Chapitre 231
Ces yeux ne le regardèrent pas. Shen Jue ne vit que le profil de cet homme. Les yeux sous la visière de la casquette s’illuminèrent un instant, comme une lame que l’on dégainait de son fourreau. Ils ne montrèrent leur éclat acéré qu’un moment avant de se rabaisser.
Shen Jue regarda l’homme s’éloigner et il plissa le front. Étrangement, il avait l’impression que ces yeux-là étaient familiers, comme s’il les avait déjà vus quelque part mais ne pouvait pas s’en rappeler.
L’homme avait de longues jambes et ne semblait pas aller vite, pourtant il ne lui fallut pas longtemps pour disparaître de leur champ de vision. La femme du PDG n’avait pas cessé de le fixer et elle fit à son époux :
« Je trouve que cet homme ressemble vraiment à une star, mais je ne sais pas qui c’est. »
Le président eut un sourire indulgent.
« Okay, tu peux arrêter de regarder, il est parti. Dis-moi quelle star tu veux voir et nous l’inviterons comme ambassadeur de notre marque la prochaine fois. Comme ça, tu pourras le regarder autant que tu voudras. Maintenant, dépêchons-nous d’arriver au sommet. »
Une fois au Temple des Mille Bouddhas, Shen Jue ne pria pas mais resta simplement à l’entrée.
Il s’était réincarné dans tous ces mondes pendant plus de mille ans, alors il n’était plus le Shen Jue d’origine. Il n’y avait à présent plus que la haine qui le faisait vivre. La première fois qu’il avait eu le miroir à souvenirs en main, il s’était juré de réécrire les lois célestes avec du sang. En le regardant de nouveau maintenant, il semblait s’être fondu dans l’environnement, pas différent des autres.
Son maître attendait son retour, mais serait-il vraiment celui que son maître voudrait voir ? Il était à présent un immortel, un démon ou un fantôme méconnaissable, il n’arrivait plus à faire la différence.
Une fois qu’il fut descendu de la montagne, il retourna directement chez lui. Shang Jiayu n’était pas là et il s’en moqua bien. Après une douche, il retourna au bureau. Il avait encore une foule de choses à faire pour établir une succursale dans le pays M et s’il finissait plus tôt, il aurait plus de chances de trouver Shang Yanyu.
Il fut ainsi occupé jusqu’à 22 h avant de quitter son travail. Il était déjà 22 h 30 quand il rentra chez lui. Après une autre douche et le tri dans ses documents, il était une heure du matin sans qu’il n’ait vu le temps passer.
Shen Jue allait se mettre au lit quand il reçut un appel anonyme sur son portable.
Il fixa le numéro un bon moment avant de décrocher :
« Allô. »
C’était très bruyant à l’autre bout du fil, on aurait dit un bar. Shen Jue fronça les sourcils en entendant, puis la voix de Shang Jiayu se fit entendre :
« Grand frère, je ne rentre pas cette nuit. »
Dès que Shen Jue se rendit compte qu’il s’agissait du jeune Oméga, son ton devient glacial :
« Fais comme tu veux. »
Il raccrocha.
Quand Shang Jiayu s’aperçut que l’autre avait raccroché, ses yeux s’écarquillèrent un peu, puis il renifla de mépris. Il rendit le portable à l’homme à côté de lui.
« Merci. »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
L’autre homme contempla sans s’en cacher le beau petit visage de l’Oméga.
« De rien. Puisque tu ne peux pas rentrer chez ton grand frère, et si tu venais chez moi cette nuit ? »
Les lèvres de Shang Jiayu s’étirèrent en un léger sourire à ces mots. Il tendit la main et la fit glisser le long de la cravate de l’autre.
« Vraiment ? Ta maison est assez grande ? »
Quand l’autre homme vit ce sourire, son cœur le démangea encore plus. Il allait saisir la main de Shang Jiayu mais le jeune homme la retira rapidement.
Le sourire de Shang Jiayu retomba.
« Même si ta maison est très grande, je ne peux pas venir. Mon grand frère a dit que si je ne revenais pas, il allait me casser les jambes. Il a même dit qu’il allait venir ici pour me chercher, alors je dois partir. »
Il était déjà 2 h du matin quand Shang Jiayu arriva chez Shen Jue. Quand il était parti en fin d’après-midi, il avait pris exprès le double des clefs de la porte d’entrée. Mais quand il prit les clefs pour ouvrir la porte, il s’aperçut qu’elle était verrouillée de l’intérieur et qu’il ne pouvait pas du tout l’ouvrir de l’extérieur. Furieux, il donna des coups de pied à la porte et sonna pendant plus de dix minutes. Pourtant, il n’y eut aucun mouvement à l’intérieur.
Il faisait trop froid dehors, il n’en pouvait plus, alors il dut retourner en taxi chez Yao Zhan.
Mais à sa grande surprise, il venait à peine d’entrer que Yao Zhan arriva à son tour.
« Frère Zhan ? »
Shang Jiayu se pétrifia sous le choc
Yao Zhan avait l’air épuisé. Il posa sa mallette dans un coin à l’entrée. Tout en changeant ses chaussures, il demanda :
« Pourquoi tu n’es pas encore au lit ?
– Je… Je… »
Embarrassé, le jeune Oméga ne savait pas quoi répondre.
Yao Zhan se rendit alors compte que l’autre portait des vêtements pour sortir et qu’il se dégageait plusieurs odeurs de son corps, des odeurs très fortes ainsi que de l’alcool.
Yao Zhan se renfrogna.
« Tu es allé dans un bar ? Tu ne sais donc pas qu’un Oméga de moins de vingt ans n’a pas le droit d’aller dans un bar ? Tu étais sorti t’amuser jusqu’à cette heure ? On dirait que tu as pris du bon temps durant les quelques jours où je suis parti, hein ? Pas étonnant que Li Ma disait que tu n’étais jamais là, tu m’as en fait menti en disant que tu habitais avec Shen Jue. Shen Jue, t’accepter chez lui ? C’était vraiment un mensonge ridicule ! »
En fait, Yao Zhan n’aurait jamais parlé aussi rudement en temps normal. Mais cette fois, s’il s’était précipité de rentrer au beau milieu de la nuit, c’était en grande partie parce qu’il était inquiet au sujet de Shang Jiayu.
C’était parce que la gouvernante, Li Ma, lui avait dit que le jeune homme ne résidait jamais à la maison et ne revenait pas pour dîner. Il avait donc appelé Shang Jiayu qui avait répondu comme toujours : ils discutaient toujours un peu et raccrochaient après quelques mots. Mais depuis ce matin, Yao Zhan n’avait pas pu joindre Shang Jiayu, cela disait toujours que l’appel ne pouvait pas aboutir. Voilà pourquoi il était revenu aussi vite. Bien entendu, il y avait aussi des affaires urgentes à traiter dans sa compagnie.
Quant à Shang Jiayu, déjà rejeté par Shen Jue, il se sentait déjà mal à la base. Alors en voyant Yao Zhan lui crier dessus dès son retour, il sentit la moutarde lui monter aussi au nez.
« Oui, je me suis bien amusé, et alors ? Ça ne te plaisait pas, le fait que j’aime sortir en boîte ? Tu m’as dit que Shen Jue est du genre terne, que tu avais l’impression qu’il n’est pas vivant, comme si tu tombais amoureux d’un bout de bois, alors où est le problème ? Tu trouves maintenant que j’aime trop sortir faire la fête ? Alors retourne à ton bout de bois, ah. Oh non, c’est vrai, ton bout de bois a déjà rompu vos fiançailles ! »
Le regard de Yao Zhan se fit un peu glacial.
« Xiao Yu, ne dis pas ça. »
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Mais quand le jeune homme était bien remonté, sa bouche ne pouvait plus s’arrêter :
« Où est le problème que je dise ça ? Frère Zhan, tu as peur que ça se sache ? Je me rappelle très bien de ce que tu m’as dit quand tu m’as pris dans tes bras, tu veux que je le répète ? Tu sais que j’aime faire la fête, tu te crois irréprochable ? Tu n’as fait que tromper… »
Avant qu’il ne puisse terminer, il se fit interrompre par une gifle.
Une fois que Yao Zhan eut porté le coup, il se figea un moment avant de réaliser ce qu’il venait de faire. Il allait amadouer Shang Jiayu mais ce dernier lui jeta un regard noir. Il se tourna et courut dans la chambre. Il referma vite la porte et Yao Zhan eut beau tenter de l’amadouer de l’extérieur, il refusa de lui ouvrir.
En plus, Yao Zhan était vraiment très fatigué, il n’avait pas dormi depuis presque vingt heures. Après avoir tenté en vain d’amadouer le jeune Oméga pendant une bonne heure, il ne put que retourner dans sa propre chambre pour se doucher et se coucher. Pendant ce temps, Shang Jiayu s’était jeté sur le lit pour pleurer. Il avait déjà inondé l’oreiller.
Il ressuya ses larmes du revers de la main et son corps trembla de douleur. Yao Zhan l’avait frappé. Ses propres parents ne l’avaient jamais frappé, alors que Yao Zhan l’avait directement giflé. Bien que Shen Jue l’avait également tapé, c’était lui qui l’avait provoqué le premier, il en avait bien conscience. En plus, Shen Jue n’avait pas été jusqu’à le gifler.
C’était insultant de se faire gifler. Yao Zhan l’avait giflé juste à cause de ce qu’il avait dit.
En n’entendant plus aucun bruit à l’extérieur, Shang Jiayu sortit son portable de sa poche et ouvrit la liste de ses contacts. Il parcourut tous les noms mais ne trouva personne à appeler pour se plaindre.
Finalement, il envoya un texto à un numéro de téléphone indiquant “Maman”.
[Maman, tu ne manques tellement. Ce serait tellement bien si tu étais toujours en vie.]
Au même moment, dans un hôtel à trois kilomètres de la maison de Yao Zhan.
Le téléphone placé sur une table basse dans le salon vibra légèrement.
Puis une main aussi blanche que du jade prit le portable sur la table basse.
Sans Shang Jiayu, la vie de Shen Jue devint soudain considérablement plus calme. Il prit rendez-vous avec un technicien pour venir réparer la clim dans la chambre d’ami. Il avait aussi confirmé le moment de son voyage au pays M : il irait à la capitale du pays M au début du mois prochain et y resterait cinq jours.
Avant son départ, Yao Zhan lui envoya un message d’un autre numéro pour l’inviter à dîner. Il disait qu’il voulait le remercier d’avoir pris soin de Shang Jiayu, mais Shen Jue l’ignora.
Quant à Shang Jiayu, ce type était bien plus calme. Sans doute maintenant qu’il était avec Yao Zhan, il n’avait plus besoin de venir l’embêter.
Le début du mois suivant arriva très vite. Durant les trois premiers jours où Shen Jue résida dans la capitale du pays M, il eut à peine le temps de sortir manger. Il était aussi occupé qu’une toupie tournant dans tous les sens, avec bien trop de choses à faire. Ce ne fut que le quatrième soir de son séjour qu’il eut enfin une soirée de libre sans avoir eu à travailler tard.
Incapable d’aller dans d’autres villes juste pour une soirée, Shen Jue rechercha des lieux intéressants sur son portable. Il vit soudain le Grand Théâtre où il s’était déjà rendu. Pour une raison étrange, il eut envie d’y retourner.
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À 19 h 40, Shen Jue arriva devant le Grand Théâtre. La prochaine représentation commençait à 20 h tapantes. Il eut la chance d’acheter le tout dernier billet. Comme le spectacle n’allait pas tarder à commencer, Shen Jue prit juste le temps de voir ce qui était marqué sur le billet avant d’entrer dans la salle.
Il s’agissait de l’opéra Si Fan. Shen Jue fut surpris de voir le nom du principal interprète : Si Yu.
Dans ce monde, Si Fan était un opéra qui se jouait depuis des milliers d’années. À l’époque, les Alphas, Bêtas et Omégas n’existaient pas, alors cela ressemblait plus au monde de Shen Jue. Cet opéra racontait l’histoire d’une jeune nonne malade qui avait été envoyée dans un couvent par ses parents quand elle était enfant. Mais elle n’avait pas pu supporter la vie froide et déprimante au couvent, alors elle s’était enfuie en cachette.
Beaucoup de gens étaient venus assister à la représentation et beaucoup d’entre eux n’avaient même pas l’air d’être chinois. Ils parlaient à voix basse, comme pour discuter de l’opéra, et quand il fut 19 h 55, le public devint silencieux.
Cinq minutes plus tard, l’opéra débuta.
Shen Jue vit une nonne à la belle silhouette vêtue toute de blanc. Il avait acheté le dernier billet restant alors bien entendu, il n’était pas bien placé. Il était tout à l’arrière dans un coin, alors il ne pouvait pas voir clairement le visage de l’interprète sur scène, juste sa silhouette.
Au vu de cette silhouette, il était clair qu’il s’agissait d’un Alpha mâle, parce qu’il était très grand. Un Alpha mâle pour jouer le rôle d’une petite religieuse, cela semblait complètement à côté de la plaque. Shen Jue regarda autour mais se rendit compte que tous les autres semblaient prendre ça très sérieusement.
Mais dès que l’interprète sur scène se mit à chanter le premier vers, ce sentiment d’incompatibilité que Shen Jue avait ressenti avant disparu totalement.
« Il était une fois un moine du nom de Mu Lian qui avait sauvé sa mère des portes de l’Enfer… »
La personne sur scène s’avança au centre avec de petits pas. Sa voix était à la fois puissante et douce. Même un profane pouvait sentir la profonde sagesse qui émanait de cette simple phrase. Même si Shen Jue ne pouvait pas voir clairement le visage de l’autre, il avait l’impression qu’en face de lui se trouvait véritablement cette petite religieuse pleine de vie qui ne voulait pas mener une vie solitaire.
Durant les quarante minutes qui suivirent, Shen Jue fut complètement immergé dans l’opéra. Il ne revint à lui que lorsque la représentation s’acheva. Presque tout le monde autour de lui était dans le même état. La personne sur scène était déjà partie, alors que le public discutait encore. Shen Jue entendit ces gens prononcer un nom —
« Si Yu. »
Il était 20 h 50 quand Shen Jue quitta la salle. Il resta debout dans l’entrée du Grand Théâtre. Il y avait une immense photo de Si Yu sur le mur et dessus, l’autre avait la même apparence que lorsque Shen Jue l’avait vu pour la première fois.
Pour une raison mystérieuse, ce Si Yu faisait naître en lui un sentiment vraiment étrange. Shen Jue s’était rarement laissé ensorceler par quelque chose mais là, c’était la première fois qu’il s’était complètement plongé dans le monde de cette petite nonne interprétée par Si Yu sur scène.
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Tout à coup, Shen Jue entendit de l’agitation. Il en chercha l’origine et vit que les gens qui étaient restés eux aussi dans le hall d’entrée par petits groupes s’étaient subitement précipités à un endroit.
Bien qu’il y avait énormément de bruit, Shen Jue entendit clairement une voix d’homme :
« Ne vous pressez pas, prenez votre temps. Chacun pourra avoir un autographe. »
Cet homme parlait la langue du pays M. C’était une voix très familière pour Shen Jue. Elle était grave et agréable. Après l’avoir entendue, il sentit un picotement dans tout son corps.
C’était Si Yu.
Shen Jue hésita un moment, puis se rendit vers l’endroit où la foule s’était rassemblée. Il y avait bien trop de gens, alors il ne put qu’attendre en périphérie. Le temps passa lentement et la foule devant lui se dispersa peu à peu. Sans s’en rendre compte, Shen Jue se retrouva au premier rang et ce fut alors qu’il vit Si Yu entouré par des gens.
Il n’avait pas retiré son maquillage cette fois et il portait toujours son costume, comme s’il était descendu temporairement pour leur signer des autographes.
La personne devant Shen Jue s’éloigna et du coup, ce fut Shen Jue le suivant.
Si Yu lui tendit la main et fit d’un ton naturel :
« Salut, dis-moi ton nom. »
Shen Jue regarda la main tendue et se sentit un peu gêné. Il ne put que chercher dans ses poches quelque chose sur lequel l’autre aurait pu signer mais malheureusement, il n’avait pas de papier. Il avait utilisé sa dernière feuille de papier un peu plus tôt et là, il ne restait plus qu’un chocolat dans sa poche.
En voyant cette main blanche comme du jade tendue devant lui, il se mordit les lèvres. Puis avec réticence, il prit le chocolat dans sa poche pour le déposer dans la main de l’autre.
Ces chocolats étaient délicieux et on ne les trouvait pas facilement. C’était le dernier qui lui restait.
Note de Karura :
Shen Jue, les larmes aux yeux : Mon dernier chocolat, snif.
Gong, tout fier : Je suis tellement beau qu’il en pleure !
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