Chapitre 266
Shen Jue ne se rendit pas chez Lin Chuyan le lendemain car avant de partir la veille, il avait remarqué que le regard du jeune homme s’était modifié, passant progressivement du sommeil au calme. Ce calme ne provenait pas seulement du réveil, mais aussi d’autres raisons.
Qui était Lin Chuyan ?
Pour dire les choses clairement, c’était le fier fils du Ciel, avec d’innombrables admirateurs. Il était aussi très aimable envers les autres, mais il avait un sombre secret : il était amoureux de sa belle-sœur. Si cela venait à se savoir, non seulement Lin Chuyan serait rejeté par le monde entier, mais son grand frère et sa belle-sœur en subiraient également les conséquences.
On pouvait dire que Jing He était comme une tumeur maligne dans le corps de Lin Chuyan. Au départ, il avait caché cette tumeur dans son cœur sans rien dire à personne, mais ce fut alors que Shen Jue avait fait son apparition. Il était fort possible que Lin Chuyan lui-même avait été surpris par son obsession pour le visage que Shen Jue avait peint. S’il lui restait encore un peu de bon sens, il se rendrait compte qu’il devait mettre rapidement un terme à cette situation dangereuse, couper tout lien avec Shen Jue et garder cette histoire secrète pour toujours.
Shen Jue ne pouvait pas lui en laisser l’occasion, alors il décida de ne plus se rendre chez Lin Chuyan pour les prochains jours. Du coup, comme il n’avait rien d’autre à faire, son instinct de fantôme à la peau peinte reprit le dessus.
Cet instinct était identique à celui de la période où il était un écureuil et qu’il ne pouvait pas s’empêcher de manger des noisettes. Il avait été occupé si longtemps avec Xie Zhi et Lin Chuyan qu’il n’avait pas pris le temps d’admirer des beautés. Alors durant ces quelques jours de libre, il se promena dans les rues à la recherche de splendeurs.
Il faisait froid ces temps-ci, alors il y avait de moins en moins de gens au marché nocturne. Il était presque impossible de trouver quelqu’un de beau parmi les deux, trois passants, c’était comme essayer de trouver une aiguille dans une botte de foin. Shen Jue ne pouvait pas réprimer son instinct, alors il se rendit dans le quartier rouge où il était sûr de trouver le plus de monde la nuit.
Le quartier rouge de la capitale se divisait d’habitude en deux parties : au début du quartier, on pratiquait seulement la danse et le chant, tandis qu’à l’arrière, on pratiquait la danse, le chant et la prostitution.
Cela faisait plus d’un siècle que Shen Jue était devenu un fantôme et tout ce qu’il possédait dans son manoir avait été volé. Comment aurait-il pu avoir de l’argent pour entrer ouvertement dans ce quartier ? Alors il se rendit invisible pour se faufiler en douce dans le pavillon le plus réputé de la capitale —
Le pavillon Tunjin J’aime bien traduire les noms en général mais là, c’est trop long. Ça veut dire : se suicider en avalant de l’or. C’était littéralement un moyen de se suicider puisque l’or en grande quantité est toxique pour l’organisme, ou bien les bijoux avalés déchirent l’œsophage. (1).
Comme son nom le suggérait, les jeunes demoiselles et les jeunes maîtres qui travaillaient là étaient très chers et ils vidaient les poches des clients comme s’ils avalaient de l’or. Étant donné le prix, leurs apparences étaient bien sûr de la plus haute qualité, tous autant que l’autre.
Cependant, après que Shen Jue se soit rendu invisible pour entrer, il ne fut pas très satisfait parce que toutes les beautés qu’il vit dans le pavillon ne valaient pas Lin Chuyan et Xie Zhi. À force de passer du temps avec ces deux hommes, il était devenu un peu blasé en voyant leurs visages. Il trouva que les beautés du pavillon étaient jolies, mais toutes un peu vulgaires.
Au moment où il allait rentrer, il aperçut soudain quelqu’un. Les yeux de Shen Jue se mirent à briller à cause de son apparence.
Si on prenait séparément les traits de son visage, ils n’étaient pas aussi exquis que chez Xie Zhi et si on prenait son tempérament, il n’était pas aussi élégant que Lin Chuyan. Mais pour une étrange raison, l’association de son visage et de son tempérament donnait aux gens un sentiment agréable et l’impression qu’il s’agissait d’une beauté.
Shen Jue contempla cette personne un moment. Quand il le vit sortir du pavillon, il ne put s’empêcher de le suivre. L’homme se rendit près de l’étang dans la cour. Bien qu’il y avait des lanternes accrochées dehors, ce n’était pas aussi éclairé qu’à l’intérieur du pavillon. Sans s’en rendre compte, Shen Jue se rapprocha pour mieux voir l’autre homme. Mais dès qu’il fut trop près, l’homme regarda dans sa direction.
« C’est moi que tu regardes ? » fit-il avec un léger sourire.
Shen Jue en fut stupéfait un moment, puis il se déplaça sur le côté et vit que l’autre homme suivait ses mouvements des yeux. Après avoir confirmé que l’autre le voyait bel et bien, il apparut simplement.
« Tu peux me voir ? »
L’homme hocha la tête.
« Je suis né avec des yeux Yin Yang, alors je peux voir les fantômes. C’est aussi moi que tu regardais quand tu te cachais derrière le pilier ? »
L’autre personne était un homme d’âge moyen. En regardant de plus près, Shen Jue se rendit compte qu’il était plutôt âgé. Quand il souriait, on pouvait voir clairement des petites rides au coin de ses yeux, mais cela ne diminuait en rien sa beauté. Même ces rides lui conféraient un air de maturité.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
« Oui, c’est toi que je regarde. Je peux ? » demanda Shen Jue.
L’homme rit de nouveau et lui fit simplement signe.
« Tu peux t’asseoir et regarder de plus près. Tu es un fantôme à la peau peinte, pas vrai ? J’ai lu quelque chose à ton sujet dans un livre. Ce livre dit que tu aimes le plus les belles apparences et que tu es incapable de t’écarter quand tu vois une belle femme. Alors pourquoi tu veux me regarder ? »
Étant donné que l’autre lui avait fait signe, Shen Jue vint réellement s’asseoir à côté de lui. Il avait déjà senti l’odeur de l’autre et il ne semblait pas être un maître céleste. Ce devait juste être un humain ordinaire doté des yeux Yin Yang. Puisque c’était quelqu’un de normal, Shen Jue n’avait rien à craindre de lui.
« Je te trouve très beau et j’ai envie de peindre ton visage. »
Ces paroles furent prononcées instinctivement par Shen Jue.
Les fantômes à la peau peinte étaient comme ça, ils ne pouvaient vraiment pas ignorer une belle apparence. Sans ça, comment Shen Jue aurait-il pu se laisser autant fasciner par Xie Zhi dans les autres vies ? Bien que sa raison lui disait de ne pas tomber amoureux de Xie Zhi, Lin Chuyan et les autres, son instinct faisait qu’il était facilement attiré par des beautés.
Bien sûr, à présent que Shen Jue avait retrouvé ses souvenirs, il ne voulait plus rien avoir à faire d’autre avec ces beautés. Il voulait juste peindre l’apparence de l’autre homme sur sa peau pour la porter.
À ces mots, l’homme haussa un sourcil, puis toisa sérieusement Shen Jue de la tête aux pieds. Son regard revint finalement sur le visage du fantôme.
« Tu peux peindre mon visage, mais tu n’es pas autorisé à sortir avec et à faire des choses mauvaises. »
Avec sa permission, Shen Jue ne se soucia plus du tout du regard de l’autre. Il le contempla directement et mémorisa même les ondulations des rides sur son visage.
L’homme le laissa regarder à loisir et demanda même avec un sourire :
« Tu veux toucher ? »
Au moment où Shen Jue allait secouer la tête, il entendit des bruits de pas précipités sur le côté. Il se tourna dans cette direction et à sa grande surprise, il aperçut Lin Chuyan.
Le jeune homme le rejoignit en quelques pas. Il jeta d’abord un regard à l’homme à côté de lui, puis se tourna de nouveau vers l’adolescent :
« Qu’est-ce que tu fais ici ? »
Avant que Shen Jue ne puisse répondre, il entendit quelqu’un appeler Lin Chuyan non loin :
« Chuyan, qu’est-ce que tu fais là-bas ? »
Lin Chuyan était venu ici ce soir pour boire, forcé par ses anciens camarades d’étude. À part les prostitués, le pavillon Tunjin était aussi un lieu de beuverie réputé. Il n’avait pas voulu venir au départ, mais ses camarades n’avaient cessé d’insister, alors il avait été bien obligé d’accepter. Après tout, il n’avait plus envie de rester chez lui parce que dès qu’il se retrouvait dans sa demeure, il ne pouvait pas s’empêcher de repenser à Jing He et Shen Jue.
Il avait eu l’intention de couper clairement les ponts avec Shen Jue, sauf que l’autre avait cessé de venir depuis un moment. Le temps n’avait pas renforcé sa résolution intérieure, mais l’avait au contraire fait vaciller. Se sentant un peu déprimé, il s’était forcé à sortir de chez lui, mais il n’aurait jamais pensé rencontrer Shen Jue dans un tel endroit. En plus, l’adolescent était assis avec un homme qui avait clairement dix ans de plus que lui-même !
Les gens qui se trouvaient dans le pavillon Tunjin étaient soient des jeunes demoiselles ou des jeunes maîtres, ou bien encore des clients.
Cet homme n’avait pas l’air d’être un jeune maître ici, le pavillon Tunjin n’engagerait jamais quelqu’un d’aussi vieux, alors que Shen Jue…
Lin Chuyan avait une fois interrogé Shen Jue sur ses origines, mais ce dernier avait seulement répondu qu’il était orphelin et qu’il vivait seul, sans répondre aux autres questions. En même temps, il avait été un peu étonné par la familiarité de Shen Jue en ce qui concernait la séduction et le sexe. Aucun adolescent de seize ans n’aurait dû être aussi doué pour séduire un homme, surtout que dans le cas de Shen Jue, il s’agissait d’un homme qu’il venait à peine de rencontrer.
Mais si Shen Jue venait du pavillon Tunjin, alors tout s’expliquait. L’aisance de Shen Jue et son intérêt pour le sexe venaient du fait qu’il avait grandi dans une maison close. Et aussi, la raison pour laquelle Shen Jue devait toujours partir en pleine nuit s’expliquait à présent : c’était sûrement parce que la mère maquerelle du pavillon vérifiait la présence de ses employés vers minuit, donc Shen Jue était bien obligé de rentrer.
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Alors si Shen Jue n’était plus venu le voir ces derniers temps, c’était parce qu’il était trop occupé à recevoir des clients ? Shen Jue et ce vieil homme à côté de qui il était assis devant l’étang, allaient-ils ensuite remonter dans une chambre du pavillon ?
À cette idée, Lin Chuyan ne put s’empêcher de regarder à nouveau l’autre homme et ressentit soudain une mystérieuse colère dans son cœur. Il était en colère tout d’abord parce qu’il n’avait pas pu manger et dormir rien qu’à cause d’une petite créature qui vivait dans un bordel et deuxièmement, même si l’autre avait le même visage que Jing He, il n’avait aucun respect pour lui-même.
Étant donné que Lin Chuyan tenait à sa réputation et ne voulait pas causer un scandale ici, il murmura doucement à Shen Jue :
« Viens avec moi, tu veux ? »
Dès que Shen Jue vit le maître de ce monde, il perdit naturellement tout intérêt à voir d’autres beautés. Cependant, l’autre homme à côté de lui savait qu’il était un fantôme, alors Shen Jue ne put que lui jeter un coup d’œil en se levant.
En voyant Shen Jue le regarder, l’autre homme ne changea pas d’expression.
Shen Jue eut l’impression qu’il n’allait pas se mêler d’une affaire qui ne le regardait pas, alors il suivit Lin Chuyan sans résister.
Lin Chuyan se sentit un peu irrité en voyant le regard que Shen Jue avait adressé à ce vieil homme avant de partir avec lui. Puis il se dit que puisque l’adolescent voulait bien venir avec lui, cela ne voulait-il pas dire qu’il était bien mieux que ce vieil homme ?
Lin Chuyan changea exprès de chemin et emmena Shen Jue dans un endroit à l’écart. Après avoir vérifié qu’il n’y avait personne autour, il s’arrêta et se tourna pour regarder Shen Jue d’un air grave.
« Tu ne m’as pas encore répondu : qu’est-ce que tu fais ici ? »
Shen Jue était en fait un peu surpris d’être tombé sur Lin Chuyan dans un tel endroit. Mais en voyant la tête qu’il faisait, il devina que l’autre s’était trompé sur son son compte. Il changea donc d’avis et répliqua :
« En quoi ça te regarde ? Ne sommes-nous pas des étrangers ?
– Des étrangers ? »
Lin Chuyan détacha presque chaque syllabe mais se rendit vite compte qu’il perdait son calme. Il se détourna un peu pour inspirer profondément, puis se tourna de nouveau vers l’adolescent.
« Combien pour te racheter ? Je veux te rendre ta liberté. »
Il ne pouvait pas imaginer ce visage embrassé par d’innombrables autres hommes et refusait d’accepter ça.
Shen Jue avait vu juste : Lin Chuyan croyait vraiment qu’il était un jeune maître qui travaillait ici.
Voyant que l’adolescent gardait le silence, Lin Chuyan ne dit rien non plus. Après un long moment, il s’était repris et parla d’un ton gentil :
« Tu as peur de n’avoir nulle part où aller ensuite et de ne pas avoir de quoi vivre ? Je peux t’aider. »
Les coin des lèvres de Shen Jue s’étira vers le haut, ses yeux remplis d’une lueur aguichante.
« Toi, m’aider ? Alors qu’est-ce que je dois faire en échange ? Tu n’aimes pas les hommes et je ne sais rien faire d’autre. »
Il recula d’un pas, retirant tout le charme de son regard.
« Oubliez ça, jeune maître Lin. »
Mais l’instant d’après, il entendit l’autre faire :
« Je peux toujours essayer. Si j’y arrive, tu viendras avec moi ? »
Note de Karura : S’il y a une chose que Shen Jue a bien apprise dans tous ces mondes, c’est à manier la jalousie.
Notes du chapitre :
(1) J’aime bien traduire les noms en général mais là, c’est trop long. Ça veut dire : se suicider en avalant de l’or. C’était littéralement un moyen de se suicider puisque l’or en grande quantité est toxique pour l’organisme, ou bien les bijoux avalés déchirent l’œsophage.
Commentaires :