Child of the Night 52

Note de la traductrice : Eh oui, un chapitre qui se passe en France. Les termes qui sont en français dans le texte d'origine seront notés entre * *.


Partie Cinquante-deux : Le troisième



L'an de grâce 1713
Versailles, France
Le château de Versailles



Monsieur Jacques Destoup, majordome en chef du château de Versailles, n'était pas content. Le roi Louis aimait avoir d'habitude sa cour autour de lui pour les repas du soir et Destoup avait eu l'honneur rarement offert de dîner en privé. Il courtisait une charmante dame de la Cour, l'une des nobles très mineures qui cherchait des alliances pour promouvoir sa position dans la foule étincelante des nobles. Elle pensait peut-être que Destoup pourrait attirer l'attention du roi sur elle. Après tout, il pouvait très bien se fatiguer de sa favorite actuelle, Madame de Maintenon, si on lui présentait quelqu'un de nouveau. Le roi était vieux mais il n'était pas encore mort.

Destoup venait de convaincre la demoiselle gloussante de prendre un troisième verre de vin, en admirant la douce perfection de ses épaules qui s'élevaient au-delà du bord de sa robe, quand la convocation était arrivée, apportée par un valet de pied réticent. Le serviteur était réticent de déranger Monsieur, avait-il dit, mais un membre de la royauté étrangère était arrivé — un prince transylvanien. On devait le présenter au roi et ce n'était pas une tâche pour un simple valet de pied, ni pour un aide de Destoup.


En grommelant, Destoup abandonna son morceau désiré, lui conseillant d'aller à la salle de dîner et de se trouver une place. Il n'y avait plus de temps pour un tête à tête. Après que le prince ait été présenté au roi, Jacques devrait trouver des appartements convenables pour lui et ses serviteurs. Cela voulait dire déménager plusieurs courtisans puisqu'il n'y avait actuellement rien d'adapté pour un prince (même prince d'un petit pays). Bien sûr, il y aurait des histoires, des plaintes et des bouderies et il devrait s'en charger. Ces nobles étaient tous si attentifs à tout ce qui représentait leur rang. Des complots machiavéliques avaient été mis en route juste pour gagner quelques places près du roi lors des banquets.

Un serviteur repoudra les cheveux de Destoup puis il revêtit une chemise et une veste plus élaborées. Après un moment d'hésitation, il fit remplacer les boucles argentées de ses chaussures par des boucles dorées. Il fit tout cela très rapidement, songeant qu'il ne serait pas sage de faire attendre l'invité s'il ne connaissait pas son véritable rang. Cela pouvait très bien être un prince, mais il y avait princes et princes.


On devrait montrer un certain respect à la royauté, allant jusqu'à s'assurer que ses vêtements étaient assez riches pour les honorer. Destoup n'était pas encore sûr de la puissance de cet homme mais avec la royauté, il valait mieux être sûr que désolé. On ne savait jamais quand il leur prendrait l'envie de vous jeter en prison pour une insulte imaginaire.

Alors qu'ils se dirigeaient dans les couloirs, le valet expliqua à Destoup que les deux serviteurs du prince avaient accompagné l'attelage du prince aux écuries et qu'on les logerait là-bas. À part eux, le prince n'avait qu'un compagnon et deux serviteurs. Destoup fut soulagé d'entendre cela. La royauté avait tendance à voyager avec un entourage et plus le groupe était petit, moins il y aurait de problème pour Destoup. Il avait eu un tel mal à expliquer à une princesse allemande qu'elle devrait faire avec les couturières et lingères du palais, au lieu de garder les siennes.


Ils attendaient dans un petit salon décoré en crème et doré. On pouvait facilement reconnaître les deux serviteurs par leur position et leurs vêtements. Un homme âgé et un plus jeune, ils se tenaient près de leurs maîtres, vêtus simplement et sobrement. Le plus jeune, une brute attirante avec des cheveux d'un blond-roux brillant, devait sûrement faire autre chose que des tâches domestiques. Il ne pouvait pas songer à une autre raison pour qu'il garde sa position avec une attitude aussi morne.

Les deux hommes qui avaient pris leurs aises sur un petit sofa levèrent les yeux à l'arrivée de Destoup. Le plus jeune, avec des cheveux noirs et des yeux d'un brun profond, lui lança un sourire engageant. Il va être populaire à la Cour, celui-là, songea Destoup. Il va bien s'en sortir, s'il est intelligent.



Le serviteur plus âgé fit un pas en avant alors que le plus grand des deux gentilshommes se levait. Il fit formellement :

« Je vous présente le prince Vlad Tepes Draculea de la maison royale de Valachie ou, comme vous dites, Transylvanie. »

Destoup s'inclina bien bas.

« Votre Altesse, je suis monsieur Jacques Destoup, majordome en chef de sa Majesté Louis XIV. Je vous souhaite la bienvenue au palais de Versailles. Je m'excuse pour ce contretemps mais j'ai bien peur qu'il y ait eu un problème avec les messagers. Je n'ai été informé que maintenant de votre arrivée, et je n'ai pas été prévenu auparavant.

– Nous avons été invités par le Comte d'Amestoy. Nous nous sommes rencontrés à Paris ce printemps. »

Le prince fit un geste à son serviteur qui tendit une lettre.

« Je vois. »


Amestoy ? Ce vieux vilain ? Oui, il a passé quelques temps à la ville en attendant que le scandale à propos de l'enfant de son valet soit étouffé. On n'a pas eu de nouvelles de lui depuis des mois pourtant. Ah, bon, le sceau de la lettre semble authentique. Il lut la lettre. 'À la Cour de Versailles. Mes salutations à sa Majesté, de la part de son humble serviteur, D'Amestoy. Je supplie sa Majesté d'étendre son hospitalité à un ami et un représentant de la Valachie, à savoir son Altesse royale, Vlad Tepes Draculea, prince de sang royal, de Transylvanie. Le prince Draculea est un homme de goût, raffiné, intelligent et discret, et il ne peut qu'être un avantage à la société de la Cour. Je suis impatient de pouvoir à nouveau profiter de la lumière de votre présence. Jusque là, je demeure votre fidèle serviteur. Dupin, comte d'Amestoy.'


« Tout semble en ordre, votre altesse. Et ce jeune homme ? »

La main de Draculea se posa sur l'épaule de Rill.

« Mon enfant, Rill. Vous êtes responsables de nos appartements ? »

Quand Destoup hocha la tête, Draculea fit :

« J'ai deux exigences à ce propos. »

Destoup, habitué aux demandes de ses supérieurs, acquiesça en se demandant les demandes qui seraient faites et à quel point cela compliquerait sa vie.

« Ce sont de simples requêtes. La première et la plus importante est qu'il ne doit y avoir aucune fenêtre. »

Destoup haussa un sourcil. D'habitude, les chambres ayant de nombreuses fenêtres étaient les plus recherchées.

« Ce n'est pas une requête frivole — notre santé est en jeu. Si vous ne pouvez pas nous fournir cela, nous trouverons bien une auberge qui le pourra. »


Destoup fut choqué. À l'idée que quelqu'un pouvait aller dans une auberge plutôt qu'à Versailles, il était interloqué.

« Ce ne sera pas un problème. »

En fait, cela rendra ma tâche plus facile. Ceux qui se trouvent dans les chambres sans fenêtres sont en général de basse condition et ils seront peu enclins à protester contre un changement.

« Deuxièmement, nos chambres doivent être ensemble — côte à côte, si ce n'est communicantes. »

Il caressa le cou de Rill.

« Ce garçon devient nerveux si nous sommes séparés trop longtemps. »


Alors qu'il les conduisait dans le palais vers la salle de dîner royale, Destoup considéra cette dernière caresse et la voix tendre de Draculea. La noblesse française n'était pas très proche de ses enfants, c'était une règle. Le roi Louis exigeait que sa Cour vive au palais mais il n'aimait pas beaucoup les enfants. Les fils et filles de la noblesse étaient laissés dans leurs demeures aux mains des nourrices, gouvernantes et précepteurs jusqu'à ce qu'ils soient assez grands pour présenter un intérêt et causer moins de problèmes. Mais même dans ce cas, il n'y avait pas beaucoup de nobles qui prenaient la peine de faire venir leurs enfants à la cour.

Mais Draculea semblait avoir un sentiment chaleureux pour son fils, très chaleureux. Bon, songea Destoup, ce ne serait pas la première fois qu'une relation est devenue trop intime entre un parent et son enfant, surtout dans une famille royale. Ils peuvent en général avoir qui ils veulent et cela devient ennuyeux pour eux.

Draculea se sentit comme chez lui en entrant dans la salle de repas. C'était comme les banquets qu'il avait connus dans sa vie précédente, avant de devenir un Nosferatu. La pièce était un peu plus éclairée, les vêtements des invités un peu plus raffinés, mais c'était basiquement la même chose. Le gazouillis des conversations, principalement des ragots et des flatteries, était familier. Les voix qui baissaient et les regards curieux était également familiers.

Des murmures s'élevèrent lorsque l'assemblée vit que Draculea et Rill étaient conduits vers le roi. Louis avait été absorbé par Madame de Maintenon comme d'habitude, mais il tourna poliment son attention vers les nouveaux arrivants lorsqu'on les lui présenta. Il parcourut attentivement la lettre présentée par Destoup puis sourit sincèrement au prince.

« Nous sommes ravis de vous accueillir, vous et votre fils, à Versailles, prince Draculea. Nous espérons que votre séjour sera agréable. Ce n'est pas une visite d'état, n'est-ce pas ? Je crois que j'en aurais été averti sinon. »


Draculea s'inclina.

« Non, Votre Majesté. La renommée de ce que vous avez crée ici à Versailles a même atteint mes montagnes natales et je souhaitais le voir de mes propres yeux. Je souhaitais également montrer à mon fils l'élégance et la brillance de la cour française. Il a mené une vie assez simple jusqu'à maintenant et il était temps qu'il voit un peu le monde. Vous voyez, Votre Majesté, ma famille souffre d'une maladie particulière qui limite un peu nos voyages. Alors que nous vivons longtemps, il y a des restrictions auxquelles nous devons nous soumettre si nous voulons rester en bonne santé. C'est triste à dire mais nous sommes morbidement sensibles au soleil et nous devons passer la journée à dormir. La lumière du soleil peut être dangereuse pour nous. »

Il y eut des murmures de compassion mais cette révélation ne causa aucune réaction. Ce genre d'imperfections physiques étranges n'étaient pas rares dans les familles royales — trop de mariages entre cousins — voire même des parents plus proches. Une lignée pouvait souffrir d'hémophilie, d'autres produisaient assez régulièrement des enfants simples d'esprit.


Destoup fut congédié pour préparer les appartements, prenant les deux serviteurs avec lui, et on fit de la place au prince et à Rill près de la table du roi. Les deux hommes refusèrent de la nourriture mais acceptèrent du vin. Bien qu'ils portaient de temps en temps leurs verres à leurs lèvres, le niveau de vin ne baissa jamais de façon notable. Une personne observatrice aurait pu le remarquer — et il y en eut une.

Le Vicomte Sinn Barbee était assis au milieu de la table, en face des nouveaux arrivants. Il parvint habilement à continuer sa conversation avec ses deux partenaires de repas tout en observant les deux hommes. Mm, c'est beaucoup mieux que les derniers visiteurs étrangers. Ce duc allemand était aussi gros qu'un ours de la Forêt Noire et ce marquis italien avait l'âge d'être mon grand-père. Les courtisans vont se rassembler autour d'eux. Je vais devoir travailler pour me rapprocher d'eux et me faire remarquer.


Sinn observa le plus jeune, Rill, essayer de parler à la dame gloussante à côté de lui. Il ne savait pas très bien parler français et la femme ne savait pas parler... Il fut soudain encore plus intéressé. Hongrois ? Le langage naturel du garçon semblait être le hongrois. Comme c'était étrange. Sinn savait que le second langage dans la plupart des cours étrangères était le français, alors comme le fils d'un prince transylvanien pouvait parler hongrois ?


Cela peut tourner à mon avantage, songea Sinn. Il sourit. Et dire que Père pensait qu'apprendre plus d'une langue était une perte de temps. En plus de son français natal, Sinn savait très bien parler l'allemand, le hongrois, l'italien, l'anglais et il se débrouillait un peu dans plusieurs autres langues. Ses précepteurs étaient désespérés lorsqu'il avait refusé de se tourner vers les sciences, les mathématiques ou la théologie. Cependant, son dernier précepteur n'avait pas essayé longtemps de persuader le jeune homme de se dévouer à un champ d'étude. Il avait reconnu l'ambition brûlante et la vanité dans le cœur du jeune homme et avait compris qu'il ne serait jamais bon dans une matière qui ne serait pas un avantage personnel pour lui.


Après le repas, l'assemblée se sépara dans plusieurs buts : jouer aux cartes, danser, discuter ou bien musarder. Comme l'avait prévu Sinn, les seigneurs et les dames s'attroupèrent autour de Draculea et de son jeune protégé. Le prince était à l'aise avec la foule mais Sinn remarqua que Rill reculait progressivement en arrière-plan, parlant de moins en moins et commençant à paraître anxieux. Je pense que je peux arriver au prince en passant par son fils et ce sera un détour très agréable. Mais je dois d'abord parler au prince pour préparer le terrain.

Il parvint à se frayer un chemin près du prince Draculea, prenant le risque d'offenser quelques nobles mineurs en leur passant devant. Il s'inclina devant le prince en faisant :

« Votre Altesse, puis-je me présenter ? Je suis le vicomte Sinn Barbee. »


Draculea n'avait pas vraiment fait attention, il était inondé par la chaleur et la vie qui l'entouraient. L'odeur en elle-même était intoxicante. Mais les mots du jeune homme retinrent son attention et il se concentra sur lui. La première chose qu'il remarqua, ce fut ses yeux — d'un vert brillant, comme des nouvelles feuilles. On ne pouvait pas dire la couleur de ses cheveux car il portait une perruque poudrée comme le voulait la mode, mais ses sourcils étaient aussi noirs que les ailes d'un corbeau.

Sinn vit qu'il avait l'attention du prince et il mit tout son charme dans son sourire. Le prince Draculea avait été sérieux jusqu'à présent mais il lui rendit son sourire. Le jeune homme fit :

« Quelque chose vous amuse, mon prince ?

– Une petite chose, jeune homme. Un jeu de mot. Votre nom... »


Le sourire de Sinn s'élargit.

« Oui, mon nom. Je suppose que vous faites référence à sa signification en anglais. »

Il se pencha un peu plus, sa voix s'abaissant.

« Je vous assure, cela ne représente pas mon caractère. Non, on m'a appelé ainsi à cause d'une ville près de mon lieu de naissance — Saint Clair.

– Vous savez parler anglais ?

– Ainsi que d'autres langues. Par exemple, votre altesse, je connais très bien le hongrois. J'ai remarqué que le jeune Rill avait du mal en français. »

Draculea soupira.

« Il travaille dur mais je n'ai pas le temps de le lui apprendre et mon serviteur ne sait pas plus parler que Rill.

– Si je puis me permettre, ce serait pour un moi privilège et un honneur que de l'aider. »


Draculea considéra le jeune Barbee. C'était un jeune homme beau et calme — très séduisant. Rill l'aimerait et ainsi, ce garçon intéressant serait à portée de main.

« Je vous en serais très reconnaissant, monsieur. Mon fils est... très jeune pour son âge. Je le protège comme je peux et mon majordome, Simion, fait de même mais nous ne pouvons pas être tout le temps avec lui. Il aurait besoin d'un ami. »

Rill avait en effet été coincé dans un coin par un trio de femmes. Elles lui parlaient sans arrêt en gloussant devant sa confusion grandissante. Sinn arriva derrière eux en tirant des manches bordées de ruban et en poussant des robes bouffantes et froufroutantes. Il gronda :

« Mignon, Thérèse et Fleurette ! Vous devriez avoir honte de taquiner ce garçon. Retournez donc à vos courtisans avant qu'ils ne se fatiguent de votre inconstance et ne se trouvent d'autres chéries. »


Les filles partirent en boudant. Sinn sourit au garçon soulagé et lui parla en hongrois.

« Ne les laissez pas vous ennuyer, mon jeune monsieur. Elles n'ont pas de cerveau entre les oreilles.

– Vous parlez ma langue ! s'exclama Rill avec ravissement. Oh, c'est merveilleux d'avoir quelqu'un à qui parler. »

Il parut soudain contrit.

« Ce n'est pas que je ne parle pas avec le prince, Simion ou Rock, mais ils sont souvent si occupés et... et... »

Sa voix se fit timide.

« C'est bon de se faire de nouveaux amis. »

Il est simple. Comme c'est parfaitement délicieux. De l'argile tendre, à modeler selon mes souhaits.

« Oui. Puis-je être votre ami, Rill ? »

Le garçon hocha la tête avec empressement et Sinn le conduisit dans un coin à l'écart.


Draculea avait observé l'échange. Barbee n'est pas aussi franc qu'il le prétends, je pense. Cependant Rill s'est amélioré en chasse. Ce sera une très bonne expérience. Alors, *Monsieur le vicomte Barbee*, je pense qu'il est temps pour vous d'être la proie plutôt que le prédateur. La comtesse qui avait tenté d'engagé la conversation avec le prince au sujet de qui il avait vu récemment à Paris se demanda ce qui avait inspiré ce sourire froid et plutôt grave.






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