Child of the Night 92

Remarques : Vous remarquerez les différences occasionnelles lorsque les Roms parlent. Quand ils parlent avec plus de facilité, ils parlent leur propre langue. Quand c'est moins correct, ils parlent anglais.


Partie Quatre-vingt-douze : Le voyage, partie II

L'an de grâce 1892


Le Célestine
Premier jour dehors


Juste avant le coucher du soleil, Simion et un des Roms allèrent se tenir sur le pont. Tandis que le Rom se dirigeait vers l'arrière, Simion leva les yeux vers la passerelle où le second se tenait à la barre. Il n'aimait pas cet homme — il avait l'air roublard. On pouvait en dire de même pour le capitaine — et tant qu'à faire, le reste de l'équipage n'était guère mieux. Le propriétaire du navire semblait suffisamment honnête, quoiqu'un peu vague. Il buvait — cela sautait vraiment aux yeux. D'après l'expérience de Simion, de tels hommes n'avaient que peu de contrôle sur leurs subordonnés. Étant donné le genre d'hommes qu'il engageait, cela pouvait s'avérer dangereux. Simion aurait préféré affréter un autre navire mais ses exigences ne lui avaient pas laissé le choix. Il avait besoin de quelqu'un qui pouvait partir rapidement et sans poser de question.


J'ai l'impression qu'il y aura des problèmes avant la fin du voyage, songea-t-il en se dirigeant vers les écoutilles. Les deux Roms discutaient à voix basse. Il parla à celui qui avait monté la garde.

« L'équipage ?

- Intéressés mais ils gardent leurs distances, répondit-il.

- Il se peut qu'ils ne gardent plus longtemps leurs distances. »

Le garde acquiesça. Simion fit un geste et le garde ouvrit l'écoutille.

Il descendit le long de la petite échelle. Après avoir descendu plusieurs barreaux, il tendit la main et sentit une petite étagère fixée au mur. Il trouva un paquet d'allumettes et en alluma une puis s'en servit pour allumer la lanterne qui pendait sur un crochet non loin. Simion laissa la lanterne pendre plutôt que de la prendre avec lui. Elle n'éclairait pas beaucoup mais c'était suffisant — une pénombre entourait les trois caisses les plus proches de l'échelle.


Simion retira une clef de sa poche et ouvrit les cadenas qu'il avait installés dans les loquets juste avant de laisser les caisses aller dans la cale le matin même. Puis il prit un tabouret de sous l'une des caisses voisines et s'assit dessus.

« Tu dors encore, mon amour ? Le soleil embrassait l'horizon lorsque je suis descendu. »

Il tendit la main et la fit courir sur le couvercle, sa caresse aussi tendre que si sa main passait sur de la peau douce.

« Tu sais, j'étais un soldat avant et je pouvais dormir n'importe où, si besoin était. Un lit doux ou de la terre ferme, cela ne faisait aucune différence pour moi. Mais je me suis tellement habitué à te prendre dans mes bras ou à ce que tu me prennes dans tes bras... Le sommeil me fuit si tu n'es pas à mes côtés, Rill. »

Il y eut un léger bruit dans la caisse et un sourire se dessina sur les lèvres de Simion. La plupart des gens le considérait comme sévère mais peu avait vu son expression s'adoucir d'amour et de fierté.

« Oui. Il est temps de se lever, mon petit. »


Le couvercle de la caisse se souleva lentement — un pouce, deux... Des doigts pâles agrippèrent le bord pour pousser... Puis le couvercle se souleva complètement alors que Rill s'asseyait en le poussant. Quand le couvercle atteignit ses limites et qu'il resterait ouvert, Rill le lâcha et se passa les mains sur le visage comme un enfant qui venait de se réveiller en baillant. Puis il vit Simion et sourit. Il se pencha, les coudes sur le bords de la caisse, les mains croisées et en posant son menton dessus.

« Salut, Simion. Tu m'as manqué.

- Tu m'as manqué aussi, mon cœur. Tu as bien dormi ?

- Oui. J'ai rêvé que nous avions retrouvé Jonathan et qu'on l'avait ramené à la maison. Il jouait aux soldats avec nous et le prince était si jeune, fort et heureux.

- Nous ferons en sorte que ce soit un rêve prémonitoire. »

Il caressa les cheveux de Rill.

« Tu as faim ? »


Le garçon hocha la tête. Simion se leva et se rendit à l'échelle. Rill sortit de la caisse alors que Simion hélait le pont. Le deuxième Rom descendit et se rendit immédiatement à côté de Rill.

« Pas beaucoup, l'avertit Simion. Rappelle-toi, tu ne peux pas aller chasser tant que nous sommes à bord.

- Je sais, » fit Rill en posant ses mains sur les épaules du tzigane.

Il sourit à l'homme.

« Salut, Salazar. Je suis content que tu sois venu. »

Salazar hocha joyeusement la tête.

« Oui. Tu bois bien. »

Il tapa son torse du poing.

« J'ai mangé beaucoup de viande afin d'être fort pour toi. »

Rill le remercia puis pencha la tête et enfonça ses canines dans la gorge librement offerte. Parmi les Roms, c'était un honneur d'être choisi pour servir la demeure de Draculea et le plus grand honneur était d'offrir son sang au maître ou à ses compagnons. Alors que les hommes respectaient Draculea au point de le craindre, Rill était leur mascotte. Salazar soupira en fermant les yeux. C'était fait gentiment, le baiser du vampire était agréable et peu importe à quel point il était affamé, Rill était toujours attentionné.


Alors que Rill se nourrissait, Simion ouvrit les deux autres caisses. Le temps que Rill termine et, comme on le lui avait appris, vérifie que son donneur n'avait pas besoin d'aide médicale, la seconde caisse s'était ouverte et le prince en avait émergé.

« Tout va bien, maître, l'informa Simion. Le temps se maintient. »

Le Rom s'avança pour offrir sa gorge mais Draculea secoua la tête.

« Pas maintenant. Peut-être demain soir. »

Il sourit.

« J'apprécie une pointe de faim désormais. Ça me donne l'impression d'être vivant. Tu peux partir. Repose-toi. »

Le Rom s'inclina puis grimpa l'échelle. Draculea jeta un regard autour.

« Sinn ? »

Simion haussa les épaules puis désigna la troisième caisse.

« Vous savez comment il est. »


Draculea se pencha et gratta fermement sur le couvercle de la boîte.

« Debout, fainéant. »

Le couvercle se leva et Sinn s'assit. Sa voix était légèrement chagrine.

« Je pensais juste que vous aimeriez avoir un moment tout seul, tous les trois. Je n'aime pas m'incruster.

- Garde ton pathétique pour quelqu'un qui ne te connaît pas aussi bien, » fit sèchement Draculea.

Sinn parut offensé mais il ne fit aucun commentaire alors qu'il sortait de son lieu de repos. Une fois sorti, il s'épousseta en s'examinant soigneusement.

« *Merde* ! Regarde ça ! »

Il montra à Rill un petit accroc dans sa manche gauche.

« Qu'est-ce que j'avais dit ? Toujours des dégâts.

- Quand nous arriverons, tu pourras te préparer un bon cercueil, fit Draculea. Tu sais que lorsque nous voyageons, une simple caisse attire moins l'attention. »


Sinn se renfrogna.

« Mais notre maison en Angleterre n'aura-t-elle pas des lits convenables ? *Enfer*, je ne veux pas dormir dans une boîte plus longtemps que nécessaire.

- J'ai cru comprendre que cette propriété n'est pas dans le meilleur état. Il se peut que ta caisse soit plus confortable que les lits disponibles. Ne fais pas cette tête. Tu sais très bien que l'endroit est plus important que la condition dans notre cas.

- Ah, oui. Dieu sait que je ne suis pas du genre à me plaindre. Pourquoi avez-vous renvoyé le Rom si vite ? Je n'ai pas encore pris mon petit-déjeuner.

- Tu te plaignais d'avoir le ventre trop plein quand nous sommes montés à bord, glouton, » fit Simion.


Sinn posa ses mains sur ses hanches et se froissa.

« Je suis coupable de nombreux péchés mais j'ai évité la gourmandise.

- Ce repas devrait te durer au moins un jour ou deux, fit Draculea. Je veux que les Roms soient forts et vigilants pour les jours prochains. Je ne fais pas confiance à cet équipage.

- Ils sont beaucoup trop curieux à mon goût, fit Simion. Ils me rappellent ces bandits qui traînaient autour du château. »

Sinn eut un sourire nostalgique et la lueur d'une canine apparut dans la pénombre de la lanterne.

« Ah, c'était de la bonne nourriture — très robuste. Et si attentionnée. On avait juste à se balader au clair de lune en ayant l'air riche et imprudent, et ils venaient à vous. Vous croyez que ces gens seraient assez stupides pour tenter quelque chose, même avec nos fidèles Roms sur le qui-vive ?

- Le capitaine et le second ont l'air rusé, fit Simion, alors c'est possible. »


Le désarroi de Sinn fut feint.

« Ce serait tellement dommage. Je devrais peut-être monter et devancer leur erreur possible ?

- Alors que nous sommes encore loin de notre destination ? cracha Draculea. Tu as déjà mené un bateau de cette taille à bon port ? »

Sinn le regarda comme s'il était fou mais son ton était neutre.

« Non, jamais.

- Aucun d'entre nous ne l'a fait. Si rien ne se passe, il faut que nous attendions d'avoir presque atteint notre destination. Et si le bateau coulait à cause de notre ignorance, Sinn ? Je suis quasiment sûr que les vampires ne peuvent pas se noyer, mais tu veux vraiment tester cette théorie ?

- Non. Même si ce n'était pas fatal, je ne doute pas ce que serait très désagréable. Nous restons donc ici ?

- Pour le moment.

- Qu'il en soit ainsi. Il faut juste trouver un moyen de s'amuser. »


Il fouilla dans sa poche puis émit un son surpris en sortant un jeu de cartes.

« Ma foi, comment ont-elles bien pu arriver jusqu'ici ? »

Il mélangea les cartes avec une dextérité oisive.

« À quoi allons-nous jouer, *mon petit* ? Piquet, baccara, whist allemand... »

Rill frappa joyeusement des mains.

« La vieille fille. »

Simion cacha un sourire alors que Sinn paraissait peiné.

« C'est un bon jeu mais tu n'aimerais pas plutôt jouer au baccara ?

- Non. Tu gagnes toujours parce que tu perds patience quand j'essaie de noter les scores. La vieille fille. »

Le ton de Sinn invitait tout le monde à assister à son martyre.

« Très bien. »


Il sortit une reine du paquet et commença à mélanger à nouveau.

« Va pour la vieille fille. »

Il lança un regard à Simion et Draculea.

« Je suppose que vous ne voulez pas vous joindre à nous ? »

Il reçut des sourires en guise de réponse.

« Je me disais bien. Rill, si c'est moi qui reste la vieille fille et que tu me taquines à ce sujet, je serai très mécontent. »

Rill lui lança un regard innocent.

« Je ne ferais jamais ça. »

Alors que Sinn commençait à distribuer, Rill lança à Draculea et Simion un sourire secret et ravi.

Simion étouffa un rire et Draculea murmura :

« Eh bien, il ne l'aurait pas fait s'il n'avait pas surpris Sinn en train de tricher plus d'une fois — juste après qu'il ait promis d'arrêter. »


Le second jour dehors


L'après-midi, Salazar rejoignit Simion à l'arrière du navire.

« Ces hommes, Domn. »

Il cracha par-dessus la lisse.

« Non seulement ce sont des coupeurs de gorges, mais ils sont stupides. Ils croient que parce que je ne leur parle pas, je ne connais pas leur langue alors ils ont parlé de ce qu'ils vont nous faire alors que je me trouvais dans la même pièce. »

Simion grogna en regardant la mer.

« C'est ce que je craignais. Tous ?

- Sauf le propriétaire du navire. Il n'en fait pas partie mais il est faible. Il ne connaît que la bouteille.

- Il ne nous sera d'aucune utilité.

- Aucune.

- Tu as entendu des détails ?

- Non, Domn, mais je crois qu'ils vont attendre aussi longtemps que possible. Ça ne les gêne pas de tuer mais ils ne veulent pas risquer la mort. »


Simion réfléchit un moment.

« Voyons, le capitaine et ses cinq hommes contre ton ami, toi, moi... »

Il sourit lentement.

« Et Rill, Sinn et le maître. »

Salazar eut un sourire féroce.

« Mon grand-père les a vus assaillis par des bandits, une fois. Il m'a souvent raconté cette histoire.

- C'est impressionnant mais c'est pourtant une expérience que je n'espérerais pas que tu connaisses. Notre mission est importante et moins le destin empiète sur le chemin de Draculea, mieux c'est. »

Le Rom réfléchit puis fit :

« Alors on les attaque en premier ? »


Simion y réfléchit un moment puis secoua lentement la tête.

« Non. C'est important que nous arrivions tout près de l'Angleterre — suffisamment près pour que le navire atteigne le rivage même sans marins confirmés pour le guider. Je pense que nous pourrions débarquer facilement si la terre est proche, mais si le navire fait demi-tour vers la mer, cela deviendra plus difficile. Non, nous attendons. »

Il soupira.

« J'espère juste qu'ils se retiendront encore un moment. »

Le Julyan


Jonathan remuait sans arrêt sur la couchette en sentant le tangage irrégulier du bateau. Il n'y avait pas de hublot dans sa cabine aussi ne pouvait-il pas voir le temps qu'il faisait, mais la mer semblait plus agitée que la veille.

Incapable de rester allongé plus longtemps, il s'assit et balança ses jambes sur le côté. Il se leva en s'accrochant prudemment au bord de la couchette. Il eut raison. Sa tête vacilla un peu et ses genoux étaient faibles. Il se rassit avant qu'ils aient l'occasion de se dérober sous lui et décida qu'il ferait mieux d'attendre un peu avant de recommencer.

Il aurait voulu monter à bord par ses propres moyens mais Lukas ne l'entendait pas de cette oreille. Le portier avait transporté Jonathan dans ses bras comme un enfant et l'avait porté de la voiture, sur la planche à débarquer et dans cette cabine. Cela ne gênait pas Jonathan de se faire porter s'il avait vraiment besoin d'aide mais il détestait qu'on le traite comme s'il était fragile.


Il avait été tenté de se débattre pour se libérer mais l'équipage du navire avait observé la scène et il ne voulait pas causer un scandale. On l'avait déposé dans sa couchette et on lui avait ordonné de se reposer. Lukas lui avait apporté de la nourriture ou un pot de chambre lorsque ce fut nécessaire. Ses soins étaient prudents — et réguliers.

Jonathan avait à peine un moment tout seul. Lukas dormait sur un lit à roulettes sorti de sous la couchette, et il passait la plupart de la journée assis à côté de Jonathan en train de lire les saintes écritures — de temps en temps à voix haute. Il apportait leurs repas dans la cabine. Les seuls moments où il quittait Jonathan, c'était pour se soulager. Non, ce n'était pas vrai — il restait sur le pont quelques moments et Jonathan était sûr qu'il passait son temps à observer l'horizon en cherchant une menace inconnue.


Lukas faisait l'un de ses rares voyages dehors pour l'instant et Jonathan savait qu'il devait continuer ses efforts s'il voulait sortir de la chambre. Lukas ne laisserait jamais son patient déambuler sans sa supervision.

Jonathan était vêtu d'un pyjama depuis son réveil dans le couvent. Il voulait désespérément mettre des vêtements décents mais il n'était pas certain que Lukas en ait ramené. Il y avait quelques vêtements du portier mais ils allaient sûrement être trop larges pour la taille fine de Jonathan. En tout cas, il décida qu'il n'avait pas le temps d'en chercher. Jonathan se leva à nouveau et cette fois, sa tête resta claire et ses jambes semblaient fermes. Pourtant, il se déplaça lentement et prudemment alors qu'il se dirigeait vers la porte. Il ne fallut pas plus d'une douzaine de pas et il y était. Se sentant plus léger à l'idée de sortir, il saisit la poignée de la porte — et découvrit qu'elle était fermée à clef.


Il la regarda avec incrédulité et essaya à nouveau. Fermée. Il toqua à la porte.

« Excusez-moi ? »

Il entendit des bruits de pas dehors et toqua à nouveau.

« Excusez-moi ! »

Une voix qu'il ne reconnut pas fit :

« Ouais ? Vous avez besoin de votre homme ?

- Non. La porte est fermée. Je veux sortir.

- Hein ? J'sais pas pour ça. C'lui qui vous a ramené a dit que cette porte devait rester verrouillée. »

Il y eut un ricanement.

« Il semble penser que quelqu'un vous court derrière. »

Pendant une seconde, l'image du visage de Rock — pâle et fou — apparut dans l'esprit de Jonathan puis il secoua la tête.

« C'est ridicule. Nous sommes en mer. Ouvrez la porte.

- Peux pas. J'ai pas la clef. Mais j'vais dire à votre ami que vous voulez le voir, hein ?

- Non, ce n'est pas la peine... »

Les bruits de pas faiblirent et Jonathan soupira. Il réfléchit brièvement puis retourna s'asseoir sur la couchette.


Il venait à peine de s'asseoir lorsqu'il entendit la clef tourner dans la porte et Lukas entra. En voyant Jonathan, il fronça les sourcils et se hâta vers lui.

« Jeune homme, que faites-vous ? Le marin m'a dit qu'il vous a parlé à la porte. Dites-moi que vous n'avez pas été assez stupide pour tenter de bouger.

- La porte était fermée. »

Lukas souleva les jambes de Jonathan sur la couchette.

« Allongez-vous. Je sais que cela ne semble pas grand-chose mais tomber du lit peut causer pas mal de blessure.

- Je ne vais pas tomber. »

Jonathan l'avait laissé le rallonger à nouveau mais il tenta de s'asseoir.

« Vous m'avez enfermé ! »

Lukas le repoussa et les mains sur les épaules de Jonathan n'étaient pas complètement gentilles.

« Ce n'est pas ça, mister Harker. J'empêche quelque chose d'entrer. Ceci est fait pour vous protéger.

- Me protéger de quoi ? Lukas, c'est ridicule. Nous sommes au milieu de l'océan. À moins que vous ne vous inquiétez à propos de l'équipage, il n'y a rien qui puisse me faire de mal. »

Lukas se contenta de le regarder.

« N'est-ce pas ? »


Lukas repoussa quelques mèches du front de Jonathan et Jonathan combattit l'envie de reculer.

« Je vais en protéger un d'eux. Un innocent.

- Lukas ? »

L'homme cilla.

« Vous ne voulez pas savoir, mister Harker. Contentez-vous de vous détendre et d'accepter que ce que je fais est bon pour vous. »

Il remonta le drap pour couvrir Jonathan puis s'assit et prit sa bible.

« Laissez-moi vous lire quelque chose pour vous détendre l'esprit. Peut-être un passage du chant de Salomon... »

Jonathan songea au regard distant de Lukas il y avait juste un moment et décida que ce n'était pas le moment de protester contre son repos forcé.

Le Célestine

Troisième jour dehors


Ils savaient que la tempête arriverait juste avant l'aube. Le capitaine avait levé les voiles en espérant la distancer puisqu'il pensait pouvoir atteindre la terre ferme avant la tombée de la nuit.

La tempête arriva plus rapidement que prévu en les rattrapant avant midi. Des nuages d'un gris-noir épais se rassemblèrent au-dessus d'eux en faisant disparaître toute trace du soleil. La mer se leva et retomba, de grandes vagues balayant le pont alors que la pluie s'abattait, si épaisse qu'il était impossible de voir à quelques yards à la ronde. On ne pouvait pas voir d'un bout à l'autre du navire et encore moins de l'avant à l'arrière.

Le capitaine et son second se rencontrèrent sur la passerelle et ils durent élever la voix pour s'entendre par-dessus les bruits de la tempête.

« Nous ferions mieux d'attendre que la tempête passe, fit le second. C'est de pire en pire. Je vais m'attacher à la barre — je ne veux pas passer par-dessus bord.

- Ça me paraît raisonnable, fit le capitaine. Mais la tempête est notre alliée. La confusion nous facilitera la tâche, j'en suis sûr. Il n'y a qu'un seul de leurs gardes dans la cale pour l'instant et la tempête devrait couvrir le bruit de toute approche. Les deux autres sont restés dans leur cabine — nous pourrons les attraper là-bas. »


Le second émit un son qui indiquait qu'il n'était pas complètement convaincu alors qu'il prit de la corde et commença à s'attacher sur place.

« Tu es sûr qu'ils n'arriveront pas mieux à se défendre dans un endroit étroit ?

- Calme-toi — c'est pas toi qui prends les risques. Tout ce que tu dois faire, c'est rester ici et diriger. Une fois qu'on aura éliminé le garde, j'enverrai trois de nos hommes s'occuper des autres. »

Il eut un sourire mauvais.

« Si on en perd un, ou même deux... »

Il haussa les épaules.


« Ça ne me dit rien, fit le second. Pourquoi est-ce qu'on ne débarquerait pas juste comme prévu et qu'on laisserait les passagers continuer leur route ? Puis on pourrait prendre l'argent du passage chez le capitaine. Tu as dit toi-même que c'était une belle somme.

- C'est rien comparé à ce qu'on pourrait avoir.

- Mais tu ne sais pas ce qu'il y a dans ces caisses. Tu as parlé de trésor, mais ça pourrait juste contenir ce pour quoi elles sont faites.

- Et ce serait quoi ?

- Des corps. Peut-être qu'ils essaient de faire passer des corps en contrebande en Angleterre. Tu sais que le gouvernement refuse qu'on amène quelqu'un qui est mort de maladie contagieuse. Et si un homme riche était mort de choléra, de peste ou de lèpre et que sa famille voulait l'enterrer chez eux ? Ils pourraient très bien engager quelqu'un pour faire passer le corps comme étant...

- Tu as une sacrée imagination. Non, c'est quelque chose de valeur — j'en mettrais ma main au feu. Reste simplement là et occupe-toi de la barre. Tu n'as pas besoin de te salir les mains et je te donnerai une partie de ce qu'on prendra. »

Le capitaine toucha le long couteau qu'il avait mis dans sa ceinture.

« Tu ferais mieux de te boucher les oreilles si tu es si délicat. »


Le capitaine rencontra les trois autres hommes d'équipage un peu plus loin sur le bateau, deux marins et le cuisinier.

« Vous deux — l'un de vous s'occupe du propriétaire. Il ne va pas poser de problème, à moins que ça vous gêne de tuer un type complètement ivre ? »

Les hommes lui renvoyèrent un regard blanc. Pourquoi cela devrait les gêner ? Cela ne rendait-il pas les choses plus faciles ?

« Une fois qu'il est mort, occupez-vous des deux autres et soyez prudents. Ils ne seront pas des proies faciles comme le propriétaire. Toi... »

Il désigna le cuisinier.

« ... tu viens avec moi. Je veux que tu ailles de l'autre côté du navire. Reste hors de vue. Je vais discuter avec le tzigane de garde et quand il sera bien distrait, tu viendras de l'autre côté de l'écoutille et tu t'occuperas de lui. Si nous sommes silencieux et rapides, ça pourrait se résoudre sans anicroche. Puis on changera de cap pour aller à un endroit tranquille de ma connaissance et nous vivrons tous comme des gentilshommes grâce à ce qu'on va récolter. »


Ils se séparèrent. L'un des marins se glissa dans la cabine du propriétaire. D'une certaine façon, c'était incroyable de voir que cet homme avait vécu aussi longtemps, étant donné qu'il n'était pas du tout soupçonneux. S'il avait fermé la porte de sa cabine, il aurait pu vivre un peu plus longtemps — mais peut-être pas. Il était fort probable que ce qui allait bientôt se produire aurait été trop pour son cœur. Il s'était endormi dans son fauteuil, la tête penchée en arrière, et son assassin n'eut même pas à lever sa tête pour dénuder sa gorge et la trancher. Le propriétaire passa du sommeil à la mort sans même réagir. On ne sait pas s'il se réveilla dans une sorte d'autre vie mais si ce fut le cas, il dut être très surpris. Cela fait, le meurtrier alla rejoindre son camarade dans le petit couloir étroit qui menait à la cabine des passagers.

Le cuisinier s'avança au bord du bateau en prenant soin de raser les murs. C'était autant de la prudence que de la discrétion. Les vagues qui s'abattaient sur le navire et sur le pont n'arrivaient pas plus haut que ses genoux mais c'était suffisant pour balayer l'imprudent.


Le tzigane se tenait sur l'écoutille en se tenant fermement aux anneaux en métal qu'on utilisait pour la soulever lorsque le navire était déchargé. Il lui tournait le dos et le cuisinier joua avec le couteau qu'il avait amené — le plus long de sa cambuse. La seule fois où il avait tué quelqu'un, c'était lors d'une querelle d'ivrognes quand une bouteille s'était avérée plus dure que le crâne d'un ennemi. Il ne savait pas vraiment ce qu'il ferait mieux de viser pour rendre le crime plus propre. Il voulait que ce soit rapide. Il ne pensait pas y parvenir si l'homme se débattait vraiment. Il était sûr que le capitaine pourrait finir le travail mais il ne voulait pas songer à ce qui pourrait lui arriver si le capitaine songeait qu'il n'avait pas fait suffisamment d'efforts pour jouer son rôle dans le plan.

Le Rom de garde n'entendit pas et ne vit pas le capitaine arriver sauf quand l'homme fut presque sur lui. Avec le vent et la pluie, il était dur de dire si cet homme s'était montré sciemment furtif mais le Rom avait l'habitude se s'attendre au pire de la part des gens — c'était plus sûr. Il plissa les yeux sous la pluie en observant prudemment l'homme qui approchait.


Le capitaine regarda le Rom puis désigna la passerelle et fit :

« Ton maître veut te voir. »

L'homme le regarda en silence. Adhérant à la théorie habituelle des ignorants qui disait qu'on se faisait mieux comprendre si on parlait plus fort, il haussa la voix.

« Ton maître ! Va le voir. »

Il pointa le doigt en direction de la proue puis enfonça son doigt dans l'épaule du Rom pour se faire comprendre.

C'était une chose stupide à faire mais le capitaine perdait patience. Le Rom libéra sa prise sur l'un des anneaux en repoussant la main du capitaine tout en le maudissant dans sa propre langue.

Ce fut le moment que choisit le cuisinier pour attaquer. Il sortit de sa cachette en se ruant vers l'écoutille, vers le dos sans défense du Rom, son couteau levé. Des siècles de prudence innée furent utiles au Rom. Ce fut peut-être un léger son ou peut-être un petit déplacement dans l'air, mais il sentit quelque chose se ruer derrière lui et il se retourna. Sa main se leva à temps pour saisir le poignet du cuisinier en stoppant la chute du couteau. Au même instant, sa main libre tomba à sa ceinture pour sortir son propre couteau.


Bien que la pluie soit glaciale, le cuisinier sentit soudain une bouffée de chaleur dans son ventre — de la chaleur douloureuse. Il tenta de reculer mais le tzigane avait une poigne de fer sur son poignet. Le tzigane bougea et la douleur augmenta. Le Rom le regardait et il souriait. C'était horrible. Le cuisinier vit sa propre mort dans ce sourire.

Soudain, le Rom eut un autre sourire — juste en-dessous de son menton. Une courbe rouge se dessina sous sa gorge, d'un côté à l'autre et du pourpre en jaillit. L'homme parut surpris et il lâcha le poignet du cuisinier en levant la main pour toucher le liquide rouge qui fut tout de suite rincé par la pluie battante. Puis il s'effondra, le couteau tombant de sa main, et le cuisinier vit le capitaine se tenir derrière lui, le couteau dans son poing aux jointures blanchies.

« Aide-moi à le passer par-dessus bord.

- Je... Je ne peux pas, gémit le cuisinier. »


Il serra son côté et sentit le suintement chaud du sang entre ses doigts.

« Il m'a touché gravement. Je crois que je suis en train de mourir.

- T'as assez de souffle pour te plaindre, hein ? Reste ici. Une fois que les autres en auront fini avec les passagers, ils viendront t'aider. Je vais en bas et je vais voir ce qu'on a gagné. »

Alors que le capitaine soulevait l'écoutille, le cuisinier gémit :

« Ne me laisse pas ici ! »

Le navire tangua particulièrement dangereusement et il parvint à peine à s'accrocher.

« Je vais être emporté. »

Alors que le capitaine descendait l'échelle, il murmura :

« Alors ça me fera une ordure en moins à nettoyer. »

Il prit la lanterne de son crochet mais attendit d'être en bas pour tenter de l'allumer. Il lui fallut plusieurs essais mais il y parvint malgré la fine brise qui tombait de l'écoutille. Il posa la lanterne par terre à côté de l'une des caisses en se frottant les mains — jusqu'à ce qu'il voit les verrous sur les loquets. Bon sang ! Bon, doit y avoir un pied-de-biche dans le coin.


Alors que le capitaine cherchait son outil, les deux autres membres de l'équipage décidèrent que ce n'était pas la peine d'attendre pour achever les deux passagers. Après tout ils avaient l'effet de surprise, non ? Ils discutèrent en murmurant s'ils devaient tout simplement débarquer dans la pièce ou bien s'ils devaient entrer doucement. Si les passagers étaient dans leurs couchettes à cause du mauvais temps, ils pourraient les achever avec aussi peu de problèmes que le propriétaire.

Ils décidèrent d'entrer furtivement. Heureusement, la porte n'était pas fermée à clef. Le premier marin l'ouvrit doucement en jetant un coup d'œil à l'intérieur. La pièce était sombre, la lumière de la lanterne vacillante pendue au mur illuminant à peine l'intérieur. Tout ce qu'il pouvait voir, c'étaient des formes sombres mais les ténèbres signifiaient que les hommes étaient endormis. Le marin ne pouvait voir qu'une des deux couchettes mais il y avait une silhouette dedans, allongée en tournant le dos à la pièce. C'était encore mieux. Juste quelques pas et un coup de poignard rapide... Il s'avança dans la pièce en levant son couteau.

Dans la cale, le capitaine avait trouvé le pied-de-biche. Il ne lui fallut qu'un coup fort pour casser le cadenas puis une torsion pour le libérer complètement la caisse, aussi effectua-t-il cette opération sur chaque caisse. Il jeta le levier et s'arrêta un moment pour se frotter les mains. C'était son moment de triomphe et il voulait le savourer.

« Bon, murmura-t-il, quelles richesses m'attendent ? »

Il se pencha et souleva le couvercle de la première boîte et bondit presque en arrière de surprise. Pas d'assiette en argent. Pas de riches antiquités. Comme l'avait supposé le second, la caisse contenait un corps. Cela semblait être un corps très frais mais il était néanmoins mort. Le capitaine se rapprocha un peu pour l'examiner. De son vivant, cela avait dû être un homme grand et sévère, dans la quarantaine. Ses cheveux noirs reposaient sur ses épaules et il y avait une moustache épaisse qui le rendait féroce.


Se souvenant de ce que le second avait dit au sujet du choléra ou de la peste, le capitaine laissa tomber le couvercle et recula rapidement. Mais cet homme semblait en trop bonne santé pour être mort de l'une de ces maladies, et il y avait encore des caisses à ouvrir. Espérant malgré tout, il en ouvrit une autre.

Ce corps était plus jeune — l'homme était à peine plus qu'un enfant. Ses cheveux sombres étaient bouclés et son visage lisse donnait une impression enfantine. Il ressemblait presque à un petit garçon qui faisait la sieste.

Il ne lui restait plus que peu d'espoir mais le capitaine ouvrit la troisième caisse. L'homme dans celle-ci était un peu plus vieux physiquement que le garçon, mais il paraissait beaucoup plus vieux au niveau de l'expérience. Il y avait quelque chose chez lui qui suggérait l'abandon et une prédisposition au vice.

Bon sang ! J'ai l'impression que j'aurais juste le prix du voyage et de ce navire. Ah, tant pis. Je peux peut-être dépouiller ces gens des colifichets dont ils n'auront plus besoin. J'ai vu un bel anneau sur le premier mais je parie que ce type a des babioles intéressantes dans ses poches.


Il s'agenouilla à côté de la caisse et commença à fouiller le mort. À travers les vêtements, il pouvait sentir le froid de la chair morte mais le corps semblait remarquablement souple. Il tentait juste de passer sa main gauche dans la poche droite du pantalon du mort lorsque ses yeux d'un vert brillant s'ouvrirent brusquement, s'agitant pour se poser ensuite sur lui, et qu'une main dure et froid se referma sur son poignet.

« Qu'est-ce que tu crois faire, voleur ? » siffla Sinn.

Agissant instinctivement, le capitaine se déchaîna. Il frappa en enfonçant le couteau profondément dans la poitrine de l'homme juste entre les deux côtés de la cage thoracique. Il enfonça le couteau si profondément que la pointe de la lame se ficha dans la colonne vertébrale.

Sinn hurla, tremblant de douleur alors que l'homme retomba maladroitement assis. Le capitaine attendait que sa victime meure pour pouvoir récupérer son couteau.

« Fils de chien ! » haleta l'homme.

Il saisit le couteau en tirant.

« Tu as abîmé ma veste de voyage et une de mes meilleures chemises ! »


Le capitaine haleta en voyant l'ancien corps tenter de retirer le couteau en jurant abondamment en français. Il entendit un bruit et regarda plus loin pour voir que l'autre jeune homme se redressait dans sa caisse en se frottant les yeux et en baillant.

« Quelle heure est-il ? Ce n'est pas encore le crépuscule, hein ? »

Une vague d'eau le frappa et il trembla.

« Oh, une tempête. Cela explique... »

Il regarda autour de lui et vit Sinn tenter de retirer le couteau. Comprenant immédiatement, il fronça les sourcils en direction du capitaine.

« Ce n'était pas gentil, accusa-t-il. Sinn ne vous a rien fait.

- Oh, arrête de le gronder, Rill. Nous allons nous occuper de lui dans un instant mais viens m'aider pour le moment. Je n'arrive pas à enlever ce truc. »

Rill sortit de sa boîte et, ignorant le capitaine, se rendit à côté de Sinn. Il posa un pied sur le bord de la caisse en prenant le couteau à deux mains.

« Tiens bon. »

Sinn attrapa les bords de la boîte et Rill tira.


Sinn hurla de douleur.

« Ça fait mal !

- Je sais. Désolé, mais je pense que c'est coincé sur un os. Je vais devoir le remuer.

- *Merde* ! »

Sinn lança un regard au mortel médusé et les os de son visage semblèrent changer légèrement. Quand il parla à nouveau, sa voix était un grognement et il montra ses canines.

« Tu vas le payer très cher, porc. Fais-le, Rill. »

Rill tira et poussa le couteau en tirant fort. Il se libéra avec un son désagréable de frottement et de succion.

Alors que le premier marin fit un pas hésitant dans la pièce, Salazar, qui se tenait derrière la porte, attrapa son bras et le tira dans la pièce. À cet instant, Simion roula sur la couchette et tira avec le pistolet à deux coups qu'il avait fait passer en douce sur le bateau. Il ne tira pas sur le marin qui se débattait avec le tzigane — cela aurait été trop dangereux pour le Rom. Non, il tira à travers la porte ouverte. La balle s'enfonça dans l'épaule du second marin en le jetant contre le mur.

Alors que le marin et Salazar se battaient, Simion bondit, prêt à finir le travail, mais l'homme blessé s'était rué sur le pont. Faisant confiance au Rom pour finir le combat qu'il avait entamé avec un avantage, Simion poursuivit l'autre marin sur le pont.

Dans la cale, ils entendirent une explosion. C'était différent du tonnerre grondant et elle ne fut pas accompagnée d'un éclair brillant. Non, c'était un coup de feu et cela venait de l’avant du navire.

Rill réagit immédiatement en criant :

« Simion ! »

Il jeta le couteau et bondit sur l'échelle sans un seul regard pour le capitaine. Alors qu'il disparaissait à travers l'écoutille, la troisième caisse s'ouvrit.

Le capitaine se souilla alors que l'occupant de la boîte sembla flotter debout plutôt que de se lever. Il baissa sur le marin tremblant des yeux qui semblaient rouges à la lueur de la lampe. Après un moment, il fit d'un ton plat :

« Alors tu n'as pas pu résister. Imbécile. »

Draculea regarda Sinn.

« Tu es dans un sale état. »

Sinn répondit par un grognement.

« Qu'en est-il des autres ?

- Je ne sais pas. Je doute que le garde ait survécu si ce type a réussi à descendre ici. Il se passe quelque chose avec Simion. Il y a eu un coup de feu et Rill a bondi hors d'ici pour le secourir. »

Draculea fronça les sourcils, inquiet.

« Je ferais mieux d'aller voir. »

Il commença à grimper le long de l'échelle.


« Et que fait-on de lui ? » héla Sinn.

Draculea s'arrêta à la moitié de l'échelle et lui lança un regard légèrement ennuyé.

« Je pense que tu n'as pas besoin d'instruction pour ça.

- Oh, non. »

Draculea continua son chemin pour disparaître dans la nuit humide. Le capitaine rampa à terre pour saisir le couteau. Il le brandit devant la créature, ses mains tremblantes. Sinn le regarda froidement puis fit :

« Tu veux vraiment faire ça ? Tu m'as déjà suffisamment énervé. »

Le capitaine hésita. En une fraction de seconde, Sinn fut sur lui. Le dernier cri du tueur mourut dans un gargouillement...

Il se passait quelque chose. Le second le savait mais il ne pouvait rien voir à travers la pluie. Il pouvait cependant entendre. Il était vrai que les sons de violence étaient étouffés et déformés par le temps mais on ne pouvait pas se tromper sur le coup de feu et ce cri venant de l'arrière vous glaçait le sang.

Il sortit un rosaire de sa poche et se demanda s'il allait passer moins de temps au purgatoire puisque son seul crime avait été de ne pas avoir empêché un meurtre, et non pas d’en avoir commis un.

Le marin sur lequel Simion avait tiré se dirigea vers la cale en songeant qu'il obtiendrait plus d'aide du capitaine que du second. Simion émergea peu après lui et se prépara à tirer un autre coup. Le bateau tangua cependant et la balle passa sans dommage au-dessus du meurtrier potentiel. Simion jura et fouilla dans ses poches pour trouver des munitions.

Le marin s'était arrêté pour saisir la lisse quand la dernière vague s'abattit sur le pont et il vit Simion tenter de recharger son arme. Avec un sourire diabolique, il se dirigea vers Simion, couteau en main.

Un corps lourd s'effondra sur son dos en le jetant à terre alors que quelqu'un hurlait :

« Non ! »


Le couteau fut arraché de ses mains si brutalement que les os de son poignet craquèrent et que sa main tomba en un angle peu naturel. Il n'eut cependant pas le temps de songer à sa douleur car son agresseur tenait fermement ses cheveux et avait commencé à cogner sa tête contre le pont.

«  Mon Simion ! À moi ! Tu ne lui feras pas de mal, je ne te laisserai pas faire ! »

Il fut cogné encore et encore contre les planches dures. Son nez se brisa puis ses pommettes, et il ne pouvait que se débattre faiblement. Du sang remplit son nez et sa gorge et il commença à s'étouffer. Il ne vécut pas assez longtemps pour que cela arrive. Sa tête fut rejetée en arrière et des canines acérées s'enfoncèrent dans sa chair.


Simion continuait de recharger son revolver (il avait besoin de se tenir prêt, des fois que Salazar ait des soucis avec son propre agresseur) mais il n'était nullement pressé alors qu'il regardait Rill se nourrir du marin mourant. Après un moment, le garçon se leva en soulevant le corps qui s'agitait faiblement et il le jeta par-dessus bord. Puis il se rendit près de Simion.

Simion mit le revolver dans sa ceinture et enlaça son amant en tapotant de façon apaisante le jeune vampire bouleversé.

« Là, Rill. Je vais très bien. »

Rill lui rendit son étreinte.

« Il allait te tuer.

- Oui, mais il n'avait aucune chance — pas avec toi pour me protéger.

- Ils ont tué le tzigane qui nous gardait, Simion. J'ai enjambé son corps.

- Il est mort comme il l'aurait aimé — en protégeant le maître et toi.

- Je sais, mais ça me rend quand même triste. L'un d'eux a enfoncé un couteau dans Sinn. »


Rill recula un peu et lança un regard écarquillé à Simion. Même si son expression montrait encore des traces de sa colère vampirique, cela le rendait innocent.

« Oh, il était tellement en colère. Tu aurais dû entendre les mots qu'il a employés.

- Il s'en remettra. »

Draculea s'approcha.

« Surtout que je l'ai laissé s'occuper de cet imbécile. J'en ai trouvé un autre mort près de l'écoutille. Mon fidèle Rom est mort mais il en a emmené un avec lui dans l'autre monde. »

Salazar émergea du couloir en ressuyant son couteau sur sa chemise. Il fit :

« L'un de vous a tué le propriétaire du bateau ? « 
Quand ils secouèrent tous la tête, il fit :

« Alors ils l'ont tué aussi. Peu importe qui nous tuons, nous leur épargnons la potence. »


Sinn les rejoignit en sortant de la pluie.

« J'étais tellement en colère que je n'ai pas pu pleinement apprécier. J'ai jeté ce qui restait par-dessus bord — j'espère que cela ne vous gêne pas.

- Non, c'est très pratique, fit Draculea. Laissez-moi réfléchir — un dans la cale, un près de la cale, le tien, Rill, et le tien, Salazar. Il y avait un équipage de cinq personnes, plus le propriétaire. Cela nous laisse encore une personne. »

Il regarda devant lui.

« Je suppose qu'il dirige le navire. Simion, nous sommes à quelle distance de la terre ferme ?

- Je ne sais pas, Domn, mais nous devions arriver à bon port ce matin. »


Il sortit une montre de sa poche et regarda l'heure.

« Nous devrions arriver bientôt en vue des terres — si nous pouvons voir quoi que ce soit.

- Que penses-tu de notre pilote ?

- Il était dans le coup, » fit platement Simion.

Salazar acquiesça.

« Il ne nous a peut-être pas attaqués mais il n'a rien fait pour nous prévenir ou pour empêcher ce qu'il savait être un meurtre. Non, il avait prévu de partager le butin.

- Alors il mourra comme les autres, » fit Draculea.

Il tourna le regard vers la passerelle.

« Le tout est de savoir quand. »

D'un commun accord, sans autre mot, ils se dirigèrent tous lentement vers la passerelle.







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