Child of the Night 100

Remarques : Vous vous rendez compte ? Cela fait tout juste quatre ans que je travaille sur cette histoire. Avec une police de taille 12, il y a 367 347 mots sur 904 pages, mais je crois qu'il me reste encore un tiers à écrire. Jésus. Qui suis-je — la version féminine de James Michner, façon slash ? :) La rencontre à la fin est brève mais hé — ce bébé est deux fois plus long que mes chapitres habituels et maintenant, la séduction peut commencer...


Partie Cent : Une réunion inconsciente


L'an de grâce 1892
Le manoir Westenra


Lucy sentit une irritation grandissante alors qu'elle regardait Lukas examiner d'un œil critique la chambre fournie pour Jonathan. Son père n'avait épargné aucune dépense pour satisfaire ses goûts en matière de décoration et d'ameublement, et cette pièce était l'une des plus belles de la maison. Elle savait qu'elle était faite pour la noblesse et à présent, cet homme grossier osait juger si elle conviendrait ou non à un simple commis. Elle fit finalement :

« h bien, cela convient-il ? Ils vont bientôt l'amener. »

Lukas s'inclina légèrement.

« Je ne remets pas en cause la qualité des accommodations que vous offrez, gracieuse dame. »

Il désigna les portes-fenêtres qui menaient au balcon.

« Mais ceci me dérange. Je préférerais que la chambre du jeune gentilhomme n'ait pas accès sur l'extérieur.

- Toutes les chambres à cet étage ont un balcon.

- Alors peut-être pourrait-il avoir une chambre en bas ?

- Non, il n'y a pas de chambre au rez-de-chaussée.

- Pas besoin que ce soit une chambre — juste une pièce calme avec un divan ou un sofa, bien à l'intérieur de la maison. »


Lucy secouait la tête.

« Nous ne pouvons pas demander à ce pauvre homme de dormir dans un bureau ou un salon alors que nous avons de très bonnes chambres disponibles. Cela ne se fait pas.

- Alors peut-être à l'étage au-dessus ? »

Lucy paraissait à présent presque scandalisée.

« Il n'y a que des placards et le quartier des serviteurs. En plus, c'est si encombré et sombre là-bas. Non, j'ai bien peur que vous ne deviez faire avec cette chambre. Si les portes vous ennuient, dans ce cas... »

Elle se dirigea vers les deux portes-fenêtres qui menaient au balcon et tourna la clef dans la serrure.

« Et là... »

Elle mit en place le petit loquet puis se tourna vers lui en écartant les mains.


Il regarda les loquets puis lança un regard non impressionné sur elle.

« Ceux-là ? Vous avez mené une vie très protégée, n'est-ce pas, miss Westenra ? »

Lucy se sentit rougir. Elle avait toujours tiré fierté du fait qu'elle pouvait être froide et impassible, peu importait avec qui elle parlait. Pourquoi cet homme la faisait se sentir aussi gênée et même (elle osait à peine se l'admettre) un peu stupide ?

« Cela n'a aucun rapport. »

Elle retourna la couverture et les draps sur le lit pour arranger les oreillers.

« Ce sera la chambre de Jonathan pendant qu'il restera ici. Je suis d'un côté, Mina de l'autre. Vous serez juste au fond du couloir. Avec tant de gens volontaires pour le soigner, il ne peut que guérir. Venez, maintenant, je vais vous montrer votre chambre. »


Elle se dirigea vers la porte puis hésita.

« Vous n'avez pas apporté de valise avec vous ?

- Celui qui voyage léger voyage plus vite. Je crois que le cocher a laissé mon sac de marin en bas. Il contient les quelques vêtements simples que les sœurs ont fourni pour mister Harker. »

Lucy ne prit pas la peine de cacher l'aversion dans sa voix.

« Il ne peut pas porter de telles choses maintenant qu'il est à la maison. Oh, bien — je crois qu'Arthur a un peu près la même taille que lui. Je suis sûr que je peux le convaincre de prêter quelques affaires jusqu'à ce qu'on en achète. En plus, puisqu'il va rester au lit un bon moment, il n'aura pas besoin de beaucoup de vêtements. »

Ils entendirent le raclement de pieds et des murmures.

« Attention ! Tiens ton bout sinon on va le tirer sur le sol. »

Lukas défit rapidement les couvertures du lit alors que les valets amenèrent Jonathan. Il fit :

« Tenez-le bien. »

Et il prit rapidement Jonathan pour le sortir du brancard improvisé.


Alors que Lukas déposait Jonathan sur le lit, le valet fit :

« Vous aurez besoin d'autre chose, miss Westenra ?

- Je ne crois pas. Nous vous appellerons sinon. »

Elle s'affaira autour du lit et parvint à mettre Lukas de côté l'air de rien.

« Oh, pauvre Jonathan. »

Elle l'examina puis sourit et c'était un peu sournois.

« Oh, mais vous ne pouvez pas dormir tout habillé. Je dois jouer les infirmières, je suppose. »

Elle tendit la main et commença à défaire le bouton supérieure de sa chemise en disant :

« Je n'aurais jamais cru que je ferais ça pour un homme avant mon mariage. »

Jonathan et Lukas réagirent en même temps pour l'arrêter. Jonathan repoussa ses mains en s'écriant :

« Lucy ! »


Lukas fut plus direct — il la saisit par le bras pour la repousser. Lucy haleta.

« Lâchez-moi ! »

Lukas la libéra immédiatement et elle se frotta le bras en disant :

« Comment osez-vous poser vos mains sur moi ? »

La voix de Lukas fut calme mais ferme.

« Dans votre enthousiasme à servir mister Harker, vous vous êtes oubliée, miss. Ce serait indécent pour une jeune femme de déshabiller un jeune homme. Même parmi les saintes sœurs, quand on doit s'occuper d'un patient, seules les plus âgées des nonnes font une telle chose car elles sont au-delà des tentations de la chair.

- Oh, je suppose que oui. »

Lucy caressa le front de Jonathan.

« Je dois y aller, mon cher ami. Nous avons des invités demain et j'ai une tonne de choses à faire. Les serviteurs sont complètement perdus sans moi. »

Elle se précipita dehors.


Lukas la regarda partir en songeant : Non seulement il est invalide, mais c'est le fiancé de sa meilleure amie et pourtant elle minaude devant lui. J'ai déjà vu de la vanité et de la fierté dans sa nature, et maintenant il semblerait qu'il y ait aussi du désir. Bon, bien qu'elle soit une pécheresse, elle n'est pas vraiment diabolique — inutile de le protéger d'elle. Ce jeune homme doit trouver la force de résister seul à certaines tentations.

L'un des valets apparut sur le pas de la porte et s'adressa à Lukas :

« J'ai votre sac, monsieur. Vous en aurez besoin dans votre chambre ?

- Dites-moi, monsieur, n'est-il pas possible que je dorme dans cette chambre ? Cela m'inquiète de laisser mister Harker seul dans son état affaibli.

- Eh bien, monsieur — c'est un vieux lit. Il y a un lit roulant en-dessous, fait pour un serviteur ou un petit enfant qu'on ne peut pas séparer de sa mère. Si vous voulez, nous pourrions...

- Non ! »


La voix de Jonathan était plus forte qu'elle ne l'avait été depuis bien longtemps. Quand Lukas le regarda, il fit :

« Lukas, vous avez accompli votre serment — vous m'avez ramené sur ma terre natale et parmi mes amis. Je ne suis pas aussi impuissant que vous semblez le croire et bien que je sais que vous avez de bonnes intentions, je sens que je vais devenir fou si je n'ai pas un peu d'intimité ! Je ne peux pas vous faire quitter cet endroit mais je PEUX exiger d'avoir cette chambre pour moi tout seul. Si vous insistez pour dormir ici, j'irais en bas d'une façon ou d'un autre et je dormirai dans la cuisine, si nécessaire ! »

Lukas secoua la tête.

« Plus il guérit, plus il se montre obstiné. Très bien. Je suppose que vous êtes suffisamment en sécurité pour l'instant. Si je ne peux pas être à vos côtés, alors je vais prendre d'autres précautions. »

Il se rendit aux portes du balcon, sortit un crucifix de sa poche puis le pendit à la poignée.

« Cela suffira jusqu'à ce que je puisse vraiment fortifier cette pièce. »

Il s'inclina devant Jonathan.

« Puissiez-vous faire de beaux rêves, mon bon monsieur. »

Il partit.

« Jonathan semble très inquiet, fit Mina. J'aurais cru qu'une fois en Angleterre, ses problèmes seraient terminés mais il est si mal à l'aise. Lucy... »

Mina posa une main sur le bras de son amie.

« Le docteur Seward pourrait-il venir ici ? Il pourrait peut-être rassurer Jonathan.

- Mina, c'est une excellente idée ! s'exclama Lucy. Et puisque Jack examine l'esprit comme le corps, il pourra nous dire si les problèmes de Jonathan sont d'ordre physique ou bien...

- Lucy, arrête.

- Mina, il faut que tu affrontes la vérité. Après tout, cet autre est revenu complètement fou de Transylvanie et Jonathan pourrait très bien avoir été soumis à la même influence. Tu m'as dit toi-même qu'il n'agissait pas très normalement. »


Lucy était assise à côté de Mina sur un sofa dans le salon et elle se leva pour aller au bureau et écrivit une note brève.

« Je vais envoyer un des valets le chercher tout de suite.

- Mais il se fait tard.

- Oh, ça ne le gênera pas, fit Lucy d'un ton insouciant. Il viendra sur-le-champ pour moi.

- Oui, j'en suis sûre mais est-ce correct de le lui demander ? »

Lucy lui lança un regard d'incompréhension. Elle ne s'était jamais demandé si elle avait le droit de demander tout ce qu'elle désirait.

« Aucune importance. Oui, demande-lui. Je me sentirai beaucoup mieux une fois qu'un bon docteur anglais l'aura vu. »

« Renfield était assis d'un air presque guindé sur la chaise devant le bureau de Jack Seward. Seward levait de temps en temps les yeux des notes qu'il prenait pour l'étudier. Renfield racontait une hallucination particulièrement vive. Il croyait que son mystérieux 'maître' lui avait rendu visite la nuit précédente.

« Et vous croyez qu'il est venu vous protéger d'un des membres du personnel ?

- Oh, non. non. Il a d'autres affaires ici, des affaires beaucoup plus importantes. »

Renfield sourit fièrement.

« Mais il est venu s'assurer que j'allais bien et qu'on ne me maltraitait. Il va m'emmener avec lui quand son autre affaire sera finie.

- Et quelle est cette autre affaire, Robert ? »

Le sourire de Renfield devint connaisseur.

« Oh, ce serait cafarder. Mais je peux vous assurer qu'avant son départ, les gens le connaîtront. »

Il hocha la tête.

« Oui, certaines personnes le connaîtront VRAIMENT. »


Il marqua une pause.

« Je vais lui demander de tuer Bamford. »

Seward avait de nouveau écrit mais il s'arrêta pour lever rapidement les yeux.

« Pourquoi ? »

Renfield se mordit la lèvre en détournant le regard.

« Je vais lui demander d'épargner l'autre — Prosser. Il n'est pas méchant, pas comme Bamford. »

Renfield fit une grimace.

« N'est-ce pas un nom horrible ?

- Qu'y a-t-il de si mauvais chez Bamford ? »

Renfield tourna des yeux hantés vers Seward et murmura :
« Il est comme ce démon — Rock, le dur. Peut-être pas aussi mauvais, mais il n'est pas aussi fort, vous voyez. Ce n'est qu'un monstre HUMAIN.

- Mais que fait-il ?

- Il n'a rien fait. Il n'en a pas eu l'occasion. Prosser était là.

- Robert, je dois savoir ce que Bamford vous a fait. S'il a enfreint le règlement, il doit être puni.

- Il le sera, mais pas par vous.

- Dites-moi pourquoi vous pensez qu'il doit mourir.

- Vous le savez.

- Renfield, si vous ne me le dites pas... »


Renfield montra soudain ses dents, ses yeux luisants.

«  Il veut me baiser. »

Seward flancha. Pendant de longs moments, Renfield semblait presque sain d'esprit et puis il y avait des excès comme celui ci, un éclair soudain de grossièreté ou d'agressivité qui contrastaient totalement avec son comportement d'ordinaire doux. Robert poursuivait :

« Là ! Maintenant, je l'ai dit et vous pouvez l'écrire dans votre petit livre — ou peut-être pas ? Peut-être que vous allez écrire que je le crains sexuellement. »

Il renifla.

« On ne dirait pas que je suis bouleversé, hein ? »

Jack posa son stylo.

« Vous n'avez pas peur de moi, Robert. »

Le regard que Renfield lui lança était presque amusé.

« Vous n'entrez pas vraiment dans la même catégorie, docteur. »


Jack se sentit rougir et Renfield secoua la tête.

« Ce n'était pas une insulte. Ce que nous avons fait ensemble... »

Sa voix mourut et il se lécha les lèvres. Seward sentit une vague de chaleur.

« Ce n'est pas la même chose. Je le voulais. »

Il sourit à nouveau.

« Vous ne m'avez pas forcé mais si je ne peux pas en dire de même de Bamford, c'est uniquement parce qu'il n'en a pas eu l'occasion. Il le fera, vous savez. »

Il trembla en paraissant soudain petit et perdu.

On toqua à la porte et Prosser l'ouvrit. Seward fit d'un ton sec :

« Je vous ai dit que je ne voulais pas être dérangé que je suis ici avec un patient.

- Je ne l'aurais pas fait, monsieur, fit Prosser d'un ton d'excuse, mais nous avons reçu un message du manoir Westenra et j'ai pensé que vous aimeriez qu'on vous le dise.

- Oui, bien sûr. De quoi s'agit-il ?

- Ils ont envoyé un message. »


L'homme entra et tendit le message au docteur. Alors que Seward ouvrait l'enveloppe et prenait la note, Prosser sentit qu'on tirait sur la jambe de son pantalon. Il s'était arrêté juste à côté d'une chaise et il baissa les yeux pour découvrir Renfield qui le regardait. Le petit homme lui lança un sourire doux.

« Salut, jeune homme. On a une bonne visite avec le médecin ?

- Pas aussi bien qu'elle pourrait l'être, fit Renfield en caressant sa propre cuisse, si vous n'étiez pas entré brusquement. »

Prosser déglutit. C'était un homme marié — il aimait sa femme et aimait ce qu'ils faisaient au lit. Il n'aurait jamais cru qu'il songerait à un homme de façon sexuelle mais il y avait quelque chose chez Renfield — petit et doux, fou et sage, tout cela en même temps.


Jack mit la note dans sa poche et referma son carnet de notes.

« Je dois partir tout de suite. »

Il se leva et prit sa mallette de médecin.

« Ramenez Renfield dans sa chambre, Prosser. »

Il partit rapidement.

Renfield leva les yeux sur Prosser en le regardant à travers les cheveux qui lui étaient retombés sur les yeux. Il gloussa.

« Oui, Prosser — emmenez-moi dans ma chambre, s'il vous plaît. »

Il caressa cette fois la cuisse de Prosser.

Prosser tendit la main et le prit par le bras pour le mettre debout.

« Pas de ça, » fit-il rudement.

Renfield haussa les épaules.

« Comme vous voulez. »

Il gloussa à nouveau.

« Mais ça ne me gênerait pas... »

Jonathan se radossa contre son oreiller en soupirant. Personne ne m'écoute. Je ne crois pas qu'on m'ait jamais écouté depuis la mort de ma mère. Il réfléchit un moment puis songea : Non, c'est faux. Ils m'ont écouté au château — je crois.

Il y avait quelque chose qui le dérangeait depuis qu'il avait repris conscience. Il ne pouvait pas se souvenir clairement de ce qui était arrivé avant qu'il se réveille dans l'infirmerie du couvent. Il savait qu'il s'était d'abord trouvé dans l'église du village, et c'était plus parce qu'on le lui avait dit que parce qu'il s'en souvenait, et avant ça...


Il se souvenait clairement de son bouleversement lorsqu'il avait appris les ennuis de Renfield et son mécontentement de ne pas avoir le temps de lui rendre visite avant de partir à l'étranger. Le voyage lui-même n'était qu'une série d'impressions — des wagons, des auberges bondées et des calèches secouées dans tous les sens. Plus clairement, il y avait le souvenir d'une route rude, presque sauvage, dans des ténèbres qui tombaient rapidement, écouter les sons de la nature sauvage et puis... Bleus. Des yeux bleus.

Il secoua la tête mais c'était la chose la plus claire dont il pouvait se souvenir dans ce voyage — ces yeux. Il y avait quelque chose de familier chez eux, comme s'il avait déjà plongé dans ces yeux il y avait fort longtemps. C'était bien sûr impossible.


Il songea au prince Draculea et sourit un peu en songeant à ce que son père aurait pensé de lui. Harker senior détestait tout ce qu'il considérait comme un peu exotique et le prince transylvain était tout à fait ça. Jonathan songea à l'homme âgé dans sa robe en velours riche, ses cheveux blancs flottant dans son dos en une tresse, ses taches de vieillesse, des mains légèrement noueuses sur les bras de son fauteuil. Il avait des ongles comme ceux d'un Mandarin, mais cela lui allait bien. Les Mandarins le faisaient pour montrer qu'ils n'avaient pas besoin de travailler, mais il avait l'impression que Draculea se moquait royalement de ce qu'on attendait de lui, tout simplement.

Il était gentil, pas vrai ? Le prince était un parfait étranger mais je me suis senti comme chez moi — plus chez moi que dans la propre maison de mon père. Je sais que Draculea ne me méprisait pas, comme je l'aurais attendu de quelqu'un de son rang. Jonathan ferma les yeux. Son temps au château était le plus étrange de tous. Il savait qu'il devait se souvenir — il savait qu'il aurait dû VOULOIR se souvenir — mais l'incertitude était plus réconfortante que bouleversante.


Tout ce qu'il savait, c'était que quelque chose de terrible s'était produit là-bas. On l'avait attaqué, il en était sûr, mais qui ? Il avait l'impression de quelque chose de tordu et de déformé — quelque chose qui n'était pas vraiment humain. Il avait fui en courant aussi loin que possible, en grimpant... Oui, il s'était retrouvé sur le toit du palais puis il avait été au bord d'un grand à-pic. Et ensuite... ensuite...

Voler. J'en ai souvent rêvé et cela y ressemblait tellement... Peut-être que c'ÉTAIT un cauchemar. Non, pas voler — tomber. Je suis tombé dans l'obscurité mais il y avait quelqu'un là-bas — quelqu'un qui me tendait la main. Quelqu'un est venu me sauver mais trop tard. Peut-être que si je me concentre, si je réfléchis assez fort, je pourrais voir son visage.


« Mister Harker ? »

Jonathan ouvrit les yeux pour découvrir un homme qui se tenait à l'entrée. Il avait la trentaine et était plutôt beau, bien qu'ayant l'air un peu hagard.

« Je suis désolé de vous avoir réveillé. Je suis le docteur Jack Seward. »

Jonathan remarqua alors la mallette noire que l'homme portait.

« Je suis le directeur de l'asile Seward, juste en bas de la route. Miss Westenra m'a fait savoir que vous étiez arrivé et elle m'a demandé de vous examiner. »

Il se rapprocha en posant la mallette sur le lit et il serra la main à Jonathan.

« Merci. Ce sera bien d'avoir un vrai docteur pour m'examiner. Je pourrais peut-être convaincre enfin tout le monde que je ne suis pas aux portes de la mort. »


Seward ouvrit la mallette et en sortit un stéthoscope.

« Je suis sûr que ce n'est pas le cas, mais nous voulons apaiser l'esprit de ces dames, n'est-ce pas ? Ouvrez votre chemise, s'il vous plaît.

- Très bien. »

Jonathan ouvrit sa chemise tandis que Jack mettait le stéthoscope autour de son cou. Le docteur se préparait à mettre les bouts dans ses oreilles lorsqu'il s'arrêta brutalement.

« Ma foi ! Lucy ne m'avait pas dit que vous étiez autant amoché. »

Jonathan baissa les yeux. Son torse était tacheté de bleus violets, lavandes et verts aux bords, et quelques éraflures sombres.

« Ils vont beaucoup mieux. Ils étaient positivement effrayants au début. »


Seward observa les blessures de près et tâta un large bleu sur les côtes de Jonathan. Le jeune homme siffla doucement et Seward fit :

« Désolé. Vous avez du mal à respirer ?

- Non.

- Bien. Et pas de douleur aiguë, pas l'impression que quelque chose racle à l'intérieur ? »

Jonathan secoua la tête.

« Très bien. Je doute sincèrement que vous ayez des côtes fêlées. À en juger par les marques, vous avez eu de la chance.

- Oui. Je crois que toutes ces blessures sont arrivées lorsque j'ai été projeté contre les rochers dans la rivière. J'ai eu de la chance que mon cerveau n'ait pas été réduit en purée ou bien que je ne me sois pas noyé. »

Seward mit son stéthoscope.

« Ne bougez plus, mister Harker, et respirez quand je vous le dirais. »


Seward bougea le disque plat de l'instrument sur le torse de Jonathan pour écouter son cœur et ses poumons. Tout semblait correct — fort, régulier et clair. Seward tenait le disque d'écoute entre son pouce et son index et il avait déplié ses autres doigts pour bien le tenir. Il se rendit compte que ses doigts étaient posés sur de la peau chaude et douce. Son petit doigt reposait juste à côté d'un mamelon brun et il vit que la chair s'était un peu redressée, la peau se fronçant. Il se surprit à regarder puis songea : C'est à cause du froid — j'aurais dû réchauffer le métal avant de l'examiner.

« Pouvez-vous vous asseoir et vous penchez en avant, mister Harker ? J'ai besoin d'écouter à partir de votre dos.

- Bien sûr. Je ne sais pas à qui vous avez parlé — Lukas, Mina ou Lucy — mais je n'ai pas réussi à les convaincre que je n'étais pas du tout invalide.

- Peut-être que non, mais vous ne devez pas être trop impatient de vous lever et de marcher, mister Harker. Un patient pense souvent qu'il va beaucoup mieux et son état empire car il essaie de faire trop de choses trop tôt. »

Seward retira la chemise ouverte de Jonathan et ausculta à nouveau, sa main bougeant cette fois sur le dos nu de Jonathan. Il murmura des excuses lorsque Jonathan grimaça quand il effleura une croûte. Il s'arrêta lorsqu'il découvrit qu'il songeait à faire courir son doigt sur la colonne vertébrale de Jonathan, de haut en bas.


Si Jonathan avait été un autre patient, Jack lui aurait demandé de retirer son pantalon pour qu'il puisse estimer les blessures dans ses membres inférieurs. Au lieu de ça, il se contenta de plier gentiment les genoux et les chevilles de Jon pour s'assurer de leur mobilité. Finalement, il posa son instrument en faisant :

« Eh bien, mister Harker. Je suis sûr que ça n'a pas été une partie de plaisir mais ce n'est pas si mauvais que ça. J'ai vu des gens bousculés dans une chasse dans un état pire que le vôtre.

- Alors je n'ai pas besoin de rester en convalescence ?

- Pas longtemps. J'aimerais que vous preniez une bonne nuit de sommeil ce soir et que vous restiez au lit demain une partie de la matinée. Vous venez juste d'achever un long voyage et un peu de repos ne sera pas de trop. Puis, si vous prenez garde à ne pas trop vous fatiguer tant que vos blessures vous gênent encore, vous devriez aller très bien.

- Mais je PEUX me lever et je n'aurai pas besoin d'une infirmière ?

- Je ne crois pas. »

Il sourit.

« À moins que vous en vouliez une. Lucy et Mina semblent déterminées à vous cajoler.

- Je suis sûr qu'elles ont les meilleurs intentions du monde mais plus tôt elles comprendront que je vais bien, plus tôt nous pourrons renvoyer mon escorte en Europe. »


Il hésita.

« Docteur Seward, vous êtes psychiatre ?

- Oui, mais je suis aussi médecin, donc je suis tout à fait qualifié pour...

- Oui, je comprends. Je voulais juste vous demander... Si quelqu'un avait une manie religieuse et même... »

Il déglutit.

« S'il se mutilait à cause de ses croyances. Cette personne serait-elle un danger pour les autres ? »

Seward fronça les sourcils.

« Ce serait dur à dire sans un examen intensif. Certains ne sont un danger que pour eux-mêmes alors que d'autres peuvent montrer des tendances violentes, surtout envers ceux qui violent leur... »

Lucy entra en portant une chemise de nuit sous son bras.

« J'ai apporté quelque chose que vous pourrez porter pour dormir, Jonathan. »


Elle la déposa au pied du lit puis glissa sa main sous le bras de Seward.

« Comment va-t-il, Jack ? Ce pauvre chéri ne cesse de nous dire qu'il va bien mais je suis sûre qu'il doit être dans un triste état. »

Elle parla d'un ton qui indiquait qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'on la contredise.

Jonathan voulut rouler des yeux lorsque Seward lui offrit une réponse apaisante.

« Il aura juste besoin de quelques soins, Lucy. Il devrait pouvoir se lever et marcher en un rien de temps. »

Elle fronça joliment les sourcils, apparemment réticente à abandonner ses rêves d'être un ange de miséricorde, puis elle songea à quelque chose.


« Bien. Nous avons un petit souper demain et vous pourrez vous joindre à nous, Jonathan. Vous ne devinerez jamais qui vient nous rendre visite — un noble du pays que vous avez justement visité, un comte. En fait, je crois qu'il est lié à votre client. Son nom n'était-il pas Dracula ?

- Pas loin, Lucy, fit Jonathan. C'était le prince Draculea. Si cet homme est noble, il est possible qu'il appartienne à l'une des branches de la famille du prince. Si je me souviens bien, le prince n'avait pas de proches parents. J'aimerais le rencontrer. Il a peut-être des nouvelles du prince. Je regrette d'être parti sans lui parler à nouveau. Je crains qu'il ne se soit inquiété pour moi.

- Je suis sûre qu'il pourra lui écrire que vous allez bien. Alors, Jack, vous pensez qu'il ira suffisamment bien pour venir dîner demain soir ?

- Je pense que oui, s'il se repose jusque là.

- Dans ce cas, je vais préparer des vêtements pour vous, Jonathan. Il est trop tard pour demander à Arthur de nous en envoyer mais je pense que la couturière pourra modifier à temps des vêtements de Père. Allons, Jack, je vais vous raccompagner comme une bonne hôtesse. Jonathan, la corde pour sonner se trouve juste à côté de la tête du lit. Sonnez si vous avez besoin de quoi que ce soit, et quelqu'un viendra sur-le-champ. Bonne nuit. »


Seward lui dit au revoir et ils laissèrent une lampe allumée sur la table de nuit. Jonathan resta allongé un moment et songea ironiquement : Et voilà les soins dévoués de miss Lucy. Un serviteur s'occupera de mes besoins durant la nuit.

Pourtant, il n'était pas déçu que Lucy ne s'occupe pas personnellement de lui. Son flirt l'avait toujours mis mal à l'aise et à présent qu'elle était fiancée, cela semblait encore moins innocent.

Il s'assit en balançant ses jambes sur le bord du lit et il commença à se déshabiller. Il voulait se changer rapidement, de crainte que Lukas n'apparaisse et ne propose de le faire pour lui. Il était un peu rigide mais il se débrouilla. Juste par prudence, il ne se leva pas pour ranger ses vêtements mais il les plia au pied du lit avant de se glisser sous les couvertures.


Finalement il éteignit la lampe, s'allongea et regarda le plafond noyé dans les ombres. Comme c'est étrange d'être enfin de retour en Angleterre. Je devrais me sentir chez moi — mais ce n'est pas le cas. C'est certainement parce que je suis chez Lucy ? Mais si c'est le cas... Je ne peux pas m'imaginer un endroit où je serais chez moi. Pas avec Père. Et mes propriétaires à Londres étaient gentils mais pourtant...

Il pressa son visage contre son oreiller et s'endormit. Il rêva de montagnes sauvages et de forêts, de murs de pierre menaçants, de grandes pièces pourtant familières et accueillantes grâce aux gens qui vivaient là. Il rêva de ces choses et au plus profond de lui, il savait que c'était chez lui.

« Je regrette que tu ne viennes pas avec nous, Simion, » fit Rill.

Simion termina d'ajuster la cravate blanche de Rill en brossant une dernière fois le revers de son costume.

« Mais je viens avec vous. »

Rill fit la grimace.

« Tu sais ce que je veux dire. Tu seras là mais Salazar et toi mangerez dans la salle des serviteurs. Je n'aime pas ça. »

Sinn lui tapota l'épaule.

« Mais tu sais comment sont les choses, *chéri*. Le reste du monde ne pourrait pas comprendre la position unique de Simion parmi nous. Simion, mon ami, aide-moi. »

Il tendit une paire de boutons de manchettes en perle.

« Je n'arrive tout simplement pas à les mettre aussi nettement qu'il le faudrait. »


Simion fit ce qu'on lui demandait mais il dit :

« Tu es sûr de vouloir les porter, Sinn ? Je crois que les classes supérieures ici favorisent généralement des choses plus simples — comme l'or pur ou l'argent.

- Je sais, je sais. Mais je me sacrifie déjà en portant leur morne noir — je peux bien me permettre une petite touche çà et là. En plus... »

Il admira la lueur des boutons de manchettes.

« Je pense que mister Morris va les apprécier. J'ai entendu dire que les Américains peuvent apprécier un ornement occasionnel et ces Texans sont plus flamboyants que la plupart. »

Draculea était rentré dans la pièce.

« Souviens-toi juste de l'endroit où tu te trouves, Sinn. Je ne vais pas t'interdire un peu d'amusement mais sois prudent. Si une alarme se déclenche à cause de toi, je serai très mécontent. »

Il n'avait pas besoin de dire les pénalités encourues si on provoquait son mécontentement.


Simion avait rasé Draculea et lui avait coupé les cheveux, bien qu'ils ne soient toujours pas aussi courts que d'ordinaire parmi la petite noblesse anglaise. Habillé dans ses vêtements de soirée, il ne ressemblait qu'à un homme beau et vigoureux dans la quarantaine. Même si Jonathan n'avait pas connu cette chute désorientante dans la rivière, ainsi que le coup à la tête, il aurait eu du mal à reconnaître Dracula comme le prince âgé Draculea.

« Je veux que vous tendiez l'oreille pour avoir des nouvelles de Jonathan. Mais tâchez de ne pas être trop ostensibles. Pour autant que nous le sachions, aucun de nous ne l'a rencontré alors nous devons faire attention à ce que nous dirons. En ce qui les concernent, Jonathan a rendu visite à un de mes parents lointain, âgé et très excentrique.

- Oui, fit Rill en souriant. C'est faire semblant, comme si on jouait une pièce — mais en plus important. Je n'oublierai pas. »

Draculea s'approcha de lui et lui caressa les cheveux.

« Je sais, Rill. Tu n'oublies jamais les choses importantes. »

« Arthur, je suis si contente que votre mère ait pu venir, fit Lucy. J'ai bien peur que nous ne serons pas bien équilibrés puisque nous aurons huit hommes et seulement trois femmes, mais je ne pouvais pas inviter quelqu'un de convenable en si peu de temps.

- Vous voulez dire que vous ne pouviez pas inviter quelqu'un qui ne serait pas en compétition, » fit sèchement Arthur.

Il regarda l'endroit où sa mère était assise dans un canapé entre mister Westenra et Mina Murray, avec Quincy Morris et Jack Seward occupant des fauteuils non loin.

« Et elle est plutôt agacée, vous savez. Quand elle a découvert que vous l'aviez prise de vitesse pour être l'hôtesse, elle m'a presque arraché la tête — de façon très digne, bien sûr. Huit hommes ?

- Père, vous, le comte et ses deux compagnons, mister Morris, Jack Seward et Jonathan.

- Si vous vouliez de l'équilibre, vous n'aviez pas besoin d'inviter Seward — vous auriez pu alors avoir un homme assis à côté de chaque dame.

- Oh, Arthur, je ne POUVAIS pas ignorer ce pauvre Jack comme ça. Cela aurait été cruel, surtout qu'il a été assez gentil pour venir examiner Jonathan si tard hier soir.

- En parlant de Harker, il se porte assez bien pour assister au dîner ? Vu la façon dont vous en parliez l'autre jour, je m'attendais à le voir prostré.

- Jack semble penser qu'il va bien et j'en suis ravie. Je dois admettre que cela aurait été un peu ennuyeux s'il n'avait pu que bouder au lit. Je suis sûre que Mina aurait passé son temps à s'occuper de lui et nous n'aurions plus pu passer de temps ensemble. »


Le maître d'hôtel arriva à la porte et annonça :

« Le comte Dracula, mister Rill et mister Barbee. »

Lucy s'avança en tendant la main alors que les trois hommes entrèrent.

« Bienvenus, gentilshommes. Je suis si ravie que vous ayez pu venir. »

Dracula prit sa main et la tint un moment. Rill la serra timidement et Sinn la leva en déposant un baiser fantôme sur le dos de sa main. Lucy se retint de glousser mais ce fut dur.

« Une telle galanterie ! Je vous en prie, laissez-moi vous présenter aux autres. Voici Lady Holmwood, et vous avez déjà rencontré son fils, Lord Holmwood, et mister Morris... »

Lukas observait Jonathan, la désapprobation évidente dans son expression. Il était entré alors que le valet de pied envoyé par Lucy aidait pour les dernières touches de son apparence.

« Cela ne sert à rien de faire la tête, fit Jonathan. Le docteur a dit que je pouvais descendre si je le souhaitais et c'est ce que je vais faire. Je refuse qu'on me traite comme un invalide. Vous pouvez voir que je suis tout à fait capable de m'occuper de moi tout seul et vous pouvez commencer à prévoir votre voyage de retour.

- Nous verrons, mister Harker. J'ai eu une courte conversation avec mister Westenra. C'est un homme très raisonnable et considéré. Il a dit que je ne devais pas songer à repartir tout de suite et que je pouvais rester ici un moment. »

Lukas sourit.

« J'ai exprimé un intérêt pour discuter avec le clergé local afin de parler de questions théologiques. »


Jonathan le regarda d'un air acéré et songea : Il sait que je ne pourrais pas me justifier si je leur demandais de faire partir un homme qui souhaite étudier la religion — sans paraître grossier ou déraisonnable. Je crois que Lukas est plus astucieux qu'on pourrait le penser.

Lukas fit :

« Mister Harker, vous ne trouvez pas étrange que les invités de ce soir viennent précisément du pays que vous venez de quitter ?

- C'est une coïncidence, mais rien de plus. »

Le valet termina d'ajuster la veste de Jonathan.

« Là, monsieur. On dirait qu'il a été fait pour vous. Dois-je dire à miss Westenra que vous descendrez bientôt ?

- Inutile — j'arrive dans une minute ou deux. »


L'homme partit et Jonathan se tourna vers Lukas.

« Je m'attendais à ce que vous contredisiez ce que je viens de dire, Lukas. Vous n'êtes pas d'accord pour dire que c'est une coïncidence ?

- Ce serait l'explication la plus probable, concéda l'homme. Mais certaines choses qui semblent être des coïncidences ont parfois une réalité plus profonde. Je vous implore d'être prudent ce soir, jeune homme. »

Jonathan s'arrêta à la porte.

« Je vais juste à un dîner, Lukas — je ne vais pas rencontrer mon destin. »

Une fois que tout le monde avait été présenté et qu'on leur avait servi un verre de sherry, la conversation polie débuta. Étant le visiteur le plus important, le comte Dracula était assis entre lady Holmwood et mister Westenra, l'hôte.

Lucy tenta de manipuler les autres groupes de conversation et elle y parvint — en grande partie. Elle avait prévu que Mina divertisse Arthur et Jack tandis qu'elle tenait sa cour avec Sinn, Rill et Quincy. Cependant, après seulement quelques instants, Sinn vida son verre et fit :

« Je crains de m'être montré inconvenant mais c'est un si bon sherry. Miss Westenra, pensez-vous que je pourrais en avoir encore un peu ? »

Lucy était en train de faire rougir Rill et elle fut ennuyée de devoir s'arrêter mais, en tant qu'hôtesse, elle ne pouvait ignorer cette requête.

« Bien sûr, mais le valet a ramené la bouteille dans le bureau de mon père, quel homme stupide. Je vais le faire sonner. »


Elle prit sa robe pour se lever mais Quincy fit rapidement :

« Ne prenez pas cette peine, miss Lucy. Si cela ne vous gêne pas, je serai fier d'aller le chercher pour mister Barbee.

- Vraiment, Quincy ? Vous êtes un tel amour. »

Sinn se leva.

« Inutile d'aller la chercher, monsieur. J'ai besoin de me dégourdir les jambes, alors avec l'aimable permission de miss Westenra, je vais vous accompagner. »

Lucy n'aimait pas l'idée de perdre un autre admirateur mais elle ne pouvait pas vraiment se plaindre aussi sourit-elle gracieusement. Les deux hommes se dirigèrent vers la porte. Dracula, qui souriait à lady Holmwood alors qu'elle racontait certaines rumeurs locales, croisa le regard de Sinn et lui lança un regard d'avertissement. Sinn le lui rendit en haussant les épaules de façon presque imperceptible.


Dans le bureau, Quincy s'approcha des carafes et les observa. Il prit une bouteille en verre et se retourna. Il fut surpris de trouver Sinn presque tout à côté. Quincy se flattait d'être toujours conscient de ce qui se passait autour de lui, et un homme qui pouvait se déplacer aussi silencieusement que Sinn Barbee devait être surveillé. Le Français lui sourit. Surveillé pour toutes sortes de raisons, songea-t-il.

« Je pense que c'est le sherry. »

Sinn ne regarda même pas la bouteille. Il leva son verre.

« Vous avez de bons yeux, mister Morris, alors je suis sûr que vous avez raison. »

Quincy servit un peu du liquide ambré dans le verre de Sinn et remit le bouchon sur la bouteille. Il posa la bouteille et observa l'autre homme prendre une gorgée.

« Oui, vous aviez bien raison. C'est une boisson très agréable, le sherry. »


Il tourna le verre dans sa main en étudiant le contenu.

« Mais j'ai pourtant l'impression que ce ne serait pas ce que vous choisiriez en premier. Le sherry, je pense, est un peu trop délicat pour vous, mister Morris. Vous me donnez l'impression d'être un homme avec de forts appétits. Je pense que votre boisson habituelle doit être le whisky. »

Il marqua une pause.

« Pur ?

- Je rajoute un peu d'eau parfois. Je parie que vous aimez les vins les plus exotiques.

- J'apprécie un bon crû. »

Sinn vida son verre puis dépassa Quincy pour poser le verre sur la table.

« Mais j'aime aussi des rafraîchissements plus robustes. Je pense que l'Amérique pourrait me fournir quelque chose que j'aime. »
Il regarda Quincy en souriant légèrement.

« Quelque chose de fort, presque irrésistible — peut-être un peu brut mais avec de... l'autorité. »


Quincy regarda Sinn en sentant une pointe de plaisir et d'excitation. Il semblait que les espoirs qu'il avait fondés depuis sa première rencontre avec cet homme allaient porter leurs fruits. Bien que Sinn présentait une apparence élégante, Quincy songea que ce Français pourrait être un défi sur plusieurs niveaux. C'était ce que Quincy voulait — ce dont il avait BESOIN — quelqu'un qui pourrait se montrer aussi féroce dans sa soumission que Quincy l'était dans son agression.

Quincy allait dire quelque chose, il ne savait pas encore quoi, quand on toqua à la porte. Elle s'ouvrit et Rill jeta un regard à l'intérieur.

« Miss Westenra veut savoir si vous allez revenir ou bien si elle doit simplement vous apporter votre repas sur un plateau. »

Il se renfrogna légèrement.

« Je crois qu'elle plaisantait. »


Alors qu'ils se dirigeaient vers la porte, Quincy fit :

« J'espère que miss Lucy nous a placés ensemble. C'est une conversation que j'aimerais poursuivre. »

Sinn acquiesça.

« Ou peut-être développer. »

Alors qu'ils marchaient dans le couloir, Quincy fit à Rill :

« Pourquoi avez-vous toqué lorsque vous êtes venu nous chercher ? »

Rill lui lança un regard qui indiquait qu'il venait de poser une question stupide.

« Vous étiez seul avec Sinn, n'est-ce pas ? »

Jonathan s'arrêta au pied des escaliers. L'un des valets s'inclina en disant :

« Dans le salon bleu, monsieur, juste à votre gauche au fond du couloir.

- Merci.

- Laissez-moi vous annoncer. »

Il précéda Jonathan dans le salon. En se mettant sur le côté, il fit :

« Mister Jonathan Harker. »

Il s'inclina et partit alors que Jonathan entra dans la pièce.

Lucy bondit sur ses pieds et se rua vers lui. Mina fut plus posée mais elle vint tout de même et chacune prit l'un de ses bras.

« Cher Jonathan, fit Lucy avec exagération. Comme c'est courageux de votre part d'être descendu ici par vous-même. Vous DEVEZ vous asseoir tout de suite.

- Oui, acquiesça Mina. Vous n'auriez pas dû vous forcer juste pour être sociable. »


Lucy et elle le conduisirent vers un fauteuil et le jeune homme les laissa faire — il était trop bien élevé pour les repousser.

« Je suis sûre que cela n'aurait pas gêné nos invités si vous étiez resté en haut pour vous reposer.

- Vous avez tort, miss Murray. »

La voix était profonde et familière. Jonathan s'était assis et il se redressa alors pour se tourner vers cette voix. Quand il vit celui qui avait parlé, il eut un soudain vertige, un sentiment qu'il avait déjà connu avant. Cet homme était étranger mais c'était comme si un souvenir confus avait surgi des profondeurs de son inconscient pour apparaître seulement une fraction de seconde avant de disparaître à nouveau en le laissant confus et frustré.


Jonathan retomba lourdement sur le fauteuil et Mina s'écria :

« Oh ! je savais que vous en faisiez trop !

- Non, je vais bien, » murmura-t-il.

L'homme s'était levé de son siège et il se rapprochait.

« Je ne sais pas. Je suis peut-être descendu trop vite. C'était juste.. »

Sa voix mourut alors que l'homme se pencha sur lui.


Vlad regarda le jeune homme. Il y avait tant de choses qu'il voulait faire — rugir de triomphe, prendre Jonathan dans ses bras et l'emmener loin de ces idiots, tomber à genoux et enfoncer son visage dans le giron de Jonathan comme il l'avait fait tant de fois avec Nicolae...

Il ne fit rien de tout ça car bien qu'il y ait eu une étincelle de reconnaissance dans les yeux de Jonathan, elle avait rapidement disparu. Ce n'était pas le moment. C'était à présent le moment pour la subtilité et la cour. Il tendit la main et après un moment d'hésitation, Jonathan la saisit.

« Laissez-moi me présenter. Je suis le comte Dracula et j'ai attendu de vous rencontrer... »

Sa poigne se resserra et Jonathan inspira mais ne tenta pas de retirer sa main.

« ... depuis ce qui m'a semblé être une éternité. »






Commentaires :


:

:

Pour insérer des émojis dans le message, appuyez sur la touche Windows et ; de votre clavier (pour Windows 10).

Derniers chapitres parus :
La Renaissance du Suprême Immortel 447 et 448
Lanterne 52
La Renaissance du Suprême Immortel 445 et 446

Planning des mises à jour :
Dimanche tous les quinze jours : Lanterne : le reflet d’une fleur de pêcher
La Renaissance du Suprême Immortel
Le Prince Solitaire