Child of the Night 90

Remarques : Puisque le première annuaire téléphonique en Angleterre a été publié en 1880, je suppose qu'en 1892, ce n'était pas déraisonnable de supposer qu'une société florissante (et les associés chez eux) avait le téléphone. Je présume que cela devait cependant rendre nerveux les serviteurs les moins sophistiqués. :)


Partie Quatre-vingt-dix : En route pour la maison



L'an de grâce 1892
Hawkins et Thompkins, avocats
Londres, Angleterre


Corliss ouvrait la porte d'entrée quand le messager approcha.

« J'ai un télégramme pour Hawkins ou Thompkins, » fit-il.

Corliss fit une grimace.

« À cette heure du matin ? Seigneur, tu n'espères pas que ces vautours soient là, pas vrai ? Tu auras de la chance s'ils débarquent à neuf ou dix heures.

- Je ne peux pas attendre aussi longtemps, protesta le garçon. Je suis payé au message. »

Corliss tendit la main.

« Alors donne-le moi. »

Le garçon serra l'enveloppe contre lui.

« Vous êtes l'un d'eux ?

- Si j'étais un de ces partenaires chics, tu crois vraiment que je serais en train d'ouvrir la boutique aussi tôt ? Écoute, je m'occupe de tout le courrier qui arrive ici. »


Il eut un sourire.

« Si tu étais venu alors qu'ils étaient là, je te garantis que tu aurais attendu pendant une heure ou deux avant qu'ils ne daignent te recevoir. »

Il recourba les doigts.

« Quand je la leur donnerai, je leur dirai que tu l'as juste déposée en passant. »

Le garçon hésita. Le visage de Corliss se durcit.

« Écoute, tu — tu ne crois pas que nous, les réceptionnistes, nous ne parlons pas entre nous ? Je peux faire en sorte que la prochaine fois que tu livres un message dans un rayon de cinq immeubles, on te fasse attendre. »

Le garçon lui tendit l'enveloppe avec réticence puis fit avec espoir :

« Un pourboire ? »

Corliss renifla.

« Ne me fais pas rire. »

Il entra et le garçon cracha sur le trottoir en marmonnant :

« Avec un visage aussi aigri, je parie que même un mois au meilleur music hall de Londres ne te ferait pas sourire. »


Corliss referma la porte derrière lui et se rendit directement à la petite armoire de fournitures près de son bureau. Les autres commis allaient bientôt arriver. Ils s'attendraient à le voir à son bureau en train de s'occuper de papiers divers et du courrier mais il sentait qu'il serait plus prudent de ne pas être vu en train de lire un télégramme directement adressé aux associés.

Il ouvrit l'enveloppe avec un couteau de poche et en sortit le message.


Ambassade britannique

Budapest

Chers messieurs :

Avons des nouvelles de votre représentant. Harker blessé dans attaque possible au château Draculea. Rapport possible avec le précédent accident de Renfield. Détails flous. Veuillez nous contacter au plus vite pour arranger le retour de Harker.


« Enfer, » marmonna Corliss.

Ils avaient récemment installé un de ces nouveaux appareils téléphoniques et il le regarda un long moment. Les associés n'aimaient pas qu'on les dérange chez eux sauf dans les cas les plus urgents. Il devait décider si ceci pouvait être considéré comme une urgence. Jonathan n'était après tout qu'un simple employé.


Mais pourtant, les associés avaient été ravis d'une récente lettre du prince Draculea qui confirmait l'achat de propriétés immobilières et le prince avait été prodigue de louanges sur le jeune Harker. Cela pouvait rendre les associés bien disposés envers lui.

Il se pinça les lèvres en réfléchissant puis quitta son bureau. Dire que c'était une urgence serait un bon prétexte pour expliquer pourquoi il avait ouvert le courrier en premier lieu. Alors qu'il tendait la main vers le téléphone, son esprit bouillonnait. N'est pas tout simplement merveilleux ? D'une pierre deux coups. J'ai peut-être une chance de gravir les échelons.

Une heure plus tard, Hawkins et Thompkins se trouvaient tous les deux dans le bureau de Randal Thompkins. Une arrivée aussi tôt était suffisamment inhabituelle pour provoquer des rumeurs chez les employés. Clarence Hawkins étudia le télégramme puis fit :

« Eh bien, si ce n'est pas de la malchance. Peut-être que les légendes locales sont vraies et que cet endroit est maudit.

- Ne dis pas de bêtises, se moqua Thompkins. L'endroit est encore quasiment sauvage là-bas, alors c'est normal qu'il soit plus dangereux d’y voyager.

- Mais aucun des accidents n'est arrivé lorsque les hommes étaient sur la route. Ils ont eu lieu une fois qu'ils furent logés au château Draculea. »


Thompkins regarda son associé puis fit doucement :

« Clarence, dois-je te rappeler que nous venons juste d'obtenir une commission de taille grâce au prince Draculea ? Ce n'est pas très raisonnable de se lancer dans ce genre de spéculations. Il n'y a pas de détails. Il est fort possible que Renfield et Harker aient tous les deux été attaqués alors qu'ils se promenaient dans la forêt autour du château.

- Tu y crois vraiment ?

- Il se peut que ce soit faux, mais c'est possible. L'ambassade ne semble pas penser qu'il y a matière à enquêter, alors qui sommes-nous pour critiquer leur décision ?

- Nous sommes ceux qui ont envoyé un deuxième homme dans une situation que nous savions dangereuse.

- Allons. Nous ne pouvions pas savoir...

- N'essaie de sortir ta science avec moi, Randal. Je suis un avocat, moi aussi, et bien que peut-être — peut-être — nous pouvons pas être légalement tenus pour responsables, nous avons commis une faute d'éthique et tu le sais. Nous savions que quelque chose n'allait pas en Transylvanie mais nous avons laissé notre avarice prendre le pas sur notre prudence et nous avons envoyé le jeune Harker. Maintenant il est blessé — pas gravement, j'en prie le Ciel. La moindre des choses que nous pouvons faire, c'est de veiller à ce qu'il retourne chez sa famille rapidement, en sécurité et confortablement. Puis nous pourrons commencer à prier pour qu'ils ne nous poursuivent pas en justice.

- Je suppose que c'est la seule chose décente à faire. Mais je crois que le garçon s'était aliéné son père. Tu penses qu'il voudra prendre soin de lui ou bien serons-nous forcés de payer son séjour dans un hôpital, tout comme nous payons le prix du séjour de Renfield à l'asile ?

- Ta générosité est si touchante. Son père peut poser problème. Ce serait mieux qu'on le confie à quelqu'un d'autre.

- Bon, commençons par le début. Nous allons virer des fonds et des instructions pour qu'on le renvoie aussi vite que possible. Ils devraient pouvoir fournir quelqu'un pour s'occuper de lui durant le voyage. »


Il se rendit au porte-voix et tourna un bouton. Un petit bourdonnement se dirigea vers le bas et un moment plus tard, il entendit la voix de Corliss à travers le tuyau.

« Oui, monsieur ?

- J'ai besoin d'envoyer un message au plus proche parent de Harker. Prenez son dossier.

- J'ai déjà pris cette initiative, monsieur. J'ai son dossier sous les yeux. »

Les associés échangèrent un regard. Corliss ne prenait pas la peine de se montrer subtil au sujet de son ambition.

« Vous avez l'adresse de son père ?

- Heu... Non, monsieur. En fait, à l'endroit où indiquer la personne à contacter en cas d'urgence, il a marqué miss Wilhelmina Murray, sa fiancée.

- Vraiment ? Venez. Il faut que je dicte un télégramme à miss Murray. »

Il referma le porte-voix.

« Cela devrait tourner à notre avantage. Les femmes ont moins tendance à poser de problèmes. »

Il eut un sourire froid.

« Et si elle va l'épouser, eh bien, elle devrait vouloir — et même s'empresser — d'accepter la responsabilité. »

Le couvent des Petites Sœurs des Cinq Blessures Sacrées

Transylvanie


« Lukas était parti le lendemain après avoir amené Jonathan en promettant à l'abbesse de revenir aussi vite que possible. Cela faisait déjà deux jours. Au début, Jonathan avait dormi quasiment tout le temps et ses moments d'éveil étaient encore confus. Mais désormais il était de plus en plus conscient et suffisamment lucide pour être affreusement confus par cette situation.

« Je ne comprends pas ce qui s'est passé, ma mère, fit-il à l'abbesse alors qu'elle s'asseyait sur son lit le premier jour. Je me souviens que j'avais très, très peur. Quelqu'un me pourchassait — quelqu'un de très effrayant. Vous savez, je ne croyais pas qu'il était possible de craindre quelque chose encore plus que la mort, et je ne risquais pas vraiment de mourir. Mais cela semblait être encore pire que la mort. »


Plus de choses lui revinrent ensuite.

« C'est Rock qui m'a fait si peur. C'est le compagnon de cet homme chez qui je suis allé — le prince Draculea. Il... Je suis sûr qu'il est fou.

- Draculea ? »

Cela sembla surprendre et même choquer Jonathan.

« Non. Le prince était un peu excentrique mais il ne m'a jamais traité qu'avec courtoisie et gentillesse. Je ne comprends pas comment il a pu avoir quelqu'un comme Rock dans sa demeure. Cet homme est de toute évidence déséquilibré. Ce n'est pas encore très clair mais je sais qu'il m'a attaqué et que je me suis enfui loin de lui. »

Jonathan hocha la tête en grimaçant alors qu'une douleur nouvelle se faisait sentir dans sa tête bandée.

« J'ai couru jusqu'au toit du château. Je crois que j'ai basculé par-dessus en tentant de lui échapper. Ce qu'il y a de drôle, c'est que juste avant de tomber je me suis senti en sécurité, comme si quelqu'un venait à mon secours. »


Il tenta de se concentrer mais cela lui fit encore plus mal à la tête.

« Je ne sais pas. C'était peut-être Simion. Il semblait très compétent. Cela ne pouvait pas être le prince. Bien que je sois sûr qu'il ait un cœur courageux, c'est un homme âgé — beaucoup trop fragile. Ma sœur, je suis inquiet. Il faut que je prévienne le prince que je vais très bien. »

La nonne lui tapota gentiment la main.

« Vous n'avez pas à vous en faire pour ça maintenant, jeune homme, fit-elle d'un ton calmant.

- Mais il croit peut-être que je suis mort et je ne veux pas le bouleverser plus que nécessaire. »

Jonathan leva les yeux avec curiosité alors qu'un homme costaud entrait dans la pièce. C'était le premier homme qu'il voyait depuis son réveil dans l'infirmerie.


La mère Ruth fit :

« Ah, Lukas. Vous avez fait vite.

- Dieu m'a donné de la vitesse, ma mère. »

Il étudia Jonathan.

« Vous avez l'air d'aller beaucoup mieux, Anglais. Vous me reconnaissez ?

- Non. Désolé. »

Lukas haussa les épaules.

« Cela ne m'étonne pas que vous ne vous rappeliez plus de moi. Vous étiez réveillé mais bien loin d'être conscient. J'étais avec le bon prêtre lorsqu'il vous a trouvé et je vous ai porté jusqu'à l'église. J'ai pris des arrangements pour vous ramener chez vous. »

Jonathan se sentit soulagé.

« Merci, monsieur. Cela me fera du bien de retourner dans mon pays. Mais je pense que je devrais d'abord retourner au château et parler au prince. Il s'est montré si bon avec moi. Et Rill... Rill risque de ne pas comprendre...

- C'est inutile. J'y suis déjà allé et j'ai parlé au prince. Je lui ai dit que vous étiez blessé mais pas gravement. Je lui ai dit que je prévoyais de vous ramener chez vous et il m'a donné sa bénédiction. Il a proposé de faire tout son possible pour nous aider. »


Jonathan se détendit légèrement.

« Et Rill ? Vous avez parlé à Rill ?

- Il était triste de ne plus pouvoir vous parler mais il a compris que c'était mieux pour vous de rentrer dans votre pays le plus vite possible. J'ai rendu visité à votre ambassade. Ils ont contacté vos employeurs et ils vont procurer des fonds pour le voyage. Puisque ce n'est pas sûr pour vous de voyager seul, je vais vous accompagner. Nous partirons demain matin.

- Alors il faut qu'il se repose, « fit la mère Ruth.

Elle se leva.

« Venez, Lukas. Je vais vous accompagner jusqu'à votre chambre. Dormez, Jonathan. »


Ils sortirent dans le couloir. Alors qu'ils marchaient, Ruth fit doucement :

« Vous n'avez pas été au château Draculea. »

Il secoua la tête.

« Lukas, je crains fort qu'il ne vous faille voir bientôt un prêtre pour vous confesser. Mentir est un grave péché.

- C'est vrai, ma mère. J'ai de la chance que notre bon Seigneur nous offre le pardon à travers la pénitence. Je vais devoir cependant travailler dur pour vraiment me repentir. »

Elle secoua la tête.

« Ajoutez à la liste de vos péchés le fait de tenter les autres au péché. Maintenant, je vais devoir confesser que j'ai omis de dire au garçon ce que vous avez fait. Cependant... »

Ils continuèrent à marcher.

« Le père ne sera pas là avant deux jours et je ne crois pas que je vais lui demander de venir rapidement. »

« Jonathan fut capable de marcher lorsqu'il fut temps de partir le lendemain matin. Les employés de Jonathan se sentaient peut-être un peu coupables d'avoir un second employé de blessé dans un voyage d'affaires. Ils avaient fourni une voiture qui avait été conçue pour que le transport d'un invalide soit aussi confortable que possible. On avait fixé à l'intérieur une plate-forme avec des bords surélevés et confortablement rembourrée pour que Jonathan puisse rester allongé durant le voyage.

Le voyage ne fut pas aussi long qu'il aurait pu l'être. Il avait été décidé qu'ils partiraient du port le plus proche, plutôt que de rouler jusqu'à l'un des grands ports. Ils arrivèrent le soir aussi Lukas leur chercha une petite auberge. Leur bateau partirait tôt le lendemain.


Le capitaine avait dit à Lukas qu'ils étaient les bienvenus pour dormir à bord mais le portier avait refusé l'offre. Il avait le sentiment qu'il ne pourrait pas assurer la sécurité de son patient et la sienne à bord. En fait, il aurait préféré passer la nuit dans une église ou un presbytère, mais lorsqu'ils arrivèrent, il n'avait plus le temps de s'arranger. Le crépuscule était proche et Lukas ne voulait pas prendre le risque d'être hors d'un endroit sûr une seconde après le coucher du soleil. Il était probable que le Nosferatu ne sache pas où ils se trouvaient mais il ne serait pas sage de prendre ce risque.

Une fois qu'il eut couché Jonathan, il prépara rapidement la chambre. Jonathan observa avec ahurissement son escorte tracer des croix à la craie au-dessus de la porte et sur les encadrements de la fenêtre. Il se pencha par la fenêtre et traça des croix sur les volets avant de les refermer. Puis il pendit une couronne de bulbes à l'odeur piquante contre la vitre avant de tirer les rideaux.


« Ce sont des oignons ? demanda Jonathan.

- De l'ail, rectifia Lukas. Il provient du jardin des saintes sœurs. »

Il pendit une autre couronne sur la poignée de la porte.

« Cela éloigne les esprits malins.

- C'est de la superstition, » fit Jonathan d'un ton léger.

Lukas haussa les épaules.

« Dans ce cas, cela ne fait pas de mal. Les esprits malins apportent la malchance et vous en avez eu assez, pas vrai ? Pourquoi courir le risque ? »

Il sortit une petite flasque de sa poche, la déboucha et versa soigneusement le liquide sur le pas de la porte en marmonnant sous sa barbe.

« Et c'est quoi, ça ? » demanda Jonathan.

En plaisantant à moitié, il fit :

« De la rosée récoltée dans un cercle de fée sous la pleine lune ?

- Ce n'est que de l'eau bénite.

- Quoi ? »

Jonathan se redressa brusquement.

« Arrêtez ça ! C'est du blasphème. »


Lukas referma la flasque et la remit dans sa poche.

« Utiliser quelque chose de saint pour se protéger n'est jamais du blasphème, monsieur, lui assura Lukas.

- Écoutez, je n'ai pas de problème avec l'ail, mais les croix et ceci... Cela me met mal à l'aise.

- J'en suis désolé, » fit doucement Lukas.

Il s'assit sur l'autre lit et regarda calmement Jonathan.

« Mais vous voyez, monsieur Harker — vous êtes devenu une sorte de croisade pour moi. Ma famille a vécu à Tepeslau pendant des générations. Il y a des choses... Des histoires que j'ai à moitié entendues quand j'étais petit. On ne parlait jamais de ces choses devant moi mais les adultes en parlaient entre eux lorsqu'ils me croyaient endormi. J'ai seulement capté des bribes et des fragments mais je suis sûr d'une chose : ce qui vous a chassé du château Draculea a eu affaire à ma famille il y a très, très longtemps et on n'a jamais rien fait pour ça. Je ne vais pas laisser cette chose, quelle qu'elle soit, triompher cette fois. Vous allez être sauvé, mister Harker. »

Ses yeux se mirent à luire et Jonathan sentit une pointe d'appréhension. C'était les yeux d'un fanatique.

« Oui, je vais vous sauver, malgré vous si nécessaire. »






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