Cent façons de tuer un prince charmant 29

Chapitre 29


Après que Ni Xinyan ait humilié Murong Xiu en public, il retourna s'asseoir avec un sourire satisfait sur le visage, comme s'il était devenu un héros qui venait de sauver une beauté délicate d'un homme mauvais.

En y songeant, il ne put s'empêcher de regarder sa Beauté et se rendit compte que ladite Beauté le contemplait d'un air étrange.

Ni Xinyan en fut étonné.

« Pourquoi tu me regardes comme ça ? »

Shen Jue n'aurait vraiment jamais cru que Ni Xinyan allait parler sur ce ton à Murong Xiu mais c'était tout aussi bien. Il n'aurait pas non plus voulu voir Ni Xinyan avoir le coup de foudre pour Murong Xiu et reprendre la même route, cela lui aurait alors posé des problèmes.

« Vous avez parlé au sixième prince ainsi, vous n'avez pas peur qu'il se fâche ? » s'enquit-il.


Ni Xinyan interpréta cette question comme une marque d'inquiétude de Shen Jue pour lui et il lui caressa la tête.

« Qu'y a-t'il de si terrible ? S'il se fâche, et alors ? Nous allons tous à la frontière et on ne reviendra pas avant un an et demi. On peut dire que quand nous reviendrons à Beijing, le sixième prince aura tout oublié depuis longtemps. »

Non, Murong Xiu est quelqu'un de très obstiné et il est extrêmement rancunier.

Quand ils reviendraient à Beijing, Shen Jue n'osait imaginer ce que serait devenu Murong Xiu. Murong Xiu s'était servi du huitième prince pour regagner les faveurs de la concubine Jing. Quelle serait sa prochaine étape ?

Shen Jue réfléchit : Murong Xiu, qui avait tous ses souvenirs, ne voudrait plus être un empereur de pacotille mais le futur régent assis en face de Shen Jue était encore innocent et gentil.

Le garçon ne put s'empêcher de sourire et ne répondit pas.


* * *


À la grande surprise de Shen Jue, il resta à la frontière pendant six ans et passa de l'enfance à l'adolescence.

Dans le camp militaire, bien qu'il soit eunuque, personne ne le regarda de haut à cause de l'intérêt et de l'affection que lui portait Ni Xinyan. Et même si certains ressentaient du mépris, ils n'osaient pas le manifester ouvertement car durant les deux premières années, Ni Xinyan avait puni bien des hommes pour ça.

Shen Jue avait tout d'abord cru qu'il pourrait retourner à Beijing après trois ans tout au plus mais il semblait à présent qu'aucun retour à Beijing n'était en vue.

Après la victoire du roi de Ning six ans plus tôt, il avait reçu l'ordre de rester en garnison à la frontière. Bien que l'ennemi étranger ait été vaincu, les troupes de ce dernier avaient franchi la frontière par pure provocation trois fois déjà. La famille Ni avait donc également envoyé ses troupes de temps en temps mais Shen Jue n'avait jamais participé.

Il n'était pas intéressé par ces combats. S'il pouvait l'éviter, il préférait tout autant.


Mais Ni Xinyan prenait trop bien soin de Shen Jue. Ces six dernières années, il s'entraînait avec lui tous les jours. Le résultat était que l'apparence de Shen Jue n'était clairement plus la même que durant ses vies précédentes. Au cœur du palais, Shen Jue était rarement exposé au soleil avait sa peau avait toujours été pâle. À présent il avait un teint couleur de blé et il y avait même plus de muscles sous sa peau. À seize ans, Shen Jue arrivait aux oreilles de Ni Xinyan.

Mais Shen Jue n'eut jamais de barbe qui poussa et même son corps était complètement glabre, contrairement aux autres hommes de l'armée.

Néanmoins Shen Jue n'était pas le plus voyant dans le camp, il y avait aussi Ni Xinyan.

Après six ans, Ni Xinyan était devenu bien plus posé qu'adolescent. On devinait vaguement en lui l'ombre du futur régent. Bien qu'il mangeait, dormait et s'entraînait avec les soldats, sa peau blanche ne prenait toujours pas de teint hâlé.

Nin Xinyan en était le premier mécontent et il regardait souvent Shen Jue avec envie.


* * *


« Xiao Jue, les rations de la capitale arriveront demain. Je vais les réceptionner avec des soldats. Tu veux venir avec ? »

Ni Xinyan était allongé sur sa couchette, une grosse longue jambe pliée de manière désinvolte. Ses longs cheveux noirs comme de l'encre étaient attachés tout simplement derrière sa tête avec un ruban bleu et un léger sourire se voyait sur son beau visage pâle.

Shen Jue refusa sans même prendre le temps d'y réfléchir.

Ni Xinyan soupira.

« Allez, j'ai dit à sa Majesté que je t'entraînerai pour faire de toi un général mais au final tu ne fais que des petites corvées dans l'armée. En quoi est-ce différent d'être au palais ?

– Je n'aime pas cette odeur, » répliqua froidement Shen Jue.

Par la même occasion, il jeta sur Xi Ninyan les vêtements qu'il venait de plier.

« Va te laver. »


Nin Xinyan posa ses longues jambes par terre et se leva tout à coup. Il se pencha tout près de Shen Jue sans prévenir.

« C'est l'odeur d'un homme, qu'est-ce qu'un gosse comme toi en sait ? »

Il eut un léger rire, ses yeux remplis d'amusement. Le souffle chaud qui sortait de ses narines se répandit sur le visage de Shen Jue.

Ce dernier se renfrogna à cause de l'odeur de transpiration de l'autre. Il lança un regard mécontent à Ni Xinyan et se leva pour s'en aller.

« C'est bon, j'y vais. »

Ni Xinyan prit les vêtements sur le lit et sortit de la tente. En passant à côté de Shen Jue, il ne put s'empêcher de lui pincer la joue puis il pressa le pas et sortit presque en courant.

Shen Jue ressuya son visage du revers de la main avec un air inexpressif.


Au milieu de la nuit, il fut réveillé par du bruit en dehors de la tente. il se retourna dans le lit et découvrit qu'il y avait beaucoup de lumière dehors. Il y réfléchit un moment puis mit un manteau et sortit de la tente.

Il vit l'agitation en dehors, beaucoup de soldats sortaient avec précipitation de leurs tentes. Shen Jue remarqua que les généraux adjoints comptaient les hommes de chaque escouade. Il plissa le front et se rendit aussitôt sous la tente de Ni Xinyan.

La lanterne brillait vivement dans la tente de l'homme. Quand Shen Jue se rua à l'intérieur, il était en train de mettre son casque. Il vit l'adolescent et fit :

« Ces voleurs de Yong connaissaient l'itinéraire de nos rations. Je dois envoyer des troupes pour les empêcher de nous les voler. »

En entendant ça, Shen Jue eut soudain un vague pressentiment. Il fit aussitôt :

« Je veux venir avec.

– Tu comptes faire quoi ? répondit Ni Xinyan en le regardant.

– Tu ne voulais pas que je m'illustre dans l'armée ? C'est le moment, » répliqua Shen Jue.

Cela fit légèrement rire l'autre homme.

« Tu ferais mieux de retourner te coucher, ne fais pas d'histoire. »


Sur ce, il se dirigea vers la sortir. Shen Jue se planta rapidement devant lui en voyant ça et déclara d'un air sérieux :

« Je ne fais pas d'histoire, je veux venir avec toi. Si tu ne me laisses pas faire, je te suivrai en cachette. Le seul moyen de m'en empêcher, c'est que tu ordonnes à quelqu'un de m'attacher mais si tu fais, ça, tu te débrouilleras tout seul avec ton linge. »

Cette menace laissa Ni Xinyan sans voix. Il siffla légèrement, se pinça les lèvres puis fit d'un ton impuissant :

« D'accord, suis-moi si tu veux mais reste bien près de moi, ne t'éloigne pas.

– Entendu, » accepta l'adolescent.

Shen Jue avait voulu suivre Ni Xinyan à cause de son étrange pressentiment mais il n'aurait jamais cru que ce mauvais pressentiment allait vraiment se réaliser.

Bien des hommes perdirent la vie cette nuit-là. Ni Xinyan n'avait pris que quelques milliers d'hommes pour protéger les rations militaires. Jamais il n'aurait cru que l'armée de Yong aurait cinquante mille soldats en embuscade. Tous les soldats qu'il dirigea cette nuit-là périrent.


* * *


Il y avait des corps partout, le sol était gorgé de sang et l'air était rempli de l'odeur forte et désagréable du sang.

Soudain une main toute sale surgit de sous un corps. Pendant un moment, la personne rampa lentement pour s'extirper de la pile de cadavres. C'était Shen Jue et il sortit de là, le visage couvert de sang. Il regarda tout autour mais ne vit aucune trace de Ni Xinyan.

« Ni Xinyan ! Ni Xinyan ! »

Shen Jue se redressa en tremblant et cria fort le nom de l'autre homme, mais personne ne lui répondit. Shen Jue ressuya de sa main le sang sur son visage, serra les dents et se mit à chercher un cadavre. Si Ni Xinyan était vraiment mort, il devait voir son corps.

À vrai dire, cette bataille avait eu lieu dans chaque vie mais en général à ce moment-là, Shen Jue se trouvait au palais. Il se souvenait seulement que cette bataille devait se produire trois ans après le départ du roi de Ning. À sa grande surprise, cet incident s'était produit avec trois ans de retard cette fois.

Ils étaient arrivés la nuit et étaient tombés dans une embuscade. Un grand nombre d'archers avaient tiré des flèches sur eux. Ni Xinyan avait tranché toutes les flèches qui visaient Shen Jue puis avait confié l'adolescent à un adjoint. Si Shen Jue avait pu survivre, c'était grâce à ce soldat qui l'avait protégé de son corps avant de mourir.


Il y avait bien trop de cadavres. Shen Jue fouilla jusqu'à l'aube sans trouver Ni Xinyan. Il se laissa tomber à terre, sans force. Il n'avait rien mangé depuis un jour et son estomac lui brûlait horriblement. Il contempla les corps à perte de vue et une lueur de confusion apparut dans son regard.

Curieusement, il avait le sentiment que le fait que cette bataille avait été retardée de trois ans avait un rapport avec Murong Xiu.

Pendant que Shen Jue songeait à cela, un corps non loin se mit soudain à bouger. Shen Jue l'aperçut du coin de l'œil et accourut aussitôt. Il retira un corps allongé sur le dos et vit Ni Xinyan coincé en dessous, le corps couvert de sang.

L'homme ouvrit faiblement les yeux et vit Shen Jue juste devant lui. Sa bouche s'ouvrit légèrement comme s'il voulait dire quelque chose mais ne pouvait pas émettre le moindre son. Shen Jue tenta de tirer Ni Xinyan mais dès qu'il le toucha, l'autre homme inspira brusquement et son front se couvrit de sueur suite à la douleur.


Shen Juen cessa aussitôt son geste et il examina soigneusement Ni Xinyan. Il se rendit compte que du sang coulait de sous son armure. Il prit alors une dague d'un cadavre tout proche et découpa l'armure Pour info, les armures chinoises ne sont pas comme celles de nos chevaliers du Moyen-Âge ! Elles se composaient de plaques de cuir ou de métal facilement retirables. (1) de Ni Xinyan. Il vit alors une flèche qui dépassait de l'abdomen de l'autre homme.

Cette flèche avait été tirée dans le dos et avait transpercé tout l'abdomen.

Shen Jue se renfrogna et tourna Ni Xinyan sur le côté. Il découvrit que la flèche s'était brisée dans le corps de l'autre homme. Il ne pouvait pas la retirer tout de suite : il n'y avait pas de feu ici. S'il retirait imprudemment la flèche, la blessure risquerait de s'infecter.

Il hésita un moment puis souleva Ni Xinyan sur son dos. Il eut du mal à le porter et l'autre homme était inconscient.


Bien que Shen Jue soit plus grand, il était encore maigrelet. Avec Ni Xinyan sur le dos, il trébucha et faillit tomber plusieurs fois. Bien qu'il ait bandé comme il pouvait la blessure, le sang continuait de couler. Le visage de l'homme devenait de plus en plus pâle. Il reprit une fois conscience à cause de la douleur en cours de route. Il regarda avec confusion l'adolescent qui le portait et fit d'un ton las :

« Xiao Jue, continue tout seul. »

Shen Jue se frotta le visage contre l'épaule pour ressuyer la sueur. Il ne pouvait pas se servir de ses mains pour le moment. Ses membres étaient tout engourdis et seule sa volonté lui permettait d'avancer.

« Votre Excellence, le roi vous attend, nous ne pouvons pas abandonner. »

En parlant, Shen Jue put sentir le goût du sang dans sa bouche.

Les libellules dans l'herbe furent dérangées par leur passage et elles s'envolèrent comme des étoiles ornant le ciel.


Ni Xinyan observa les libellules dansantes et ferma les yeux. Après un long moment, il répondit :

« Oui, je dois retourner auprès de mon père. Il y a quelque chose de louche dans cette affaire, il doit y avoir un traître... »

Avant de finir sa phrase, il s'évanouit à nouveau.

Shen Jue marqua une légère pause. S'il ne se trompait pas, il craignait fort que Ni Xinyan ne voit plus jamais le roi de Ning.

Dans les vies précédentes, c'était l'Empereur Murong qui avait délibérément orchestré le vol des grains et des vivres afin de tuer le roi de Ning et son fils. Cependant Ni Xinyan survécut par chance et le roi de Ning, qui avait appris la disparition de son fils, ne céda pas à la panique. Au lieu de ça, il organisa calmement ses troupes afin de protéger la frontière. Cependant une armée ne pouvait pas survivre bien longtemps sans provisions : après la disparition de Ni Xinyan, le roi de Ning mena son armée pendant trois mois mais la Cour n'envoya jamais de ravitaillement pour aider les troupes.


Un jour, alors que les provisions et les munitions étaient épuisées, le roi de Ning ouvrit les portes de la ville et se rendit.

Il se rendit pour le bien des habitants et des soldats dans toute la ville.

L'armée de Yong pénétra alors dans la ville et apporta des vivres, mais à une condition —

Ils exigèrent que le roi de Ning mette fin à ses jours.

Shen Jue avait entendu parler du roi de Ning quand il était au palais. Tout le monde disait qu'il était un héros sans pareil dans le monde. Il avait dirigé des troupes depuis l'âge de quinze ans et avait remporté d'innombrables batailles tout au long de sa vie et terrorisé ses ennemis. Il était dommage que quelqu'un ne pouvait pas supporter l'existence de ce héros.


Note de Karura : Malgré la fin un peu tragique de ce chapitre, vous aurez sans doute noté comme Ni Xinyan et Shen Jue sont devenus très proches en six ans. Ni Xinyan l'a même protégé au début de la bataille. Je ne sais pas pour vous, mais ça sent la romance, mmm ?

Shen Jue : Je ne sens que l'odeur du sang.

Karura : … Bon, c'est pas gagné avec lui.


Notes du chapitre :
(1) Pour info, les armures chinoises ne sont pas comme celles de nos chevaliers du Moyen-Âge ! Elles se composaient de plaques de cuir ou de métal facilement retirables.






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