Chapitre 297
Durant les jours qui suivirent, Shen Jue resta dans le manoir de Lu Zhidao. Le juge était très occupé, alors ils ne se virent pas beaucoup. Quand Shen Jue n’avait rien d’autre à faire la nuit, il avait pris l’habitude de s’asseoir sur le rebord de la fenêtre pour contempler le Fleuve de l’Oubli dehors.
Jusqu’à ce qu’un jour, quelqu’un vint le voir.
C’était le garde fantôme du nom de Trente-six.
Quand il vit Shen Jue, une lueur de surprise défila dans son regard.
« Tu n’as pas été faire soigner la blessure à ton visage ? »
Shen Jue se toucha inconsciemment le front à cette question.
« Non.
– Une couturière fantôme ne pourrait pas t’aider ? Laisse-moi y aller avec toi, hein ? »
Comparé à la première fois où ils s’étaient rencontrés, Trente-six était bien plus bavard et enthousiaste.
Comme cet homme venait du Dixième Palais, Shen Jue se méfia instinctivement et n’appréciait guère son enthousiasme soudain.
« Non, c’est juste que je n’ai pas envie d’y aller pour le moment.
– Je vois. »
Trente-six garda le silence un moment, puis tourna soudain la tête pour regarder dehors.
« Ça te dirait d’aller te promener ? Cela ne doit pas faire longtemps que tu es arrivé dans l’autre monde. »
Shen Jue réfléchit un moment, puis accepta.
Trente-six donna à Shen Jue son vrai nom, Ying Xiu. Les gardes fantômes s’appelaient en général par leur numéro car s’ils commettaient la moindre erreur, ils perdaient leur statut et seraient remplacés.
« Où est-ce que vous allez quand vous vous faites remplacer ? »
Shen Jue n’avait jamais su qu’un garde fantôme pouvait se faire renvoyer, alors il était un peu curieux.
Ying Xiu eut un sourire amer à cette question.
« Dans le Dixième Palais, les fantômes renvoyés se font dévorer par le juge des Enfers. Ces jours-ci, le juge n’est pas là, heureusement. En fait, tous les serviteurs fantômes du Dixième Palais sont très soulagés. Nous espérons tous que le noble immortel va rester le plus longtemps possible. »
Quand il parla de Lin Chuyan, Shen Jue se pinça les lèvres. Il ne répondit pas et marcha simplement en silence.
Ying Xiu n’était finalement pas vraiment un grand bavard. Les deux hommes furent bientôt à court de sujets de conversation, alors il ne put que raccompagner Shen Jue. Le chemin du retour les obligea inévitablement à passer par le Fleuve de l’Oubli.
Quand on marchait le long de la rive, les pleurs et les cris étaient forcément plus audibles. Shen Jue ne put s’empêcher de s’arrêter en les entendant.
Ying Xiu le fixa.
« Qu’y a-t’il ? »
L’expression de Shen Jue était devenue un peu vague. Il contempla le fleuve dont les eaux coulaient lentement, puis fit au bout d’un long moment :
« Tu sais quand le noble immortel va retourner dans le monde des humains pour sa tribulation ?
– Je l’ignore, fit Ying Xiu en secouant la tête, mais je pense que ça ne va plus tarder. »
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Lu Zhidao lui avait expliqué avant que Lin Chuyan devait d’abord récupérer l’âme de Xie Zhi, puis subir sa tribulation. Cela voulait donc dire que l’âme de Xie Zhi n’avait pas encore été récupérée. Quand Shen Jue songea à ça, il ne put que se rappeler le manoir où l’avait emmené Xie Zhi.
Lin Chuyan avait à présent les souvenirs d’être un noble immortel, tout comme ses souvenirs du temps de Lin Chuyan. Mais il ne possédait pas les souvenirs de Xie Zhi. En effet, si Lin Chuyan savait que ces choses qui étaient arrivées n’avaient pas été de la volonté de Shen Jue, se serait-il comporté ainsi avec lui ?
Pour faire simple, si Lin Chuyan récupérait la mémoire de Xie Zhi et retournait dans le monde mortel, ce serait sans doute bien plus facile pour Shen Jue de se rapprocher de lui que maintenant. En tout cas, il devait tenter le coup. C’était toujours mieux que de rester ici à attendre de mourir. Si cela ne fonctionnait pas, il lui resterait l’option de se suicider pour recommencer ce monde.
Shen Jue comptait donc retrouver Xie Zhi, mais il n’y arriverait qu’à condition de pouvoir quitter l’autre monde. Alors quand il revit Lu Zhidao, il se proposa d’aider les gardes fantômes à retrouver Xie Zhi.
« Tu veux retrouver l’âme manquante du noble immortel ? fit le juge en fronçant les sourcils. Est-ce que tu as une idée du nombre de gardes fantômes qui ont été envoyés dehors sans retrouver la moindre trace de cet homme ? Ce n’est pas un fantôme ordinaire.
– Je sais, mais vous savez aussi que Xie Zhi nourrit des sentiments bien particuliers à mon égard. J’ai conscience à présent de l’immense fossé qui sépare le noble immortel de moi. J’ai gâché sa tribulation. Si le souverain immortel ne peut pas retourner au Ciel par ma faute, j’ai peur d’en payer le prix. Je n’ai plus aucune illusion à présent. Je veux juste me racheter un peu pour réduire mon karma. Seigneur Lu, laisse-moi simplement essayer. Si tu t’inquiètes que je veuille m’échapper, tu n’as qu’à me jeter un sort ou envoyer des gardes fantômes pour me suivre. »
Lu Zhidao garda le silence un bon moment avant de hocher la tête.
« Bien, mais je viens avec toi. Ce ne sera pas facile de ramener cette âme dans l’autre monde. »
Depuis qu’il avait pris la décision de retrouver Xie Zhi, Shen Jue n’était toujours pas aller faire réparer la blessure à sa tête. De cette manière, il avait une bonne raison d’aller le voir. Lu Zhidao prit cette affaire très au sérieux et mobilisa soixante-douze de ses soldats. Contrairement aux gardes du Dixième Palais, tous les fantômes sous les ordres de Lu Zhidao avaient des têtes de taureaux ou de chevaux.
Étant donné que Xie Zhi était très intelligent, Lu Zhidao craignit que leur présence ne l’alarme, alors il jeta un sort sur Shen Jue. Ce dernier partirait devant pour attirer Xie Zhi, tandis qu’ils le suivraient à distance. Ce sort lui permettait de repérer la position de Shen Jue et dès que ce dernier tirerait sur la corde rouge autour de son poignet, Lu Zhidao pourrait se précipiter pour le rejoindre.
En se fiant à sa mémoire, Shen Jue se rendit là où Xie Zhi l’avait emmené la dernière fois. Mais il n’y trouva que la montagne déserte, pas de manoir en vue. Voyant que le jour allait se lever, il arrêta simplement de chercher.
« Xie Zhi ! cria-t’il en se tenant au milieu de la forêt dense. Je sais que tu es là, alors montre-toi ! »
Il y eut subitement un bruit et des centaines d’oiseaux s’envolèrent des arbres. Shen Jue sursauta au bruit et leva automatiquement les yeux. Ces oiseaux déployèrent leurs ailes et s’envolèrent très haut dans le ciel. Vu que les arbres occupaient densément la forêt, on ne pouvait déjà voir qu’un petit bout de ciel. Du coup, le ciel fut pratiquement couvert et la lumière qui venait à peine d’apparaître disparut de nouveau.
À ce moment, un épais brouillard surgit devant ses yeux, l’encerclant totalement. Il comprit aussitôt que quelque chose n’allait pas, sauf qu’il y avait déjà une autre main sur sa taille.
Shen Jue se tourna instinctivement mais avant qu’il ne puisse voir clairement, un souffle de vent se précipita violemment vers lui, l’obligeant à fermer les yeux. Finalement quand le vent s’arrêta, il se rendit compte qu’il était dans le petit manoir dans lequel il avait vécu avant.
Xie Zhi et lui avaient passé plus d’un mois ensemble dans cet endroit, nuit et jour.
« Pourquoi tu es venu me voir ? »
Une voix s’éleva brusquement et Shen Jue se retourna vivement.
C’était Xie Zhi qui se trouvait derrière lui.
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Il était vêtu de rouge comme à son habitude, avec ses longs cheveux noirs tombant en cascade, sa peau pâle comme de la neige et ses lèvres bien rouges. Sans le Qi sombre qui émanait de son visage et son allure fantomatique, n’importe qui le voyant penserait qu’il s’agissait d’un démon, un démon dont la spécialité était d’absorber l’âme des gens.
Quand il vit la blessure au front de Shen Jue, un tic agita le coin de ses lèvres.
« Tu es sûrement venu pour me demander de réparer ta peau, c’est ça ? »
En disant ça, il fit un pas vers Shen Jue.
Ce dernier voulut tout d’abord reculer en le voyant s’approcher, mais il se retint. Il voulait capturer Xie Zhi, mais l’autre homme était de toute évidence très dangereux. Alors il devait tâcher de gagner du temps en discutant. Discrètement, il retira la corde rouge autour de son poignet.
« Xie Zhi, tu es resté vivre ici pendant tout ce temps ?
– Oui, ah, mais il y a toujours des gardes fantômes qui n’arrêtent pas de venir ces derniers jours. Heureusement, ils sont tous stupides et ils tournent en rond dans mon illusion. »
Xie Zhi le rejoignit.
« Tu n’as pas été suivi par un garde fantôme ? »
La corde rouge que Shen Jue venait de casser était encore dans ses mains. À cette question, sa main se referma dessus.
Liu Zhidao avait dit que Xie Zhi risquait d’être très dangereux mais que grâce à cette corde, il serait capable de le rejoindre.
« Non. »
Quand il eut prononcé ce mot, Xie Zhi était devant lui.
La main de Shen Jue se serra en poing dans sa manche, puis se desserra. Il devait se montrer calme devant Xie Zhi. Après tout, c’était lui qui était venu le voir. S’il reculait maintenant, Xie Zhi allait forcément se douter de quelque chose.
À cette pensée, Shen Jue fit même un pas en avant et rangea la corde rouge dans sa manche.
« Xie Zhi, je voudrais… »
Il n’eut pas le temps de finir qu’un doigt s’était déjà posé sur ses lèvres.
Xie Zhi pencha la tête sur le côté.
« Ne me dis rien, laisse-moi deviner. »
Ses yeux de phénix étaient un peu plissés et sa voix se fit ambiguë et rauque :
« Tu as une si grosse blessure au front, tu dois sûrement vouloir que je répare ta peau. »
Shen Jue regarda cet homme qui était si proche, puis il acquiesça lentement.
Xie Zhi éclata soudain de rire. Il pencha même la tête en arrière. Son corps tout entier trembla d’amusement. Après s’être calmé, il saisit soudain Shen Jue par la taille.
Il le tint ainsi et se dirigea vers l’intérieur, ses vêtements rouges s’agitant comme un brasier.
Le printemps était arrivé dans le monde des humains et les fleurs étaient en pleine floraison. Leur parfum entrait par la fenêtre et se mélangeait à l’odeur corporelle de Xie Zhi. Shen Jue ne put dire pendant un moment ce qui emplissait le plus ses narines : le parfum des fleurs ou bien l’odeur de Xie Zhi.
Une fois déposé sur le lit de jour, Shen Jue vit l’autre homme se pencher vers lui. Il pressa rapidement une main contre son torse.
« Xie Zhi, l’aube arrive. On pourra nourrir la peau après avoir dormi.
– Entendu. »
Xie Zhi saisit le poignet de Shen Jue et le pressa au-dessus de sa tête. Son expression était devenu un peu insouciante.
« Tu peux dormir, je m’occupe de ta peau. »
Quand leurs lèvres se touchèrent, Shen Jue réalisa subitement que Xie Zhi n’avait pas encore pris la pilule pour nourrir la peau. Il se détourna avec du mal.
« Tu n’as pas pris la pilule. »
Xie Zhi ne lui répondit pas et tourna même de nouveau le visage de Shen Jue vers lui avec un peu de brusquerie. Il emprisonna les mains de Shen Jue dans une de ses mains, caressa sa joue de l’autre et pressa une jambe sur les genoux de Shen Jue, l’immobilisant totalement.
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Une fois le baiser terminé, les yeux de phénix de Xie Zhi contemplèrent longuement Shen Jue sans rien dire, ce qui le rendit encore plus nerveux.
« Ah Jue, appela gentiment Xie Zhi, tu veux bien le faire avec moi une fois, s’il te plaît ? Comme notre première fois. »
Shen Jue resta un moment hébété à ces mots, puis il se rendit compte que Xie Zhi voulait parler de la première fois où il avait pris l’apparence de Lin Chuyan. À l’époque, Xie Zhi l’avait ramené chez lui et Shen Jue n’avait absolument aucune idée de ce que signifiaient les choses qu’ils avaient faites. Il avait ressenti de la douleur, mais il avait été bien trop charmé par la beauté de l’autre homme.
Ce visage en face de lui était effectivement splendide, mais Xie Zhi n’était qu’une partie de Lin Chuyan.
Les doigts de Xie Zhi caressèrent la joue de Shen Jue pour finalement se poser sur la blessure à son front.
« Qui t’a encore fait du mal, hein ? Il t’a frappé au visage et a causé une si vilaine blessure. Cet homme est vraiment horrible. Il est pire que moi, ah ? »
Il s’arrêta et demanda de nouveau :
« Ah Jue, tu veux bien ? »
Une lueur parcourut le regard de Shen Jue : non, il ne voulait pas du tout !
« Je… »
Xie Zhi le regardait fixement, sans lueur malveillante dans ses yeux de phénix. Il n’y avait que de l’attente et de la nervosité. Il attendait la réponse de Shen Jue, attendant la réponse qu’il voulait entendre.
Pourquoi Lu Zhidao n’était-il pas encore là ?
Shen Jue ne put que serrer les dents et dire :
« Je suis d’accord… » Mais pas tout de suite.
Cependant avant qu’il n’ait pu terminer sa phrase, Xie Zhi le serra subitement dans ses bras et roula avec lui à l’intérieur du lit de jour.
Il y avait une marque noire à l’endroit où ils s’étaient trouvés, comme si la foudre avait frappé.
Xie Zhi se tourna pour regarder le splendide jeune homme qui était subitement apparu dans la pièce. Il renifla de dédain.
« C’était donc toi, ah. J’ai bien senti quelqu’un d’assez aveugle pour déranger Ah Jue et moi pendant que nous prenons du bon temps. »
Il était impossible de savoir depuis quand Lin Chuyan était là. Il jeta un regard glacial à Xie Zhi et Shen Jue qui étaient l’un dans les bras de l’autre sur le lit de jour. Il ne parla pas mais leva simplement la main. Aussitôt, un second éclair tomba.
Un troisième, un quatrième, un cinquième…
Xie Zhi ne faisait vraiment pas le poids contre Lin Chuyan, sans parler du fait qu’il devait protéger Shen Jue. Au final, il reçut plusieurs éclairs. Les vêtements étaient déchirés et brûlés au niveau de son dos qui était devenu encore plus ensanglanté.
Malgré ça, il continua de serrer Shen Jue contre lui, bien que sa gorge soit remplie de sang après ces attaques. Le sang au coin de ses lèvres coula le long de son menton et il se trouva qu’une goutte atterrit précisément sur le point cinabre au front de Shen Jue.
Quand Xie Zhi s’en rendit compte, il resta un moment stupéfait, puis il leva une main pour ressuyer le front de Shen Jue. Sauf que dans l’instant qui suivit, la foudre frappa de nouveau. Ce coup épuisa les dernières forces de Xie Zhi qui se fit ensuite tirer hors du lit de jour par Lin Chuyan.
Lin Chuyan le laissa tomber par terre comme une ordure, puis il posa les yeux sur Shen Jue qui se trouvait toujours sur le lit de jour. L’air polaire de son regard disparut soudain et il eut même un sourire.
« Ah Jue, merci de l’avoir fait sortir de son trou. Sans toi, je ne sais pas le mal que ça m’aurait demandé de retrouver ce type. »
Après ça, il s’approcha du lit de jour pour s’asseoir.
Il tendit la main vers Shen Jue et ressuya le sang sur son front avec des gestes très doux. Petit à petit, le sang fut totalement nettoyé.
Note de Karura : Pauvre Xie Zhi qui a gardé ses illusions.
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