Chapitre 49 : Appelle-moi
Chi Yan comprit enfin ce qu'était "un retour rapide de karma".
Il avait l'habitude de courir derrière Ye Yingzhi tous les jours dans le jeu, l'appelant gaiement "ma chérie". C'était maintenant au tour de Ye Yingzhi de l'appeler comme ça.
Du genre : « Ma chérie, le repas est servi. »
« Ma chérie, c'est l'heure d'aller se coucher. »
« Ma chérie, merci de faire la lessive pour ton époux. »
…
Etc, etc.
Ça avait l'air gentil mais en fait c'était totalement pervers !
Quant au baiser de ce soir-là, bien que Ye Yingzhi l'ait pressé pour l'embrasser un long moment, il pouvait très bien comprendre ce genre de choses.
Après tout, même s'il avait été confus et perdu à ce moment, pour être honnête... lui aussi voulait embrasser Ye Yingzhi...
Ce genre de choses devait être addictive. Après avoir sauté le pas ce jour-là, Ye Yingzhi l'avait encore tiré au lit et s'était permis des libertés avec lui trois ou quatre fois. Ensuite il l'avait pressé contre le matelas et embrassé jusqu'à ce que Chi Yan soit épuisé et passe ses bras autour de son cou avant de s'endormir sous la couverture.
Chi Yan aimait ça, il aimait la sensation d'intimité et d'intoxication qu'il éprouvait avec Ye Yingzhi. Il n'aurait jamais osé l'avouer à voix haute mais il n'avait jamais rejeté ces avances non plus.
Sept jours plus tard, Chi Yan reçut soudain un coup de fil de Hu Xing.
Chi Yan avait également gardé contact avec Xiao An, l'ami de collège de Lao Yuan et le condisciple junior de Hu Xing. Il avait ainsi appris que depuis la dernière fois, Hu Xing avait suivi Gu Xixi de très près, surtout une fois la nuit tombée. Après deux ou trois heures de repos durant le jour, elle continuait à consulter des textes anciens ou des documents afin de trouver le point faible de l'esprit maléfique et de l'éliminer d'un coup.
Même elle ne pouvait pas garantir avec certitude qu'elle pourrait vaincre une telle créature maléfique dont les mains étaient tachées de sang. Une fois que l'herbe était battue et qu'on effrayait le serpent, on risquait de perdre toute chance de l'attaquer et même au contraire de se faire tuer par une riposte de son adversaire.
Chi Yan avait vu une fois un film d'horreur comme ça. Le héros et même des sorciers taoïstes experts étaient tous massacrés dans ce film. C'était le fantôme qui riait le dernier, attendant l'occasion de frapper sa prochaine proie.
Du coup Chi Yan n'osait pas contacter directement Hu Xing ces jours-ci. Il demanda simplement de ses nouvelles par le biais de Xiao An.
« Elle m'a découverte. »
Ce fut la première chose que dit Hu Xing et sa voix était un peu erratique.
« Elle est très rusée. Cela fait longtemps qu'elle s'est rendue compte de ma présence mais elle faisait mine de ne rien savoir. Et puis... aujourd'hui elle a profité d'un moment pour s'attaquer à Ah Sheng. Ah Sheng risque à présent de mourir. Je dois me retirer pour la sauver... Désolée, je ne peux plus surveiller Gu Xixi pour au moins les cinq jours à venir. »
Ah Sheng n'était qu'une petite renarde. Même si elle était un peu spirituelle et avait des pouvoirs particuliers, elle ne faisait certainement pas le poids contre Gu Xixi. Ce n'était pas après sa vie que Gu Xixi en avait, elle voulait une seule chose : éloigner Hu Xing de cette manière — elle avait perçu la présence de Hu Xing et cette dernière la surveillait de trop près pour qu'elle puisse agir, et elle ne pouvait plus attendre.
Toute en sachant que c'était une ruse, que c'était le moyen d'éloigner le tigre de la montagne, Hu Xing n'avait pas d'autre choix que d'agir selon le plan de Gu Xixi.
Cela pouvait être difficile à comprendre pour les autres mais à ses yeux, Ah Sheng faisait partie de sa famille. Même en sachant que si elle laissait Gu Xixi faire, cette dernière s'en prendrait sûrement à quelqu'un, Hu Xing devait d'abord sauver sa famille. Elle était peut-être une adepte du Yin et du Yang mais elle était avant tout une personne ordinaire.
« Désolée, murmura Hu Xing.
– Ça ira. Je serai très prudent ces prochains jours. »
Il comprenait tout ce qui se cachait derrière le désolée de Hu Xing et pouvait comprendre la jeune femme. Il avait entendu Hu Xing parler de son passé et il comprenait ce que la petite renarde représentait pour elle.
« Au fait, Sœur Hu, à part toi il doit bien y avoir d'autres prêtres taoïstes, des sorciers et des moines qui s'occupent de cette affaire, non ? »
Bien que ce domaine ne concernait pas de près la vie des gens ordinaires, il était raisonnable de penser que Hu Xing devait avoir un partenaire et ne pas œuvrer seule.
« Effectivement, admit Hu Xing, mais avec tout le respect que je leur dois, on ne peut compter actuellement sur aucune des personnes impliquées dans cette affaire. Autre chose, Xiao Chi, tu as dit que tu l'avais prise pour femme dans le jeu. Que voulais-tu dire par là ? Comment ça se passe précisément ? »
Chi Yan ne comprit pas pourquoi elle demandait ça tout à coup mais il lui expliqua en détail le déroulement d'un mariage dans le jeu.
« Tu veux dire que vous avez été dans le hall sacré, fait les trois prostrations et prononcé vos vœux ?
– Oui.
– C'est terrible... fit Hu Xing d'une voix un peu solennelle. Je sais que la plupart des gens ne prennent pas au sérieux ces relations en ligne mais un rituel reste un rituel. Vous avez accompli les étapes clés d'une cérémonie de mariage, alors vous êtes reconnus comme mari et femme...
– Impossible. »
Chi Yan avait bien du mal à concevoir cela.
« Si c'est vrai, alors c'est plutôt Ye Yingzhi et moi qui sommes reconnus comme mari et femme, non ?
– C'est différent. Si ce personnage n'était qu'un outil manipulé par ton colocataire, alors évidemment que le mariage ne serait établi qu'entre vous deux. Cependant, à présent que cette chose est devenue un esprit maléfique animé, ce mariage est établi entre toi et eux deux désormais. Peu importe que ce soit de la monogamie ou de la bigamie, quand la cérémonie est accomplie le mariage est conclu.
« Ce n'est pas le plus grave, Chi Yan. J'ai découvert hier que pour se faire le corps le plus adéquat, elle a besoin de deux choses — le sang de sa famille et le cœur de son bien-aimé.
– Le cœur ? La première victime n'avait-elle pas eu le cœur... le cœur arraché ?
– En effet, le cœur est la source de la force vitale des humains. Pour maintenir la force de vie dans un corps inachevé, il faut y mettre un cœur dès le début puis attendre jusqu'à ce qu'on récupère le cœur le plus important pour le remplacer.
– Mais elle n'est pas un démon ? Où ira-t'elle trouver un bien-aimé et de la famille ? »
En fait, Chi Yan avait déjà vaguement pressenti que le bien-aimé devait très certainement être lui.
« … Tu es son bien-aimé, Chi Yan. Et puisque tu l'as épousée, tes parents et ta famille sont devenus les siens aussi... »
— Elle a besoin de deux choses — le sang de sa famille et le cœur de son bien-aimé.
— Puisque tu l'as épousée, tes parents est ta famille sont devenus les siens aussi.
Ces deux phrases ne cessèrent de frapper son cœur tel un lourd marteau, résonnant sans cesse.
Le portable tomba des mains de Chi Yan et heurta le sol avec un plump.
Ce bruit sembla le réveiller. Il s'accroupit rapidement et reprit le portable d'une main tremblante. Il ne prit même pas la peine de se relever et resta dans cette position en tremblant. Il reprit sa discussion avec Hu Xing :
« Sœur Hu, je t'en supplie, par pitié... Aide ma famille, aide mes parents... »
Il claquait des dents et sa voix tremblait tout du long.
Hu Xing garda le silence un long moment et seulement après elle fit :
« Désolée, je ne peux rien faire. S'il y a un lieu sacré près de chez tes parents, ils pourraient y trouver refuge et s'y cacher pour le moment. »
La tonalité indiqua qu'elle avait raccroché mais Chi Yan resta accroupi par terre sans pouvoir se relever. Il n'aurait jamais cru qu'un jour ses parents et sa famille seraient en danger à cause de lui.
Et encore moins à cause d'un démon.
Son esprit fut chaotique un moment puis il s'assit à même le sol et commença à réserver des billets pour rentrer chez lui. En avion, le premier vol n'était pas avant demain mais il restait des billets de train en partance ce soir même — quoi qu'il en coûtait, il devait rentrer au plus vite pour être avec ses parents. Il devait les protéger.
Une fois les billets achetés, Chi Yan retourna à l'intérieur et commença à faire ses valises. Ye Yingzhi le vit faire et s'écria :
« Ah Yan, qu'est-ce que tu fais ? Tu pars quelque part ? »
Chi Yan s'arrêta pour le regarder :
« Je rentre chez moi, Yingzhi. Merci de t'être occupé de moi ces jours-ci. J'ai été heureux de te rencontrer. »
Il tordit sa bouche afin de sourire à Ye Yingzhi mais à sa grande surprise, ses larmes se mirent à couler.
Il était paniqué, il avait bien trop peur.
Ye Yingzhi s'avança vers lui, baissa la tête et posa la main gauche sur son épaule droite.
« Ah Yan, que se passe-t'il ? Si ça ne te dérange pas, je pars avec toi. »
Chi Yan redressa soudain la tête pour le dévisager, et l'espoir naquit de nouveau en son cœur.
Gu Xixi évitait toujours Ye Yingzhi. S'il emmenait Ye Yingzhi chez ses parents durant les quelques jours où Hu Xing serait absente, cela retarderait-il le drame ?
Cependant Ye Yingzhi était quelqu'un de normal après tout. Après tout le mal que Gu Xixi s'était donnée pour éloigner Hu Xing, elle était désormais comme une bête aux abois. Ye Yingzhi risquait-il alors de perdre la vie plutôt ?
Ses lèvres s'agitèrent et tremblèrent légèrement mais il ne pouvait parler. Il lui fallut un long moment pour articuler une phrase avec du mal :
« … Cela risque d'être dangereux, très dangereux. Un esprit maléfique veut tuer ma famille... »
Il fut réduit au silence à mi-chemin.
Ye Yingzhi avait incliné légèrement la tête puis s'était penché pour l'embrasser, un très léger baiser qui tomba froidement sur ses lèvres.
Chi Yan ne put que lever la tête pour le regarder bêtement, les yeux grands ouverts.
Ye Yingzhi posa son index droit sur ses lèvres et murmura doucement :
« Sois gentil, ne dis pas ça. Nous avons honoré ensemble le ciel et la terre. Si tu veux que ton cher mari t'accompagne, tu n'as qu'à m'appeler "mon époux". »
Comment pouvait-il faire ce genre de blague dans un moment pareil ?
Chi Yan leva la tête pour contempler les yeux noirs de l'autre homme. Il sembla percevoir ses vrais sentiments en eux.
Son cœur s'enfla un peu et battit plus fort. Il ne put rien dire.
Au bout du compte, il se pencha en avant et passa ses bras autour de la taille de Ye Yingzhi en murmurant :
« Yingzhi. »
Puis quand Ye Yingzhi pencha la tête en réponse, il murmura ces deux mots à son oreille :
« … mon époux. »
Il en fut aussi intimidé et son visage rougit d'un coup.
Malgré ça... il le connaissait déjà depuis longtemps.
Ye Yingzhi ne put s'empêcher de se fendre d'un grand sourire et de bécoter son oreille.
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