Chapitre 16 : Absurdités
Comparée aux autres enfants de son âge, cette petite fille articulait clairement. Chi Yan ne comprit cependant pas le sens de ses propos et il se pencha pour lui tapoter la tête et la cajoler :
« Ta mère et ton frère se sont sûrement trompés, ce monsieur a toujours été là. »
Il se sentit amusé, c'était sûrement une enfant qui prenait les choses trop à cœur.
« Oh, » se contenta de faire la petite fille.
Elle ne dit rien de plus et regarda les deux hommes.
Ye Yingzhi eut un léger rire. Il s'avança et tendit la main à son tour. Il semblait vouloir tapoter aussi la tête de l'enfant cependant il retira sa main, frappé par une pensée.
Chi Yan lui lança un regard interrogateur et Ye Yingzhi expliqua :
« Il y a beaucoup trop de microbes sur la main d'un adulte, ce n'est pas bon pour les enfants. »
Chi Yan se sentit un peu gêné en songeant qu'il venait de toucher la tête de la petite. Il mit sa main dans son dos sans rien dire.
Ye Yingzhi se pencha vers la fillette et lui fit :
« Hé, tu dois rentrer tôt le soir, ne sors pas toute seule et ne parle pas aux inconnus, ça pourrait être dangereux. »
La petite fille répondit par un Mmm confus.
À ce moment une voix de femme retentit :
« Wenwen ! »
La petite fille tourna la tête et vit sa mère. Puis elle se tourna à nouveau vers Ye Yingzhi et Chi Yan avant de courir vers sa mère en titubant un peu.
Ye Yingzhi prit la main de Chi Yan et le fit avancer tandis que le dialogue mère-fille devenait inaudible avec la distance —
« Wenwen, à qui tu parlais à l'instant ?
– Aux deux messieurs du pédalo de cet après-midi. Le monsieur a dit que l'autre monsieur était toujours là. Maman, je n'ai pas menti, c'est grand-frère qui s'est trompé... »
La jeune mère ressentit un frisson dans la nuque.
« Deux messieurs ? » demanda-t'elle confirmation auprès de sa fille.
La petite fille hocha la tête avec de grands yeux.
Mais elle n'avait clairement vu qu'une seule personne à côté de sa fille à l'instant...
La mère frissonna de partout. Elle n'osa plus interroger sa fille et la prit dans ses bras. Dès demain, je ramène les enfants chez nous. Non, mon époux ne sera pas encore revenu. Tant pis, j'appellerai mon grand-frère pour qu'il passe nous prendre demain.
Chi Yan et Yin Yingzhi poursuivirent leur promenade en se rapprochant du lac. Il n'y avait pas de lampadaires dans cette ruelle. La lumière provenait uniquement de la lune dans le ciel et des portes et fenêtres des maisons de chaque côté. La nuit était trop sombre et le chemin que Ye Yingzhi avait choisi était peu fréquenté. Il n'y avait qu'eux deux sur le chemin.
Après environ vingt minutes de marche, Chi Yan vit un enfant de la taille de la petite fille de tout à l'heure qui lui faisait signe plus loin sur le chemin. Il était trop loin et il faisait sombre. Chi Yan ne put distinguer l'apparence de l'enfant ou si c'était un garçon ou une fille. Il pouvait seulement déduire de la taille de la silhouette qu'il s'agissait d'un enfant.
Chi Yan signala :
« Yingzhi, il y a un autre enfant là-bas qui me fait signe de venir. »
Il voulut se rendre là-bas mais Ye Yingzhi le retint par la taille.
L'autre homme le serra contre lui gentiment et sourit.
« Où ça un autre enfant ? Tu dois encore avoir l'image de la petite-fille en tête alors tu as une hallucination, tu ne crois pas ? »
Chi Yan regarda de nouveau à cet endroit et effectivement, la petite silhouette qui lui faisait signe avait disparu.
Il resta un moment sans bouger. Cette image de tout à l'heure était si réelle, on n'aurait pas du tout dit une hallucination.
Ye Yingzhi continua de rire et lui souffla à l'oreille :
« Si tu aimes tant que ça les enfants, pourquoi tu ne m'en donnes pas un ? »
Chi Yan se retourna pour lui lancer un regard significatif.
« Parce que je peux donner naissance, tu peux donner naissance, hein ?! »
Ye Yingzhi se contenta de sourire. Il reprit le chemin de retour en gardant son bras autour de sa taille.
C'était une taquinerie absurde mais elle parvint à détourner l'attention de Chi Yan. Il ne prêta plus attention à ce qui venait de se passer et accepta pleinement cette explication d'hallucination.
Plic plic.
Le son de l'eau, quelque chose qui sortait des eaux et se rapprochait, se rapprochait...
Au beau milieu de la nuit, Chi Yan se réveilla à nouveau en sursaut. Il se redressa dans le lit en haletant.
Exactement le même rêve.
La sensation d'être observé par quelque chose le terrifia au plus profond de son cœur.
Il y avait quelques nuages cette nuit, recouvrant peu à peu la lune. Une couche de brume s'était formée au dessus du lac et la nuit était encore calme, cependant on avait l'impression que quelque chose était tapi dans l'ombre.
Il ne put refouler la panique et la peur. Il ne se soucia plus de déranger son amant et s'allongea sur Ye Yingzhi. Il le prit dans ses bras et murmura :
« Yingzhi... »
Ye Yingzhi ouvrit aussitôt les yeux et passa ses bras autour de lui en un geste apaisant.
« N'aie pas peur, tout va bien. Je suis là. »
Chi Yan secoua la tête. Il avait le sentiment que quelque chose d'encore plus terrible allait se produire.
Toc toc.
Il entendit toquer à la porte.
Pas seulement leur porte mais aussi celle du bas.
Le plus étrange fut le grincement qui suivit. L'appartement du bas était vacant, le propriétaire avait dit qu'il était en cours de rénovation. Cependant la porte s'était ouverte dès qu'on y avait toqué. Et Chi Yan avait clairement entendu la porte s'ouvrir en grinçant.
On continua de toquer à leur porte mais il y eut un bruissement en bas, comme si quelque chose rampait au sol.
Chi Yan se pétrifia totalement, confus entre ces deux sons simultanés, incapable de réfléchir. Il pouvait à peine continuer à se raccrocher à Ye Yingzhi.
Ye Yingzhi continua à lui tapoter le dos pour le réconforter, déposa de tendres baisers sur ses paupières tremblantes sans oublier de tendre la main pour poser la couverture sur son dos complètement exposé.
Chi Yan entendit les rampements du bas se rapprocher encore et encore pour changer ensuite de direction... La chose rampait à présent sur le mur, qui plus est le mur contre lequel se trouvait la tête de leur lit ! Il put même entendre les ongles gratter au plafond puis tous les sons cessèrent net — mais Chi Yan savait parfaitement que la chose s'était arrêtée au plafond du bas, juste sous leur lit.
Il n'osait même pas tenter de s'enfuir par la porte parce qu'on y toquait toujours régulièrement.
Chi Yan n'osa donc plus faire le moindre bruit et faisait même attention en haletant. Il avait peur que la chose en-dessous l'entende.
Il s'approcha très prudemment de l'oreille de Ye Yingzhi et murmura :
« … Yingzhi, tu as entendu ? »
Les yeux de Ye Yingzhi était devenus très sombres dans l'obscurité. Il étira ses lèvres et murmura :
« Très audacieux. »
En même temps, ses mains continuèrent de réconforter son amant.
Chi Yan demanda :
« Qu'est-ce que tu as dit ?
– J'ai dit que les rats étaient très audacieux de nos jours, répondit-il. Heureusement qu'il n'y a pas de rat chez nous. Et je ne sais pas qui s'amuse à toquer à la porte toutes les nuits mais je vais aller voir à nouveau. »
Son attitude nonchalante eut également de l'effet sur Chi Yan qui se sentit moins nerveux et effrayé.
« Ce n'est pas un rat. Écoute un peu, aucun rat ne ferait un bruit pareil. »
Ye Yingzhi remit sous les couvertures Chi Yan qui était anxieux et à moitié redressé. Il s'assit et s'apprêta à se lever du lit.
« Hé bien, il y a de nombreux animaux sauvages dans ces zones montagneuse et avec un lac. Ce pourrait être une belette, un pangolin ou autre chose. »
Une belette ? Un pangolin ?
Chi Yan avait grandi en ville. Il avait seulement entendu parler de ces animaux-là mais n'en avait jamais vu un. Tout au plus il les avait vus à la télévision ou dans des livres. Il n'avait jamais eu vraiment de contact avec et n'avait pas une forte impression à leur sujet. Il ignorait même à quoi ils ressemblaient ou quel était leur mode de vie. Suite aux paroles de Ye Yingzhi, Chi Yan se dit qu'il s'en faisait pour rien et qu'il s'était fait peur tout seul.
Cependant le fait qu'on ait toqué deux nuits de suite à leur porte de cette manière aussi bizarre restait très effrayant.
Il enlaça la taille de Ye Yingzhi par derrière.
« Yingzhi, n'y va pas. Reste avec moi... Dormons, retournons simplement dormir et au réveil demain durant le jour, tout ira bien. »
Il n'aurait pas su dire comment il savait qu'il fallait "simplement dormir".
Ye Yingzhi ne put s'empêcher de regarder par-dessus son épaule et de caresser son visage. Il se souvint de la manière dont Chi Yan avait été effrayé autrefois avec les yeux rouges et les larmes qui coulaient. Il fit :
« Je vais seulement jeter un coup d'œil comme hier. Ce doit être la même personne qui s'est encore trompée de porte aujourd'hui. Je vais ouvrir, comme ça il comprendra qu'il n'habite pas ici et il s'en ira. Comment tu pourrais dormir s'il continue à toquer ainsi ? »
Chi Yan se sentit rasséréné mais en songeant qu'il y avait quelque chose sous leur lit et qu'il ignorait ce que c'était, son cœur frémit et il n'osait plus rester au lit. Alors il leva la tête pour regarder Ye Yingzhi :
« … Dans ce cas, je viens avec toi. »
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