurs.


* * *


Quand Liu Anshun arriva au palais de Qizhang, il tomba sur Lu Li qui en sortait. En voyant l'autre eunuque si pressé, il eut un mauvais pressentiment. Quand Lu Li l'aperçut à son tour, ses yeux s'illuminèrent soudain et il le rejoignit rapidement.

« Comment se fait-il que l'intendant général Liu ait pris le temps de nous rendre visite ? »

Liu Anshun sourit.

« Je voudrais d'abord te demander pourquoi tu es si pressé.

– Nous avons perdu un jeune eunuque de notre palais, soupira Lu Li. Intendant général Liu, vous vouliez transférer un garçon à votre service la dernière fois, vous vous rappelez ? »

C'était donc bien Shen Jue.

Liu Anshun hésita et fit pourtant :

« Pour être honnête, le garçon est venu chez moi ce matin et c'est la raison de ma venue. Je me demande, le sixième prince est-il là ? »


En le voyant ainsi, Lu Li le tira par le bras.

« Vous voulez encore prendre Shen Jue à votre service ? fit-il en secouant amèrement la tête. Vous ignorez que le sixième prince est fou de rage en ce moment, il a dit que nous ne devons plus revenir tant que nous n'avons pas retrouvé Shen Jue. Si vous allez voir le sixième prince maintenant, cela ne vous attirera que des malheurs, non ? Alors rendez-moi vite Shen Jue.

– Mais...

– Pas de mais, osa-t'il interrompre directement Liu Anshun. Le garçon se trouve dans les cuisines impériales ? Vous devez m'y emmener d'abord sinon je ne pourrai pas arranger cette histoire. Vous vous faites du souci pour ce garçon, Shen Jue, mais cela peut attendre. Il vaut mieux d'abord calmer le sixième prince. »

Liu Anshun y réfléchit et se dit que Lu Li avait sans doute raison. Il n'était qu'un esclave après tout, et même si Murong Xiu n'avait pas les faveurs de l'Empereur, il restait un maître à respecter. Comment lui, un esclave, osait-il interférer dans les affaires du maître ? Il fallait prendre son temps dans cette histoire.


Liu Anshun emmena donc Lu Li dans la pièce où se trouvait Shen Jue. Quand ils entrèrent, ils le virent la tête posée sur la table. Liu Anshun fut pris de panique. Il se rua pour vérifier comment allait Shen Jue et se rendit compte qu'il était brûlant.

« De la fièvre, » fit-il à Lu Li en fronçant les sourcils.

Quand l'autre eunuque entendit cela, ses sourcils frémirent comme deux vers de terre sur son visage. Après un moment il répondit :

« Je vais d'abord le ramener et voir ce qu'en dit le sixième prince. Ce n'est sans doute pas plus mal qu'il soit malade là. Peut-être qu'en le voyant dans cet état, le sixième prince ne sera plus fâché. »


Quand il eut fini, il s'approcha et se prépara à soulever le garçon. Liu Anshun tendit une main pour l'arrêter, l'air anxieux.

« Ce garçon ne va pas mourir, pas vrai ?

Aiyo, intendant général Liu, la vie ou la mort d'un individu dépend uniquement de sa chance. Depuis le temps que vous êtes au palais, vous n'avez toujours pas compris ça ? Mieux vaut ne pas avoir le cœur tendre. Allez, plus longtemps je tarde, plus le maître sera furieux. »

Lu Li repoussa de force la main de Liu Anshun, porta Shen Jue sur son dos et s'en alla.

Liu Anshun contempla le corps maigrelet de Shen Jue et ne put retenir un soupir.

En effet dans ce monde, la vie et la mort d'un individu dépendait de ses capacités. C'était juste qu'à chaque fois qu'il voyait Shen Jue, il repensait à son petit-frère et ne pouvait s'empêcher de le prendre davantage en pitié.


* * *


De son côté, Lu Li transporta le garçon au palais de Qizhang. Il n'osa pas le poser quelque part alors il se rendit directement en présence de Murong Xiu. L'adolescent était assis dans son étude et lisait. En voyant Lu Li arriver avec Shen Jue sur le dos, la main sur le livre se crispa.

Lu Li déposa d'abord le garçon par terre puis s'agenouilla et annonça :

« Votre Altesse, cet esclave a trouvé Shen Jue dans les cuisines impériales. Il a de la fièvre et a perdu connaissance. »

Murong Xiu ouvrit les yeux et, sans regarder le garçon allongé au sol, il demanda d'un ton nonchalant :

« Que faisait-il aux cuisines impériales ?

– Apparemment Shen Jue mourait de faim donc il est allé aux cuisines impériales, » répondit l'eunuque.


À ces mots, Murong Xiu posa son livre et s'avança lentement vers Shen Jue. Il s'arrêta en voyant le petit visage anormalement rouge et le coin de ses yeux légèrement creux. Il tendit la main et toucha directement l'estomac du garçon. Il se rendit compte que l'estomac était un peu gonflé et émit un grondement furieux.

Parfait, quelqu'un avait osé nourrir Shen Jue.

Les yeux acérés de Murong Xiu se posèrent aussitôt sur Lu Li qui était sur le côté.

« Tu lui as donné à manger en cachette ? Ou bien quelqu'un d'autre ? »

Lu Li poussa un cri en lui-même mais n'osa pas mentir. Il ne put que révéler la vérité. Quand Murong Xiu apprit que Liu Anshun des cuisines impériales était celui qui nourrissait Shen Jue, son visage s'assombrit visiblement.

Lu Li crut que Murong Xiu était furieux parce que quelqu'un n'avait pas obéi à ses ordres mais il ignorait que le comportement agressif du prince était celui d'un maître qui voyait que son animal de compagnie se faisait nourrir par des étrangers.


Murong Xiu contempla Shen Jue au sol et son visage changea d'expression. Il avait vraiment sous-estimé Shen Jue mais quand il y repensait, le Shen Jue de sa vie précédente était bien parvenu à gagner son cœur à force de l'amadouer, alors ce n'était rien en comparaison d'amadouer un eunuque des cuisines impériales.

Murong Xiu grinça des dents et sentit de nouveau la douleur dans son abdomen. Il serra les points et ne put se retenir de frapper le sol de son poing. Lu Li fut choqué en voyant la main de Murong Xiu saigner. Il s'avança aussitôt et murmura :

« Aiyo, votre Altesse, ne vous torturez pas si vous êtes furieux, ah. Shen Jue, ce moins que rien, ne mérite pas que vous vous mettiez dans un tel état pour lui... »


Il n'eut pas le temps de finir que Murong Xiu lui lançait déjà un regard sombre.

Lu Li inspira brusquement. Il avait vraiment l'impression que le sixième prince était trop bizarre et que son regard ne ressemblait en rien à celui d'un adolescent de quatorze ans.

« Va chercher le médecin impérial, » ordonna froidement Murong Xiu.

Lu Li émit un son d'assentiment, se leva et partit sans tarder. Il ne resta dans le palais que Murong Xiu et Shen Jue qui avait perdu connaissance. Murong Xiu tourna lentement la tête pour le regarder. Il l'observa un long moment avant de tendre la main, cependant il la retira avant de toucher le visage du garçon.


* * *


Après que le médecin impérial ait bandé la main de Murong Xiu, il voulut se retirer mais le prince le rappela :

«Médecin impérial Lin, il y a un esclave de mon palais qui semble être malade. Veuillez aller l'examiner... »

Il marqua une pause avant d'ajouter :

« … afin qu'il ne meurt pas dans mon palais et n'apporte le malheur. »

Le docteur acquiesça à ces mots puis se tourna pour faire à Lu Li :

« Eunuque Lu, je ne sais pas où se trouve ce petit eunuque. Peux-tu m'y conduire ? »

Lu Li se força à faire un sourire crispé.

« Il se trouve dans le pavillon chaud Une pièce chauffée par un fourneau. (4) juste à côté. Cet esclave va y emmener son Excellence. »


Le docteur fut surpris d'apprendre que le patient se trouvait dans le pavillon chaud et sa surprise redoubla en voyant que la personne était couverte d'une couverture en brocart. Il allait souvent voir des patients dans le palais et traitait parfois des serviteurs ce faisant, mais même quand les serviteurs étaient gravement malades, ils restaient alités dans leur propre chambre étroite et glacée.

Il examina la couverture luxueuse sur le petit eunuque allongé sur un divan, cela ressemblait à quelque chose que seul le maître du palais pouvait utiliser.

Lu Li eut un pauvre sourire derrière lui et fit :

« Médecin impérial Lin, veuillez je vous prie examiner ce garçon. Il est tombé par accident dans l'eau hier après-midi. »


Le docteur acquiesça et après avoir ausculté le patient, il prescrit son ordonnance :

« Il est très faible alors en plus du médicament pour lutter contre la fièvre, j'ai aussi prescrit quelques médicaments pour tonifier son corps. Mais son argent mensuel suffira-t'il à payer ces médicaments ? »

Quand un serviteur consultait un médecin impérial, ce n'était pas comme si c'était un noble qui le faisait : le serviteur devait payer les médicaments.

Lu Li jeta un coup d'œil à l'ordonnance et la posa sur le côté.

« Ce n'est vraiment pas un problème, cet esclave va d'abord payer. C'est une vie humaine qui est en jeu.

– Comme tu es charitable, » fit le docteur Lin avec un sourire avant de partir.

Cela faisait bien des années qu'il exerçait au palais et il pouvait deviner ce qui avait causé la maladie de Shen Jue : il n'était pas tombé par accident dans l'eau, c'était évident qu'il était resté longtemps dans l'eau pour avoir une fièvre si fulgurante. Cependant ce n'étaient pas ses affaires, il n'avait ni le droit ni la capacité à intervenir. Il entendait le même genre d'excuses quand des servantes du palais se faisaient punir par les concubines impériales et devaient rester agenouillées très longtemps ; quand elles consultaient le médecin impérial, elles disaient alors qu'elles étaient tombées accidentellement.


Une fois le médecin impérial parti, Lu Lin retourna auprès de Murong Xiu en courant. Après avoir exposé la situation de Shen Jue, il mentionna de nouveau Li Feng :

« Votre Altesse, Li Feng est toujours en train de chercher le pendentif en jade dans l'eau. Il y a déjà un malade dans le palais, alors...

– Donne-la moi, » le coupa brusquement Murong Xiu.

Lu Li lui lança un regard ébahi.

« Ah ? »

Murong Xiu fronça les sourcils d'impatience.

« Le médecin impérial a examiné Shen Jue. Il y a toujours une ordonnance. Donne-la moi. »

Lu Li fit deux "Oh" puis tendit rapidement l'ordonnance. Murong Xiu parcourut la liste des médicaments. Certains n'étaient pas donnés. Il se mordit la lèvre inférieure puis prit une bourse à sa taille et la jeta à Lu Li avec l'ordonnance.

« Il y a un peu d'argent dedans. Sers-toi en pour payer pour les médicaments. Quant à Li Feng, s'il n'arrive pas à retrouver mon pendentif, tu peux t'en charger alors, » fit froidement Murong Xiu.

Comment Lu Li aurait-il osé poursuivre sur le sujet ? Il prit rapidement la bourse et l'ordonnance avant de s'éclipser.


Les deux eunuques restants eurent bien trop peur de s'attirer les foudres de Murong Xiu. S'il ne les appelait pas, ils n'oseraient pas se présenter devant lui aujourd'hui. Murong Xiu resta donc seul dans le palais un moment avant de se lever et de se rendre au pavillon chaud.

Il s'assit au bord du divan et contempla la personne allongée dessus. Tout à coup il tendit la main et saisit Shen Jue par la gorge.


La parole à l'auteur :

Comme le joueur [Shen Jue] s'est montré trop brutal pour passer le niveau, il a accidentellement ouvert une nouvelle copie du niveau. Veuillez prendre votre petite dague et continuer à attaquer la version maléfique de la cible.

Shen Jue : …



Notes de Karura :

Ceci est le premier chapitre VIP (payant) de l'auteur, voilà pourquoi il a fait un chapitre double. Pff, il s'en passe des choses là-dedans ! Comment vous trouvez notre Murong Xiu maléfique et flippant ? Vous n'avez pas l'impression que malgré tout, il semble encore tenir à son petit Shen Jue ?

Mais au fait, où est le régent dans tout ça ?


Notes du chapitre :
(1) Là où l'Empereur envoyait les concubines qui n'avaient plus ses faveurs.
(2) En forme de cercle non fermé.
(3) Dans la mythologie chinoise, le corbeau d'or habite et représente le soleil.
(4) Une pièce chauffée par un fourneau.






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