Partie Trente : Confrontation
L'an de grâce 1461
Château Draculea, Valachie
Il y avait peu de choses en ce monde qui pouvaient davantage irriter Lena Abdul que de voir un homme obtenir le pouvoir et l'influence qui, selon elle, lui revenaient de droit. Avec Nicolae, l'irritation était devenue de la haine glaciale. En dépit de ses intrigues et machinations, Beta n'avait pas plus de contrôle réel sur les domestiques du prince que lorsqu'elle était arrivée. Cela voulait dire que Lena n'avait pas plus de contrôle.
Oh, bien entendu, si la princesse donnait un ordre direct, ils y obéissaient. Mais s'il s'agissait de quelque chose de plus que la tâche ou la requête la plus triviale, les serviteurs allaient d'abord voir Simion pour obtenir son approbation. Cela n'échappa pas à Lena que Nicolae n'avait qu'à suggérer qu'il voulait quelque chose ou désirer qu'une tâche soit exécutée pour que les serviteurs se plient quasiment en quatre et se battent pour lui faire plaisir.
Le prince n'est pas vraiment différent, songea-t-elle avec dédain, observant le prince se tenir derrière le jeune homme tandis qu'il plaçait soigneusement et pensivement des livres sur les étagères de la bibliothèque. Vlad tenait une pile de livres, les lui tendant un par un lorsqu'il tendait la main. C'était écœurant. Il assistait son propre bibliothécaire.
Lena s'approcha lorsque Vlad tendit le dernier livre. Nicolae lui sourit pour le remercier et se tourna pour placer le dernier livre sur une étagère haute. Sa tête se pencha en arrière et ses cheveux tombèrent, effleurant ses épaules. Il avait cessé de les couper, ne gardant plus la coupe de moine qu'il avait tant prisée avant, et Lena pouvait en deviner la raison. Tandis qu'elle s'approchait, le prince tendit la main, la glissant dans la cascade soyeuse de cheveux, la laissant couler entre ses doigts. Il saisit les dernières mèches et tira gentiment. Nicolae se retourna avec un léger rire, sa main se posant sur la joue de Draculea. Lena racla délibérément son pied par terre et le jeune homme baissa rapidement sa main.
Draculea caressa son bras puis lança un regard glacial à Lena.
« Abdul. Tu m'apportes un message de ta maîtresse ? »
Lena fit la révérence.
« Non, seigneur. Mais il y a une chose importante dont j'aimerais discuter avec vous.
– Vraiment ? »
Il regarda Nicolae.
« Tu avais prévu de voir le père Mircea, pas vrai ? »
Nicolae hocha la tête.
« Vas-y tout de suite, alors. Je viendrai plus tard. Je pense que je devrais me confesser bientôt. »
Nicolae rayonna.
« Je vais dire au père de vous attendre. »
Son sourire faiblit mais ne mourut pas lorsqu'il regarda Lena.
« Dame Abdul, ma sœur va bien ? Je... ne l'ai pas vue depuis un moment. »
Bien sûr que non, mon garçon. Je prends grand soin à vous séparer.
« Elle se porte bien, Calugarul. Son humeur est une autre histoire. »
Son expression s'effondra et il parut bouleversé.
« Qu'est-ce qui la trouble ? Y a-t-il quoi que ce soit qui...
– Nicolae. »
Nicolae lança un regard incertain à son amant.
« J'ai vu Beta hier soir et elle est comme d'habitude, gâtée et très légèrement contente. Va parler au prêtre ; ça te calmera, comme toujours.
– Oui, Domn. »
Nicolae avait suffisamment confiance en Draculea pour savoir qu'il ne lui mentirait pas. Il pouvait se tromper, mais il ne le tromperait pas délibérément.
« Dame, s'il vous plaît, dites à ma sœur qu'elle est dans mes pensées le jour et dans mes prières la nuit.
– Comme c'est attendrissant, » fit Lena d'une voix traînante.
Draculea vit la lueur de douleur dans les yeux de Nicolae tandis qu'il se dirigeait vers la porte, et ses propres yeux se rétrécirent. Il attendit que Nicolae soit parti et s'assit à une table, faisant signe à Lena à se tenir devant lui. Il ne lui donna pas la permission de s'asseoir aussi resta-t-elle debout.
« Lena, je sais que tu ne cherches pas ma compagnie par plaisir, alors qu'y a-t-il ? »
Elle se raidit devant un défi aussi flagrant. Lena avait appris à utiliser les courtoisies subtiles et les apparences de bienséance à son avantage, et elle détestait qu'on la force à traiter un sujet directement.
« Comme je l'ai dit au garçon... »
Quand Lena appelait Nicolae le garçon, il n'y avait pas d'affection dans sa voix, rien que du mépris.
« ... sa sœur n'est pas de bonne humeur ; il est de mon devoir de veiller à son confort et son bonheur.
– Tu prends tes responsabilités au sérieux, Abdul, fit sèchement Draculea. Depuis ton arrivée dans ma demeure, tu as sans cesse œuvré pour changer chaque aspect de la vie ici. Le mobilier est trop lourd, les tapisseries trop pauvres, la nourriture trop simple. Cette femme a eu plus de robe en un an que la plupart des dames de ma cour en voient dans toute une vie. Sous tes tendres soins, il me semble qu'elle soit passée d'une enfant gâtée à une femme difficile. »
La voix de Lena était pincée.
« Je ne fais que lui rappeler ce qui est dû à son rang, prince. »
Elle croisa les mains.
« Et ce qui est dû à son rang, mon seigneur, est un enfant. »
Il l'examina.
« Abdul, je tolère de telles choses de la part de Stefan par respect pour ses cheveux gris et son rang élevé et durable de conseiller. Si tu étais un homme, tu serais déjà à présent à terre et je me demanderais si je devrais ou non continuer à te frapper. Il n'y a que ton sexe et la confiance de ma femme qui te sauvent de la punition que ton impertinence mérite grandement. »
Lena pâlit davantage mais ne recula pas.
« Elle se fait du souci pour la sécurité de son état, Domn. Un enfant cimenterait cela et l'assurerait qu'elle n'a pas à s'inquiéter de se faire destituer de sa position à la cour... »
Elle baissa la voix.
« Comme elle a déjà été destituée de sa position dans votre cœur. »
Il fronça les sourcils, agitant la main.
« Femme, ne joue pas les idiotes et ne me considère pas comme un imbécile. Seul le bébé au sein de sa mère sait que cette fille n'a jamais eu de place dans mon cœur. Elle aurait pu avoir mon affection s'il n'y avait pas eu ton influence, l'aiguillonnant constamment vers le mécontentement. Quant à l'enfant, j'en veux un aussi, mais ce n'est pas encore arrivé. Je peux commander à beaucoup de choses mais pas à la conception.
– Vous pourriez faire plus d'effort, mon prince. »
Draculea rit durement.
« Et maintenant tu vas me dicter mon emploi du temps pour coucher avec ta maîtresse ? Seigneur Dieu, femme, y a-t-il une limite à ton effronterie ?
– Quand cela concerne le bien-être d'Elizabeta ? Non.
– Je suis curieux, Abdul. Je verse régulièrement ma semence en Beta. Nicolae et Mircea prient tous les jours pour que nous ayons un enfant, alors même le Ciel est de notre côté. Que suggérerais-tu pour accroître ses chances ?
– Votre régularité n'est pas plus de deux jours par semaine, mon seigneur. »
Elle haussa les sourcils.
« Tout me porte à croire que vous pouvez faire mieux que ça.
– Je ne pense pas qu'elle accepterait ça, peu importe ce que tu en dis.
– Elle sera docile. Et il n'est pas besoin de fuir dès que l'acte est fait. La proximité ne pourrait que l'aider à accélérer. »
Draculea la fixa avec étonnement. Lena se méprit sur son silence et poursuivit :
« Et si vous ne gaspilliez pas votre énergie et votre essence avec... d'autres passe-temps, alors il y aurait plus de chances. »
La voix de Draculea se fit basse et dangereuse.
« Quels "autres passe-temps" voudrais-tu que je sacrifie, Abdul ? La chasse ? Notre garde-manger en souffrirait. L'entraînement ? Les Turcs testent de plus en plus nos frontières, et nous aurons bientôt une confrontation. Voudrais-tu que je sois ramolli et non prêt ?
– Je voudrais que vous restiez chaste sauf avec votre épouse légitime, Domn. Je voudrais que vous cessiez vos galipettes anormales avec votre mignon, au moins jusqu'à ce qu'un héritier soit né. »
Les mains de Draculea se serrèrent en un poing sur les bras de la chaise. Lena ne savait vraiment pas à quel point elle avait failli mourir à ce moment. En effet, un an plus tôt, Draculea lui aurait brisé le cou sans même y songer, mais à présent...
Bien que Draculea ne soit pas porté sur la violence gratuite, sa colère pouvait être rapide et terrible. Nicolae avait gentiment influencé son amant. Toute la maisonnée l'avait remarqué, mais ils connaissaient suffisamment bien Draculea pour voir que la violence était toujours là, et ils prenaient soin de ne pas le provoquer, surtout si le bibliothécaire n'était pas là pour servir de tampon. Lena, dans son arrogance, ne se croyait pas en danger.
Draculea regarda la femme devant lui, combattant l'envie de poser ses mains sur son cou. Cela ne donnerait rien de bon, toutefois. Il avait pu expliquer raisonnablement le décès du seigneur Varga, mais Lena... Il serait difficile de se débarrasser d'elle sans provoquer de soupçons. Et Beta dépendait tellement de cette femme qu'il n'était pas impossible qu'elle s'effondre sans elle.
En dépit des inquiétudes de Lena, Vlad n'avait pas la moindre envie de remplacer son épouse. Bien qu'il aurait préféré vivre ouvertement avec le reconnaître comme son compagnon, il était assez réaliste pour savoir que c'était impossible. La situation actuelle était la meilleure qu'il pouvait espérer, une femme qui présentait une image correcte au monde tout en le laissant en paix pour qu'il puisse profiter de la compagnie de son amour choisi. En vérité, son homme de loi avait parfois subtilement sous-entendu que la pauvre enfant était peut-être stérile et qu'elle serait plus heureuse si on la délivrait de son serment. Vlad savait très bien que ce qu'il voulait vraiment dire était qu'il était peut-être temps de reprendre sa liberté pour une autre union qui porterait ses fruits. Draculea l'ignorait. Il supposait qu'un enfant viendrait finalement. Sinon, eh bien... pour l'instant, cela pouvait encore attendre.
Il pouvait toujours essayer avec une des dames de la cour. Ce n'était pas inhabituel qu'un enfant illégitime prenne la succession, bien que seules les familles royales aient droit à de telles exceptions. Il n'aurait qu'à offrir à l'Église un pot-de-vin conséquent, sous forme de tribut, et l'affaire serait réglée. Ce n'était pas la peine de se presser pour cela, mais il devait régler cette insolence immédiatement.
Il se leva et s'approcha d'elle.
« Si jamais tu parles encore de Nicolae de cette manière, je t'étranglerai jusqu'à ce que ton dernier souffle fétide t'ait quitté. »
Lena ne flancha pas. Elle leva les yeux vers lui.
« L'appeler sous un autre nom ne changera pas ce qu'il est. »
La tentation était forte, mais Draculea posa ses mains sur ses bras plutôt qu'autour de sa gorge. Il pressa délibérément et la vit tressaillir, la sueur perlant sur sa lèvre supérieure.
« C'est un brave homme, le moins égoïste et le plus doux que j'ai jamais connu. Je préférerais te voir morte que de le voir souffrir un seul instant. Tu comprends ?
– Je comprends. Et vous devez comprendre, prince Draculea, que si jamais on parlait publiquement de votre attachement anormal, qu'on le présentait à ceux qui ne sont pas sous votre influence immédiate, cela le ferait terriblement souffrir. Vous savez qu'on l'accablerait de honte et d'humiliation. Vous savez de quel tourment il souffrirait lorsque tous les chefs religieux, excepté son petit prêtre, le condamneraient. Vous lui feriez ça ?
– Abdul... tu oses me menacer ?
– Moi ? Vous menacer ? Oh, prince, assurément je suis trop modeste, trop basse pour être une menace pour vous. »
Son expression, une parodie d'innocence blessée, était grotesque.
« Vous n'avez rien à craindre de moi. Vous avez uniquement à craindre les conséquences de vos propres choix. »
Elle fit la révérence.
« Si vous voulez bien m'excuser, Beta va se demander où je suis. »
Il la regarda partir, ses poings se fermant et s'ouvrant à ses côtés, puis commença à faire les cent pas. Cette chienne l'avait menacé de la seule façon qui pouvait vraiment marcher. Ce qu'elle venait d'oser faire prouvait à quel point elle connaissait si peu sa réputation. Elle avait subtilement deviné que, bien qu'il puisse faire front à toute confrontation avec ses conseillers ou même les agents de l'Église, il ne voulait pas prendre le risque que Nicolae soit blessé ou même honteux. La propre estime du jeune homme était encore fragile et il serait dévasté si leur relation était exposée aux railleries publiques. Il était même possible que quelqu'un d'ambitieux dans l'Église ou un homme de loi ne tente de le faire condamner, car les relations entre hommes étaient officiellement illégales.
Il ne pouvait pas prendre ce risque, mais il ne pouvait pas non plus répondre aux exigences de Lena. Il lui serait impossible d'être près de Nicu sans le toucher ou l'aimer. Cela les tuerait tous les deux. Il devait y avoir une solution à ce problème.

Draculea alla à la recherche de Simion. Il trouva son meilleur conseiller officieux en train de superviser l'entretien de son armure. Comme Draculea l'avait dit, les Turcs se montraient difficiles et ils devaient se tenir prêts. Pourtant il laissa la tâche à un forgeron compétent et suivit son seigneur dans sa chambre. Une fois là, Draculea lui expliqua ce qui venait de se passer, bien que son langage soit plus franc que celui de Lena.
« Cette chienne a dit qu'elle veillerait à ce que notre amour devienne un scandale public, exposé devant les hommes, l'état, à l'Église et Dieu. Je m'en moquerais, Simion, tu le sais bien, mais Nicolae...
– Oui, cela lui ferait beaucoup de mal. Mon prince, c'est en effet une situation bien difficile. Cette traînée peut exprimer ses tendres inquiétudes pour sa maîtresse, mais c'est en fait sa propre position qu'elle cherche à renforcer. Elle voit Nicolae comme une menace. »
Il haussa les épaules.
« Elle verrait n'importe qui avec un peu d'influence comme une menace, et elle sait que, alors que vous tolérez seulement Beta, vous feriez n'importe quoi pour Nicu. Elle souhaite vous séparer tous les deux et je pense qu'elle s'imagine que vous finirez alors par vous tourner vers Beta. Puis elle prévoit de vous influencer à travers elle. »
Il secoua la tête.
« Pour une femme intelligente d'habitude, son plan est remarquablement stupide.
– Je ne peux pas la tuer comme ça, Simion.
– Oh non, mon prince. Même le plus plausible des accidents serait suspect. Alors que ce que pense le reste du monde importe peu, Nicolae soupçonnerait quelque chose. Abdul doit être remise à sa place sans action directe. »
Il sourit.
Draculea lui rendit son sourire.
« À en juger par ton expression, Simion, je suppose que tu as un plan.
– En effet, mon prince.
– Et que proposes-tu ?
– C'est simple. Je pense que la propre tactique d'Abdul va très bien marcher. »

« Lena, cela fait si longtemps que tu ne l'as pas fait. S'il te plaît.
– Beta, tu sais que nous ne devons pas mettre en danger une grossesse éventuelle.
– Mes règles viennent juste de se finir et il ne m'a pas encore rendu visite, alors je suis sûre que c'est bon. Il est parti vérifier les réserves locales disponibles sur ses terres donc il ne risque pas de venir me voir ce soir. Je t'en prie, Lena.
– Très bien, ma biche. En effet, cela fait longtemps que je ne t'ai pas prise entièrement. »
Dans le petit couloir entre les chambres de Draculea et d'Elizabeta, le prince et Simion échangèrent des regards. Draculea s'adossa confortablement contre le mur et chuchota :
« Tu avais raison, Simion. Elles n'ont pas pu résister à cette occasion. Tu es sûr que Nicolae est occupé ? »
La voix de Simion était tout aussi basse.
« J'ai fait en sorte qu'une des filles du château lui demande de lui apprendre à écrire son nom. Elle sera très stupide à ce sujet, et vous connaissez sa patience : il n'abandonnera pas tant qu'elle n'y sera pas arrivé. »
Il sourit.
« Pas même si cela lui prend la moitié de son parchemin et toute son encre, et vous savez comme il y tient. »
Draculea grogna mais il y avait un sourire affectueux sur ses lèvres.
« Mon seigneur, ce serait mieux que cette femme quitte le château après ça, au moins pour une courte période. Abdul n'aimerait pas voir ses plans contrariés et je ne lui fais pas confiance. Elle pourrait peut-être accompagner sa maîtresse pour un court pèlerinage dans un des sanctuaires les plus à la mode ? »
Draculea secoua la tête.
« Impossible. Ce serait une excellente suggestion mais nous avons eu des troubles récemment. Rappelle-toi, les bandits savent que l'armée se concentre plus sur la surveillance des frontières à présent que les Turcs nous testent et ils sont beaucoup plus actifs sur les routes. Ce ne serait pas sûr pour elles de voyager. Je ne peux pas détacher suffisamment d'hommes pour garantir leur sécurité, et j'ai beau exécrer Abdul, Beta doit être protégée tant qu'il y a la moindre chance qu'elle puisse porter mon enfant. Et tu sais à quel point Nicolae est attaché à elle. Je crains qu'il ne dépérisse si elle venait à être tuée.
– Ce garçon l'aime énormément, Simion acquiesça. Si seulement tout ceux qu'il aimait pouvaient en être dignes. »
Ils gardèrent le silence un moment de plus. Il y avait à présent de faibles sons provenant de la chambre de la princesse, et Simion fit :
« Je crois qu'il est temps, Domn. »
Il tendit la main vers la poignée mais Draculea l'arrêta.
« Je pense que notre entrée doit être plus fracassante pour être efficace, Simion. Laisse-moi faire. »
Il leva doucement la poignée, la désengageant pour que la porte s'ouvre sans le moindre craquement. Puis il recula, leva le pied et frappa la porte si violemment qu'elle rebondit contre le mur dans un fracas assourdissant. Il passa la porte le temps d'un battement de cœur, et Simion était juste derrière lui.
Les deux hommes s'arrêtèrent après quelques pas et regardèrent la scène qui s'offrait à eux. Ils s'étaient attendus à trouver les deux femmes dans une étreinte illicite, mais ils n'étaient pas préparés pour ce qu'ils virent.
Les deux femmes étaient complètement nues, chose que les femmes de haute naissance n'expérimentaient que lorsqu'elles se baignaient. Beta était à quatre pattes au pied du lit. Lena Abdul se tenait derrière elle, agrippant ses hanches. Il fallut un moment pour que Draculea comprenne ce qu'il voyait et un autre moment pour qu'il y croit.
Tout ce que Lena portait était une ceinture de cuir tressé, portée basse sur ses hanches étroites. Un objet sombre était attaché sur le devant et aurait pendu là — aurait pendu là s'il n'était pas profondément enfoncé dans les replis roses et lisses du sexe de sa femme.
Lena se figea d'horreur mais Beta était dans une telle emprise sexuelle qu'elle ne se rendit pas tout de suite compte de ce qu'il se passait. Draculea regarda avec surprise la jeune femme tourner et s'enfoncer contre son amante, gémissant. En l'espace de ces quelques secondes, elle montra plus de chaleur sexuelle que durant tout leur mariage. Bon sang. Si elle avait été comme ça, mes faibles tentatives pour devenir père ne m'auraient pas semblé être une telle corvée.
Beta gémit lorsque Lena se retira brutalement d'elle et elle se retourna pour protester. Ce fut alors que son regard tomba sur les deux hommes qui se tenaient juste devant la porte, observant. Les deux femmes poussèrent de petits cris. Elles tendirent toutes les deux la main vers la couverture qui avait été proprement pliée au pied du lit, mais Beta l'eut la première et s'enroula dedans. Lena se jeta sur le lit, se cachant derrière sa pupille du mieux qu'elle put, essayant de tirer un bout du tissu pour recouvrir sa propre nudité.
Étonnamment, ce fut Beta qui parvint la première à rassembler ses esprit pour parler.
« Comment osez-vous ! Partez tout de suite. »
Draculea lui lança un regard perplexe.
« Beta, vous avez d'habitude plus de bon sens que ça. Je suis votre époux. Personne ne peut m'ordonner de quitter votre chambre, et encore moins vous. »
Il regarda Simion et fit sur le ton de la conversation :
« Simion, Abdul a dit que Nicolae était un mignon. Dis-moi, existe-t-il un terme pour une femme qui pratique de telles activités ?
– Je ne pense pas, mon seigneur. Du moins, je n'en ai jamais entendu parler. Je suppose cependant que 'mignonne' fera bien l'affaire. »
Draculea s'approcha du lit, suivi de près par son conseiller.
« Bien, Abdul, il me semble que je ne suis pas le seul dont les plaisirs ne rencontreraient pas l'approbation unanime. »
Il lui lança un sourire dur.
« Et je ne pense pas que le monde t'accordera autant de tolérance que pour moi. »
Sa voix trembla.
« Personne ne vous croirait. Il penserait que c'est juste du dépit, une tentative pour annuler votre mariage et pour être avec votre... »
Ses yeux lancèrent un avertissement et elle ravala ce qu'elle allait dire.
« Pour que vous soyez libre.
– Je n'ai aucun désir d'être libre. Pourquoi ne peux-tu pas le voir ? Si tu te réserves à Beta et que tu arrêtes de me rendre les choses difficiles, si tu traites Nicolae avec la moindre des courtoisies, alors je serai content. Quant au fait que l'on ne puisse pas me croire... »
Il désigna Simion qui s'inclina.
« J'ai un témoin. On peut ne pas tenir compte d'une personne, mais pas de deux. Alors, Abdul, tu sais ce que tu dois faire pour poursuivre la vie confortable que tu t'es construite ? »
Elle se renfrogna.
« Oui.
– Beta. »
Il détourna son attention sur la jeune femme qui paraissait confuse, et s'adoucit un peu. Il se dit qu'elle n'était sûrement pas au courant des dernières machinations de Lena.
« Beta, je n'ai aucune objection à ce que vous preniez du plaisir avec votre servante. Je serais un hypocrite sinon. Nous n'avons jamais vraiment promis de nous aimer mais vous avez promis de me rester fidèle. Cela peut paraître étrange mais je ne considère pas cela comme me tromper, plutôt comme satisfaire vos besoins. Tant que vous ne partagez pas le lit d'un autre homme, je ne me plaindrai pas mais il ne doit y avoir aucun doute sur la légitimité des enfants que vous aurez. Est-ce bien compris ? »
Elle acquiesça.
« Bien. Nous n'en parlerons plus. »
Vlad commença à se retourner, prêt à partir, mais il hésita et se dirigea de l'autre côté du lit. Avant que Lena n'ait pu l'en empêcher, il l'attrapa par l'épaule et la jeta contre le matelas. Il planta une main ferme sur son estomac, la maintenant en place, et jeta un regard curieux sur l'appareil dont elle s'était servie pour ravager Beta. C'était un cône de bois légèrement incurvé, finement ciselé, poli et vernis pour un rendu satiné.
« Pas étonnant que je n'ai pas pu vous satisfaire, mon enfant. »
Il toucha d'un doigt la pointe émoussée.
« Vous avez ici un sexe qui ne faiblit jamais. On ne peut guère le comparer à de la simple chair et sang. »
Draculea vit une lueur de malice dans les yeux de Lena. Se penchant, il murmura à son oreille de telle sorte que Beta ne puisse pas entendre.
« Si tu es en train de préparer ta revanche, écoute ça : si je survis, tu vas te prendre dans ton corps un pic en bois plus large et plus pointu que celui que tu utilises pour baiser ma femme. »
Il se retourna sans un autre regard ou mot et passa dans le couloir privé, Simion à sa suite.

Dans la propre chambre de Draculea, Simion versa du vin pour le prince. Quand Draculea l'accepta, il fit signe à son serviteur d'en prendre aussi pour lui.
« Cela devrait suffire. Cette femme n'aime Beta que pour l'utiliser, et elle mettra pas en danger sa propre position maintenant. »
Draculea secoua la tête.
« Je savais qu'on les trouverait dans un état qui me permettrait de lui faire du chantage, mais ça... J'ai déjà entendu parler de telles choses, bien sûr, mais je n'en avais jamais vu. Juste quand je pense connaître le monde, Simion, il me surprend encore. »
Tandis qu'il sirotait, une
expression songeuse et spéculative apparut sur son visage.
« C'était un... outil intéressant, Simion. »
Il marqua une pause.
« D'après toi, que ferait Nicolae d'un tel jouet ? »
Quand son serviteur haussa un sourcil, Draculea s'éclaircit la gorge.
« Eh bien, avec cette agitation, il se peut que je parte pour un moment. Il pourrait... je veux dire, s'il aimerait... je suis curieux de savoir s'il le ferait...
– Il préférerait votre contact, mon seigneur. Mais je pense que s'il savait que cela vous apporterait du plaisir, il se débrouillerait bien avec un tel jouet. Je suis sûr que l'artisan qui a gravé les ornements sur les nouvelles chaises de la bibliothèque pourrait en concevoir un plus raffiné que celui que nous avons vu. Peut-être même un plus, dirons-nous, réaliste ? Dois-je lui en parler ?
– Oui, vas-y. »
Il sourit.
« Ce pourra être un cadeau pour Nicolae. Il aime les surprises. »
Simion eut un léger rire.
« Je peux vous garantir qu'un tel cadeau va sûrement le surprendre, mon prince. »
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