Esprit Malin 101

Chapitre 101 :

S'habiller comme un dieu mais jouer au diable

C'est une expression qui veut dire tromper les gens. Je la garde sous cette forme parce que... vous allez voir ! 😋
(1)


Chi Yan hésita un moment puis il serra les dents et la suivit.

La vieille dame avait l'air de marcher clopin clopan mais en fait, elle allait très vite. Chi Yan dut courir à petites foulées pour la rattraper.

Finalement, la vieille dame entra dans une petite maison sombre, simple et rudimentaire. Elle se tint à l'entrée et fit signe à Chi Yan de la suivre à l'intérieur.

Un fantôme qui vous invitait à entrer chez lui, il ne fallait surtout jamais accepter.

La main de Chi Yan se crispa sur l'unique talisman d'exorcisme qu'il lui restait. Après avoir hésité un bon moment, il prit sur lui et entra.


La vieille dame marmonna en marchant :

« Mamie est morte de vieillesse alors elle ne fait pas de mal aux autres. »

Chi Yan suivit la personne âgée dans la maison. La pièce était très sombre et les fenêtres étaient recouvertes de plastique noir. Le visage de la vieille dame était bleu et livide dans l'obscurité.

Chi Yan serra inconsciemment les poings. Dès qu'il baissa la tête, il fit une silhouette recroquevillée sur la paillasse par terre contre le mur. C'était Song Jin.

Il fixa la vieille dame avec surprise et gratitude.

« Vous...

– La petite fille a caché cet homme dans le grenier. Mamie l'a déplacé dès qu'elle l'a vu. »

La vieille dame regarda le jeune homme en face d'elle.

« Mamie ne fait pas de mal aux autres mais elle est incapable de sauver les gens. »


Elle regarda le ciel à l'extérieur.

« La chasse de Nuo va bientôt commencer. Ils vont vous trouver ici. Ils ont bien trouvé ici les deux jeunes hommes avant vous. J'ai bien peur qu'il ne soit trop tard pour partir. »

Suite aux paroles de la femme, Chi Yan consulta l'heure : il était déjà dix-sept heures.

Il avait quitté le village de Hejia vers treize heures avec cette chose. Il n'aurait jamais cru qu'il s'était écoulé autant de temps.

La femme tendit le doigt en direction du temple du dieu Nuo.

« Les garçons, allez vous cacher dans le temple. Le dieu Nuo vous sauvera, » fit la vieille dame d'une voix rauque.

Son visage était toujours neutre et plat, mais il y avait de la tristesse dans ses yeux troubles.


Chi Yan hocha doucement la tête et émit un son d'assentiment. Il remercia la dame et se prépara à partir.

Avant ça, il ne put s'empêcher de demander :

« Mamie, qui étaient les deux jeunes hommes qui ont été trouvés avant nous ?

– C'étaient deux policiers venus ici pour retrouver des gens. »

Ce devait être les deux agents de police qui avaient disparu.

Chi Yan porta Song Jin jusqu'à la porte. Il lança un dernier regard à la vieille dame et demanda dans un murmure :

« Mamie, pourquoi vous ne partez pas non plus ? »

Il se dit qu'elle comprenait sûrement de quoi il voulait parler.


La vieille dame leva un doigt vers le ciel.

« Je ne peux pas partir. Mamie est morte trop tard et elle ne peut plus partir. Plus personne ne le peut. »

Le ciel de plomb était sombre et lourd, comme un immense couvercle qui recouvrait tout le village.

Effectivement, Chi Yan avait déjà senti qu'il y avait un problème. Quand il avait exorcisé les deux petits fantômes, après qu'ils aient été brûlés, ils avaient été tous deux aspirés par le ciel. Il avait même peint exprès un talisman de réincarnation avec son sang pour la poupée de petite fille, mais cela n'avait servi à rien.


* * *


Après avoir tiré Song Jin hors de la maison, Chi Yan ne se rendit pas au temple du dieu Nuo pour se cacher, comme l'avait conseillé la vieille dame, mais il retourna à l'entrée du village pour récupérer sa moto. Il ne croyait pas qu'ils seraient à l'abri dans le temple du dieu Nuo. Sinon, pourquoi la vieille dame n'avait-elle pas laissé les deux agents se cacher dans le temple la dernière fois ? Si l'esprit du dieu était vraiment présent, comment pourrait-il rester sans rien faire en voyant que le village sous sa protection était devenu un enfer sur terre ?

Si la vieille dame avait dit cela, c'était juste parce qu'elle espérait un miracle avec son restant de foi et d'espérance.

Et aussi parce qu'elle savait qu'ils manquaient de temps et ne pouvaient plus s'enfuir.

Malgré tout, Chi Yan voulait tenter le coup. Cela ne lui apporterait rien de se résigner facilement à son sort.


La route partant de chez la vieille dame jusqu'à l'entrée du village parut s'étirer à l'infini. En d'autres termes, cette route ne changea pas de longueur mais après midi, les heures de jour semblèrent passer plus vite. Ce n'était normalement pas un long chemin mais quand il arriva avec Song Jin à l'entrée du village, le ciel était déjà complètement noir.

Le portable indiquait vingt heures.

La corde n'était plus là. Chi Yan attacha donc Song Jin de son mieux sur la moto puis se mit à rouler à toute allure pour sortir du village.

Après environ dix minutes, la route devant devint plate et s'élargit — ils étaient revenus au village de Hejia.

Le talisman guide ne pouvait fonctionner qu'une seule fois, il ne faisait donc plus effet.

Chi Yan jura intérieurement et reprit la route. Cette fois, il ne regarda pas du tout la route et se dirigea en s'orientant grâce à son sixième sens. Néanmoins, une demi-heure plus tard, il revit le panneau familier du petit magasin à l'entrée du village.


* * *


Deux heures plus tard, Chi Yan, qui avait tenté toutes les méthodes possibles et inimaginables, s'arrêta de nouveau à l'entrée du village de Hejia. La moto était tombée en panne d'essence.

Une longue procession de flammes apparut dans son champ de vision, ainsi que le bruit clair et audible de gongs et de tambours. En regardant attentivement, il vit un premier groupe de gens en tête qui portaient des masques de Nuo, tenaient des lanternes en papier avec une bougie allumée, tapaient sur des gongs et des tambours et dansaient avec des épées et le genre d'accessoires qu'on voyait dans les spectacles, s'avancer majestueusement vers l'entrée du village. Leurs masques étaient de couleurs et de styles différents, certains avec des expressions furieuses, d'autres avec des sourires et d'autres avec une expression apathique. Avec le jeu des ombres et de la lumière sous l'effet des bougies, on avait l'impression que les visages étaient animés.

Derrière ce groupe se trouvait une foule de villageois qui les entouraient et assistaient au spectacle. Parmi eux, il y avait le commerçant et son épouse du petit magasin à l'entrée du village, les trois membres de la famille du petit hôtel et bien d'autres gens à qui Chi Yan et Song Jin avaient parlé ce matin pendant qu'ils cherchaient des renseignements.


Tandis que la nuit tombait pour de bon, la route qui menait hors du village parut se sceller totalement. Chi Yan eut beau avancer, il finissait toujours par revenir au même endroit, comme s'il tournait en rond. Les gens de la procession ne paraissaient pas aller vite mais en fait, ils s'approchaient rapidement de l'entrée du village. Chi Yan craignit de se faire repérer alors il entraîna son ami dans la petite réserve derrière le magasin de l'entrée du village.

Il y avait deux portes, une à l'avant et l'autre à l'arrière. La porte de devant servait au commerçant pour déplacer la marchandise au comptoir afin de la mettre en vente, tandis que la porte arrière menait directement dans la cour, ce qui était pratique pour décharger la marchandise d'un camion et la transporter directement dans la réserve.


Chi Yan barricada donc la porte de devant de la réserve et tenta d'ouvrir la porte à l'arrière — il ne savait pas depuis combien de temps elle n'avait pas servi mais elle était complètement rouillée. Il ne parvint pas du tout à l'ouvrir. Il eut beau pousser ou tirer, impossible de la faire bouger.

Le visage de Chi Yan pâlit, se rendant compte qu'il s'était mis avec son ami dans une situation désespérée. Au moment où il allait rouvrir la porte de devant et se chercher un autre endroit où se cacher, il entendit du bruit à l'extérieur. La foule de personnes avait bloqué l'entrée du petit magasin. Par la fente de la porte, il put voir qu'ils étaient en train de psalmodier quelque chose de l'autre côté. Un homme portant un masque de Nuo rouge et tenant une lanterne conduisit deux autres personnes avec un masque de Nuo pour psalmodier et fouiller dans la pièce voisine.

C'était certainement ce que la vieille dame avait appelé la chasse de Nuo. Le propriétaire du petit magasin avait également dit que c'était une cérémonie pour chasser le mal et la peste.


Les trois hommes trouvèrent rapidement la réserve et celui qui portait un masque de Nuo rouge tapota la porte de la réserve et s'écria :

« Pourquoi cette porte est fermée à clef ? »

L'anxiété de Chi Yan augmenta. Il poussa encore plus fort sur la porte rouillée tout en écoutant ce qui se passait dehors.

Une autre voix au fort accent local s'éleva de l'autre côté de la porte :

« Monsieur, je viens d'entendre du bruit à l'intérieur. Il doit y avoir quelque chose là-dedans. »

Chi Yan se pétrifia, effrayé.

Les gens de l'autre côté de la porte se turent un moment puis on entendit un cliquètement métallique, suivi du bruit d'une clef insérée dans la serrure.


Chi Yan ne se soucia plus de la discrétion : il leva sa jambe et, usant de toute la force de son corps, frappa la porte rouillée de son pied.

Avec un bang, les deux portes s'ouvrirent en même temps.

Chi Yan n'osa pas regarder derrière lui : il souleva son ami sur le dos et sortit immédiatement en courant.

Vaguement, il entendit derrière une voix à l'accent très fort demander :

« Monsieur, il y a deux hommes ici. Ce sont des voleurs ?

– Ce ne sont pas des voleurs, ce sont... des fantômes. Ils n'ont pas d'ombre. »

Les pas de Chi Yan ralentirent un peu et il regarda à ses pieds — sous la lumière vacillante des bougies, il n'y avait aucune ombre sous lui et Song Jin.


Son cœur fit un bond mais il n'avait pas vraiment le temps de s'inquiéter pour ça. Il continua de courir comme si sa vie en dépendait, avec Song Jin sur le dos. Comme il lui était impossible de sortir de ce village, il courut de l'autre côté. Il se rappelait que cet endroit n'était pas loin des collines, ils pourraient peut-être se cacher là-bas.

Ce n'était pas du tout normal que Song Jin reste évanoui aussi longtemps. Si Chi Yan et lui ne quittaient pas rapidement cet endroit, même si ces choses ne les attrapaient pas, il y avait fort à craindre que Da Song n'y survive pas.

Les lanternes derrière lui se rapprochaient de plus en plus. Chi Yan regarda en arrière et vit que le chef au masque de Nuo rouge n'était qu'à un mètre ou deux derrière lui. Malgré la foule, personne n'était resté en arrière, y compris les villageois qui observaient le spectacle de loin.

Les gens pouvaient courir mais ils ne pouvaient pas échapper aux fantômes.


Chi Yan regarda de nouveau droit devant lui. Avant qu'il ne s'en rende compte, il avait déjà couru droit dans le temple du dieu Nuo.

Ce n'était pas comme s'il avait d'autres choix actuellement. S'il continuait à courir, il allait forcément se faire rattraper par ces choses. Il resserra sa prise sur Song Jin et ouvrit d'un coup de pied les portes du temple. Il les referma ensuite soigneusement puis traça un talisman d'interdiction avec son sang sur les deux battants de la porte.

Beaucoup de ces choses, voire même la plus grande partie, gardaient encore en mémoire leurs comportements humains. Ils ne savaient même pas qu'ils étaient morts, alors ils n'oseraient pas faire irruption dans le temple si rapidement. Il leur faudrait un peu de temps pour briser le sort.

C'était du temps gagné pour Chi Yan afin de trouver le moyen de survivre.


Il y avait un peu de lumière dans le temple du dieu Nuo. Peut-être que des gens s'étaient rendus au temple avant la chasse de Nuo afin de prier le dieu, cela expliquait pourquoi il avait des bougies d'encens allumées devant la statue.

Chi Yan déposa son ami contre le mur. Grâce à la faible lueur des bougies, il examina de nouveau les lieux afin de trouver un moyen de sortir de ce pétrin.

Cette fois, son attention fut attirée par les cinq masques de Nuo les plus proches de la porte sur le mur de gauche. Ils avaient l'air neuf, aux couleurs vives et n'étaient pas trop poussiéreux.

Ils étaient également souriants et avec les sourcils arqués. Cependant, leurs visages souriants semblaient plutôt exprimer de la terreur et de la tristesse.


Les trois masques du haut étaient des visages blancs ordinaires, apparemment un homme, une femme et un enfant. Les deux masques du bas était rouge avec des grands yeux, l'air extrêmement furieux. Chi Yan ne connaissait pas le code des couleurs pour les masques de Nuo mais dans l'opéra de Pékin, le rouge symbolisait la loyauté, la bravoure et le sens de la justice.

« Ouais, vraiment. Durant le Nouvel An de cette année, on a vraiment trouvé des mauvais esprits.

Les masques de Nuo. Si on enferme les mauvais esprits dans les masques de Nuo, ils sont scellés à l'intérieur et ne peuvent plus en sortir.

Monsieur, vaut mieux que tu restes, sinon ils vont t'attraper et faire de toi un masque de Nuo.

– ... »

Les paroles du commerçant et de la petite Yingying résonnèrent dans son esprit. Chi Yan ressentit un grand froid l'envahir. En regardant les cinq masques, il en resta interloqué.


Le jour où la famille Zhuhui était parti en voyage, c'était le quinzième jour du premier mois lunaire. Le village avait donc dû pratiquer la danse Nuo et la chasse Nuo comme ce soir-là. Les flammes rouges qui illuminaient le ciel, le bruit des gongs et des tambours. La famille qui se trouvait à l'embranchement avait dû alors découvrir facilement l'existence de ce village. Ils étaient venus demander de l'aide mais les villageois les avaient pris pour des esprits malfaisants et les avaient capturés.

Les deux officiers de police qui étaient venus enquêter sur ce qui était arrivé à la famille Zhuhui avaient été cachés par la vieille dame chez elle. Ils furent quand même retrouvés pendant la chasse Nuo où toutes les maisons se faisaient fouiller.

Les fantômes se croyaient encore humains. Ils arrêtaient des humains en les prenant pour des fantômes et les éliminaient.


Chi Yan ferma les yeux et ramena son regard sur l'idole au centre.

C'était peut-être son imagination qui lui jouait des tours mais sous la lumière des bougies, cette statue n'était toujours pas grande, portait toujours un masque noir et or, et était encore vêtue de la splendide tenue rouge comme au théâtre, mais elle semblait bien plus grande que la représentation du prince héritier divin Nuo qu'il avait vue ce matin. Ce n'était plus un jeune garçon vêtu comme un adulte mais vraiment une idole sous forme adulte.

Il fixa la statue et fronça les sourcils.

Quel genre de dieu pouvait bien être vénéré par un groupe de fantômes ? Quel genre de dieu se contenterait de regarder le yin et le yang s'inverser dans cet enfer sur terre ? Ou bien ce n'était peut-être pas du tout un dieu.


Tout à coup, Chi Yan entendit une voix sombre et grave :

« Tu veux que je vous sauve, ton ami et toi ?

– Je ne... » répondit automatiquement Chi Yan avant de réagir au beau milieu de sa phrase.

Terrifié, il regarda tout autour et son regard se posa finalement sur la statue sur l'autel — une petite minute, c'était la statue qui venait de lui parler ?

Comme pour confirmer ses soupçons, la voix retentit de nouveau :

« Tu veux que je vous sauve, ton ami et toi ? »

Il était certain cette fois que la voix provenait bien de cette statue.


Chi Yan déglutit et refoula toutes les pensées irrespectueuses qu'il avait eues en tête tout à l'heure. Cependant, il gardait des doutes sur la soudaine apparition de cette idole. Y avait-il vraiment un dieu en ce monde ? Ou bien était-ce juste une autre sorte de fantôme mais qui croyait être un dieu ? Ou même encore un fantôme qui le trompait exprès pour qu'il morde à l'appât ?

Il savait que rien n'était gratuit en ce monde. Même les dieux exigeaient de se faire vénérer. Mais que l'autre soit un dieu ou un fantôme, du moment qu'il pouvait vraiment les sortir Song Jin et lui de ce guêpier, il était prêt à passer un accord avec l'autre. Après tout, il y avait bien des fantômes qui voulaient les aider, comme la mamie.


Chi Yan hocha la tête. Sa situation était plus que claire, il n'avait pas besoin et ne pouvait pas la cacher.

« Oui, je veux vous demander de nous sauver. Mais j'ignore le prix à payer en échange de votre aide. »

Mieux valait énoncer clairement les conditions tout de suite. Même si c'était vraiment un dieu, il y avait des dieux maléfiques. Franchement, pour les humains, les dieux et les fantômes revenaient souvent du pareil au même.

En entendant ça, la chose eut un léger rire.

« Tu me demandes ce que je veux ?


« C'est très simple : je veux que tu viennes m'embrasser, c'est tout. »


Note de Karura : 😒

Il y encore quelqu'un qui se demande qui peut bien être ce dieu ? Vous comprenez un peu mieux le titre du chapitre, maintenant.


Notes du chapitre :
(1) C'est une expression qui veut dire tromper les gens. Je la garde sous cette forme parce que... vous allez voir ! 😋






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