Chapitre 51 : Secret révélé
Chi Yan reçut un appel de sa mère Liu Fengying tandis qu'il rentrait du magasin avec les courses.
Liu Fengying semblait s'être cachée quelque part pour l'appeler en secret. Elle baissa délibérément la voix :
« Xiao Yan, une jolie jeune fille vient de se présenter à la porte. J'ai regardé par l'œilleton. Elle dit qu'elle est ta petite-amie. J'étais en train de me demander depuis quand tu t'étais trouvé une petite-amie quand Yingzhi est arrivé. Il lui a ouvert la porte et il est parti discuter dehors avec elle. Je ne sais pas ce qui se passe alors je voulais d'abord t'appeler pour te prévenir. »
Chi Yan paniqua aussitôt.
« Il lui a ouvert la porte ? Il est sorti ? Il n'est pas encore revenu ? »
Ne lui avait-il dit de ne pas ouvrir la porte ? Que faire si Gu Xixi s'en prenait à Ye Yingzhi ?
Comme disait le proverbe, une mère connaissait bien son enfant : Liu Fengying perçut l'inquiétude et l'angoisse dans la voix de son fils. Bien que perplexe, elle tenta de le rassurer :
« Ne t'en fais pas, je vais jeter un coup d'œil. »
Chi Yan pressa le pas pour rentrer, son portable à la main. Après un moment il entendit sa mère dire à l'autre bout du fil :
« Il est rentré, Yingzhi est rentré. Je ne vois plus la fille. »
Chi Yan poussa un soupir de soulagement.
« Okay. Maman, cette fille n'est pas ma petite-amie. Elle a des troubles mentaux. Yingzhi est au courant... Bon, je te dirai la suite plus tard. Je te laisse. »
C'était plus facile de dire à sa mère que Gu Xixi avait des troubles mentaux que de lui révéler qu'elle n'était pas humaine.
De retour à la maison, Chi Yan alla en cuisine pour poser les sacs de courses puis se rua dans le bureau où Ye Yingzhi était en train de lire. En même temps, il pensa à fermer la porte à clef.
Ye Yingzhi posa le livre qu'il tenait et se leva. Il prit Chi Yan dans ses bras et le tint serré contre lui. Il demanda :
« Ah Yan, que se passe-t'il ? »
Chi Yan déglutit. Il l'examina de la tête aux pieds puis tendit la main pour toucher son corps afin de confirmer qu'il était toujours le Ye Yingzhi qu'il connaissait et qu'il était sain et sauf. Seulement là Chi Yan put de nouveau respirer.
« Tu vas bien ? »
Ye Yingzhi se pencha et l'embrassa sur le front.
« Que pourrait-il m'arriver ? Ta mère était sur le point de lui ouvrir la porte quand j'ai entendu ce qui se passait. Elle est partie sans rien dire dès qu'elle m'a aperçu. Mais que s'est-il passé entre Gu Xixi et toi ? Comment connaît-elle ta famille ? Pourquoi est-elle venue jusqu'ici ? »
Bien qu'aucun des deux n'avait clairement affirmé leur relation, Chi Yan avait depuis longtemps accepté dans son cœur qu'ils étaient désormais amoureux.
Il ne voulait pas que Ye Yingzhi se fasse de fausses idées et il ne voulait plus rien dissimuler à son amoureux. Aussi il leva la tête et le regarda d'un air très sérieux :
« Yingzhi, Gu Xixi n'est pas un être humain. Je t'ai déjà dit qu'il y avait un esprit maléfique qui voulait s'en prendre à ma famille : c'est elle. C'est aussi elle qui a tué tous ces gens. J'ignore pourquoi mais elle semble t'éviter. »
Chi Yan ne comptait pas donner trop de détails. Il ne voulait pas que Ye Yingzhi soit trop impliqué dans cette histoire surnaturelle. Il lui suffisait de savoir que Gu Xixi n'était pas humaine, qu'elle avait de mauvaises intentions et qu'il devait l'éviter dorénavant.
Bien qu'il soit impuissant, Chi Yan voulait quand même protéger son bien-aimé autant que possible et l'empêcher d'avoir affaire à ces choses.
« Alors ne m'en demande pas plus. Reste simplement loin d'elle à l'avenir, évite-là complètement jusqu'à ce que tout soit terminé.
– D'accord. »
Ye Yingzhi ne manifesta aucun doute face à cette nouvelle si invraisemblable. Au contraire il le fixa et accepta d'un air sérieux.
« Je ferai comme tu dis. »
Après ça, Ye Yingzhi alla aider les parents de Chi Yan à cuisiner avec lui. Les quatre personnes s'amusèrent ensemble à la maison, comme une vraie famille.
Au contraire Chi Yan avait en permanence le cœur lourd. Il craignait que Gu Xixi ne renonce pas et attende l'occasion de revenir. Quand il alla dans sa chambre le soir avec Ye Yingzhi, il n'osa pas fermer la porte et prêta attention au bruit dans le reste de la maison.
Ye Yingzhi finit par tendre les bras pour le serrer contre lui et dire :
« Va te coucher, repose-toi un peu, je suis là. Je vais veiller avec toi. »
Obéissant, Chi Yan alla se reposer un peu.
Cependant rien ne se passa de toute la nuit. Chi Yan apprit une bonne nouvelle le lendemain à midi. Ah Sheng était hors de danger et Hu Xing était revenue dans la ville de A pour surveiller Gu Xixi. Chi Yan fut ravi de l'entendre mais aussi secrètement surpris. Il ignorait comment Gu Xixi avait fait pour les suivre ici et revenir dans la ville de A juste en une nuit.
Mais il avait encore le cœur agité. D'après Hu Xing, avoir un réceptacle était très important pour elle, c'était une question de survie. Allait-elle renoncer si facilement ?
Du coup, Ye Yingzhi et lui n'avaient plus besoin de rester dans la ville de H avec ses parents. Ils annoncèrent que l'université allait rouvrir et durent faire leurs valises.
Chi Zhongyuan et son épouse furent tristes de les voir partir. Ils leur préparèrent une tonne de nourriture pour qu'ils la ramènent avec eux.
Quand ils furent tous deux de retour chez Ye Yingzhi, il était déjà vingt-et-une heures passées. Après avoir déballé leurs affaires et tout rangé, ils prirent tour à tour une douche — bien que la maison comporte plusieurs salles de bain, c'était celle de la chambre de Ye Yingzhi qu'ils utilisaient uniquement.
Chi Yan était assis sur le lit. Ye Yingzhi sortit de la douche et s'approcha de lui. Il baissa la tête et demanda avec un sourire :
« Ah Yan, j'ai fait comme tu m'as dit et j'ai chassé Gu Xixi. Ai-je droit à une récompense ?
– Une récompense ? »
Chi Yan ne sembla pas réagir du premier coup. Il leva ensuite la tête pour regarder Ye Yingzhi, l'air un peu hébété.
« Tu peux me demander tout ce que tu veux. »
Il était assis au bord de lit, son corps complètement exposé et sans méfiance. Il levait les yeux vers l'autre homme en face de lui, complètement confiant et avec les yeux un peu brillants.
Ye Yingzhi plongea son regard dans le sien et ne put s'empêcher de le presser contre le lit tout en le prenant dans ses bras. Il murmura :
« N'importe quelle récompense, c'est vrai ? Tu confirmes ? »
À la fin de sa phrase, son ton était un peu ascendant, comme s'il était heureux et satisfait.
Chi Yan réagit cette fois à ce qu'il sous-entendait. Son visage rougit pourtant il posa sa tête sur son épaule et répondit par un très doux :
« En. »
Il ferma doucement les yeux et sentit les gestes de Ye Yingzhi. Il sentit précisément les boutons de la large chemise qu'il avait enfilée comme ça après la douche se défaire un par un. Les doigts légèrement froid écartèrent les pans des deux côtés et caressèrent son torse...
Chi Yan ne put s'empêcher de trembler de tout son corps mais il se retint.
Il rouvrit les yeux et jeta un coup d'œil à la personne tout près de lui. Il le serra contre lui avec soulagement et referma les yeux.
Cette personne est Ye Yingzhi. Ce n'est rien d'autre, arrête d'y penser...
Ye Yingzhi prit le contrôle sur lui. Chi Yan tenta de se maîtriser mais ne put retenir ses frissons.
Les baisers qui pleuvaient sur lui, sur son cou, derrière. Le souffle légèrement froid, les mains qui firent passer ses bras autour de lui, se montrant constamment malicieuses avec lui... C'était beaucoup trop semblable, c'était comme s'il était subitement revenu à cette nuit d'été, la longue, sombre et oppressante salle bouddhiste, la lumière orange et les ombres reflétées sur le mur, la statue bienveillante du bodhisattva...
Chi Yan en fut si paniqué qu'il ne put s'empêcher de pleurer et gémir. Il repoussa l'autre homme qui se trouvait sur lui. Il se recroquevilla sur le lit et recula vers le montant du lit. Les lèvres tremblantes, il dévisagea Ye Yingzhi comme pour percer à travers sa peau :
« … Qui es-tu ? Qui es-tu vraiment ? »
Ye Yingzhi parut intimidé et pris au dépourvu face à ce changement inattendu. Il regarda Chi Yan, ses yeux d'un noir d'encre remplis d'incompréhension, d'innocence et d'inquiétude.
Il tenta de calmer ses émotions et respira un bon coup. Il tendit ensuite la main vers Chi Yan en murmurant :
« C'est moi, Ah Yan, c'est moi : Ye Yingzhi, ton colocataire, ton épouse, ton mari... Qu'est-ce qui t'arrive ? Quelle chose horrible as-tu encore vue ? »
Chi Yan se roula en boule puis le regarda. Après un moment, il s'approcha un peu et tendit la main droite pour la mettre dans celle de Ye Yingzhi.
C'est chaud et légèrement frais à la fois, mince et aux jointures éminentes, c'était la main de Ye Yingzhi.
Ye Yingzhi avait toujours une constitution un peu froide, il le savait aussi.
Plusieurs fois quand il avait peur ou se sentait impuissant, c'étaient ces mains qui s'enroulaient autour de lui, lui caressaient les épaules et le dos pour le réconforter.
« Ye Yingzhi... ? demanda-t'il comme confirmation d'une toute petite voix, tel un animal effrayé.
– Bébé, c'est bien moi. »
Ye Yingzhi le fixa avec sérieux, l'image de Chi Yan se reflétant dans ses pupilles noires.
Chi Yan le dévisagea avec attention et resserra finalement un peu sa prise sur sa main.
Ye Yingzhi l'attira aussitôt dans ses bras et le serra fortement. Il murmura :
« C'est bon, tout va bien, n'aie pas peur, je ne te ferai aucun mal. »
Une présence familière, une étreinte familière, c'était effectivement Ye Yingzhi.
Chi Yan le repoussa juste un peu.
« … Yingzhi, désolé. Pour ce soir je préfère dormir à côté. »
Ye Yingzhi le lâcha aussitôt et pencha la tête pour toucher son visage.
« Ce n'est pas grave, ce n'est pas grave si tu ne peux pas l'accepter pour le moment. Ne sois pas gêné. »
Il sourit et le maintint en place.
« Reste dormir ici, c'est moi qui vais à côté. »
Il embrassa à nouveau le sommet du crâne de Chi Yan.
« Quand tu me diras de revenir, je reviendrai. »
Chi Yan contempla le dos de Ye Yingzhi qui avait pris un oreiller et une couverture et qui referma la porte de la chambre derrière lui. Ses mains se resserrèrent sur la couverture et il se sentit un peu perdu.
Plus son amoureux se montrait gentil, indulgent et tolérant, plus il se sentait coupable et perdu.
Il se dit qu'il avait eu tort de s'en prendre à Ye Yingzhi. Yingzhi avait passé deux ans à jouer avec lui dans le jeu, c'était l'épouse qui n'avait pas osé se faire connaître de lui parce qu'il était un renyao Un homme qui joue un personnage féminin dans un jeu. (1). Ils étaient aussi amis de la fac et colocataires depuis le début du master. Il était actuellement son amoureux et son époux.
Ce n'était qu'une personne ordinaire, on ne pouvait pas faire plus ordinaire que lui. Comment pourrait-il avoir quelque chose à voir avec une chose qui n'était pas humaine ?
Chi Yan n'avait pas vraiment d'expérience. Avant Ye Yingzhi, le seul contact intime qu'il avait eu, c'était avec cette chose. Il n'avait pas vraiment regardé le genre de choses que les adolescents mâles consultaient par curiosité. Peut-être qu'on procédait toujours comme ça ? Peut-être que la terreur et les souvenirs de ce qui s'était passé dans la salle bouddhiste étaient si profonds que cela avait provoqué cette illusion... ?
Hu Xing avait bien dit que Ye Yingzhi n'était qu'une personne ordinaire. Que soupçonnait-il d'autre ? Croyait-il que Ye Yingzhi était possédé par cette chose... ?
Cette dernière pensée le choqua. Il secoua la tête plusieurs fois pour la refouler. Le regard que lui avait lancé Yingzhi, ce ne pouvait pas être feint.
Ce regard qui disait qu'il l'avait recherché depuis si longtemps.
Alors il était incapable de lui refuser quoi que ce soit.
Chi Yan était certainement trop parano. À cause de Gu Xixi, il était encore plus tendu ces derniers temps.
Il s'enroula doucement dans la couverture et songea vaguement que demain, demain il ferait revenir Ye Yingzhi.
Il prendrait l'initiative de le compenser.
Le visage un peu rouge, il s'endormit ainsi en songeant à Ye Yingzhi.
Il sombra dans le pays des rêves et ne se rendit pas compte que la porte de la chambre s'ouvrit à peine fut-il endormi. Une silhouette se faufila à l'intérieur, souleva la couverte et s'allongea, l'enlaçant par derrière.
Ye Yingzhi — qui d'autre ? — se redressa et le contempla dormir des pieds à la tête. Après un long moment, un doux sourire se dessina sur ses lèvres et il lui tapota le nez.
« Petit vilain, c'est bien parce que c'est toi. »
Pour toi j'ai perdu mon âme, mon esprit s'est égaré et même mon cœur a été ensorcelé.
Il avait failli se révéler.
Il se rappela soudain qu'il n'avait pas pu continuer. Le mécontentement l'envahit davantage alors il finit par se pencher et presser ses lèvres contre celles de l'autre jeune homme.
Il lui fallut un bon moment avant d'arrêter. Il passa les bras autour de l'autre homme avec satisfaction et s'endormit à son tour.
Chi Yan remua et grommela dans son sommeil. Inconsciemment, il se blottit contre Ye Yingzhi par habitude.
La lumière tamisée de la nuit était parfaite, le clair de lune était doux.
Il tomba sur le lit par les stores de la fenêtre. Les deux corps étaient pressés l'un contre l'autre, dormant avec leurs cous entrecroisés.
L'un d'eux n'avait aucun scrupule à se servir et à continuer de se déguiser, l'autre était tremblait de peur, éprouvait des remords et voulait compenser.
Notes du chapitre :
(1) Un homme qui joue un personnage féminin dans un jeu.
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