Child of the Night 50

Partie Cinquante : Engendrer

L'an de grâce 1698
Budapest, Hongrie


La première chose que Draculea vit en ouvrant le couvercle de sa boîte fut Simion. Son ami avait placé une chaise devant le lieu de repos de Draculea et attendait patiemment, les bras croisés, son visage grave.

« Que s'est-il passé ?

– Mon seigneur, si vous vous souvenez, il fut un temps où je vous ai demandé de ne pas agir sans réfléchir. Je vais devoir faire la même requête. »

Draculea se renfrogna en se mettant debout et en sortant de la malle.

« Simion, la dernière fois que tu m'as extirpé cette promesse, c'était... »

Son esprit erra vers une petite pièce en pierre, vers un Nicolae allongé dans une stupeur droguée, son dos et ses fesses écorchés et meurtris. Simion vit une lueur rouge imprégner les yeux de son maître et les creux de son visage sembler bouger subtilement.

« Qu'a-t-il fait au garçon ?

– Me le promettez-vous, mon seigneur ? »


Draculea tendit ses mains et Simion vit que ses ongles étaient comme des serres.

« Simion, je t'ai écouté avant que tu ne partes la nuit dernière. Tu n'a aucune affection pour ce chien.

– Non, mais je m'inquiète pour le garçon et si vous tuez son frère, il en souffrira. Il le verra comme sa propre faute et peu importe si cette ordure mérite de mourir. En plus, ce n'est pas le bon moment. Il faut que vous voyez le garçon. »

Draculea fronça les sourcils mais se retint. Le rouge disparut et en peu de temps, il redevint comme d'habitude, sauf peut-être un peu plus mortel.

« Très bien. Montre-le moi.

– Il est dans ma chambre. »

Simion conduisit Draculea dans le couloir jusqu'à sa chambre. Il y avait un grand feu dans la cheminée et la chambre était très chaude, mais Draculea pouvait voir que la silhouette dans le lit frissonnait pourtant sous les couvertures. Il alla s'asseoir près du garçon sur le lit en touchant son épaule. Le garçon gémit doucement mais n'ouvrit pas les yeux. Les cils de Rill étaient incroyablement longs sur ses joues pâles.


Draculea le secoua gentiment.

« Rill. Ouvre les yeux, mon garçon. »

Rill ouvrit les yeux. Son regard était vague mais devint plus alerte quand il vit Draculea.

« Mon prince, » murmura-t-il.

Il se tourna jusqu'à ce que sa tête repose sur les genoux de Draculea et leva les yeux.

« Il fait déjà nuit ?

– Oui, mon garçon.

– Oh. »

Il fronça les sourcils.

« J'ai dormi tout le jour. Quel paresseux je suis.

– Ne dis pas ça, Rill. »

La voix de Simion était rauque.

Rill sourit et fit :

« Simion ne veut rien entendre de mal à mon sujet. »

Il baissa la voix sur le ton de la confidence.

« Je crois qu'il m'aime bien. »

Simion se racla la gorge.

« Je vais préparer à manger. »

Il partit en se dirigeant vers la cuisine.


« Simion m'a dit qu'on t'a fait du mal, » fit Draculea.

Rill pressa son visage contre la cuisse de Draculea.

« Cela n'a pas d'importance. Éteignez la lampe, mon seigneur. Les marques ne vous dérangeront pas dans le noir.

– Elles ne peuvent que me perturber mais pas comme tu le crains, mon petit. Laisse-me voir. »

Il tira sur le drap. Il ne dit rien mais ses yeux se durcirent en voyant les marques sur le garçon.

« Elles sont hideuses, murmura Rill.

– Oui. »

Draculea caressa gentiment son dos meurtri.

« Mais tu es toujours aussi beau. »

Rill saisit la chemise de Draculea et se redressa.

« Prouvez-le moi. »

Draculea ferma les yeux un moment.

« Rill, tu as besoin de repos.

– Je vous en prie, mon seigneur ? »


Il enfonça sa main des les cheveux de Draculea, le tirant vers le bas et tendant son cou pour l'embrasser doucement. Draculea commença à reculer lorsque la langue de Rill glissa sur ses lèvres. Il songea à le gronder gentiment en lui expliquant qu'il devait refuser ce contact intime, non pas à cause d'un quelconque dégoût mais parce qu'il était inquiet. Mais alors que ses lèvres s'ouvraient, Rill glissa sa langue à l'intérieur et le garçon était à la fois doux et expérimenté.

Rill mit toute sa gratitude et son envie dans ce baiser. Ce fut cette dernière qui commença à séduire Draculea mais il tenta de combattre sa nature. Il recula un peu mais Rill s'accrocha à lui, essoufflé.

« Prenez, mon prince. »


Il ne comprenait pas vraiment ce dont Draculea avait besoin chez lui mais il savait qu'il pouvait le procurer et c'était ce qu'il voulait faire.

« Mon garçon. »

La voix de Draculea était tendue.

« Mon doux garçon, tu ne comprends pas.

– Je sais. Il y a tant de choses que je ne comprends pas mais je vous ai aidé, n'est-ce pas ?

–Tu ne sauras jamais à quel point.

– Je ne peux pas faire grand-chose. Laissez-moi vous être utile ainsi.

– Rill... »

Le garçon n'était pas fort — Draculea aurait pu l'arrêter. Mais quand Rill pencha la tête en arrière en arquant son cou, Draculea se laissa entraîner.


Il tenta pourtant de résister. Il embrassa le cou de Rill et la coupure profonde. Il lécha les trous à moitié guéris. Auparavant, quand il avait fini de se nourrir, cela avait accéléré la guérison en arrêtant le sang. C'était différent cette fois. Quoi qu'il fasse, son corps savait à quel point il était près d'une riche source de nourriture.

Il y eut un filet de liquide chaud sur sa langue. Il grogna, ses doigts se refermant inconsciemment sur les épaules meurtries de Rill. Il aurait pourtant pu combattre ce besoin mais Rill émit un son doux et plaintif et se pressa contre lui.

Draculea gémit. Aussi doucement que possible, il enfonça ses dents dans la chair soumise en rouvrant les plaies. Rill gémit de douleur et de plaisir alors que le prince commençait à se nourrir.


Draculea avait toujours auparavant vidé ses victimes crapuleuses rapidement et sans douceur. Quant à ses victimes innocentes, il ne les avait visité que deux fois. Il n'avait jamais pris autant de sang d'une seule personne mais Rill s'offrait si humblement et si chaleureusement. L'extase de la nourriture balaya Draculea et il ne se rendit pas compte que quelque chose n'allait pas jusqu'à ce que les mains du garçon se relâchent puis tombent.

Draculea s'arrêta immédiatement en levant la tête. Le visage de Rill était si blanc mais son sourire était mélancolique et son regard clair et direct. Ses lèvres pâles bougèrent à peine.

« Merci, mon prince. Je n'ai plus froid. »

Ses paupières papillonnèrent rapidement puis se refermèrent.


« Simion ! »

Le cri de Draculea retentit dans la maison. Simion était en train de réchauffer de la soupe dans la cuisine. La cuillère se fracassa sur le sol alors que Simion se ruait pour répondre à l'appel de son maître. Son cœur se serra en voyant Draculea tenir la forme immobile de Rill.

Draculea leva vers lui des yeux brûlants d'angoisse.

« Simion, aide-le. »

Simion se pencha sur le garçon en cherchant son pouls et en vérifiant sa respiration. Il souleva une paupière et émit un son de détresse quand la pupille resta blanche sans se contracter. Il souleva du pouce la lèvre supérieure de Rill et remarqua la pâleur des gencives du garçon. Sans un mot, il se rua vers sa malle et l'ouvrit. Il fouilla frénétiquement en trouvant finalement une petite bouteille. Il l'ouvrit en faisant :

« Redressez-le, mon seigneur, pour qu'il ne s'étouffe pas. »


Draculea souleva le torse de Rill. Simion pencha en arrière la tête du garçon et porta la bouteille à ses lèvres.

« Rill, bois ça. »

Il n'y eut pas de réponse. Sa voix devint plus forte.

« Tu dois le boire, je t'en prie ! »

Il versa le liquide entre les lèvres de Rill mais le liquide se répandit à nouveau.

« Rill ! »

Il souleva le menton de Rill en versant le reste du liquide. Il ferma la bouche de Rill, emprisonnant le liquide. Simion caressa la gorge de Rill.

« Avale, Rill, je t'en prie. »

Rill toussa en recrachant le liquide à l'odeur âcre.

« Simion, fit-il d'une voix faible, je n'aime pas les alcools forts.

– Mon garçon, c'est ta seule chance.

– S'il vous plaît, Simion, laissez-moi dormir. Je suis si fatigué. »

Sa voix mourut.


Simion soupira d'un ton résigné.

« Très bien, Rill. »

Il caressa le visage de Rill alors que le garçon fermait les yeux.

« Dors. Puisses-tu te réveiller dans un endroit chaud et sûr. »

Draculea déposa Rill sur son lit en l'arrangeant gentiment. Il posa sa main sur la poitrine du garçon pour sentir sa respiration ralentir peu à peu.

« Je ne savais pas, Simion. Je te jure que je ne voulais pas lui faire de mal. »

Simion frotta ses yeux.

« Je sais, mon seigneur. »

Il se mordit la lèvre.

« Je crois... Je crois qu'il voulait simplement en finir. »


Quand il vit Draculea sursauter, il fit :

« Non, mon seigneur, pas vos rencontres. Je parle de sa vie. D'une certaine façon, c'est de la pitié. Si nous ne pouvions pas le sortir de ce trou à rat et de l'animal qui se sert de lui, ce serait mieux. Mais je regrette... »

Il se tut en secouant la tête. Il mit sa main en coupe sur la bouche et le nez de Rill et ne sentit pas d'air. Il posa sa main sur la poitrine lisse du garçon et ne sentit aucun mouvement.

Il fit en se levant avec un soupir :

« Domn, je vous demande la permission de l'enterrer. Je sais que c'est un risque, mais je ne peux pas le laisser dans une quelconque allée comme un déchet. »


Draculea regarda la forme immobile et fit lentement :

« Pas encore, Simion.

– Mais mon seigneur, plus nous attendons, plus nous avons de chance d'être découverts.

– Je sais, Simion. Mais tu n'aimerais pas rester avec lui un moment, comme avec moi ? »

Simion étudia Draculea, un étrange doute, ou plutôt un espoir, s'élevant en lui.

« Que voulez-vous dire, Domn ?

– Je n'en suis pas sûr, Simion. Tu sais que même encore maintenant, j'en apprends sur mon état, ce qui est possible ou non. »


Simion hocha la tête. Presque depuis le début, Draculea savait qu'il pouvait influencer certains animaux. Dans la dernière décade, il avait lentement développé sa capacité à se transformer au-delà du subtil déplacement de chair que Simion avait remarqué.

« Tu connais l'effet que mon sang a sur toi, Simion — qu'il te préserve et te revigore. Et tu sais que quand je jouis, je produis du sang. Simion, Rill a bu ma semence et pas juste une fois, plusieurs fois.

– Mon seigneur ! Vous... vous pensez... ?

–Je ne sais pas, Simion.

– Mais... il est mort.

– Je l'étais aussi. »


Il y eut un silence tandis que les deux hommes se regardaient. Simion fit finalement :

« Mon seigneur, pouvons-nous attendre ?

– Je crois qu'il le faut, Simion. Après tout... »

Il arrangea soigneusement les cheveux du garçon.

« ... ce pourrait être mon premier enfant. »

Le corps de Rill fut transporté dans la chambre de Draculea et déposé sur le lit, un drap propre tiré sous son menton et Simion se porta à nouveau volontaire pour faire la garde.

« Qu'est-ce que tu entends par 'ils l'ont emmené' ? » grogna Rock contre Clothilde.

Son dernier amant, un charretier deux fois plus grand que Rock, se tenait derrière elle et elle ne se sentait pas très impressionnée par Rock.

« C'est comme j'l'ai dit. C't homme blond qu'est venu avant est encore venu. Un peu p'us tard, l'a appelé un païen noir et y zont transporté l'pauvre simplet. Y paraissait pas bien, le Rill. »

Elle pencha la tête.

« N'aurait dit qu'on l'avait battu. Bizarre, j'ai pas entendu de bagarre — pas avant qu'il arrive. »


Rock fulmina. Il était revenu chez lui en espérant deux autres pièces d'or. Il n'y avait pas d'argent et pire encore, pas de Rill. Il ne s'était pas tout de suite inquiété, songeant que peut-être le serviteur du prince était juste venu assez tôt. Mais alors que le jour touchait à sa fin et que Rill ne revenait pas, il fut d'abord furieux puis inquiet. Il avait cherché dans les tavernes et les magasins mais personne ne l'avait vu. Finalement il était revenu chez lui et avait confronté la souillon. Elle lui avait donné les nouvelles avec un plaisir satisfait et il l'aurait volontiers frappé s'il n'y avait pas eu la grosse brute derrière elle. Le colosse grossier caressa ses fesses amples en lançant un regard d'avertissement à Rock.


« Maudit soit-il ! Il sait qu'il ne doit pas aller chez les clients. Il y a trop de risques qu'il tombe sur un vicieux. Il pourrait être tellement endommagé qu'il en serait presque inutile. »

Clothilde et son amant échangèrent un regard de dégoût. Clothilde fit sèchement :

« Et il pourrait même mourir, comme ça il ne te servirait plus à rien. »

Rock lui lança un regard venimeux mais il ne pouvait rien faire.

Il commençait à se faire tard. Il passa la soirée à s'enquérir auprès des tavernes et maisons de joie pour trouver l'endroit où vivait Draculea. Il n'eut pas de chance. Il retrouva à nouveau Emory mais le garçon se tenait tout près de son ancien mac. Cet homme avait la réputation de protéger férocement ses prostitués et Rock ne put que boire et mijoter. Il finit assez tôt dans une chambre louée en tenant une bouteille de cognac. Ce fut une chance pour lui. Draculea le chassait cette nuit même.


Le lendemain, Rock se rendit à la police. Plus précisément, il alla voir le policier qui avait accepté de l'argent pour le laisser exercer son travail. L'officier écouta ses accusations en secouant la tête en signe de sympathie.

« Tu as dit qu'il a été enlevé par un noble — un royal ? Un homme riche ? Tu es sûr qu'il n'est pas allé avec lui de son plein gré ?

– Non ! Il sait que je... que je serais bouleversé. Il ne me quitterait jamais. Il m'aime. »

Rock dit cela avec une totale assurance mais sans chaleur.

Cette nuit-là, il dormit dans une taverne, couché sur un banc dans un coin, dans une stupeur d'ivrogne.


Draculea était à la recherche de Rock depuis que Simion s'était installé près de Rill. La première nuit, il visita toutes les maisons publiques qu'il put trouver. La seconde nuit, il était retourné à la petite maison où il avait rencontré Rill et s'était tenu devant la porte d'entrée. Plutôt que de toquer pour que la propriétaire ouvre, il utilisa un autre de ses pouvoirs qu'il avait découvert au siècle dernier. Ce pouvoir n'était pas infaillible. Il avait découvert qu'il y avait des barrières qu'il ne pouvait pas franchir. Pour une certaine raison, il ne pouvait entrer dans une maison privée à moins qu'on ne l'y ait invité. Ici, cependant, il n'y avait aucun problème.


Il se concentra en se rendant plus léger et léger... immatériel. Puis il flotta en avant. Si Clothilde avait été réveillé, elle aurait pensé que la ville était sous un brouillard particulièrement épais ou peut-être aurait-elle paniqué en pensant qu'un feu provoquait de la fumée sous la porte. La brume tourbillonna sur le sol du couloir puis disparut sous la porte de la chambre louée par les deux frères. En quelques secondes, le couloir redevint clair et Draculea fut assis dans les ténèbres de la chambre, attendant. Il dut partir sans accomplir son but, se dépêchant dans les rues alors que le soleil se levait.


Dans sa chambre, il posa la main sur l'épaule de Simion.

« Mon ami, tu as au moins dormi un peu ? »

Simion secoua la tête.

« J'ai peur, mon seigneur. Il est si immobile. Vous pensez vraiment qu'il va se réveiller ?

– Je pense qu'il y a de grandes chances, Simion. Regarde. »
Il retira le drap.

« Tu vois ? Les plaies disparaissent. As-tu jamais entendu parler d'un corps qui guérissait ? Et ceci. »

Il souleva la main de Rill et elle retomba mollement.

Simion tourna des yeux remplis d'espoir vers le prince.

« Il est encore souple !

– Oui, la rigidité cadavérique n'est pas arrivée. Il ne montre aucun signe de mort, excepté le manque de respiration et de battement de cœur. Je crois vraiment qu'il y a une chance. »

Simion regarda le garçon avec une douceur dans le regard que son maître n'avait encore jamais vue et cela toucha Draculea. J'espère pour toi que c'est vrai, mon ami.


Les yeux de Simion se durcirent à nouveau lorsqu'il regarda Draculea.

« Vous ne l'avez pas trouvé ?

– Non.

– C'est tout aussi bien. Je ne suis pas certain, mon seigneur, que vous auriez pu l'amener ici intact.

– Je ne suis toujours pas sûr de le laisser vivre même un peu.

– Nous en avons déjà parlé, Domn. Si... Quand Rill se réveillera, il aura peur et sera confus. Si nous voulons qu'il soit heureux, il faut que le frère donne sa bénédiction — bon gré ou mal gré. Une fois qu'il aura dit à Rill qu'il doit venir avec nous, vous pourrez disposer de lui hors de la vue de Rill. »

Draculea fronça les sourcils.

« Juste pour le bien du garçon. Si je ne croyais pas que cela le désolerait, j'ouvrirais la gorge de ce bâtard au moment où je le verrais.

– Vous en aurez l'occasion, mon prince. Cela peut cependant prendre un jour ou deux avant que le garçon ne s'habitue à sa nouvelle vie. »


Draculea émit un son de doute puis fit :

« Je vais devoir ramener quelqu'un demain. Ce ne sera pas dur d'attirer un malfrat.

– Pourquoi, mon seigneur ?

– Simion, tu te souviens quand je me suis réveillé. Rill n'a pas mangé depuis trois jours. Il sera affamé et il n'aura même pas la petite préparation que j'avais. Je ne le crois pas capable de se nourrir sans tuer, au moins pour sa première fois, et on doit lui fournir un repas approprié. Je ne vais pas risquer un tzigane ou toi. »

Simion hocha la tête pour marquer son accord puis remit tendrement le drap sur les épaules de Rill.

« Domn ? Ce serait horrible si je m'allongeais avec lui ? Je pense pouvoir dormir près de lui.

– Non, Simion, fit doucement Draculea. Je crois qu'il aimerait ça. »

Draculea regarda Simion s'attirer près du corps froid du jeune homme. Il posa la tête sur le même oreiller en se tournant sur le côté et plaça un bras sur le torse immobile et ferma les yeux. Draculea les regarda un moment puis s'installa dans son coffre en fermant le couvercle pour son repos diurne.

Rock avait commencé à boire vers midi. Il venait à peine de finir quelques verres quand il sentit que quelqu'un l'observait. Il leva les yeux pour voir un enfant mendiant lui rendre son regard. Rock commença à grogner puis il s'arrêta pour l'examiner d'un œil calculateur. Presque treize ans. Assez vieux. Sa voix était presque cordiale.

« Que veux-tu, mon garçon ?

– V'traînez dans l'coin pour savoir où c'que Rill est parti ? »

Rock s'assit, soudain alerte.

« Oui. Tu as des nouvelles pour moi ? »

Le garçon se gratta le bras.

« Hier, le type du prince m'a envoyé 'vec un message chez l'prince. L'a fait demander sa voiture. »

Il hocha la tête d'un air sournois.

« J'sais où il vit. »


Rock serra les poings en tapant la table avec un triomphe sauvage.

« Dis-moi ! »

Le garçon frotta son pouce et son index d'un air significateur. Rock fut tenté de frapper le garçon pour qu'il parle mais il y avait des gens autour qui pourraient s'interposer. En fronçant les sourcils, il sortit une pièce de sa bourse et la tendit.

Le garçon se contenta de la regarder.

« J'veux d'l'argent. Y en a qui me paieront plus pour pas vous l'dire. »

La voix de Rock fut un grognement.

« Ou bien ils pourraient te trancher la gorge. »

Il lança une pièce d'argent au garçon.

« Montre-moi le chemin maintenant. »

Le garçon rit en mettant la pièce dans son pantalon.

« Pour qu'tu récupère ton argent quand tu sauras, ou même faire c'que le prince ferait d'après toi ? Non, j'vais te dire où c'est et j'vais rester ici. »


Le garçon lui donna le chemin puis s'enfuit. Rock songea à la suivre mais la chance de récupérer son soutien financier était trop pressante. Il se rendit directement à la demeure de Draculea.

Il fut surpris lorsqu'il vit l'endroit. Ce type semble plus riche que Dieu et il vit dans ce taudis ? Même ma maison est mieux que ça — pas aussi grande mais en meilleur état. Pourtant, s'il peut se permettre de vivre ici, il peut payer très cher. Je ne suis pas contre de lui laisser le nigaud mais par Dieu, j'aurais ma récompense.


Rock se fraya un chemin dans le petit morceau de jardin à l'état sauvage près de la porte et il tapa rudement dessus. Il allait toquer à nouveau lorsque la porte s'ouvrit. Un homme râblé, à la peau sombre et grossièrement vêtu lui lança un regard interrogateur.

« Je veux voir le prince. »

Quand l'homme continua à le regarder sans rien dire, il éleva la voix.

« Ne faîtes pas l'idiot avec moi ! Je sais que vous me comprenez, sinon le laquais du prince ne vous aurait pas envoyé un mot. »

L'homme haussa les épaules.

« Le prince, il n'est pas là. »

Le tzigane posa tranquillement sa main sur le manche du couteau qu'il portait à la ceinture.

« Partez.

– Si je reviens, ce sera avec la police. L'enlèvement est un crime, vous savez. Et quand je leur dirai comme vous avez débauché mon pauvre frère, niais et innocent, le scandale va le détruire. »


Le couteau se souleva d'un pouce ou deux de son fourreau.

« Vous partez !

– Non. »

Ils regardèrent tous les deux Simion qui venait dans le couloir.

« Laisse-le entrer. Le serviteur du prince peut s'occuper de lui. »

En lançant à Rock un regard suspicieux, le tzigane se mit sur le côté pour le laisser passer. Simion conduisit Rock dans un petit bureau juste sur la gauche. L'homme s'assit derrière le bureau et désigna à Rock une autre chaise.

« Oui ?

– Ne jouez pas avec moi, monsieur, et ne feignez pas l'ignorance. Je suis venu pour mon frère. La logeuse vous a vu l'emmener, » accusa Rock.

Simion pencha la tête.

« Vous l'admettez ?

– C'est la vérité. Pourquoi mentirais-je ?

– La première nuit, j'ai dit au prince Draculea que toutes les affaires se feraient chez nous ! Rill avait des ordres stricts de ne pas allez chez ses gentilshommes. C'est trop dangereux. »


La voix de Simion devint acérée.

« D'après ce que j'en ai vu, il courait plus de risques en restant chez lui. »

Rock rougit.

« Monsieur, les simples d'esprit ont besoin d'une main forte pour les guider. En tout cas, ce ne sont pas vos affaires. Je veux qu'il revienne et je veux être dédommagé pour mes pertes et mon angoisse. »

Simion le regarda sans croire à l'audace énorme de l'homme.

« Et si, hasarda Simion, le garçon ne souhaite pas revenir avec vous ?

– Cela n'arrivera jamais, fit Rock d'un ton plat. En tout cas, ça ne voudrait rien dire. Je suis son tuteur, vous devez me le rendre. À moins que... »

Sa voix se fit rusée.


L'avarice dans le comportement du mac était presque palpable.

« À moins que ? »

Rock haussa les épaules.

« Si cela amuse le prince de s'occuper du garçon... Je sais que les rois avaient toute sorte de gens timbrés pour les amuser et Rill peut sûrement le faire. Je pourrais vous accorder la garde du garçon... moyennant paiement. »

Alors tu serais un esclavagiste au sens propre plutôt qu'au sens figuré.

« Je ne peux pas décider à la place du prince Draculea pour une telle chose. Il va revenir dans quelques heures et vous pourrez alors discuter. »

Simion sourit froidement.

« Il veut vous parler. »


Rock sentit une pointe de nervosité et se leva.

« Ce serait mieux de se rencontrer dans un lieu public — disons, une auberge. »

Il commença à se faufiler vers la porte.

Simion le leva en le suivant — en le traquant.

« Non, je pense qu'il souhaite que cette discussion reste privée. »

Rock se tourna pour se ruer vers la porte. Alors qu'il faisait un pas dans le couloir, il fut saisi par deux tziganes — celui qui l'avait fait entrer et un autre qui était presque son jumeau. Rock commença à se débattre sur le champ.

« Laissez-moi partir ! Laissez-moi partir, bâtards ! Je vous ferai pendre. Je v... »


En suivant les gestes de Simion, les tziganes le jetèrent dans une pièce dans le couloir. Quand il tenta de s'échapper, l'un d'eux le frappa joyeusement au visage, l'étourdissant à moitié. Avant qu'il ne puisse récupérer, le tzigane avait pris son couteau et la porte était verrouillée.

Rock se jeta contre elle, sans résultat. La seule petite fenêtre était placardée. Il était piégé. Il cria un moment mais bien que le vieux bâtiment soit en mauvais état, les murs étaient encore épais. Il y avait peu de chance que quelqu'un du dehors puisse l'entendre. Il finit par laisser tomber et s'assit pour attendre dans un silence inquiet.

Quand Draculea se réveilla, Simion l'attendait en souriant gravement.

« Vous n'avez pas besoin de chercher à manger pour Rill, mon seigneur. Le repas est arrivé tout seul. Rock est venu récupérer son bien. »

Draculea eut un sourire de loup.

« Oh, excellent. »

Il se rendit auprès de Rill et l'examina. Son sourire s'adoucit.

« Bientôt, je pense, Simion. »

Il posa une main sur le front de Rill.

« Je peux le sentir se débattre vers la lumière. Il sera bientôt parmi nous. Tu ne dois pas rester ici. »

Simion acquiesça, se souvenant de l'état de Draculea lorsqu'il s'était réveillé.

« Bon, je présume que Rock veut voir son frère. On devrait le laisser. »


Rock songea à se ruer vers la porte quand elle s'ouvrit mais y renonça. Ce fut une bonne chose. Draculea et Simion étaient tous deux dans le couloir. Draculea lui offrit un sourire éclatant qui irradiait le mépris.

« J'ai cru comprendre que tu es venu me vendre ton frère ?

– Vous l'avez pris et ce n'est pas correct, sire. J'ai droit à quelques profits après tout le temps et les ennuis que j'ai eus avec lui. J'aurais pu le laisser avec notre père. Il aurait baisé le garçon au moins une fois par semaine en le partageant avec d'autres. Et il l'aurait fait travailler jusqu'à épuisement puis l'aurait battu jusqu'à ce qu'il puisse à peine bouger...

– Et tu le traites mieux ? »

Rock sembla indigné.

« Je l'ai entraîné pour qu'il gagne bien sa vie par les temps qui courent. Que peut faire d'autre un paysan simple d'esprit ? Je l'ai empêché de mourir de faim.

– Garde tes justifications pour toi — ça me rend malade. Dis-moi, avant que tu ne le marchandes, n'aimerais-tu pas voir ton frère pour t'assurer qu'il va bien ? »

Rock sembla un peu surpris.

« Oui, bien sûr.

– Un amour fraternel si tendre m'émeut. Viens. »


Rock quitta la pièce. Draculea posa une main lourde sur son épaule et le dirigea dans le couloir.

« Rill repose dans ma chambre. »

Au sourire de Rock, il fit froidement :

« Il repose. Écoute-moi bien, chien. Je veillerai à ce que tu sois bien payé. Oui, tu seras très bien payé mais tu dois dire à ton frère qu'il est libre de venir avec moi. En effet, tu dois lui dire que tu souhaites qu'il vienne avec moi, que cela te rendra heureux. Je ne veux pas que tu lui manques. Et fais-le vite. »

À la porte de la chambre de Draculea, Rock se libéra et lui fit face d'un air de défi.

« Avant que je lui donne ma bénédiction pour partir avec vous, je veux savoir ce que vous allez me donner pour lui. Je ne le ferai pas tant que la somme ne me conviendra pas. Vous pouvez supporter ses gémissements et ses bouderies, je m'en moque.

– Dis ton prix. »


Rock hésita en essayant de juger sa chance. Draculea ne semblait pas enclin à marchander. Combien oserait-il demander ? Il craignait de demander un prix trop bas et de perdre de l'argent. Il réfléchit. Le prince avait accepté de payer cent forints pour une nuit. Il examina attentivement le prince en disant :

« Dix mille forints. »

Draculea ne cilla pas.

« Et un bon cheval et une voiture.

– C'est tout ? »

Rock, enchanté par la générosité du prince, songea à demander une petite maison mais décida de ne pas tenter le coup. Peut-être que si Rill avait été normal, il se serait senti plus rassuré pour demander plus. Mais Rock sentait qu'il était bien dédommagé. Avec ce qu'il pourrait gagner avec ça, il serait tranquille. Il pourrait même fait un voyage chez lui et voir si ses deux autres frères étaient devenus assez beaux pour être employés.


« Oui, cela suffira.

– Très bien. Maintenant tu vas voir ton frère et tu fais tout ton possible pour le réconforter et l'apaiser. »

Simion déverrouilla la porte et Rock lui fit :

« Je fais ça pour lui aussi, vous savez. Il peut avoir une vie riche avec vous. »

Simion baissa la tête, sa voix de pierre :

« Certains esclaves sont avantagés par un changement de propriétaire. »

La chambre était mieux fournie que la pièce où on l'avait emprisonné. Rill était allongé sur le grand lit en dormant paisiblement. Rock se rendit près du lit et s'assit près de lui.

« Rill. »

Il n'y eut pas de réponse.

« Rill, réveille-toi. J'ai quelque chose à te dire. »


Il secoua l'épaule de Rill. Deux choses le frappèrent en même temps — la froideur de la chair sous sa main et la façon molle dont la tête de Rill roula sur l'oreiller. Il bondit, horrifié et enragé. Comment pourrait-il profiter d'un corps mort ? Il valait à peine dix forints pour l'école de médecine. Il se tourna vers les deux autres hommes.

« Il est mort !

– Façon de parler, fit calmement Draculea.

– Vous... Vous allez le payer, prince ! Votre rang ne vous sauvera pas. Oh, vous ne serez sûrement pas exécuté mais vous serez jeté en prison ! »

Il rajusta son manteau en se calmant un peu, puis fit :

« Était-ce un accident ? »

Draculea acquiesça.

« Oui. Je n'ai jamais voulu faire de mal au garçon mais les choses sont allées trop loin. Avant que je ne m'en rende compte, il était déjà parti. Bien que, peut-être, s'il avait voulu vivre, s'il y avait quoi que ce soit pour le rattacher à ce monde, cela ne serait pas arrivé. »


De manière surprenante, Rock ne vit rien en cela qui le condamnait.

« Si c'était un accident, on n'a peut-être pas besoin d'y mêler les autorités. Donnez-moi seulement ce que j'ai demandé et enterrez Rill décemment, et l'affaire sera close. »

Draculea et Simion observaient le corps sur le lit, près de Rock. Il y eut un faible mouvement sous les draps. Le bout de la langue de Rill pointa sur ses lèvres sèches. Simion fit :

« Je crois que cette affaire n'est pas close. Regarde ton frère. »

Perplexe, Rock se retourna à temps pour voir les yeux de Rill s'ouvrir. Il poussa un cri d'alarme en reculant.

« Il était mort ! J'ai vu des morts avant donc je sais. Il était froid. »

Draculea l'attrapa avant qu'il ne puisse atteindre la porte.

« Et il l'est encore, mais cela peut s'arranger. »


Alors qu'il parlait, Simion ferma et verrouilla la porte puis se dirigea vers le lit. Draculea fit rapidement :

« Attention, Simion !

– Il ne me fera pas de mal, seigneur. »

Simion se pencha sur le garçon réveillé qui cillait d'un air confus en direction du plafond. Sa voix fut douce.

« Rill, sois le bienvenu.

– Simion ? murmura Rill. J'ai dormi longtemps ?

– Oui, très longtemps. Comment te sens-tu ? »

Le visage du garçon se plissa.

« J'ai froid, Simion. Et j'ai faim. »

Sa voix se fit plaintive.

« Simion, je suis affamé et j'ai si soif. »

Sa voix devenait plus rude.

« Il me faut... »

Il gémissait à présent.

« Je ne sais pas !

– Chut. »

Simion déposa un baiser sur son front.

« Tout va bien. Nous allons t'amener ce dont tu as besoin. Mais d'abord, ton frère est venu te voir. »

L'appréhension et la joie se succédèrent sur le visage de Rill.

« Il est fâché ?

– Non, mon enfant. Ne t'inquiète pas. »


Rock se débattait pour se libérer de l'étreinte d'acier de Draculea, en haletant :

« Lâchez-moi ! Il était mort, je vous assure ! Ce n'est pas naturel.

– Comme si ta façon de le traiter était naturelle, vermine ! Tu feras comme nous l'avons convenu.

– Je ne m'approcherai pas de ce monstre ! »

Draculea se retourna rapidement en interposant son corps entre Rill et son frère, et il serra la gorge du mac.

« Tu oses le traiter de monstre ? Fais ce que je dis ou je vais te déchirer la gorge et mes hommes te jetteront dans la première porcherie venue. »

Les yeux de Rock saillirent de peur et d'indécision.

« Réfléchis, Rock. Qui crains-tu le plus, Rill ou moi ? »

Rock songea à toutes ces années où Rill s'était montré soumis et il fit :

« Très bien. »


Draculea jeta Rock vers le lit et Simion se leva pour le laisser s'asseoir. Rock hésita mais s'assit lentement en voyant l'air inflexible de l'autre homme. Il était raide en regardant le garçon couché près de lui mais il commença lentement à se détendre. C'était Rill, après tout.

« Bon, fit-il rudement, tu as tiré le gros lot, pas vrai, Rill ? Le prince Draculea t'apprécie beaucoup. »

Rill sourit timidement mais cela disparut rapidement.

« Je sais que je ne devais pas quitter la chambre, Rock. »

Il plissa les sourcils.

« Je ne sais pas vraiment comment j'ai atterri ici. »

C'était contre sa nature de laisser Rill lui désobéir mais Rock se força.

« Ne t'en fais pas pour ça. Alors, tu veux rester avec lui ? »


Rill regarda Draculea puis Simion. Ses yeux restèrent plus longtemps sur ce dernier. Sa voix était triste.

« Je l'aime beaucoup. »

Il regarda à nouveau Rock.

« Mais nous avons besoin l'un de l'autre. »

Rock secoua la tête.

« Ne sois pas stupide. Ils vont bien s'occuper de toi et je peux toujours me trouver quelqu'un d'autre qui bossera pour moi. »

Rock regarda d'un air choqué les perles de sang apparaître au coin des yeux de Rill.

« Tu n'as pas besoin de moi ?

– Idiot, je n'ai jamais eu besoin de toi. »


Rill tremblait à présent. Il tendit les mains pour saisir les épaules de son frère.

« Non, ne dis pas ça.

– Lâche-moi, idiot ! »

Il tenta de se libérer mais l'étreinte de Rill se resserra. Les yeux de Rock s'écarquillèrent lorsqu'il se rendit compte à quel point l'étreinte était forte. Rill n'avait jamais été fort et à en juger par son air blafard, il aurait dû être presque fragile à présent, mais il avait une étreinte de fer. Et son visage... Il était chagriné mais il y avait une faim féroce à la surface.

« Non, Rock. J'ai besoin de toi. Tu dois m'aider. Tu t'es toujours occupé de moi. J'ai si faim, Rock. »

Draculea s'était glissé derrière Rock. Il attrapa à présent ses cheveux blonds-roux en tirant sa tête en arrière jusqu'à ce que son cou soit arqué. Un ongle pointu s'enfonça dans la colonne blanche en faisant un petit trou. Une goutte pourpre et épaisse en jaillit puis coula le long de sa gorge. Les yeux énormes de Rill se fixèrent dessus. Ses lèvres se retroussèrent pour dévoiler des canines fatales et luisantes et Rock hurla. Draculea ordonna :

« Nourris-toi, mon enfant. Prends ce dont tu as besoin. »


Rill plongea avec un grognement. Draculea relâcha sa prise et observa Rill jeter Rock sur le lit en se mettant sur lui. Rock se débattit et cria mais il ne pouvait pas déloger son frère. Sa tête fut repoussée en arrière sur l'oreiller et le corps lourd et froid au-dessus de lui le pressa contre le lit en l'étouffant presque. Il se sentait complètement sans défense — choqué, confus et terrifié. Rock eut un moment de clarté ironique quand il comprit que Rill avait dû connaître quelque chose de similaire les premières fois où il l'avait pris. Puis cette révélation fut balayée par la douleur alors que des dents aiguës déchirèrent sa gorge. Rill était trop affamé pour manger correctement son premier repas.

Rill suça férocement en avalant le sang chaud avec de grandes gorgées. La faim lancinante commença à s'apaiser et la soif disparut d'un coup. Le feu rude qui semblait le consumer devint une chaleur agréable. Le corps sous lui cessa peu à peu de se débattre, devenant immobile, mais il continua à se nourrir.


Simion regarda Draculea et fit :

« Nous devrions l'arrêter.

– Pourquoi ?

– Pour la même raison qu'une mère ne laisse pas son enfant s'empiffrer lorsqu'il quitte le sein pour la vraie viande. Ce n'est peut-être pas bon pour lui. »

Draculea soupira.

« Très bien mais c'est toi qui l'arrêtes. Je ne veux pas gâcher sa joie. »

Simion alla au lit et toucha Rill.

« Rill, tu dois t'arrêter maintenant.

– Mmm, Simion... Juste encore un peu ? »

La voix du garçon était étouffée contre la gorge de Rock.

« Non, Rill. Tu en as eu assez pour l'instant. Tu pourras en avoir plus tard.

– Promis ? »

Simion sourit.

« Oui, c'est promis. »


Rill ne faisait qu'être couché sur Rock. Il leva la tête et sourit à Simion. Sa bouche et son menton étaient couverts de sang et il se lécha les lèvres puis gloussa.

« Rock n'aime pas que je mange du sucré mais c'est si bon. Peut-être que s'il en goûte un peu, il comprendra... »

Sa voix s'éteignit, ses yeux s'écarquillèrent et il regarda Rock.

« Rock ? »

Rill le secoua. Il n'y eut pas de réponse, sauf un faible battement de paupières. Rill le secoua à nouveau.

« Simion, Rock est malade. Tu dois l'aider. »

Simion tenta de le faire partir.

« Viens, Rill. Il a besoin de repos.

– Non ! Simion, je... je, » s'écria-t-il en voyant le sang qui tachait l'oreiller.

Il leva la main à sa bouche et elle revint tachée.

« Qu'ai-je fait ? »


Il lança un regard frénétique aux deux hommes.

« Mon prince, Simion, que lui ai-je fait ? »

Des larmes de sang coulèrent sur ses joues et il gémit.

« Je lui ai fait du mal ! J'ai tué mon frère ! »

Draculea parvint à l'éloigner de Rock et prit le garçon sanglotant dans ses bras.

« Non, Rill, non.

– Si ! »

Sa voix devint un cri.

« Je suis mauvais ! Je l'ai tué. Je ne le voulais pas, je le jure. »

Il lança un regard angoissé à Simion.

« Ne me déteste pas ! »

Draculea confia le garçon hystérique à son ami et regarda Simion le bercer pour essayer de le calmer.

« Rill, non. Je ne pourrai jamais te détester. Tu n'as rien fait de mal.

– Je l'ai tué ! Oh, Simion, je devrais mourir. Je vais mourir. Comment pourrais-je vivre après ça ? »


Le visage de Draculea se durcit alors qu'il prenait une décision. Simion observa par-dessus la tête de Rill alors que Draculea porta sa main à son visage et utilisa ses canines pour faire une plaie dans son poignet. Puis il pressa la plaie contre la bouche ouverte de Rock en marmonnant :

« Bois, vermine. C'est plus que ce que tu mérites et sois sûr que je veillerai à ce que tu paies pour ce que tu as fait au garçon mais bois pour l'instant. Il ne peut pas te perdre maintenant. »

La gorge de Rock fonctionna — faiblement mais il parvint à avaler plusieurs gorgées avant de s'arrêter, ses yeux à moitié ouverts et vitreux.

Draculea se redressa et fit fermement :

« Rill ! Écoute-moi. »


Le pouvoir de la personnalité de Draculea jaillit dans le lien que son sang avait crée avec le garçon. Les pleurs de Rill se ralentirent et il leva la tête pour regarder Draculea. Le prince fit calmement :

« Il n'est pas mort. »

Rill regarda le corps de son frère d'un air de doute.

« Je te dis qu'il n'est pas mort, Rill. Tu me crois ? »

Rill hocha lentement la tête en essuyant les larmes sanglantes du revers de la main.

« Il dort, mon seigneur ?

– Oui, Rill, lui assura Simion. Il est un peu blessé et il doit dormir pour récupérer. Il dort très profondément. Il va dormir longtemps, comme toi. Tu t'es senti beaucoup mieux en te réveillant, non ? »


Rill songea à sa faim atroce et sa soif mais il n'avait jamais retenu longtemps les choses et ces souvenirs déplaisants s'estompaient déjà. Il acquiesça.

« Trois jours, mon petit, lui assura Draculea. Dans seulement trois jours, ton frère te reviendra. »

Il regarda le corps sanglant et étendu sur le lit, et fit sèchement :

« Et je peux t'assurer qu'il sera beaucoup plus accommodant. »






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