Chapitre 291
Le soleil brillait à travers le papier qui recouvrait la fenêtre, illuminant le sol juste devant, tandis qu’au contraire, le reste de la pièce était plongé dans les ténèbres. Telle la rivière qui séparait Chu et Han, la frontière était clairement délimitée. Lentement, les derniers rayons de soleil furent engloutis par les ténèbres.
La nuit était tombée.
Une main blanche comme du jade écarta la tenture de lit, dévoilant un visage aussi splendide qu’une fleur. Le propriétaire de ce visage leva les yeux pour contempler le ciel dehors. Puis il claqua des doigts et la bougie à côté du lit s’embrasa.
Après avoir allumé la bougie, Xie Zhi ramena en arrière ses longs cheveux d’un geste nonchalant. Puis il porta une main à ses lèvres, songeant à Dieu sait quoi. Plusieurs lueurs défilèrent dans son regard. Alors qu’il était assis au bord du lit, plongé dans ses pensées, il y eut du mouvement derrière lui.
Du coin des yeux, Xie Zhi entraperçut la silhouette qui s’agitait à côté de lui. Il la saisit en tendant le bras, puis serra de dos le jeune homme qui ne portait qu’une simple tunique. Il demanda :
« Où est-ce que tu veux aller ? »
Shen Jue voulait sortir du lit quand il se fit de nouveau enlacer par Xie Zhi. Il n’était déjà pas de bonne humeur pour commencer mais quand il se fit enlacer, son visage s’assombrit aussitôt et il jeta un regard furibond à Xie Zhi, ses yeux aussi tranchants que des poignards.
Toutefois, l’autre homme n’y prêta pas du tout attention et le regarda avec un demi-sourire.
Shen Jue prit sur lui et répondit à la question de Xie Zhi :
« Je vais prendre un bain.
– Il est encore tôt, la nuit vient juste de tomber. »
Xie Zhi ne le lâcha pas et saisit même son menton pour le soulever. Il fit tourner la tête de Shen Jue de gauche à droite. Ses yeux inspectèrent la blessure à sa joue, puis retombèrent sur ses lèvres.
Les lèvres semblaient plus rouges que d’habitude, mais elles n’étaient plus aussi enflées que la veille.
Récemment, il avait remarqué que la peau de Shen Jue devenait de plus en plus tendre. Non, c’était sa peau, mais elle se trouvait à présent sur le corps de l’autre. En tout cas, Xie Zhi estimait que puisqu’il s’agissait de sa peau à l’origine, il avait le droit de faire tout ce qu’il voulait.
En songeant à cela, il fit monter l’autre homme sur ses genoux, ses yeux de phénix se redressant un peu.
« Ah Jue. »
Shen Jue regarda le visage juste sous ses yeux. Quand l’autre homme se pencha vers lui, il tourna la tête instinctivement sur le côté pour esquiver. Après avoir reçu un baiser sur la joue, la voix un peu mécontente de Xie Zhi parvint à ses oreilles :
« Pourquoi tu cherches à éviter ça ? Tu continues à esquiver et esquiver, alors que la blessure à ton visage n’est toujours pas guérie. Et bien quoi ? Tu as oublié Lin Miao ? Par contre, lui a dû se trouver un nouvel amour durant ces derniers jours et il t’a sûrement déjà complètement oublié. Tu n’es qu’un fantôme à la peau peinte. Les humains et les fantômes ne peuvent pas suivre la même voie. Tu ne comprends donc pas ce principe ? Quand un fantôme reste trop longtemps avec un humain, il absorbe son Qi Yang. S’il perd trop de cette énergie, Lin Miao risque de mourir prématurément… »
Xie Zhi ne put en dire davantage car sa bouche se fit bloquer.
Il se tut et regarda les yeux si proches de lui.
Ces yeux avaient de longs cils qui les recouvraient, cachant les turbulences à l’intérieur.
Xie Zhi se reprit rapidement et leva sa main libre pour caresser doucement la joue intacte de Shen Jue. Mais dès qu’il l’effleura, l’autre personne recula un peu.
« Xie Zhi, je veux prendre un bain. »
La main levée de Xie Zhi se referma en un poing. Après un moment, il fit claquer sa langue.
« Encore un baiser et je te laisserai y aller. »
Après une pause, il ajouta :
« Viens par ici. »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Quand le jeune fantôme apporta l’eau chaude, Xie Zhi lui ordonna de la verser dans la baignoire, puis il se concentra pour écouter ce qui se passait du côté de Shen Jue. Bien que le serviteur fantôme était petit, il était très fort. Il était capable de porter deux gros seaux remplis à la fois et put ainsi rapidement remplir la baignoire.
Dès que le fantôme partit, Xie Zhi resta un moment planté devant la baignoire, puis il se tourna pour se diriger vers l’armoire.
Quand il vit Shen Jue se tenir devant le meuble, lui tournant le dos, il haussa ses longs sourcils. Il s’avança et passa ses bras autour de la taille de l’autre, posant la tête sur son épaule.
« Ne me dis pas qu’il te faut autant de temps pour choisir tes vêtements. »
Les mains de Shen Jue s’immobilisèrent un moment avant de reprendre leurs mouvements. Il reposa le vêtement qu’il tenait de la main droite et tourna la tête pour jeter un coup d’œil à Xie Zhi.
« Je dois aller me baigner.
– En, » répondit Xie Zhi d’un ton nonchalant, sans le lâcher pour autant.
Shen Jue ferma les yeux, mais il n’eut pas d’autre choix que de baisser la tête et de tirer sur les mains de Xie Zhi autour de sa taille. Heureusement, l’autre homme n’insista pas cette fois.
Derrière le paravent, de la vapeur flottait à la surface de l’eau. Le vent nocturne d’hiver soufflait contre les fenêtres, générant un bruit sourd. Shen Jue trempait dans l’eau. Au moment où il allait prendre une serviette à côté de lui, une autre main surgit par derrière et s’empara la première de la serviette.
« Laisse-moi t’aider. »
La voix de Xie Zhi se fit entendre par derrière, un peu en hauteur. Avant que Shen Jue ne puisse se retourner, une main se posa sur son épaule.
« Toi… fit Shen Jue d’un ton irrité. Tu n’avais pas dit que tu n’utiliserais que la seconde méthode ? »
La voix de Xie Zhi parut particulièrement basse et grave dans la pénombre.
« Mais la seconde méthode est bien trop lente. Combien de temps ça va prendre pour soigner ton visage ? J’en ai marre, alors j’ai décidé d’accélérer les choses. »
Il y avait une ancienne chanson qui disait :
La nuit va bientôt s’achever, je regarde les loriots perchés.
Je crois entendre le bruit des sabots parmi les fleurs.
Un autre chant disait :
La proue de la barque s’est légèrement soulevée
J’ai même remonté ma jupe rouge pour l’enrouler autour de ma taille.
Assis au bord du lit, Xie Zhi contempla le jeune homme qui dormait, complètement épuisé. Il resta un moment songeur, puis se pencha pour lui murmurer à l’oreille :
« Ah Jue. »
Pas de réponse.
Il réitéra ses appels et finalement, l’autre personne fronça les sourcils et ouvrit lentement les yeux. Ces yeux étaient encore rouges, comme s’il était trop fatigué ou qu’il venait juste de pleurer.
Shen Jue était vraiment épuisé cette fois. Il était si éreinté qu’il ne parvenait même pas à distinguer qui se trouvait en face de lui. Il savait seulement que cet homme était pénible et ne cessait de lui murmurer des choses. Il voulut refermer les yeux, mais l’autre le secoua rapidement pour le garder éveillé.
« Ah Jue… » continuait-t’il d’appeler.
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Puisque Shen Jue ne pouvait pas se rendormir, il fut bien obligé de réponse :
« En ? »
Il ne put entendre ce que l’autre dit ensuite. Il ne vit que ses lèvres s’agiter. La migraine se fit sentir, alors il tendit simplement la main pour saisir le poignet de l’autre. Il le fit s’allonger et le tourna afin de s’allonger sur lui, le maintenant contre le matelas.
Cette fois, le silence revint enfin.
Shen Jue put fermer les yeux. Quant au léger contact à son oreille, il pouvait l’occulter.
Quand il se réveilla, il faisait de nouveau nuit. Shen Jue ouvrit les yeux et se rendit compte qu’il était seul dans le lit. Il en soupira de soulagement mais juste après, la tenture fut tirée de l’extérieur.
Xie Zhi apparut. Quand il vit que Shen Jue était réveillé, il se pinça d’abord les lèvres, puis il s’assit au bord du lit. De force, il attira l’autre homme contre lui pour le prendre à moitié dans ses bras.
« Tu es réveillé ? »
Le fait de voir Xie Zhi dès qu’il avait ouvert les yeux n’avait rien de plaisant. Shen Jue se débattit un peu, mais fut incapable de se libérer de l’étreinte de l’autre. Au final, il ne put que renoncer et tourner la tête sur le côté pour l’ignorer.
Sauf que cela ne convenait pas du tout à Xie Zhi. Il tourna de force la tête de Shen Jue vers lui. Quand il vit le dégoût dans le regard de l’autre, son splendide visage s’assombrit aussitôt et il dit quelque chose de bizarre en serrant un peu les dents :
« Je te préfère quand tu dors à moitié. »
Shen Jue plissa le front, sentant que les paroles de Xie Zhi cachaient quelque chose.
« Qu’est-ce que tu veux dire ?
– Exactement ce que j’ai dit, répliqua l’autre homme d’un ton féroce. Laisse tomber, occupons-nous d’abord de te transmettre mon Qi Yin, hein ? Le mieux, c’est que ton visage soit guéri au plus vite. »
Cette fois, leurs dents s’entrechoquèrent au moment du baiser et Shen Jue inspira de douleur. Xie Zhi n’était guère mieux, mais il y avait un sourire dans ses yeux.
Durant les jours qui suivirent, Xie Zhi se comporta de plus en plus bizarrement. Il réveillait souvent Shen Jue ou le secouait pour le réveiller alors que l’autre dormait. Comme il était épuisé, Shen Jue ne pouvait que répondre de manière monosyllabique. Dans ce cas, Xie Zhi lui transmettait son Qi Yin mais cela prenait très longtemps.
Et si Shen Jue ne répondait pas, Xie Zhi continuait de l’appeler sans cesse.
Un mois entier s’écoula ainsi. En comptant les deux premières semaines, cela faisait un mois et demi que Shen Jue vivait avec Xie Zhi. Les plaies sur son visage étaient presque guéries, il ne restait plus que de très légères marques.
En fait, les blessures de Shen Jue n’auraient pas pu guérir si vite en employant uniquement la seconde méthode. Mais Xie Zhi avait recours à la première méthode de temps en temps, ce que Shen Jue n’approuvait naturellement pas. Quand les deux se battaient férocement, le petit fantôme qui servait dans la maison avait si peur qu’il se cachait sous le poêle ou là où le bois était stocké.
Shen Jue recouvrit ses épaules, adossé contre le mur et fixant Xie Zhi qui se trouvait non loin. Toute sa manche gauche avait été réduite en lambeaux par ce gars. À chaque fois que Xie Zhi voulait coucher avec lui, il se comportait comme un malade — non, plutôt comme un loup féroce qui avait repéré de la viande. Quand Xie Zhi le regardait droit dans les yeux, on aurait même dit que ses yeux luisaient d’une lueur verte.
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Ce genre de lutte se terminait en général par la défaite de Shen Jue, mais Xie Zhi n’en sortait pas non plus indemne : il recevait souvent des gifles ou des coups de pied au visage. Cependant, quand Shen Jue se débattait trop fort, cela embêtait vraiment Xie Zhi. Il devait alors adoucir son ton et adopter une attitude plus humble, tout ça pour cajoler l’autre.
Les fantômes admiraient en général le plus le Qi fantomatique, tandis que les fantômes à la peau peinte préféraient la beauté. Alors quand Xie Zhi voulait transférer son Qi Yin à Shen Jue, il faisait des efforts pour bien s’habiller.
Il avait déjà une apparence sublime et avait l’air extraordinaire dans n’importe quelle tenue. Mais à présent qu’il faisait attention à son apparence, Shen Jue en était resté abasourdi plusieurs fois. Du coup, Xie Zhi avait profité de sa confusion pour arriver à ses fins.
Le Qi fantomatique dans le corps de Xie Zhi était devenu si dense que même le serviteur fantôme n’osait plus s’approcher de lui. Bien entendu, Shen Jue s’en était rendu compte, mais c’était précisément dans ce but qu’il restait avec l’autre homme.
Après avoir pris conscience qu’il ne pourrait jamais briser ce monde tant qu’il ne se serait pas débarrassé de Xie Zhi, Shen Jue avait commencé à comploter pour faire tomber l’autre homme dans son piège.
Shen Jue avait fait exprès d’imposer pour condition que Xie Zhi prenne son Qi fantomatique alors qu’il avait fait mine d’être furieux. Il avait alors accusé Xie Zhi de le maltraiter sciemment. Xie Zhi prétendait qu’il voulait transmettre son Qi Yin alors qu’en fait, tous les deux savaient très bien ce qu’il voulait.
Shen Jue avait fait une telle scène que Xie Zhi, sûrement berné, avait proposé de prendre son Qi fantomatique en échange.
Par conséquent, le Qi fantomatique de Shen Jue avait été réduit de moitié, tandis que chez Xie Zhi, il était si puissant que les jeunes fantômes ordinaires n’osaient pas l’approcher. Il suffisait d’attendre un peu pour que les gardes fantômes viennent le chercher.
En voyant que les blessures de son visage étaient pratiquement guéries, Shen Jue cherchait une occasion de s’en aller. Malheureusement, Xie Zhi restait presque constamment dans la maison, alors ce ne serait pas facile de filer en douce.
Alors que Shen Jue s’inquiétait de plus en plus, Xie Zhi le réveilla soudain en pleine journée.
Ces derniers temps, il le réveillait rarement durant le jour.
Shen Jue ouvrit les yeux et la lumière qui pénétra à l’intérieur le fit plisser les yeux. La fenêtre était ouverte et la lumière du soleil, qui n’était plus bloquée, illuminait directement l’intérieur de la pièce. Xie Zhi était assis en contre-jour, l’expression de son visage peu visible à cause de ça.
« Ah Jue, » l’appela-t’il.
Shen Jue fronça les sourcils et crut que Xie Zhi voulait de nouveau pratiquer l’échange de Qi Yin. Un peu morose, il se retourna et fit d’un ton sec :
« Ferme cette fenêtre. »
Xie Zhi garda le silence un moment, puis se leva pour refermer la fenêtre. Quand il revint, Shen Jue avait déjà remonté la couverture sur sa tête. Xie Zhi se tint à côté du lit et en fixa l’occupant un bon moment.
Nul ne savait à quoi il pensait, mais les émotions dans ces yeux de phénix devinrent peu à peu compliquées, au point d’en être même terrifiantes.
Le temps que Shen Jue se réveille, il faisait déjà nuit. Quand il se leva, Xie Zhi était assis au bureau, son air habituel sur le visage. Shen Jue songea à la chose étrange qui s’était passée durant le jour et ne put s’empêcher de lui jeter plusieurs regards à la dérobée. Ne voyant rien de bizarre, il se rendit derrière le paravent pour se laver et se changer.
Avec Xie Zhi, il avait pris l’habitude de se baigner avant de se coucher et au réveil.
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Quand il eut fini de s’habiller et qu’il sortit de derrière le paravent, Xie Zhi apparut soudain devant lui. Ces yeux de phénix se levèrent un peu, le regardant de la tête aux pieds.
« Tu as fini de te laver ? »
Shen Jue répondit par un En et voulut le contourner. Mais dès qu’il fit un pas, son bras se fit saisir.
« Ah Jue, cela fait longtemps que tu n’as pas vu Lin Miao. Il ne te manque pas ? Tu n’as pas envie de voir comment il va ? » fit doucement Xie Zhi.
La parole à l’auteur :
La nuit va bientôt s’achever, je regarde les loriots perchés.
Je crois entendre le bruit des sabots parmi les fleurs.
He Ning de
la période des cinq dynasties et des dix royaumes
“Jiang Cheng Zi – les étoiles changent et le jade coule”
La proue de la barque s’est légèrement soulevée
J’ai même remonté ma jupe rouge pour l’enrouler autour de ma taille.
Huangfu Song de la dynastie Tang, “La chanson du Bambou”
Encore deux autres poètes que j’offense. Pardonnez-moi !!!
Note de Karura : Encore deux autres poèmes que je massacre. Pardonnez-moi !!!
Bon, notre triangle amoureux va se retrouver !
Notes du chapitre :
(1) Cela fait référence au passage du temps.
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