Child of the Night 114

Chapitre Cent quatorze : Sauvetage



L'an de grâce 1892
Le presbytère près de l'abbaye de Carfax


Le révérend Thomas Clairidge lisait un livre très intéressant qui s'intitulait 'L'église mystique et moderne'. Il sirotait une tasse de thé pendant que ses yeux parcouraient les pages et il secoua la tête. Toutes ces notions modernes étaient consternantes. Ces temps-ci les gens comptaient sur la science plutôt que sur Dieu. Ils voulaient une explication claire sur tout. Ils désiraient que toute chose dans l'univers soit quantifiée et cataloguée — il n'y avait pas de place dans leur vie radieuse pour l'inexplicable. Ils ratent tant de choses, songea-t-il, et je crains fort que s'ils font confiance à la science et la logique pour les protéger, ils se rendent vulnérables. Quand vont-ils enfin comprendre que l'on peut se servir de la science pour travailler pour notre Seigneur ? Il est possible de croire en les deux. Il est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de modèles à suivre mais il en existe quand même quelques uns.


On toqua à la porte d'entrée. Il resta immobile. S'il avait osé répondre à la porte pendant que sa bonne était là, cette bonne femme pourrait... Bon, elle ne le disputerait pas mais l'atmosphère du presbytère serait pendant quelques temps aussi glaciale qu'un matin de novembre. Mais la porte donnant sur le couloir était ouverte et l'entrée était plutôt proche, aussi écouta-t-il. Il y avait eu une ou deux occasions où Mrs Linton avait dit aux visiteurs que le vicaire n'était pas là alors que c'était FAUX. Comme beaucoup de gardiens d'hommes religieux, elle était devenue très protectrice. D'après le ton suspicieux de sa voix lorsqu'elle parla, il avait le sentiment qu'elle allait exercer cette protectivité.

« Désolée mais nous n'avons pas de travail pour vous aujourd'hui.

- Je vous remercie pour votre considération, m'dame. »

La voix de l'homme était grave et calme.

« Mais je ne suis pas venu pour chercher du travail ou la charité. Je souhaite voir le vicaire pour une question spirituelle. »

Cela intrigua Clairidge. Il ne reconnaissait pas la voix et les étrangers étaient une nouveauté dans cette paroisse. S'il voulait rencontrer cet homme, il ferait mieux d'agir au plus vite car Mrs Linton était en train de dire :

« Il est disponible pour des conseils après la messe, alors si vous vouliez bien revenir... »


Le vicaire franchit la porte de son bureau pour regarder dans le couloir. Mrs Linton était petite et l'homme de l'autre côté de la porte était plutôt grand — il n'avait aucun mal à l'apercevoir. Elle avait été trop loin dans ses préjugés lorsqu'elle avait confondu cet homme avec un clochard. Bien qu'il n'était de toute évidence pas un gentilhomme ni même un membre de la classe moyenne, ses vêtements étaient trop bons pour être ceux d'un de ces vagabonds qui étaient si courants ces jours-ci. Il héla :

« Mrs Linton. »

Elle se retourna et ses épaules s'affaissèrent un peu lorsqu'elle se rendit compte que le vicaire aller recevoir cet homme après tout.

« Veuillez apporter une nouvelle théière et une autre tasse pour mon visiteur. »

Elle acquiesça et se dirigea vers la cuisine tandis que le vicaire s'avança en tendant la main en signe de bienvenue.

« Je suis le révérend Thomas Clairidge. Veuillez entrer. »

L'homme lui serra la main.

« Je vous remercie, monsieur. Je suis Lukas Kreski. »

Il suivit le révérend dans son petit antre confortable et s'assit sur un petit canapé.

« Je suis navré de vous déranger chez vous. »


Clairidge fit un geste de la main.

« Monsieur, je suis un homme de Dieu et ce n'est pas une occupation qui a des horaires fixes comme ceux d'un marchand. Vous avez dit à ma bonne qu'il s'agissait d'une affaire spirituelle ?

– Tout d'abord, monsieur, je dois vous demander — est-vous un homme moderne ? Je veux dire, rabaissez-vous au rang de superstitions et d'absurdités toutes la sagesse et les croyances qui vous viennent de nos ancêtres ? »

Le révérend Clairidge le regarda d'un air solennel.

« Vous savez, j'étais justement en train d'y songer et je suis parvenu à la conclusion que je ne suis pas l'un d'eux. Je suis horriblement vieux-jeu et j'ai beaucoup de chance de vivre dans un milieu rural et paisible. Si j'étais dans une paroisse plus intelligente, je suis sûr que j'aurais été renvoyé depuis longtemps à cause de mon point de vue démodé sur des choses comme le péché et le mal. »


Lukas sourit, ses yeux verts s'illuminant.

« Vous me rendez espoir, monsieur. »

Il garda le silence alors qu'une Mrs Linton palpablement réprobatrice apportait un plateau de thé avec un petit plat de cookies simples. Ces quelques gâteries signifiaient : 'vous voyez bien que je n'ai aucun préjudice. Je vais traiter cette personne de basse extraction comme un invité mais je ne vais PAS l'encourager à se sentir comme chez lui.' Lukas attendit qu'elle soit partie avant de parler. Alors que le vicaire servait le thé, il fit :

« J'ai une longue histoire à vous raconter, monsieur — longue et étrange. Elle sera assez difficile à croire mais je vous supplie de m'écouter avec un cœur ouvert et croyant... »

Dracula venait à peine de se lever le soir et il se demandait si oui ou non il devrait se rendre au manoir Westenra. Il aspirait grandement à passer chaque moment possible en compagnie de Jonathan mais trop d'attention envers le jeune homme pourrait être suspicieuse. Tandis qu'il se débattait intérieurement, Rill entra dans la pièce et se dirigea droit vers lui.

« Maître ? »

Dracula cessa de faire les cent pas. Il avait une affection particulière pour Rill. Quand il était au plus bas, Rill lui avait offert une chaleur simple, du réconfort et de l'acceptation.

« Qu'y a-t-il, mon enfant ?

- Robert. Maître, vous m'avez promis qu'une fois que vous auriez retrouvé et récupéré votre bien-aimé, nous le libérerions de son emprisonnement.

- Ce n'est pas vraiment une prison, Rill. Tu sais que Robert est instable. Il se trouve à l’hôpital et le docteur là-bas essaie de le soigner. »

Le visage de Rill était têtu.

« Il y a des barreaux et des verrous sur les portes. Il dort sur un lit dur dans une chambre froide et nue. Il mange de la nourriture grossière et il est aux mains d'hommes encore plus grossiers. Maître, je vous en prie. Je crains que si nous ne le ramenions pas rapidement avec nous, il sera complètement perdu pour nous — pour le monde. »

Il inspira profondément puis fit simplement :

« Vous avez promis. »


Il n'avait jamais ignoré quand on faisait appel à son honneur.

« Oui, Rill — j'ai promis. Je ne peux pas t'aider cependant. Je dois rester à distance parce que si jamais quelqu'un le découvrait... »

Le visage de Rill était devenu brillant et empressé.

« Je sais ! Vous n'êtes pas obligé d'intervenir directement. Je peux le faire. Simion et Sinn vont m'aider. »

Sinn et Simion étaient entrés derrière Rill et Simion lança un regard interrogateur à Dracula. Quand Dracula hocha la tête, Simion fit :

« Nous allons aussi nous charger de ce chien qui s'occupe de lui. Le problème est qu'il faut s'assurer que Robert ne sera pas soupçonné de sa mort quand il disparaîtra ensuite. Laissons-les se concentrer sur la recherche de l'étranger qui aura tué le gardien, pas sur un innocent lunatique qui sera parvenu à s'enfuir dans la confusion qui s'ensuivra.

- S'il était avec quelqu'un ? fit Rill d'un ton interrogateur.

- Il faudra que ce soit quelqu'un d'autre qu'un patient, fit Sinn. Quelqu'un qui soit au moins nominalement 'respectable'.

- Je sais, fit Rill. Le docteur Seward, celui qu'on a rencontré chez les Westenra ? »

Il baissa la tête un moment en se mordant la lèvre, puis il releva les yeux.

« Il aime bien Robert. Parfois il lui rend visite — la nuit. »


Sinn eut un sourire connaisseur et Dracula haussa un sourcil, mais le comte fit simplement :

« Le docteur ferait un excellent témoin pour prouver l'innocence de Robert — s'il voudra bien admettre qu'il se trouvait avec Robert.

- Pourquoi ne le ferait-il pas ? »

Dracula étudia Rill en essayant de décider comment il devrait formuler sa réponse.

« Il pourrait vouloir que les gens ne sache pas que Robert est son ami spécial. Ils pourraient croire qu'il n'est pas un bon docteur pour lui.

- Mais il est le docteur de Lucy Westenra et c'est son amie. »

Sinn commença à rire mais quand Dracula et Simion lui lancèrent des regards acérés, il le masqua sous une toux. Puis il haussa les épaules comme pour dire 'peut-on me blâmer ?'. Tout le monde pouvait voir que le docteur soupirait après la petite blonde. Il ne pourrait sans doute jamais s'amener à céder à ses désirs puisqu'elle était une 'dame' mais il se laissait céder à sa nature avec Renfield. Après tout, Renfield était un homme, fou et il voulait ces rencontres. Cela permettait à Jack d'étouffer la petite voix accusatrice dans son esprit.


Simion fit :

« Je pense que ça ira, Domn. Seward s'inquiétera peut-être un peu pour sa réputation mais il trouvera une explication plausible. Renfield est son patient après tout. Et je pense que sa fierté anglaise à propos de l'honnêteté de ses compatriotes ne le laissera pas refuser un alibi mérité à Robert. Il n'aura pas besoin d'expliciter. Si quelqu'un suggère que Robert est le meurtrier, tout ce que Seward aura à dire est qu'il était avec Robert à ce moment. Je doute qu'on le questionnera plus à ce sujet.

- Alors allez-y, fit Dracula en posant la main sur l'épaule de Rill, avec ma bénédiction. Quand vous aurez libéré Robert, amenez-le ici directement. Cette abbaye a assez de chambres — même si nous avons des visiteurs, ce ne sera pas trop dur de le cacher jusqu'à ce qu'il soit temps pour nous de rentrer chez nous. »

Rill saisit la main de Dracula pour y déposer un baiser joyeux.

« Merci, mon seigneur ! Je vais bien m'occuper de lui, vous verrez. »

Dracula lui sourit affectueusement.

« Je sais, mon enfant. »

Asile Seward


Bamford alla ouvrir la porte de l'asile à laquelle on avait toqué. Il ouvrit la petite fenêtre barrée et regarda dehors en clignant des yeux de surprise.

« Prosser, qu'est-ce que tu fous là ? Je croyais que tu allais prendre encore une autre nuit de repos. »

Prosser était pâle et il semblait irrité et avoir mal.

« Je sais mais je vais bien. Ça me tuait de savoir que cet endroit n'avait pas assez de gardiens. »

Il lança à Bamford un regard acéré qui disait 'surtout avec TOI'. Bamford le laissa entrer. Alors qu'il reverrouillait la porte, Prosser fit :

« Alors, qu'est-ce qui s'est passé pendant mon absence ? Les enfants se conduisent bien ?

- Ouais, rien de plus que l'ordinaire. Y a eu un peu d'excitation l'autre jour. Deux bouseux locaux sont passés.

- Oh seigneur, soupira Prosser. Je croyais que Seward ne laissait pas les gens qui s'ennuyaient venir ici pour s'amuser.

- Ce n'était pas le cas. Ils ont rendu visite à l'un des zinzins. »


Cela surprit Prosser.

« Quoi ? tu veux dire que quelqu'un s'intéresse suffisamment à l'un de ces pauvres bâtards pour lui rendre visite ? Ceux de la partie de devant, ouais, mais je ne me souviens pas que quelqu'un soit déjà venu pour l'un des nôtres. C'était qui ? »

Bamford désigna Renfield qui était à nouveau assis sur le bas en regardant d'un air ravi la fenêtre barricadée près du sommet du mur.

« Lui ? mais je croyais qu'il n'avait pas de famille et que ses patrons l'avaient jeté ici.

- Ouais, mais apparemment il a au moins un ami dans le monde.

- Je suis surpris que Seward ait permis cette visite. Il a beau être fier des conditions humaines ici, il n'aime pas généralement que des étrangers traînent dans les environs.

- En fait, il ne l'a pas vraiment permis mais l'un d'eux venait du manoir Westenra. C'est un invité spécial ou un truc dans le genre. Il s'appelait Harker. Et l'autre était un fichu Yankee qui semblait sympathiser avec les zinzins. Il a parlé de leur envoyer de la viande spéciale. »

Prosser hocha la tête.

« Il était temps que quelqu'un le fasse. Le truc qu'on leur donne est presque de la nourriture pour cochon. »

Bamford renifla.

« Il voudra probablement les border la nuit. »


Il y avait un mépris malsain dans la voix de Bamford et Prosser le regarda d'un air sévère. Sa voix était dure lorsqu'il fit :

« Écoute — écoute-moi bien. Je t'ai déjà dit de t'éloigner de Renfield le soir ou à tout autre moment de la journée. C'est aussi valable pour les autres. Certains de ces zinzins ont de la famille dans la région. Ils ne leur rendent peut-être pas beaucoup visite mais ils s'intéressent toujours à eux et ils seront heureux de te punir hors de l'hôpital et tu peux penser que tu es du genre dur, mais ils t'apprendront ce qui est vraiment dur. Alors si jamais je découvre que tu as fait l'imbécile...

- C'est bon, c'est bon ! Tu n'as pas besoin de t'exciter pour ça, Prosser. Bon sang. Tu es tellement aux petits soins pour leur sensibilité qu'on pourrait croire que c'est une bande de gamines de douze ans. »

L'un des internés presque normal s'approcha des deux hommes. En se grattant la tête vigoureusement, il gémit :

« Monsieur, Renfield ne veut pas nous laisser le banc. Il y a été toute la soirée et moi et mon copain, on veut s'asseoir. Il n'arrête pas de parler au rat.

- Un rat ? fit Prosser en regardant Renfield. Où ça ? »


L'interné désigna le haut et Prosser suivit la direction indiquée jusqu'à la fenêtre barricadée. Il y avait un rat perché sur le rebord, sa petite truffe pressé contre les barreaux, ses moustaches frétillantes. Alors qu'il le regardait, l'animal émit des petits couinements aigus.

Renfield acquiesça.

« Oui, je comprends. Oh, je ne pense pas que ce sera un problème. Merci. Merci beaucoup. Je savais que... »

Le rat s'était assis sur ses pattes arrière et il regardait Prosser et Bamford. Il couina à nouveau, ses yeux fixés sur Prosser avec ce qui aurait pu être de l'intelligence humaine. Renfield se tourna lentement, son regard tombant sur Prosser. Il étudia le gardien et il y avait une lueur rusée dans son regard. Il fit doucement :

« Non, ce ne sera pas un problème, je pense. »

Renfield lança un nouveau regard au rat puis se leva et se dirigea vers sa chambre. Deux internés prirent rapidement possession du banc et cela entraîna une dispute avec les deux qui s'étaient plaints à Prosser.


Le temps que Prosser et Bamford séparent les quatre-là et règlent l'affaire, Renfield avait disparu dans sa chambre. Les internés circulèrent dans la cour ouverte pendant encore une heure ou deux jusqu'à l'heure habituelle de leur coucher. Ils commencèrent à se séparer, l'un allant dans sa chambre, puis un autre. Prosser expliqua à Bamford en des termes clairs qu'à présent qu'il était de retour, Bamford s'occuperait à nouveau du niveau supérieur.

Bamford grommela un peu mais Prosser était plus ancien. Ils allaient commencer à fermer les cellules lorsque Renfield apparut à la porte de sa chambre et héla :

« Mister Prosser ? Mister Prosser, pourrais-je vous parler un moment ? »

Prosser se dirigea vers la porte ouverte.

« Qu'y a-t-il, Renfield ? »

Renfield lança un regard significatif vers Bamford et murmura :

« Pas ici. Entrez et fermez la porte. »


Mal à l'aise, Prosser fit :

« C'est contre le règlement.

- Je vous en prie. »

Renfield lui lança un grand regard suppliant.

« Eh bien...

- Vous n'avez pas peur de moi ? »

Prosser hésita. Renfield semblait si inoffensif et docile. Où serait le mal ?

« Juste une minute alors. »

Il suivit Renfield dans la pièce.

Bamford les regarda disparaître en songeant aigrement que personne n'avait dit à Prosser de ne pas harceler les patients. Bien sûr, il n'avait jamais songé que cela pouvait être parce que Prosser n'avait jamais donné de raisons de le faire. La grande salle était vide à présent. Dès que Prosser sortirait, ils commencerait à fermer les portes et démarreraient leur ronde de nuit. C'était étrange de voir que cette pièce pouvait être silencieuse sans les marmonnements et les cris constants des internés. Le moindre bruit résonnait. Il n'aurait jamais entendu ce léger bruit durant la journée. Bien sûr, il n'aurait pas eu besoin de l'entendre. Si un rat avait sauté de la fenêtre du deuxième étage sur le sol durant le jour, les cris des internés auraient alerté n'importe qui dans les environs.


Bamford se retourna pour voir le rat brun accroupi sur le sol près du banc et qui le regardait avec des yeux rouges et en boutons de bottines. Il cilla de surprise. Il avait toujours supposé qu'un rat ressemblait aux autres mais il ne douta pas un seul instant que c'était le même rat qui l'avait attaqué dans la cellule de Robert Renfield. La joue de Bamford se raidit de détermination entêtée. Il avait fait de son mieux pour tuer ce rat la dernière fois et il allait foutrement réussir cette fois.

Le rat découvrit des dents jaunies et pointues et ce fut presque comme s'il lui souriait. Bamford prit sa matraque de sa ceinture et fit un pas vers le rat en tentant de deviner dans quelle direction il allait s'enfuir. Il croyait qu'il était prêt à ce que l'animal court dans n'importe quelle direction mais il se trompait. Le rat courut vers lui.

« Alors, Renfield, fit Prosser, qu'y a-t-il ?

- Vous n'étiez plus là, fit Robert. Je n'aime pas quand vous n'êtes pas là. Bamford... surveille. »

Prosser fit une grimace.

« Hé bien, je lui en ai parlé. Il doit te laisser tranquille ou alors les choses iront mal pour lui.

- Merci. Je me sens en sécurité lorsque vous êtes là. Pourquoi étiez-vous parti ? »

Prosser se caressa doucement la joue.

« Une dent. J'en avais une mauvaise et le docteur me l'a arrachée. Il a été un peu maladroit. »

Renfield fronça les sourcils en émettant un son désapprobateur.

« Oh, c'est horrible ! Un mal de dent peut être très intense et le remède encore pire.

- Comme si je ne le savais pas mais elle devait être soignée. Ça peut t'empoisonner sinon.

- C'est vrai. »


Renfield s'approcha de lui et tendit la main. Prosser se raidit. Ce n'était jamais sûr de laisser un interné vous toucher mais Renfield ne s'était jamais montré violent envers les autres, sauf une fois dans le bureau de Seward. Prosser savait qu'il prenait un risque mais il croyait qu'offrir de la confiance quand c'était possible aiderait les internés. Renfield fut doux. Il toucha légèrement la joue de Prosser.

« Elle est encore enflée. Ça doit faire mal.

- Un peu. Le dentiste m'a donné des cachets pour ça mais je n'aime pas en prendre de trop. Ils me rendent hébété, comme si les choses n'étaient pas vraiment réelles.

- Ce n'est pas une bonne impression, acquiesça Renfield. J'ai connu ça. »

Les yeux de Renfield se firent légèrement vagues et sa voix un peu distante.

« Quand vous ne contrôlez rien. Je veux dire que j'ai souvent senti que je ne pouvais pas contrôler mon univers mais quand quelqu'un d'autre vous commande...

- Si c'est tout, tu devrais aller te coucher. Il faut que j'y aille... »


Renfield cilla et sembla revenir à la réalité. Il regarda Prosser droit dans les yeux et fit :

« Ce n'est pas seulement la joue, n'est-ce pas ? Cela vous fait souffrir à la tête.

- C'est ça. Ma tête me fait mal. C'est comme si mon cerveau voulait surgir de mon crâne et je ne veux toujours pas prendre un de ces cachets.

- Vous n'avez peut-être pas besoin des médicaments. Le contact humain peut aider à soulager. »

Renfield tendit à nouveau la main vers lui.

« Si je peux... »

L'assaut du rat surprit tellement Bamford qu'il ne put réagir immédiatement. Puis il recula instinctivement et trébucha contre la première marche des escaliers. Il tomba, le rude impact le saisissant alors que son dos puis son crâne heurtaient les escaliers. Il tenta de se redresser mais il ne fut pas assez rapide. Le rat bondit sur sa jambe, ses griffes s'accrochant à son pantalon.

Le cri que Bamford allait pousser s'étouffa dans sa gorge alors qu'il frappait frénétiquement pour tenter de déloger le rongeur. Il se rappelait très bien de la douleur de la morsure de cette créature et il n'avait aucun désir d'en avoir une nouvelle. Puis le rat commença à ramper le long de son corps — vers son visage. Le souffle se coupa dans la poitrine de Bamford alors qu'il visa le rat avec sa matraque. Mais le rat était désormais si haut sur son corps que sa portée fut trop longue pour être précise. Il se donna seulement un coup douloureux avec son propre bâton. Il allait laisser tomber la matraque pour tenter de chasser le rat ou de l'agripper lorsque l'animal bondit.


Il fut soulagé et surpris quand, au lieu d'atterrir sur son visage, le rat passa sur sa tête. Le soulagement ne dura cependant pas longtemps. Presque immédiatement, il y eut une douleur fulgurante sur son crâne alors que la créature arracha une poignée de cheveux. Bamford bondit sur pieds et se retourna, prêt à réduire le rat en morceaux. L'animal était cependant en train de gravir les escaliers, bondissant aisément de marche en marche.

« Sale bête de l'enfer ! » fit Bamford entre ses dents et il se lança à sa poursuite.

Prosser se raidit, soupçonneux.

« Que fais-tu, Renfield ?

- J'essaie juste d'aider. »

Les doigts de Renfield se posèrent sur les tempes de Prosser et il commença à masser en cercles lents.

« J'ai un ami qui avait l'habitude de me faire ça quand... quand je suis tombé malade. Ça aidait. Ça me calmait. »

Prosser ne bougea pas pour faire plaisir au petit homme. Cela ne faisait pas mal mais c'ÉTAIT calmant.

« C'est agréable. »

Renfield baissa les yeux puis les releva vers lui.

« Ce serait plus agréable si vous posiez votre tête sur mes genoux. Je peux m'asseoir sur le lit et vous pourriez vous allonger. Juste une minute. »

Le rat arriva à la dernière marche étroite. Au lieu de s'enfuir dans le couloir, il se tourna et pépia en direction de Bamford. Bamford ralentit pour s'approcher lentement de lui, sa matraque levée bien haut.

« C'est ça, sale bête. Attends Bamford. Il va t'envoyer direct à l'enfer des rats. »

Le rat s'assit sur ses pattes arrière — et sembla continuer à monter. Bamford se figea alors que l'animal semblait enfler et s'étirer. La fourrure se parsema et les membres fins s'épaissirent et s'étirèrent. Bamford resta immobile une seconde ou deux mais cela suffit. Il se trouva face à face non pas avec un rat mais avec un étrange jeune homme qui le regardait avec les yeux rouges enragés du rat.

« Tu as voulu faire du mal à mon ami, » fit-il d'un ton accusateur.

Bamford murmura :

« Je suis devenu fou. Ces zinzins m'ont rendu aussi fou qu'eux. »


Son visage se durcit. S'il était fou, alors ce n'était qu'une illusion et une illusion ne pouvait pas le blesser. Mais peut-être que si sa volonté était assez forte, il pourrait chasser l'illusion.

« Tu n'es pas réel ! » déclara-t-il et il abaissa sa matraque.

Rill attrapa aisément le poignet de l'homme et il le brisa en le tordant rapidement. Bamford hurla de douleur choquée, réalisant subitement qu'une illusion ne pouvait pas vous blesser donc que cela devait être quelque chose de très différent.

Bien que troublé par sa propre réaction au contact de Renfield, Prosser songeait sérieusement à faire comme cet homme l'avait suggéré. Son épouse était une brave femme et il l'aimait, mais entre les enfants et le ménage, il n'y avait pas beaucoup de temps pour des caresses gentilles et des intentions prudents. Leur union était limitée à ce qui se passait entre les draps et elle faisait cela aussi rapidement et efficacement que sa lessive.

Il avait presque décidé qu'il n'y aurait pas de mal à accepter l'invitation de Renfield lorsqu'il entendit Bamford hurler dans la pièce principale. Prosser se raidit.

« Un problème ! »


Renfield saisit rapidement sa chemise.

« Il est juste en train de crier sur un autre interné. Vous savez comment il est. »

Il y eut un autre cri.

« Non, ça ressemble à un cri de douleur. »

Prosser tenta de se retourner mais Renfield s'accrocha obstinément à lui, sa poigne étonnamment forte.

« Lâche-moi ! »

Prosser était beaucoup plus grand que Renfield aussi ne fut-il pas trop dur pour lui de se libérer et de le pousser vers le lit. Pas trop dur, mais cela prit plusieurs secondes.

La matraque tomba des doigts engourdis de Bamford en valdinguant le long des escaliers alors que la main libre de Rill se referma sur la gorge du gardien. Le vampire le secoua aisément en grognant :

« J'aimerais avoir plus de temps. Je regrette de ne pas pouvoir te donner à Rock. Mais Simion a dit que cela devait être rapide et ressembler à un accident.

- Tu... Tu ne peux pas... PROSSER ! »

Rill saisit son cou des deux mains et tira fort. Il y eut un grincement sec et les yeux de Bamford s'écarquillèrent alors que son corps commençait à trembler. Rill le jeta dans les escaliers et observa le corps rebondir et chuter, sa tête heurtant plusieurs fois les marches.

« Si, je peux. »

Alors que Prosser se dirigeait vers la porte, il entendit le son inimitable d'un corps qui tombait. Il pouvait voir la zone au pied des escaliers et Bamford arriva en vue, tombant à terre. Prosser se rua pour se pencher sur lui. Bamford n'était pas mort — pas encore. Il respirait encore difficilement et ses yeux cillaient lentement, paraissant abasourdis et horrifiés. D'après la façon dont sa tête dodelinait, Prosser avait l'impression écœurante que cligner des yeux était probablement le seul mouvement qu'il pouvait encore faire.

« Que s'est-il passé ? » demanda-t-il.

Bamford émit un son mais on ne pouvait pas l'interpréter. Ses yeux se levèrent pour tenter de regarder les escaliers. Prosser suivit son regard, espérant trouver un indice sur ce qui avait causé cet horrible accident — si c'ÉTAIT un accident. Il s'attendait presque à voir l'un des lunatiques se tenir au sommet des escaliers, baissant les yeux sur son tourmenteur qui avait finalement trouvé plus fort que lui. Il n'y avait rien d'humain là-bas mais il y avait un grand rat brun accroupi sur la première marche et qui les regardait. Était-ce la cause de cela ? Prosser avait entendu parler du dernier incident de Bamford avec un rat. Il était tout à fait possible que Bamford ait glissé en cherchant à se venger. Cela lui aurait bien ressemblé d'agir imprudemment, aveuglé par la rage.


Ce n'était pas le moment de penser au rat. Prosser n'avait pas beaucoup d'espoir pour cet homme brisé mais il devait essayer. Il courut vers la sortie et tira sur la corde qui déclencherait l'alerte. Cela ferait venir les gardiens de l'extérieur et il pourrait les envoyer chercher le docteur Seward. Bamford allait probablement mourir avant que Jack Seward ne revienne du manoir Westenra mais il fallait le faire. Il était trop préoccuper pour voir le rat descendre les escaliers et disparaître dans la chambre de Renfield.

Agité par une anticipation nerveuse, Renfield s'était contraint de rester dans sa cellule. Il voulait terriblement voir Bamford mort mais plus que tout il voulait quitter cet asile. Il n'allait pas risquer l'un pour l'autre. Il s'était assis sur le bord de son lit mais quand le rat entra, il bondit sur ses pieds avec empressement. Le rat tourna en rond, ses mouvements presque jubilants, et Rill se leva. Il sourit à Renfield.

« Il ne te fera plus jamais de mal. »

Robert poussa un petit cri de joie et se jeta au cou de Rill. Il serra le vampire férocement contre lui, la froideur du corps dans ses bras le calmant plutôt que l'alarmant, comme autrefois. Puis il recula d'un pas, prit la main de Rill et la posa sur son cou en murmurant :

« Ma vie pour toi.

- Oh, non, Robert. »

Rill l'embrassa sur la joue.

« Dracula est ton maître — je suis ton ami.

- Comme c'est mignon, » fit une voix provenant de la fenêtre.


Ils levèrent tous les deux les yeux pour découvrir Sinn se tenant aux barreaux et regardant à l'intérieur.

« Mais s'il doit venir avec nous, on ferait mieux de le faire tout de suite avant qu'ils ne pensent à sortir.

- Comment vais-je sortir ? fit Renfield. Il va y avoir des gardiens partout. Je ne peux pas simplement marcher.

- Bien sûr que non. »

Sinn était en train de tirer sur les barreaux en les étudiant attentivement.

«  On a de la chance qu'ils aient utilisés des matériaux si bon marché et que le climat anglais soit si dur pour la maçonnerie. »

Il fit tourner le barreau et il y eut un grincement.

« Rill, viens m'aider et nous pourrons enlever un ou deux barreaux en une seconde.

- Robert, soulève-moi, » fit Rill.

Il se changea à nouveau en rat et Robert le ramassa pour le souleva aussi haut que possible. Le rat bondit et Rill se transforma à mi-chemin pour saisir les barreaux. Ses orteils se posèrent fermement contre le mur et il commença à tordre et tirer sur les barreaux avec Sinn. Il ne fallut pas longtemps avant qu'un des barreaux ne cède, puis un autre. Cela créa un passage étroit mais assez grand pour laisser passer un homme petit.


« Rill atterrit à nouveau dans la pièce.

« Je vais te soulever, puis Sinn t'aidera à passer et te déposera à terre. »

Il se pencha pour offrir son dos à Renfield. Renfield grimpa dessus, comme s'il allait se faire porter sur ses épaules et Rill le souleva en lui tenant les jambes pour qu'il garde l'équilibre.

« Maintenant tu dois grimper sur mes épaules. Utilise le mur pour t'aider. »

Avec un peu de grognements et de halètements ainsi qu'un peu d'aide de la part de Rill, Robert parvint à se mettre dans cette position plutôt précaire. Sa tête était cependant toujours bien en dessous de la fenêtre. Sinn se pencha à travers en tendant la main.

« Prends ma main, Robert, et je vais te tirer. »


Vacillant même avec ses mains contre le mur, Renfield leva les yeux vers lui, confus et rempli de doutes. Sinn sut ce à quoi il pensait.

« *Merde*. Robert, même si je voulais parvenir à mes fins avec toi, ce ne serait sûrement pas ici. En plus, ajouta-t'il avec un sourire, j'ai un nouvel ami qui apprécie mes jeux. »

Il plia les doigts.

« Tu es en sécurité.

- Robert, intervint Rill. Tu es lourd et on doit se dépêcher. Quelqu'un pourrait aller voir les internés. »

La bouche de Renfield devint ferme, déterminée. Il tendit la main et Sinn referma fermement sa main autour du poignet de Renfield. Le vampire tira pour le soulever alors que Renfield poussait en avant et saisissait les barreaux restant de sa main libre. En une seconde il s'était glissé à travers l'ouverture étroite. C'était une bonne chose que Sinn ait une force vampirique. Très peu de mortels auraient pu conserver leur prise sur les barreaux d'une main tandis qu'il abaissait un autre homme à terre. Pourtant il y parvint parfaitement et Renfield dut seulement sauter d'une petite hauteur pour gagner le sol. Il atterrit aisément, pliant les genoux pour absorber le choc. Une autre seconde plus tard, Sinn l'avait rejoint à terre, puis Rill.


« Rill lui saisit la main avec urgence.

« Par ici ! Simion nous attend avec la charrette derrière ces arbres. Une fois là, tu iras à l'arrière sous un sac et on t'emmènera à l'abbaye. »

Robert serra à nouveau Rill contre lui et Sinn roula des yeux.

« Une telle douce gratitude mais cela ne servira à rien si on nous découvre. *Courez, les enfants* ! »

Trois silhouettes sombres se ruèrent le long de la route sale qui se trouvait derrière l'asile Seward, se glissant sous le couvert des arbres, ne faisant qu'un avec les ombres épaisses. Puis la nuit fut calme pendant un moment. Il y eut le bruit d'une porte qui s'ouvrait sur le devant du bâtiment et un homme se dirigea vers la route principale qui menait au manoir Westenra. Un observateur aurait pu remarquer qu'il courait mais qu'il ne semblait pas trop pressé. Après qu'il ait pris un tournant, disparaissant de vue derrière une petite colline, une charrette apparut de derrière l'asile. Un jeune homme aux cheveux noirs, vêtu avec trop d'élégance pour un mode de transport aussi rustique, était assis à côté du cocher, un homme blond plus âgé. Un autre jeune homme était assis à l'arrière. Il se trouvait sur une pile de sacs en toile. Une main était posée sur la pile et de temps en temps, il semblait tapoter le tissu d'un air presque réconfortant.







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