Child of the Night 26

Partie Vingt-Six : Déception



L'an de grâce 1460
Le lendemain
Château Draculea, Valachie



« La robe dorée, Lena ?

– Non, Beta. »

Beta fit la moue.

« Mais elle va si bien avec mes cheveux et mes yeux.

– Et elle rend ta peau terne. Ce que nous voulons, c'est une couleur riche, comme un joyau. La bordeaux, je pense. Oui. Cela flattera aussi tes cheveux et tes yeux, et elle fera paraître ta peau aussi blanche que la première neige de l'hiver. »

Lena aida Beta à mettre la robe choisie, puis arrangea soigneusement ses cheveux, les nouant juste au niveau du cou pour que la longue courbe de sa nuque soit accentuée. Les longues manches furent attachées à ses poignets avec des rubans blancs, et un ensemble de dentelles assorties fut inséré à sa poitrine, masquant discrètement la naissance de ses seins. Elle était l'image même d'une jeune demoiselle attirante, bien née et bien éduquée.


Lena fit gonfler soigneusement la dentelle.

« Il est dans la bibliothèque avec Nicolae, consultant un artisan pour ces fichues étagères, je pense. Va et fais-lui savoir que tu voudrais l'accueillir dans ton lit ce soir.

– Mais que dois-je dire ? gémit Beta. Lena, donne-moi encore un jour de répit avant que je n'aille me donner à nouveau à cette bête en rut.

– Plus tôt tu seras enceinte, plus tôt tu pourras repousser toutes ses avances, Beta. Quant à ce que tu dois dire, sois subtile. Les classes supérieures n'attendent pas de leurs femmes d'apprécier le côté physique de leur union, les imbéciles. Sois acceptante, mais pas empressée. Il doit sûrement chercher un signe avec empressement, alors il n'y a pas besoin d'en faire beaucoup. »


Marmonnant à elle-même, Elizabeta se rendit à la bibliothèque. Elle trouva Draculea et Nicolae se tenant devant un homme trapu et bien bâti qui était assis au bureau de la bibliothèque, esquissant quelque chose sur une feuille de parchemin. L'homme était vêtu des vêtements sobres et propres d'un artisan de la guilde, mais ses mains étaient rudes à cause du travail physique. Quel que soit son art, il l'avait appris avec l’expérience.

Alors qu'elle entrait, il disait :

« Vous voyez, mon prince ? Si on éloigne ces tables du mur et qu'on diminue juste un peu la distance verticale entre les étagères, vous pouvez augmenter de plus d'un tiers la capacité de la bibliothèque. »

Draculea jeta un regard par-dessus l'épaule de l'homme, puis haussa les épaules.

« Qu'en penses-tu, bibliothécaire ? »


Nicolae avait serré ses mains comme un enfant à qui on offrait une friandise.

« Oh oui, Maria Ta ! Les livres sont si serrés comme ça, et il n'y a pas moyen d'agrandir les étagères actuelles. Ce serait l'idéal.

– Alors c'est fait. »

Comme vous cédez facilement, mon époux. Et si vous le faîtes pour mon frère, quelles merveilles allez-vous accorder à votre épouse ? Elizabeta fixa un sourire sur son visage tandis qu'elle se dirigeait vers les hommes. Elle avait eu l'intention d'être complaisante, mais ce fut plutôt condescendant.

« Mon époux. »

Le mot était inconfortable et même dégoûtant sur les lèvres de Beta, mais Lena avait dit qu'il fallait lui rappeler son rôle et son devoir à chaque instant.


Draculea et Nicolae se tournèrent vers elle, et l'artisan bondit sur ses pieds, s'abaissant très bas. Elle hocha gracieusement la tête vers lui, indiquant qu'il pouvait se remettre debout et à l'aise, puis tourna son attention sur les autres. Nicolae lui souriait brillamment, son plaisir pour sa compagnie rayonnant comme un phare dans son sourire, et ses yeux étaient remplis d'admiration.

Draculea lui offrit un petit sourire formel.

« Beta, bonjour. Vous êtes ravissante ce matin. »

Il n'y avait pas de chaleur supplémentaire dans ses mots. Il aurait pu remarquer que oui, en effet, le soleil s'était levé ce matin. C'était comme s'il l'avait évaluée, catalogué ses bons points et décidé qu'elle méritait la description, mais que pourtant cela ne voulait pas dire grand-chose pour lui.


Elle fit la révérence.

« Je vous remercie.

– Y avait-il quelque chose que vous souhaitez ?

– Je... »

Beta chercha ses mots, sentant une rougeur parcourir ses joues. Que suis-je supposée répondre à ça ? Oui, je veux que vous veniez à moi cette nuit et que vous me donniez un bébé pour que je n'aie plus jamais à supporter votre contact ? De toute façon, je ne peux rien dire ici avec Nicolae qui me regarde.

« Je voulais seulement apprécier votre compagnie. »


Draculea haussa les sourcils. C'était nouveau. Beta n'avait pas une seule recherché sa compagnie durant le court moment où ils avaient fait connaissance. Bon sang, j'espère qu'elle n'essaie pas de devenir ma joyeuse compagne. Pourtant, je ne peux pas vraiment l'envoyer balader, surtout pas si tôt après le mariage.

« J'ai bien peur que vous ne la trouviez ennuyeuse, ma chère, mais vous êtes bien sûre la bienvenue pour rester. Nicolae, voudrais-tu trouver un siège qui convienne à ta sœur ? »

Nicolae regarda rapidement autour de lui, choisit une chaise et l'apporta. Il en ressuya soigneusement le siège et le dossier avec un chiffon qui était sur un empilement d'étagères poussiéreuses qui attendaient d'être nettoyées.

« Je suis désolé, Beta. Tu devrais avoir un coussin, mais les seuls que j'ai ici sont si poussiéreux que j'ai peur qu'ils n'abîment ta jolie robe. Je t'en trouverai bientôt des propres pour que tu sois à l'aise lorsque tu viendras me rendre visite ici. »


Elle s'assit sur la chaise.

« C'est très aimable à toi, Nicolae. Mais je ne pense pas que je passerai beaucoup de temps ici. Il y a tellement à faire pour rénover et redécorer, et puis je dois diriger les domestiques. »

Et nous savons tous que vous laissez Simion s'en charger, sauf quand vous avez besoin d'une gourmandise ou d'un luxe, songea cyniquement Draculea. Il vit une légère peine dans les yeux de Nicolae à cause de son refus désinvolte, et il en fut déchiré. D'un côté, il voulait que le jeune homme ait tout ce que son cœur désirait. Mais de l'autre, il ne pouvait s'empêcher de penser que Beta n'était peut-être pas la compagne idéale pour son amant. Nicolae lui était dévoué mais Beta avait montré de temps en temps qu'elle appréciait peu ce dévouement. Il espérait que Nicolae se ferait des amis parmi ses gens. Cela pourrait apaiser la douleur qui grandirait sûrement lorsqu'il comprendrait que Beta n'avait besoin de lui que comme d'un autre admirateur.


« Nicolae. »

À ce doux appel, la tristesse disparut du visage du jeune homme et il se tourna vers Draculea avec un sourire qui montrait la fausseté de l'expression de Beta.

« Tu vas devoir t'occuper de ça tout seul pour l'instant. Je dois aller m'entraîner avec mes hommes.

– Vous entraîner, Domn ? »

Draculea résista à l'envie de caresser la joue de Nicolae. Cela ne se faisait pas de caresser son amant devant sa femme.

« Je suis un guerrier, Nicolae. Les compétences rouillent si on ne les aiguisent pas.

– Oh. »

L'expression claire du jeune homme s'assombrit en se rappelant de la violence qui était toujours proche. Puis il fit timidement :

« Barnabas sait ce que je veux. Puis-je venir vous regarder ? »

La dernière phrase était une question.


« Pas aujourd'hui, pas cet entraînement. Je dois pratiquer avec mes armes de poing. C'est assez rude, Nicolae. Tu pourrais être affligé. Tu pourras peut-être venir lorsque j'entraînerai Lucifer ou quand je pratiquerai avec la lance ou l'arc et les flèches, mais pas aujourd'hui. Reste avec le charpentier. »

Nicolae soupira mais il hocha la tête, acquiesçant à l'ordre de son seigneur. Il se retourna pour observer le charpentier alors qu'il corrigeait un peu l'esquisse.

Draculea s'inclina légèrement devant Beta.

« Ma dame. »

Il fut surpris lorsque, alors qu'il la dépassait, elle saisit sa manche en murmurant :

« Mon époux, puis-je vous parler ? »

Il s'arrêta.

« Bien sûr, Beta. »

Elle jeta un regard aux deux autres hommes puis regarda à nouveau Draculea.

« En privé ? »


Il lui fallut un moment pour comprendre qu'elle attendait de lui qu'il congédie les autres. Draculea parvint à contrôler le renfrognement qui montait à ses lèvres. Si elle voulait tenir des audiences dans une splendeur solitaire, elle avait ses propres appartements. Cet endroit appartenait à Nicolae et Vlad n'allait pas chasser le jeune homme pour un caprice de Beta.

« Certainement. »

Il lui offrit son bras.

Beta hésita, voulant apparemment lui expliquer qu'il avait mal compris ses souhaits. Puis elle croisa son regard et se rendit compte qu'il l'avait très bien comprise. Elle se leva, plaçant sa main sur son bras, et le laissa la mener hors de la pièce.

Aucun des deux ne remarqua que Nicolae les observait d'un air rêveur. Puis il secoua brusquement la tête, retournant à son travail. Il ne devait pas envier la place de sa sœur aux côtés de Draculea et aux yeux du monde. Vlad l'aimait, lui. Il le lui avait dit, il le lui avait montré.

Draculea ne voulait pas s'embêter à marcher jusqu'à la chambre de Beta, aussi s'arrêta-t-il dans le couloir d'entrée, près de la porte. Quand Beta regarda autour d'elle, il fit :

« Nous sommes seuls ici. Mes hommes attendent, Beta. Que souhaitiez-vous me dire ? »

Elle inspira un grand coup et fit doucement :

« Je me sens bien reposée et fraîche, mon seigneur.

– Je suis ravi de l'entendre. »

Il attendit qu'elle poursuive.

Beta remua. Lena avait dit qu'il n'aurait besoin que d'une allusion.

« Les rigueurs du mariage furent moins importantes que je ne l'avais craint.

– À nouveau, j'en suis heureux.

– Je pensais que... peut-être, »balbutia-t-elle.


Seigneur, songea sarcastiquement Vlad. Cette fille est en train de m'inviter dans son lit.

« Je vois. »

Elle soupira, apparemment soulagée.

« La résistance de la jeunesse est vraiment remarquable. »

Il embrassa sa main.

« Peut-être que dans un jour ou deux, nous pourrons essayer de nouveau d'obéir à l'ordre que notre Seigneur nous a donné : être fructueux, mais pas ce soir. »

Sur ce, il se rendit dans la cour principale, laissant Beta bouché bée, ce qui ne convenait guère à une dame.

Plus tard, elle fit à Lena :

« Je dois attendre.

– Quoi ? Beta, je te l'ai dit, tu dois le faire, même si c'est répugnant.

– Tu ne comprends pas, Lena. J'ai essayé. Je lui ai dis que je me sentais bien et que la détresse de la nuit de noce était passée.

– Tu as peut-être été trop subtile. J'ai du mal à croire cependant qu'un homme comme Draculea se tromperait sur une invitation.

– Ce n'est pas le cas. Il a très bien compris, mais il a dit pas ce soir, peut-être dans un jour ou deux.

– Peut-être ? »

Les yeux de Lena, déjà petits, se rétrécirent encore plus.

« Peut-être. Ce n'est pas suffisant, Beta. Pas bon du tout. Nous allons simplement devoir le faire changer d'avis. »


Lena arracha la mousse de dentelle de l'échancrure de Beta, s'en saisit et descendit le tissu, exposant la courbe supérieure de ses seins.

« Lena... »

Beta sourit et se pencha pour embrasser l'autre femme mais elle fut repoussée. Perplexe, elle fit :

« Mais je pensais que tu voulais...

– S'il n'est pas intéressé par la subtilité, il y a d'autres tactiques. »

Elle retira les épingles des cheveux de Beta, les laissant tomber librement.

Beta comprit les intentions de Lena et secoua la tête.

« Non, Lena ! Je ne pourrais pas faire ça. Je ne pourrais pas me rendre vulgaire pour lui. »


Lena saisit ses épaules en serrant fort. Pourtant elle prit soin de ne pas meurtrir la chair délicate, pas quand on devait la montrer à son propriétaire légitime.

« Écoute-moi, ma fille ! Bien des mariages ont été annulés à cause de la stérilité de l'épouse. Je ne prendrai pas le risque que cela t'arrive. Tu dois le faire, Beta, pour nous deux. »

Comme toujours, Beta se soumit.

« Oui, Lena, »fit-elle docilement.

Elle se consola en songeant à la façon dont Lena allait la réconforter après la fin de son épreuve, et décida que cela en valait presque la peine. Presque.

Barnabas avait fini son esquisse et il commençait à chercher le type de matériel approprié pour construire les étagères. Nicolae passa quelques temps à cataloguer les livre sur l'une des tables, mais pour une raison ou une autre, il se sentait agité.

C'était parce que Vlad était en train de s'entraîner, décida-t-il. Nicolae savait bien entendu que son amant était un guerrier. Le prince Draculea avait mené de nombreuses fois ses troupes contre les païens, combattant à l'injonction de l'Église. Il avait repoussé des attaques contre la Valachie et même durant ces temps de paix relative, il conduisait occasionnellement ses hommes pour contrôler les bandits qui attaquaient ses gens.


Avec sa vie protégée dans l'abbaye, Nicolae n'avait pas vu beaucoup de violence. Il y avait eu quelques bagarres parmi les travailleurs convers, qui s'étaient terminées avec des nez ensanglantés et des lèvres fendues. Il y avait eu des voyageurs attaqués par des bandits que l'on avait amenés aux frères à cause de leur habileté à guérir. Certains de ces infortunés étaient même morts.

Mais pour une époque si rude et violente, Nicolae n'avait vu que très peu de troubles en fin de compte. En songeant que des hommes s'infligeaient volontairement de la peine, cela le glaçait et le rendait malade mais il y avait pourtant une certaine fascination. Après tout, c'était ce que Vlad faisait. C'était une partie de lui. Nicolae ne devait-il certainement connaître tous les aspects de l'homme qu'il aimait ?


Il avait trouvé une fenêtre qui donnait sur la cour où le prince s'entraînait avec quelques hommes choisis. Nicolae s'accroupit, se penchant par-dessus l'appui pour épier l'activité plus bas. Il ne voulait pas que Vlad voit qu'il désobéissait.

Nicolae savait que quelqu'un avec une conscience facile et une langue avisée pourrait protester qu'il ne désobéissait pas puisqu'il n'avait pas tenté de rejoindre les hommes en bas, mais Nicolae était scrupuleusement honnête avec lui-même. Il savait très bien que Vlad ne voulait pas qu'il assiste à la rude séance d'escrime. Il espéra silencieusement que Draculea serait trop occupé pour remarquer qu'il espionnait et que, dans le cas contraire, il pardonnerait à Nicolae.


Les combattants portaient de légères armures en cuir et leurs armes étaient des épées en bois. Même si les lames étaient trop émoussées pour couper ou tuer, elles laissaient des marques impressionnantes quand on les abattait avec la force d'un homme puissant comme le prince.

Tandis que Nicolae observait, Draculea et Simion combattaient. Ce dernier n'avait pas la taille du prince et sa portée mais il était rapide, agile et rusé. Et il ne retenait pas ses coups, c'était important. Il se pouvait toujours qu'un partenaire d'entraînement, craignant d'inciter le fameux tempérament de Draculea, retienne ses attaques, n'y mettant pas du sien. Cela enrageait Draculea.

« Comment puis-je améliorer mes capacités à survivre s'il n'essaient même pas ? S'imaginent-ils que mes ennemis seront aussi prévenants ? »


Les épées en bois s'entre-choquèrent tandis que les hommes se battaient. Nicolae observa un coup très fort atteindre la cuisse de Draculea et il tressaillit. Cela allait laisser une marque, même à travers l'armure de cuir. Il vit Draculea tapoter le dos de Simion, le félicitant pour un coup qui aurait effectivement estropié le prince s'ils avaient utilisé des armes standards.

Puis le groupe d'homme se tourna presque d'un bloc pour regarder en direction du château. Nicolae recula, pensant d'abord qu'on l'avait découvert, mais il se rendit compte qu'ils regardaient quelqu'un qui était sorti du palais. Nicolae se demanda qui pouvait attirer une attention aussi exclusive. Sûrement pas un serviteur.


Il eut sa réponse quand la fine silhouette de femme fut en vue, s'approchant des hommes. Bien que son dos lui soit tourné, il reconnut Beta à sa robe. Mais quelque chose était différent... Puis il comprit. Au lieu d'être noués en un chignon net et modeste ou dans une résille, ses longs cheveux noirs cascadaient sur ses épaules et le long de son dos.

Nicolae cligna des yeux, n'y croyant pas. Une femme bien née et respectable, passée la liberté de l'enfance, n'apparaissait pas en public avec ses cheveux détachés. Même les servantes ou les paysannes qui se respectaient un peu ne lâchaient leurs cheveux que dans leurs chambres. À quoi Beta pensait-elle pour sortir comme ça devant des hommes autres que son mari, bien qu'il soit présent ?


Draculea, quant à lui, savait exactement ce à quoi Beta pensait. La robe qui avait été si correcte et à la mode un peu plus tôt paraissait à présent décadente, le décolleté exposant le haut arrondis de ses seins petits mais bien formés. Ses cheveux noirs coulaient en vagues sur ses épaules pâles et il songea un instant à demander à Nicolae de laisser pousser ses cheveux qui ressemblaient tant à ceux de Beta pour abandonner cette coupe de moine. L'idée d'enfoncer ses mains dans une masse si soyeuse et épaisse pendant qu'ils faisaient l'amour était incroyablement érotique. Alors même qu'il était ennuyé, il dut s'empêcher de sourire tandis que son épouse s'approchait. Elle s'habille comme une catin pour m'aguicher et elle réussit seulement à me faire penser à son frère.


Mais alors qu'elle s'approchait, l'amusement disparut pour être remplacé par de la colère. Ses lèvres et ses joues étaient d'un rouge artificiel sur une peau qui était encore plus pâle qu'elle ne devrait l'être. Cette gamine porte du maquillage ! Même si c'était à la mode pour les dames de la cour les plus audacieuses, cela ne seyait pas à une princesse, et qui plus est, pas pour le regard de quiconque excepté son époux.

Draculea alla à sa rencontre, ne voulant pas qu'elle s'approche plus près que nécessaire du petit groupe d'hommes qui la regardaient.

« Beta, grogna-t-il. Au nom de Dieu, qu'est-ce qui vous a pris ? »


Elle recula, puis carra ses épaules. Elle pourrait peut-être terminer ça rapidement. Elle rendit sa voix soyeuse et suggestive.

« Vous vous épuisez, mon époux. Je veux seulement vous offrir un peu de répit et de confort. »

Elle s'arma de courage et tendit la main pour ressuyer gentiment un peu de sueur sur son front.

« Pourquoi ne pas venir avec moi un moment ? Ma chambre est froide et tranquille.

– Alors je suggère que vous y alliez. Vous pourrez peut-être dire à votre Lena de faire couler un bain pour que vous puissiez enlever cette peinture. »


Il saisit son poignet, sa prise si ferme qu'elle en était presque douloureuse, et fit doucement :

« Vous n'apparaîtrez plus jamais comme ça en public. Vous croyez que je veux que mes hommes voient ma femme vêtue comme une catin de taverne ?

– Je voulais juste...

– Je sais ce que vous voulez, Beta, croyez-moi. Je vous rendrai visite lorsque le moment sera venu, pas avant. Ne vous inquiétez pas, j'ai pleinement l'intention d'avoir un enfant avec vous, si Dieu le veut. Mais ni vous ni... »

Ses lèvres se retroussèrent.

« Ni aucun autre ne me dictera mon emploi du temps, et pour l'amour de Dieu, ne vous montrez plus jamais en public avec vos cheveux détachés, sinon vous allez sentir ma colère encore plus violemment. »


Il y eut un appel de l'homme de garde aux portes.

« Mon seigneur ! Des voyageurs arrivent. »

Draculea, tenant toujours Beta, regarda en direction des portes.

« Et pourquoi tu me le dis ?

– Mon seigneur, j'ai bien peur qu'il n'y ait eu une autre attaque de bandits. Ils transportent un corps recouvert sur l'un des chevaux. »

Draculea relâcha Beta et fit laconiquement :

« Beta, rentrez. »

Beta bougea comme si elle obéissait et Draculea se tourna vers les portes. Mais tandis que les trois chevaux entraient dans la cour, elle fit demi-tour et le suivit furtivement, ses chaussons de velours ne faisant aucun bruit.

Dans le château, Nicolae quitta rapidement la fenêtre. Il se dirigea d'abord vers la chapelle. Il y avait un corps recouvert d'un drap sur l'un des chevaux. Le père Mircea devrait s'en occuper. S'il y avait encore une étincelle de vie, les derniers sacrements devaient être appliqués. Sinon, des prières pour l'âme de l'infortuné devaient commencer immédiatement.

Les deux hommes qui avaient amené le corps descendirent de cheval et s'inclinèrent devant le prince.

« Prince Draculea, fit l'un d'eux. Nous étions en train de rentrer au village et nous avons trouvé cette pauvre âme sur la route à quelques miles d'ici. Nous sommes venus tout de suite, pensant que vous aimeriez savoir.

– Vous avez bien fait. Cela ressemble à l'œuvre de bandits ?

– Il semblerait, acquiesça l'homme, bien que ce soit la plus vicieuse attaque dont j'ai entendu parler. »

Il frémit.

« L'homme n'a pas seulement été tué : il a été massacré. Dans tous les cas, il y avait un sac vide à côté de lui et il lui manque deux doigts, sans doute pris à cause d'anneaux. »


Draculea hocha la tête. Hé bien, Varga, je savais que ce jour viendrait mais j'aurais préféré avoir encore un jour ou deux.

« Vous savez qui c'est ?

– Non, Domn, mais c'est soit un noble, soit un homme fortuné. Ses vêtements sont riches.

– Je crains que l'un des invités n'ait pas pu rentrer chez lui. »

Il fit signe à l'homme de retirer le drap.

Ernestu Varga n'avait pas bien supporté son temps en plein air. Les corbeaux avaient arrachés ses yeux, bien sûr, et les chiens du coin l'avaient trouvé. Il ne restait que très peu de chair sur son visage. Ses dents brillaient, nues, ses lèvres ayant été arrachées par un renard qui avait dû être ravi de trouvé un repas aussi facile.

« Bon, fit Draculea d'un ton traînant, nous devons attendre jusqu'à ce que ses gens remarquent son absence, puis nous commencerons à chercher... »


Il y eut un cri derrière lui, et il virevolta pour trouver Beta regardant le corps, son visage pâle. Le rouge de ses joues devint complet tandis que toute couleur désertait son visage, et ses yeux noirs étaient énormes.

« Père !

– Quoi ? Beta, non. Votre père est parti avec trois hommes armés ; il aurait certainement été en sécurité. Vous êtes bouleversée. Je vous avais dit de rentrer.

– Non, c'est Père.

– Seul Dieu pourrait reconnaître ce pauvre hère. Si cela peut vous rassurer, j'enverrai des hommes au Château Varga pour avoir des nouvelles, mais vous devez...

Non ! »

Elle brandit un doigt tremblant et Draculea regarda.

Un collier pendait du cou de l'homme mort, se balançant tandis que le cheval remuait. Suspendu au bout se trouvait une lourde chevalière.


« C'est sa chevalière. Il ne pouvait plus la porter alors il la gardait sur cette chaîne. Elle se trouvait sûrement dans sa chemise et les bandits ne l'ont pas vue.

– Oui, c'est fort possible. »

Et j'aurais dû penser à vérifier, songea aigrement Draculea. On aurait pu croire que des bêtes ou des voleurs auraient fini par s'en emparer. Les honnêtes hommes sont parfois un fléau.

« Vous en êtes sûre, Beta ? »

Elle tendit la main. Avec réticence, il retira le collier et le déposa dans sa paume. Draculea vit Nicolae sortir du château avec le père Mircea. Il fit signe au jeune homme de rester en arrière, mais c'était vain. Aussi forte que soit sa volonté d'obéir à son seigneur, son instinct d'offrir de l'aide et du réconfort était le plus fort.


La jeune femme examina le lourd sceau tandis que Nicolae s'approchait, puis regarda Draculea avec des yeux remplis de larmes.

« Oui. C'est le sien. »

Elle lança un autre regard horrifié sur le corps, un regard qui contenait plus qu'un peu de dégoût.

Les deux hommes rejoignirent la petite scène. Mircea se rendit directement près du cheval. Humectant son doigt avec de l'huile sainte provenant d'une petite bouteille qu'il portait, il traça une croix sur le front mutilé du mort et commença à implorer la pitié de Dieu pour son âme et le pardon pour ses péchés. Nicolae toucha l'épaule de Beta.

« Beta, tu ne devrais pas être là.

– Amène-là à l'intérieur, Nicolae, » ordonna Draculea, espérant qu'il s'en aille avant de pouvoir regarder le corps de plus près.


Quand Nicolae la prit gentiment par l'épaule, Beta le gifla en s'écriant :

« Non ! Je ne partirai pas, il a besoin de moi.

– Beta, je t'en prie, tu ne peux pas aider cette pauvre âme, et tu vas juste te rendre malade, la réprimanda Nicolae.

– Cette pauvre âme ? Idiot ! Tu ne vois donc pas ? »

Elle lui jeta l'anneau au visage.

« C'est Père, Nicolae. Père est mort. »

Draculea jura silencieusement. Il avait espéré pouvoir apprendre gentiment la nouvelle à son amant.

Nicolae pâlit, ses yeux courant sur le visage mutilé du corps. Des larmes brillantes coulèrent de ses yeux et la grande bouche douce que Draculea aimait tant se mit à trembler. Mais sa voix était calme et forte lorsqu'il dit :

« Alors nous devons prier pour son âme, Beta. Viens. »

Il tira gentiment sur sa manche.

« Nous ne devons pas penser à nous maintenant. »


La jeune femme s'effondra à ses côtés et il passa un bras autour d'elle, la soutenant. Elle sanglotait.

« Je suis désolée, Nicu. Mais Père...

– Chut, tout va bien, Beta. Viens. »

Il la conduisit vers le château, son corps jeune et solide la soutenant. Tandis qu'ils marchaient, il lui caressa les cheveux, lui murmurant des mots de réconfort.

Les regardant partir, Draculea songea : Elle ne le mérite pas. Je ne le mérite pas. Il soupira. Le monde ne le mérite pas. Puis il se retourna pour donner à ses hommes des ordres concernant le corps.

« Emmenez-le... je dirais bien les écuries mais il commence à sentir et cela pourrait effrayer les chevaux. Il y a une petite pièce près de la grande salle. Mettez-le là jusqu'à ce qu'on s'arrange pour qu'il repose dans la chapelle. »

Pendant que le corps était soulevé et transporté à l'intérieur, il songea : Pourquoi pas, Varga ? Que ta dernière demeure sur cette Terre soit la pièce où ta punition a commencé.






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