Child of the Night 121

Chapitre Cent vingt-et-un : Adhésion



L'an de grâce 1892
L'abbaye de Carfax


Ils retournèrent dans la pièce où Robert et Rill étaient en train de s'amuser. Ils les retrouvèrent tous les deux assis devant le feu. Rill était assis les jambes croisées et Robert s'était allongé à côté de lui, sa tête reposant sur les genoux du vampire. Rill souriait à Robert tout en caressant doucement ses cheveux. Du coup, Quincy se posa la question — quelle était exactement leur relation ? Simion était de toute évidence l'amant de Rill donc cela ne pouvait pas être ça. Étaient-ils amis, père et fils, ou bien maître et serviteur ? Quincy en conclut qu'il s'agissait un peu de tout ça et bien plus encore. En tout cas, tous les deux semblaient parfaitement satisfaits.

« Rill, Robert, appela Simion. Quincy souhaite faire partie des nôtres. »


Le sourire de Rill fut brillant et enthousiaste.

« Oh, parfait ! Sinn va être tellement content. Il en avait assez de jouer avec les gitans. Qu'en dis-tu, Robert ? »

Renfield lança un regard à Quincy, puis revint à Rill.

« Il est gentil et il ne me fixe pas d'un air bizarre. Je l'aime bien.

- Quincy, fit Simion, vous avez obtenu l'approbation de tout le monde sauf le maître. Je ne peux pas vous promettre que cela servira à obtenir son accord mais cela pèsera dans la balance. Tous les deux, allez chercher Sinn et retrouvez-nous dans la bibliothèque.

- Oui ! »

Robert connaissait suffisamment bien Rill pour retirer sa tête des genoux du vampire avant que Rill ne bondisse sur ses pieds.

« Dépêche-toi, Robert ! »

Robert suivit Rill hors de la pièce, pressant le pas pour suivre son rythme impatient.

« Il adore annoncer les bonnes nouvelles, murmura Simion. Après tout ce temps, il est encore aussi frais et enthousiaste que de son vivant. »


Ils descendirent au rez-de-chaussée et s'arrêtèrent en bas des escaliers en entendant Sinn les appeler.

« Attendez, *mes amis*. »

Il descendit à son tour, portant une riche veste sur son bras et tout en boutonnant une chemise propre.

« Tu es un rapide, Quincy. J'ai à peine eu le temps de me laver et de me changer. »

Il sourit.

« Il vaut mieux être à son avantage quand on veut obtenir une faveur personnelle. »

Rill et Robert avaient suivi Sinn aussi ce fut un petit groupe qui arriva à la bibliothèque de Dracula. Simion toqua et Dracula répondit :

« Entrez. »


Il était assis dans un fauteuil devant la cheminée de la bibliothèque, un livre à la main. Il se leva à leur entrée.

« J'étais en train de parcourir les livres et je suis tombé sur celui-ci. Les illustrations m'ont paru si farfelues qu'il a fallu que je le lise. C'est l'histoire d'une petite fille qui tombe dans un terrier de lapin puis dans un monde magique. Ils semblent dire que c'est un livre pour enfants mais je dirais que les images à elles seules suffiraient à donner des cauchemars à la plupart des enfants. Des presque noyades, un bébé qui se transforme en cochon et une reine qui veut lui trancher la tête. Et certains osent dire que les vieux contes de fées étaient trop sanglants. »

Il posa le livre.

« Hum, tout le monde est là, sauf les tziganes. Je suppose alors que vous avez des nouvelles... »

Il haussa les sourcils alors qu'il examinait Sinn et Quincy.

« ... ou bien une question ? »


Quincy fit un pas en avant, son attitude assurée et respectueuse.

« Monsieur, je ne suis pas certain des termes exacts que je devrais employer mais Sinn et moi... Eh bien, nous sommes arrivés à un accord. Je veux passer le reste de ma vie, peu importe la durée, avec lui. Après avoir parlé avec Simion et lui, je sais très bien qu'il sera toujours des vôtres en premier lieu. Mais... je voudrais juste être second en ce qui concerne Sinn. Je veux être son homme. Si vous m'acceptez, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le protéger et le rendre heureux, ainsi que tous les membres de votre petit famille. Je ne viens pas les mains vides. J'ai moi-même une fortune considérable et un commerce qui rapporte un bon profit. Tant que je peux subvenir aux besoins de ma famille aux Amériques, je veux bien offrir le reste pour les dépenses communes.

- Vous êtes un homme d'honneur, mister Morris. J'en ai connu beaucoup qui auraient simplement tenté d'enlever Sinn ou bien de dicter leurs conditions. »


Les yeux étincelèrent brièvement.

« Aucune de ces deux options n'aurait été permise. Vous montrez du bon sens ainsi que du respect. Je présume que Simion vous a expliqué les termes qu'entraînerait une telle alliance ?

- Oui, monsieur.

- Serez-vous capable d'abandonner votre ancienne vie, votre famille ?

- Je n'ai jamais envisagé de toujours vivre la même vie, et la seule famille proche qu'il me reste est ma mère et ma sœur. Je peux monter des fidéicommis pour subvenir largement à leurs besoins. Et puis, j'ai un peu honte de l'avouer mais nous n'avons jamais été très proches. Je ressemble un peu trop à mon père sur ce point — quand je ne suis pas en train de travailler, je fais la fête. Je peux gérer la plupart de mes affaires par correspondance et... »

Il pointa Sinn du pouce.

« Je suppose que celui-là me fera suffisamment la fête pour me satisfaire.

- Je suis heureux de vous l'entendre dire. »


Il considéra Quincy puis fit :

« Vous connaissez notre secret et pourtant vous ne montrez aucune crainte et vous n'avez pas tenté de vous enfuir ou d'en informer d'autres personnes. Je ne crois pas que vous puissiez vraiment comprendre à quoi vous vous engagez tant que ce ne sera pas fait, mais nous devrons vous faire confiance sur ce point. Oui, monsieur Morris, je pense que vous seriez un atout pour mes gens. Et il sera inutile de contribuer à nos finances. Nous ne courons aucun risque de... quel est le terme légal ? De banqueroute. Utilisez votre argent pour gâter Sinn. Vous aimerez ça, tous les deux. »

Il se leva et s'approcha de Sinn et Quincy.

« Sinn sera celui qui vous nourrira en priorité mais vous devez d'abord partager mon sang pour vous lier à moi et à ceux que je protège. »

Il indiqua le pied de Quincy.

« J'ai vu le couteau que vous cachez dans votre botte. »

Il tendit la main, paume vers le ciel.

« Faites la coupure puis buvez. »


Quincy n'hésita pas. Il sentait qu'il s'agissait d'une sorte de test. Il ne devait pas se montrer réticent ou bien cafouiller. Il ne devait pas non plus se montrer trop impatient ni inutilement brutal. Il sortit son gros couteau Bowie et prit le poignet de Dracula d'une main ferme. Il fit une petite coupure sur la paume de Dracula, assez profonde pour laisser couler le sang mais suffisamment étroite pour que les tendons majeurs ne soient pas endommagés. Le sang était un peu visqueux, suintant au lieu de couler, mais il ne fallut pas longtemps pour que la paume de Dracula soit remplie. Puis Quincy attendit l'invitation.

Dracula hocha la tête en signe d'approbation puis fit :

« Buvez, Quincy. Devenez le sang de mon sang. »

Quincy pencha la main de Dracula, posant sa bouche sur le côté, puis sirota le sang qui effleurait ses lèvres. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise mais il ne s'arrêta pas. Dracula inclina gentiment un peu plus la main alors que le sang se faisait plus rare, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus ni flaque ni flot. Quincy releva la tête de la main couverte de sang de Dracula. Il était clairement réticent à l'idée de laisser les dernières gouttes qui restaient mais il sentait qu'il ne devait pas les lécher.


Dracula hocha à nouveau la tête. Le nouveau membre de leur famille venait de prouver qu'il n'était pas égoïstement avide. Dracula sourit à Rill et lui tendit sa main écarlate.

« Tu veux le reste, mon enfant ?

- Bien sûr, répondit honnêtement Rill. Mais est-ce que Renfield pourrait l'avoir à ma place ? »

Rill tapota l'épaule de Renfield.

« Il n'en a pas eu beaucoup et il a besoin de toute la nourriture possible.

- Certainement, s'il le souhaite. Robert ? »

Robert s'avança lentement en murmurant :

« Merci, merci, le sang est la vie. »

Les autres le regardèrent avec tolérance alors qu'il léchait la main de Dracula jusqu'à ce qu'elle soit immaculée. Pour la plupart d'entre eux, c'était comme voir un très jeune enfant apprécier une friandise.


Quand Renfield eut terminé, Dracula fit :

« Ainsi, Quincy, vous voilà l'un des nôtres à présent. Quand nous retournerons en Transylvanie, vous viendrez avec nous. Mais pour le moment je pense qu'il vaut mieux que vous restiez au manoir des Westenra. Cela pourrait attirer l'attention inutilement si vous emménagiez ici. Je ne suis pas encore prêt à partir et je préfère que les gens m'ignorent autant que possible.

- Je comprends, répondit Quincy. Cela ne me gêne pas. Je vais passer plein de temps avec mon ami ici présent. »

Il pinça les fesses de Sinn — assez fort. Le français bondit et poussa un petit cri puis il se frotta le derrière avec une moue irritée mais un sourire se cachait derrière.

Le révérend Clairidge poussa Lukas sur le côté et alla accueillir son invité.

« Mister Van Helsing. »

Ils se serrèrent la main.

« Dieu soit loué, vous avez pu venir rapidement. Je croyais que vous ne voyageriez pas de nuit et qu'on devrait vous attendre dans la matinée.

- Il faut être rapide pour servir le Seigneur, frère Clairidge, » fit solennellement Van Helsing.

Il ouvrit sa veste pour révéler un grand crucifix en argent pendu autour de son cou.

« Et je me suis préparé pour un voyage dangereux.

- Je vous en prie, ne restez pas là. Entrez. »

Alors qu'il refermait la porte, il demanda :

« Vous désirez quelque chose ? À manger ? À boire ? J'ai bien peur que vous n'ayez à partager votre chambre avec frère Lukas, ici présent, mais mrs Linton a fait en sorte qu'elle soit très confortable.

- Merci, et je ne refuserai jamais de partager avec des croyants. Je n'ai pas faim, merci, mais je prendrai volontiers un peu d'eau.

- J'ai une carafe dans mon bureau. Suivez-moi. Mrs Linton, ce sera tout pour ce soir. Vous pourrez vous retirer quand bon vous semblera, mais ne nous dérangez pas. Je suppose que nous nous lèverons tôt ? »


Il lança un retard interrogateur à Van Helsing.

« Pas trop tôt puisque les êtres auxquels nous avons affaire ne peuvent pas sortir en plein jour. Nous allons discuter jusqu'à tard dans la nuit et il faudra que nous soyons bien reposés avant toute confrontation.

- Confrontation ? releva Mrs Linton avec suspicion. Voyons, dans quoi laissez-vous ces deux-là vous embarquer ?

- Mrs Linton, fit Clairidge, vous n'êtes ni ma mère, ni ma femme, ni même ma mie. Vous n'avez rien à redire sur ce que je fais. Je vous en prie, allez vous coucher. »

La lèvre inférieure de Mrs Linton se mit à trembler. Elle se redressa très dignement et se dirigea vers la cuisine. Sa voix légèrement sanglotante flotta jusqu'à eux.

« ... ne m'a jamais parlé comme ça de toute ma vie, et dire que je suis juste inquiète pour lui.

- Oh seigneur, soupira Clairidge, je l'ai vexée.

- Il vaut mieux la vexer que de la laisser vous empêcher de faire votre devoir, car cela entraînerait sa mort ou bien sa damnation, répliqua Lukas.

- Bien dit, mon ami, » fit Van Helsing.

Il retira son manteau et son chapeau, puis les pendit aux crochets du mur du couloir. Il prit la mallette noire qu'il avait posée par terre et suivit les deux autres hommes dans le bureau.


Van Helsing et Lukas s'assirent sur un petit sofa tandis que Clairidge versait un verre d'eau fraîche pour son invité. Pendant que Van Helsing buvait, Clairidge prit une chaise près de lui et lui demanda :

« Vous vous rappelez de moi, mister Van Helsing ? »

Van Helsing posa le verre, ses sourcils froncés en signe de concentration.

« Vous n'êtes pas un de mes élèves, je crois, mais il me semble que cela a un rapport avec ma classe.

- C'était il y a cinq ans... »

Van Helsing fit claquer ses doigts.

« Au Collège Royal !

- Oui, j'avais profité d'un congé pour visiter Londres et vous donniez une conférence sur les bases de la réalité de choses que l'on considère à présent comme mythiques — comme les sorcières, les loups-garous, les esprits maléfiques... et les vampires.

- Vous êtes resté après la conférence et vous m'avez posé des questions très pertinentes. Je n'ai pas reconnu votre nom quand j'ai reçu votre message mais les informations que vous m'avez données m'ont poussé à venir. Donnez-moi tous les détails de l'affaire.

- Je crois que Lukas devrait commencer, fit Clairidge. C'est lui qui a eu le plus de contact avec les... créatures. Il peut vous dire ce qui les a amenées dans notre pays. »


Van Helsing se tourna vers Lukas, et ce dernier se lança :

« Depuis mon enfance, j'ai voué mon existence à éradiquer le mal dans le monde de Dieu. J'ai servi l'Église de tout mon être. Il y a plusieurs mois, je travaillais en tant que portier dans une petite ville de cette contrée sauvage qu'on nommait autrefois la Valachie — et maintenant la Roumanie.

- Ah.

- Vous connaissez la situation dans mon pays natal ?

- Je sais que les légendes sur les Nosferatu ont pris naissance là-bas il y a des siècles, et perdurent encore aujourd'hui. Les gens festonnent toujours leur maison avec de l'ail, dessinent des croix sur leurs portes et fenêtres, et évitent de voyager de nuit.

- En effet, monsieur, chez moi le vampire n'est pas une légende — il est un fait. Vous êtes un homme cultivé. Avez-vous déjà entendu parler du prince Vlad Tepes Draculea ? »

Van Helsing se figea.

Si j'ai déjà entendu parler de lui ? J'ai passé toute ma vie à l'étudier. Plusieurs fois, j'ai songé à voyager jusqu'en Roumanie pour le débusquer mais il y avait toujours quelque chose pour ruiner mes projets. Comme si le Destin lui-même protégeait cet homme.

- Ce n'est pas un homme, fit Lukas d'un air grave. Et c'est peut-être Satan qui le protégeait.

- Si c'est le cas, il est certainement condamné car Satan ne peut rien contre les vertueux. Dites-moi tout. »


Lukas narra son histoire. Il laissa de côté sa première rencontre avec Dracula quand il était enfant et commença quand il avait découvert Jonathan sur les rives de la rivière. Le révérend intervint en donnant tous les détails que Mrs Linton lui avait rapportés sur la vie précédente de Jonathan. Harker était un clerc prometteur dans un cabinet juridique bien respecté de Londres. Il venait d'une famille irréprochable et était décemment fiancé à une jeune fille convenable. Il avait été envoyé en Roumanie pour réussir là où son collègue, Renfield, avait échoué — conclure une affaire avec le prince Draculea.

« Le Comte affirme être un lointain parent, fit le révérend.

- Je crois que leur parenté est bien plus proche qu'il ne le dit, fit Van Helsing. La lignée de Draculea aurait dû disparaître il y a longtemps car le prince est supposé être mort sans descendance — si jamais il est bien mort. Je crois qu'il y a de fortes chances pour que le Prince Draculea et le Comte Dracula ne soient qu'une seule et même personne. Si c'est vrai, ce monstre rampe sur terre depuis plus de quatre cents ans. Dieu sait combien d'innocents il a envoyé dans la tombe — ou en enfer. »


Lukas poursuivit. Il lui parla de l'Église assiégée, de sa fuite avec Jonathan et de son voyage par delà les mers pour le rendre à sa famille. Il fit d'un ton chagrin :

« Ce jeune homme n'a montré aucune gratitude pour le mal qu'on s'est donné afin de le sauver et de le protéger. J'ai bien peur que le monstre n'ait mis le grappin sur ce jeune homme et ne l'ait séduit. Je ne suis même plus certain qu'on puisse le sauver. Il serait plus miséricordieux de l'éliminer tant qu'il a encore son âme. »

Sur le coup, Clairidge cilla :

« Oh, allons ! Vous êtes en train de parler de meurtre.

- Mais ne vaut-il pas mieux tuer le corps si cela peut sauver l'âme ? demanda Lukas.

- Il est inutile de décider tout de suite pour mister Harker. Ce n'est pas que je ne vous fais pas confiance, frère Lukas — vous êtes de toute évidence zélé dans votre désir de servir Dieu. Cependant il me faut tout d'abord examiner ces gens pour être absolument certain qu'ils sont ce que nous redoutons. Ce serait un péché mortel de tuer quelqu'un qui ne serait pas une créature de Satan ou bien un de ses serviteurs. Après vérification, nous pourrons éliminer les vampires puis nous concentrer sur mister Harker. Il doit être sauvé à tout prix. »

Clairidge avait été si sûr de son choix avant, mais en entendant Lukas parler aussi calmement du fait de tuer Jonathan et que Helsing lui réponde comme s'il s'agissait d'un simple fait à prendre en compte, cela le fit hésiter. Qu'avait-il mis en route en faisant appel à Abraham Van Helsing ?







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