Esprit Malin 15

Chapitre 15 : Une personne seulement


Chi Yan avait prévu de profiter pleinement de leurs trois jours et deux nuits de vacances puis de rentrer en vitesse à Sumin le dernier jour. Néanmoins il avait été réveillé au beau milieu de la nuit par quelqu'un qui avait toqué à la porte puis avait fait l'amour avec Ye Yingzhi jusqu'à l'aube. Chi Yan ne s'était donc pas endormi avant quatre ou cinq heures du matin et il était onze heures quand il se réveilla. La moitié de leurs vacances était déjà passée.

Quand Chi Yan se réveilla, Ye Yingzhi était allongé à côté de lui avec un sourire et il le regardait d'un air satisfait. En voyant qu'il était réveillé, il se pencha et déposa un baiser sur ses paupières.

« Tu as bien dormi ? »


Chi Yan saisit un oreiller et le lui balança au visage.

« Ye Yingzhi, tu n'es pas humain, pas vrai ? Comment peut-on être aussi énergique au beau milieu de la nuit ? »

Ye Yingzhi écarta les bras tout en s'emparant de l'arme du crime d'une seule main. Il caressa la nuque de Chi Yan et fit d'un ton joyeux :

« Pas du tout, si tu veux bien me tenir compagnie je peux être énergique toute la journée. »

Chi Yan eut envie de l'envoyer au bureau gouvernemental du nouveau district de Huarong afin qu'il se fasse ré-éduquer sur la nouvelle civilisation et l'idéologie spirituelle socialiste. Mais même si ses paroles et actes étaient embarrassants, en son for intérieur Chi Yan se sentait tout mielleux.

Cela lui semblait si naturel d'aimer ainsi cet homme, de le voir, de pouvoir rester à ses côtés, de pouvoir être serré dans ses bras. Il se sentait si heureux qu'il pouvait à peine retenir ses larmes.


* * *


Tous les deux batifolèrent de nouveau. Ils commandèrent pour se faire livrer le déjeuner directement. De toute manière, les vacances c'était fait pour se détendre alors autant en profiter pour être heureux et à l'aise.

Quand Chi Yan ouvrit pour prendre le repas, il demanda à la livreuse ce qu'il y avait d'autre à voir et à faire à part le lac. La jeune femme répondit qu'il y avait une montagne à l'est qui n'était pas trop exploitée mais les touristes qui s'y étaient promenés avaient dit que le paysage était magnifique, calme et paisible.

Certainement à cause de son rêve étrange sans queue ni tête de la veille, Chi Yan répugnait instinctivement à l'idée de se rendre au lac mais... il ne voulait pas non plus se promener en montagne.

Il se tourna vers Ye Yingzhi afin de lui demander son avis.

Ce dernier répondit directement et honnêtement :

« Restons nous amuser dans la chambre. »


Chi Yan décida d'aller au lac. C'était un lac très réputé pour son paysage. La veille ils s'étaient promenés dans un endroit isolé et n'avaient pas pu voir les zones les plus touristiques.

La zone touristique était très animée. Il y avait également des petits bateaux de plaisance, des jet skis, des hors-bords et autres activités. On pouvait acheter un ticket pour un tour du lac sur un bateau à douze places ou bien louer un pédalo à quatre places maximum pour naviguer sur le lac.

Ye Yingzhi fit :

« Prenons plutôt un pédalo. »

Chi Yan regarda le stand et il s'avéra que la location de pédalos avait plus de succès. Les familles de trois ou les couples préféraient louer un pédalo. Dans les bateaux de plaisance, il y avait plutôt des groupes de touristes semi-âgés ou âgés.


Chi Yan se rendit au stand de location pour remplir le formulaire et déposer la caution. L'homme d'âge moyen en charge le vit tout seul et suggéra :

« Jeune homme, pourquoi vous ne prendriez pas plutôt un ticket pour une croisière ? Vous pourrez voir tous les beaux endroits du lac sans effort et en plus c'est bien moins cher. »

Il commençait à manquer de pédalos et bientôt les gens devraient faire la queue. Les affaires marchaient bien mais il n'était pas satisfait du taux de remplissage des bateaux de plaisance. Il voulait donc en profiter pour promouvoir les croisières. Ce ne serait pas facile de le faire après des couples ou des familles, par contre pour ce jeune homme tout seul c'était faisable.


Il avait à peine fini de parler qu'il sentit soudain un frisson sur sa nuque. Son cœur se mit à trembler sans raison apparente et il ne put s'empêcher de rentrer la tête dans ses épaules. Il perdit du coup l'envie de continuer à vendre un ticket de croisière.

Chi Yan sourit et déclina :

« Non, ça ira. »

Pour s'amuser avec son amant, c'était évidemment plus confortable et agréable d'avoir un espace privé sans personne pour les déranger.


Ce lac s'appelait le lac Nuer. On disait qu'il était en forme de croissant de lune mais en fait la courbe intérieure n'était pas très lisse alors il avait plus la forme d'un K. À cause de la topographie et de la forme de la montagne, les deux moitiés du lac étaient séparées en yin et yang. L'un des côté était ensoleillé et les eaux du lac étincelaient d'or. L'autre côté était plus à l'ombre et calme. Chi Yan nota que la maison où ils logeaient se trouvait sur les rives de la partie ombragée du lac.

Les stands de location de bateaux se trouvaient tous du côté ensoleillé. Par conséquent il y avait plus de pédalos de touristes de ce côté-ci, voire même un peu trop. Après la courbe, il y avait moins de pédalos.

Ye Yingzhi désigna les rives de la courbe au loin.

«  Ah Yan Encore un autre terme affectueux en Chinois, comme Xiao. (1), il y a trop de gens ici. Allons plutôt de l'autre côté. Tu pédales d'abord et je prendrai la relève quand il y aura moins de gens. »


Chi Yan n'y vit aucune objection et pédala dans cette direction. Une fois du côté sombre, il n'y avait plus que quelques pédalos. C'était très différent de la scène animée où on pouvait voir un pédalo à trois ou quatre mètres de chaque côté de vous. Ye Yingzhi tint parole et prit la relève, permettant ainsi à Chi Yan d'admirer la vue.

Un pédalo les croisa dans l'autre sens et le petit garçon qui se trouvait dessus pointa soudain du doigt le pédalo de Chi Yan et s'écria :

« Maman, maman, comment ça se fait que le bateau du monsieur avance sans qu'il pédale ou tienne le volant ? »

La jeune mère observa le pédalo dont elle ne voyait plus que le derrière, cela ressemblait clairement à un pédalo normal comme le leur.

Elle murmura à son fils :

« Tu as dû mal voir. »


Ses deux enfants avaient été obsédés par le pédalo depuis la dernière fois qu'elle était venue ici avec eux et son mari. Alors son époux et elle avaient décidé d'emmener à nouveau les deux enfants pour ce long week-end. Qui aurait cru que son mari devrait subitement partir en voyage d'affaires pour cette date ? Les petits avaient attendu ça avec impatience depuis l'automne dernier alors elle n'eut pas d'autre choix que d'emmener son fils de sept ans et sa fille de trois ans et demi en vacances au lac. Cependant c'était épuisant de s'occuper seule de deux enfants.

À cet instant la petit fille qui mangeait tranquillement et admirait la vue intervint soudain :

« Grand-frère a menti ! Il y avait un autre monsieur près du monsieur et c'est lui qui pédalait. J'ai aussi vu une madame qui essayait de grimper sur leur pédalo mais l'autre monsieur l'a fait tomber. »


Outré par l'accusation de sa sœur, le grand-frère se dressa d'un bond, se renfrogna et protesta :

« J'ai pas menti ! Il n'y avait qu'un monsieur sur le bateau ! Maman l'a vu comme moi ! »

Il se tourna vers la jeune femme, cherchant le soutien de sa mère.

La jeune femme sentit un frisson la parcourir dans le dos et elle n'écouta même pas ce que son fils disait. Ma fille n'a que trois ans et demi. Qui lui a parlé de ce genre de choses ? Comment pourrait-elle inventer ça si personne ne lui en a jamais parlé ?

Mais son fils et elle avaient clairement vu une personne seulement sur le pédalo...


La femme cria aussitôt à son fils de s'asseoir et de ne plus bouger. Elle tendit la main pour saisir sa fille et la placer entre elle et son fils. Elle pédala alors de toutes ses forces pour retourner au stand de location sur la rive. Ce ne fut qu'une fois entourée d'autres pédalos qu'elle se sentit le cœur plus léger.

Elle ne put s'empêcher d'en vouloir une fois de plus à son époux, cependant c'était inutile et dur de blâmer un homme occupé à travailler. Observant le ciel, elle se dit qu'il se faisait tard. Ils resteraient encore ici une nuit et dès le lendemain matin, elle ramènerait les deux enfants à la maison.


* * *


Ye Yingzhi sourit et pédala de son côté. Il tendit discrètement la jambe gauche pour écraser les quatre doigts pâles et boursouflés de ce côté du pédalo.

L'orientation de ce lac était assez inhabituelle et avait donné naissance à une configuration des plus curieuses. Un côté du lac était rempli d'énergie Yang mais l'autre était rempli d'énergie Yin. Sans ça, il n'y aurait pas autant de fantômes d'eau.

L'eau sur le côté sombre du lac était plus vaste que du côté ensoleillé. Comme il y avait moins de gens, la surface de l'eau semblait sereine, gracieuse et lisse comme un miroir. De temps en temps des ondulations se formaient à cause des oiseaux qui plongeaient ou se posaient dessus.


Ye Yingzhi arrêta le pédalo au centre du lac. Chi Yan était penché de l'autre côté et admirait le lac et la montagne autour. Soudain une main fine et puissante passa autour de lui et le ramena en arrière.

Chi Yan se tourna pour regarder et il vit Ye Yingzhi se pencher en avant avec ses deux mains sur le bord du pédalo. Il se retrouva allongé avec les mains de Ye Yingzhi de chaque côté de sa tête.

Il le vit baisser la tête vers lui et ferma les yeux automatiquement. Ses lèvres reçurent un doux baiser.

« N'aie pas peur, personne ne peut nous voir, fit Ye Yingzhi pour le rassurer avant de murmurer contre ses lèvres : Ah Yan, ne dirait-on pas que nous sommes les deux seules dernières personnes au monde ? »

Et je te possède.

« Les deux seules dernières personnes. »

Chi Yan fut inexplicablement frappé par ces mots. Son cœur se mit à frémir et il ne put s'empêcher de lever la tête et d'embrasser son amant.


* * *


Le soir venu, Ye Yingzhi refusa à nouveau de manger dehors à leur retour. Il voulait cuisiner lui-même et Chi Yan se plia à son avis. Il alla donc acheter du poisson et des légumes chez le primeur. Du toute façon il était déjà responsable de l'achat des aliments et Ye Yingzhi s'occupait de la cuisine chez eux.

Après le dîner, ils allèrent se balader un peu. Il était presque vingt heures et le ciel était déjà sombre. Non loin il y avait toutes sortes de gîtes pour les touristes. Certains étaient comme des fermes avec un barbecue au milieu de la cour et des spectacles de chant. On pouvait sentir l'odeur du poisson grillé à l'entrée de la cour.

« Monsieur. »

Chi Yan avait tourné la tête pour parler à Ye Yingzhi quand il sentit soudain qu'on tirait sur son pantalon. Il baissa les yeux et découvrit une petite fille.

La fillette leva la tête et fit à Chi Yan :

« Monsieur, j'ai vu ce monsieur à côté de vous sur le pédalo mais maman et grand-frère ont dit qu'ils n'avaient rien vu. »


Notes du chapitre :
(1) Encore un autre terme affectueux en Chinois, comme Xiao.






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