Chapitre 276

« Chuyan, j’en ai vraiment assez de te voir jouer les ignorants comme ça. Se peut-il que notre relation n’était qu’un amusement pour toi ? »

Pendant plus de deux mois, Xie Zhi avait envoyé des gens enquêter. Hormis le fait que Lin Chuyan avait acheté une maison et caché un jeune homme à l’intérieur, ses gens n’avaient rien trouvé. Ils n’avaient même pas pu déterminer l’identité cet adolescent. Mais une chose était sûre : Lin Chuyan l’avait trompé.

Dès qu’il avait eu l’occasion de quitter le Temple des Mille Bouddhas, il s’était aussitôt rendu dans la résidence Lin. Il voulait expliquer clairement les choses à son ami et lui demander ce qu’il comptait faire ensuite. Si Lin Chuyan voulait sincèrement vivre avec lui, il pourrait oublier le passé et faire comme si rien n’était arrivé. Sauf que Lin Chuyan ne cessait de feindre l’ignorance avec lui du début à la fin.

« Aurais-tu mal compris quelque chose ? Shengyi, je te considère uniquement comme un ami. »

Lin Chuyan n’était pas stupide. Arrivé à ce point, comment aurait-il pu ne pas comprendre les sentiments de Xie Zhi à son égard ?

« Ami ? Quel genre d’amis couchent ensemble ? Et ce n’est pas ce que tu m’as dit quand tu te trouvais sous moi. Tu m’appelais Frère Xie Zhi et c’était si adorable qu’on aurait pu en sortir de l’eau. Dis-moi un peu, quel genre d’ami peut faire ça ? Ou bien est-ce que tu peux être ce genre d’ami avec n’importe qui ? »

Xie Zhi avait l’impression de s’être fait berner par Lin Chuyan. Il s’était pourtant montré sincère, mais l’autre avait ignoré ses sentiments. Non seulement il avait entretenu quelqu’un à l’extérieur, mais il faisait celui qui ignorait tout de leur relation précédente.

Au départ, il s’était dit que son ami était timide et avait peur que les autres ne soient au courant. Mais il semblait à présent que Lin Chuyan avait couché avec lui sur un coup de tête et ne voulait même pas le reconnaître.

Quand Shen Jue flotta entre les deux hommes, il entendit ce que Xie Zhi venait de dire. Il ignora ce qu’il racontait pour se concentrer d’abord sur Lin Chuyan.

Le visage de ce dernier était devenu particulièrement horrible à voir. Ses sourcils délicats étaient froncés.

« Tu dis qu’on a déjà couché ensemble tous les deux ?

– C’est exact ! »

Xie Zhi fit un pas en avant pour s’approcher de Lin Chuyan, son splendide visage encore plus sombre que celui de son ami.

« Lin Miao, je t’ai baisé plus d’une fois. Si tu insistes pour prétendre l’amnésie, ça ne me dérange pas de te raconter en détail ce qu’on a fait. J’ai d’abord soulevé tes jambes sur mes épaules… »

Paf —

Le visage de Xie Zhi se tourna.

C’était la seconde fois que Lin Chuyan le giflait.

Xie Zhi partit d’un rire d’auto-dérision, puis il retourna la tête pour voir le jeune homme en face de lui. Il l’avait autrefois considéré comme son grand amour mais à cause de la réputation de l’autre, il n’avait pas osé se rapprocher de lui à l’extérieur. Quand il entendait les autres faire la comparaison entre eux et dire qu’il n’était pas aussi bien que Lin Chuyan, il n’était pas du tout fâché. Au contraire, ça le rendait heureux.

« Dégage. »

Le regard de Lin Chuyan était devenu complètement glacial. Il regarda l’autre homme comme s’il voyait quelque chose de très sale.

Xie Zhi grinça des dents, puis il tourna les talons et partit sans rien dire.

Dès qu’il s’en alla, Lin Chuyan fit dans la direction où se trouvait Shen Jue 

« Montre-toi. »

Son ton ne laissait présager rien de bon.

Xie Zhi s’était tellement laissé envahir par les émotions qu’il n’avait pas entendu la clochette. Au contraire, Lin Chuyan avait pu l’entendre et même repérer avec exactitude d’où provenait le son.

Shen Jue examina un moment les yeux sombres de l’autre homme. Il hésita, puis finit par apparaître.

Une fois qu’il se fut rendu visible, Lin Chuyan se figea. Il regarda fixement le fantôme et ne dit rien pendant un très long moment. Quand Shen Jue remarqua que Lin Chuyan se contenant de le fixer sans rien dire, il réfléchit un moment, puis lui prit la main.

« Chuyan, je n’ai pas fait exprès de prendre si longtemps pour revenir. C’est juste qu’il faut du temps pour changer d’apparence. »

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Shen Jue n’entendit pas la voix de l’autre homme avant bien longtemps :

« C’est ton propre visage ?

– En. »

Lin Chuyan se mordit les lèvres et arrêta de poser des questions à ce sujet.

« Rends-toi invisible et suis-moi. »

Il retira sa main de celle de Shen Jue, puis lui tourna le dos et partit sans attendre. En le voyant s’éloigner, Shen Jue eut un pincement au cœur. Lin Chuyan ne semblait pas aimer son visage. Après tout, il s’était montré bien moins tendre que quand il avait vu celui de Jing He, voire même un peu trop glacial.

Voyant que l’autre homme s’était déjà bien éloigné, Shen Jue n’eut pas d’autre choix que de se rendre invisible et de le suivre pour commencer.

Lin Chuyan se rendit directement dans sa chambre. Shen Jue le suivit et attendit que les serviteurs se retirent pour réapparaître. Il s’approcha de Lin Chuyan qui lui tournait toujours le dos.

Dès qu’il fut assez près, Lin Chuyan se retourna. Ses yeux n’étaient plus aussi tendres que de l’eau comme avant. L’eau s’était transformée en mer turbulente, masquant des envies de meurtre.

Avant même que Shen Jue n’ait eu le temps de parler, son poignet se fit saisir.

« Tu es très doué pour peindre un visage humain, tu peux dessiner n’importe quelle apparence. Dis-moi, m’as-tu déjà peint ? As-tu déjà fait des… choses intimes… avec Xie Zhi… en portant mon visage ? »

Lin Chuyan eut bien du mal à arriver au bout de cette dernière phrase. Il ne cessait de marquer une pause après quelques mots.

Il l’avait fait.

Mais en voyant la tête que faisait Lin Chuyan actuellement, il ne pouvait pas l’avouer. Il venait à peine de reprendre sa vraie apparence pour tenter d’effacer son identité de substitut. Si Lin Chuyan savait ce qu’il avait fait avec Xie Zhi en portant son visage, non seulement il ne risquait pas de tomber amoureux de Shen Jue mais en plus, il y avait de fortes chances pour qu’il le haïsse.

« Non, » répondit Shen Jue en mentant.

Lin Chuyan ne se sentait pas du tout soulagé à cette réponse. Au lieu de ça, il resserra sa prise autour du poignet de Shen Jue.

« Tu es sûr que tu ne me mens pas ?

– Non ! Vraiment pas ! »

Shen Jue n’eut pas d’autre choix que de prétendre avoir mal et il se débattit un peu.

« Chuyan, je te dis que non. Comment pourrais-je avoir peint ton apparence et être avec lui ? »

Lin Chuyan se détendit un peu, pourtant il ne semblait toujours pas vouloir lâcher Shen Jue.

« Mais tu as fait semblant d’être ma belle-sœur pour m’approcher. Comment puis-je être sûr que tu n’as pas fait semblant d’être moi pour approcher Xie Zhi ?

– Je ne suis pas le seul fantôme à la peau peinte au monde. Peut-être qu’il s’est fait ensorceler par un autre fantôme ou bien tout simplement qu’il ment, prenant ses rêves pour la réalité. Chuyan, ce qu’a dit Xie Zhi tout à l’heure dépassait vraiment les bornes. Je n’arrivais même pas à écouter ça. Alors ne t’embête plus avec lui dorénavant. Si ça se trouve, ça fait très longtemps qu’il fantasme sur toi la nuit. Qui sait s’il n’a pas été raconter ces absurdités à d’autres personnes ? »

Shen Jue ne savait pas si Lin Chuyan allait le croire ou pas, mais il ne pouvait clairement pas avouer. Lin Chuyan et Xie Zhi venaient juste d’avoir une grosse dispute. Xie Zhi avait dit des choses horribles qui avaient mis Lin Chuyan en colère, puis il s’était pris une gifle. Tous les deux en avaient sûrement gros sur le cœur. D’ailleurs, quand Lin Chuyan parlait à présent de Xie Zhi, il n’employait plus son nom de courtoisie.

Après avoir fixé Shen Jue un long moment, Lin Chuyan l’attira dans ses bras et le serra contre lui.

« Ah Jue, tu as intérêt à ne pas m’avoir menti, sinon je ne sais pas ce que je ferai. Tu m’as déjà plusieurs fois menti. Je peux laisser de côté le passé, mais si tu me mens encore une fois… »

Il tourna la tête et mordit férocement le lobe d’oreille de l’autre homme.

Shen Jue eut vraiment très mal cette fois. Mais il avait peur que s’il repoussait Lin Chuyan, cela ne ferait qu’augmenter la colère de ce dernier. Alors il ne put qu’adoucir sa voix et le supplier :

« Tu vas percer la peau, Chuyan. »

Quand Lin Chuyan le lâcha, le lobe n’était ni percé ou blessé, mais il y avait une marque de dents dessus. Il contempla longuement cette marque, puis l’embrassa soudain de nouveau.

Une idée lui était venue à l’esprit.

Il voulait détruire la peau de Shen Jue pour que ce fantôme à la peau peinte n’ait nulle part où aller et soit obligé de rester à ses côtés.

Avec une blessure sur sa peau, ce serait difficile pour ce débauché de fantôme de se faire passer pour une autre personne. Toutefois, il céda en entendant l’autre le supplier en l’appelant ‘Chuyan’.

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Depuis ce jour, Shen Jue s’aperçut que l’attitude de Lin Chuyan avait changé. Il ne se montra plus tendre mais prit un air complètement indifférent. Shen Jue pouvait aller et venir comme bon lui semblait, il n’avait plus besoin de l’en informer.

Shen Jue crut naturellement qu’une telle attitude était à cause de son visage et que Lin Chuyan n’aimait pas son visage.

Alors il reprit l’apparence de Jing He, mais l’autre homme l’ignora quand même de toute la journée. Shen Jue avait beau se coller contre lui, Lin Chuyan faisait semblant de ne pas le voir.

Shen Jue n’eut pas d’autre choix que de repeindre son vrai visage. Lin Chuyan recommença à faire attention à lui, mais de manière tiède.

Après que cela dura plus d’un mois, quelque chose se produisit dans la résidence Lin.

Le père de Lin Chuyan fut arrêté et jeté en prison. Toute la famille paniqua. Lin Chuyan n’eut guère le temps de tenir compagnie à Shen Jue. Il courait partout pour essayer de voir son père, mais les choses ne se passèrent pas bien. Il partait tous les jours avant l’aube et revenait tard le soir. En à peine quelques jours, il avait perdu énormément de poids.

Shen Jue savait qu’il se démenait pour rien parce que très bientôt, toute la famille Lin serait jetée dans la prison céleste et que l’empereur ordonnerait leurs exécutions jusqu’à la troisième génération. Dans les vies précédentes, Shen Jue avait pris la place de Lin Chuyan pour monter sur l’échafaud et se faire décapiter par une arme magique.

Quand ce malheur arriva à son père, Lin Chuyan se rendit compte de son impuissance : il n’arrivait même pas à voir son père en prison. Pendant qu’il contemplait la tenture de lit sans avoir sommeil, il entendit une clochette.

C’était Shen Jue.

Il se rendit au lit et vit que Lin Chuyan se contentait de fixer le haut du lit. Il réfléchit un moment, puis s’allongea à côté de lui.

« Chuyan, il se fait tard. Tu ferais mieux de te reposer, hein ? Tu n’as pas tellement dormi ces derniers jours. »

Il caressa du bout des doigts le dessous des yeux de l’autre homme qui était devenu bleu.

Rien qu’avec ce contact, sa main se fit saisir.

Lin Chuyan tourna les yeux pour regarder la personne à côté de lui. À présent, Shen Jue ne pouvait plus être qualifié d’adolescent, c’était un jeune homme. Si le premier Shen Jue qu’il avait vu avait été une jolie petite fleur, ce Shen Jue était comme une fleur de prunier dans la neige et il était impossible d’en détourner le regard. Lin Chuyan n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi beau naturellement. Chaque partie de son corps était tout bonnement parfaite, comme dessinée petit à petit par un pinceau méticuleux.

Les yeux étaient peints avec de l’encre, les lèvres avec du cinabre et la crème blanche était utilisée pour remplir. Le tout donnait un visage animé et splendide. Le seul souci, c’était que les yeux de cet homme étaient trop froids. Cela atténuait son charme, réprimant un peu la beauté de son visage.

Quand une fleur de prunier était prise par le gel, les gens ne pouvaient qu’avoir de mauvaises pensées et désirer prendre cette fleur dans leurs bras.

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S’il fallait lui trouver le moindre défaut, ce serait le pansement sur sa joue.

Chaque fois que Lin Chuyan voyait la blessure sous la gaze, il ressentait un agacement sans précédent. Jamais il n’aurait dû casser la tasse et ternir ce visage.

« Je n’arrive pas à dormir. »

Lin Chuyan passa les bras autour de lui avec un air compliqué.

« Ah Jue, qu’est-ce que ça fait de mourir ? On a mal ? »

Quand Shen Jue entendit cette question, il se rappela du moment où il avait été décapité par l’arme magique. Sur le coup, il avait eu l’impression d’avoir été plongé dans un fourneau d’alchimie, mais cela n’avait fait mal qu’un moment avant qu’il ne perde connaissance.

C’était parce que son âme s’était dissipée.

« Ça fait mal, répondit-il doucement. Il n’y a pas de mort sans douleur. »

Lin Chuyan ne dit plus rien, mais le serra plus fort contre lui.

Trois jours plus tard, tous les membres de la famille Lin furent arrêtés pour être jetés dans la prison céleste. Quand les officiers et les soldats arrivèrent, le soleil venait à peine de se lever. Lin Chuyan fut réveillé par le bruit dehors. Il venait à peine de se mettre assis qu’il se fit pousser sur le lit.

D’habitude, Shen Jue ne dormait pas la nuit, il tenait simplement compagnie à Lin Chuyan.

Ils entendirent soudain la voix de Yong Shun venant du couloir. Le serviteur semblait effrayé et il toqua à la porte, horrifié :

« Second jeune maître, plusieurs soldats sont venus au manoir ! Ils arrêtent tout le monde ! »

Lin Chuyan s’était douté que ce jour arriverait. Mais l’autre homme l’empêcha de se lever.

« Ah Jue, tu…

– Chuyan, je vais y aller à ta place. »

La chambre n’était pas bien éclairée. Il vit que le visage de l’autre était à moitié cache dans les ténèbres et à moitié illuminée par la lumière du matin, à la fois étrange et beau.

…

Les officiers et soldats toquèrent un long moment à la porte avant que Lin Chuyan ne leur ouvre.

Quand ils virent le jeune homme en sortir, ils furent stupéfaits par son apparence. Après tout, la beauté de Lin Chuyan était réputée dans toute la capitale. Hélas, ils étaient là pour une affaire officielle, alors ils ne pouvaient guère se laisser attendrir et se montrer compatissants. L’officier donna rapidement l’ordre de l’attacher et fit :

« On y va ! »

Le jeune homme ne résista pas. Mais quand il se fit pousser pour avancer, il jeta un regard en arrière.

Shen Jue entra dans la prison céleste avec l’apparence de Lin Chuyan. Il y resta trois jours. Durant ces trois jours, on lui apporta seulement de la nourriture, mais rien d’autre. Il était enfermé dans une cellule individuelle et n’avait même pas quelqu’un à qui parler.

Quand il s’était fait capturer, il avait fait exprès de détacher ses cheveux afin que la blessure à son visage n’attire pas de soupçons. La cellule était sombre, alors les geôliers ne remarquèrent même que sa blessure était anormale.

Il avait cru qu’il pourrait aller et venir librement une fois en prison, mais ne se doutait pas que Lin Chuyan était considéré comme un prisonnier important et qu’il était surveillé nuit et jour. Il n’eut donc pas l’occasion de s’échapper.

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Le quatrième jour, Shen Jue vit enfin quelqu’un d’autre que son geôlier, sauf qu’il s’agissait de Xie Zhi.

L’homme se montra tard dans la nuit, portant un manteau noir dont la capuche masquait la plus grande partie de son visage splendide et séduisant. Quand il vit Shen Jue assis dans un coin, plusieurs émotions défilèrent dans ses yeux, un mélange d’amour et de haine.

« Lin Miao. »

Il appela Shen Jue par le nom de courtoisie de Lin Chuyan et s’approcha pas à pas.

Shen Jue fronça les sourcils.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Il n’avait vraiment pas envie de le voir maintenant.

« J’ai appris que tu allais mourir, » fit Xie Zhi d’un ton indifférent.

En même temps, il s’accroupit pour attraper Shen Jue par le col et l’attirer vers lui. La seconde partie de sa phrase fut ambiguë et vulgaire :

« Voilà pourquoi je suis venu te baiser une dernière fois. »

La parole à l’auteur : Quel sang de chien.

Note de Karura : Quand est-ce que Shen Jue a changé de visage ? Il y a deux possibilités :

– soit il savait que ce serait le jour où Lin Chuyan se ferait arrêter (grâce à ses souvenirs des autres vies) et il s’était préparé à l’avance dans son manoir ;

– soit il s’est peint la peau devant Lin Chuyan en faisant attendre les gardes (mais ce serait très court!).

À vous de voir quelle possibilité semble la plus correcte.

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