Chapitre 30 : Shenwan Tiansi : “J’ai trouvé le véritable amour !” (encore)
Chu He ouvrit les yeux.
Dans l’obscurité, son regard était clair et pas du tout ensommeillé. Il fixa le haut plafond de la chambre sans bouger.
Un léger ronflement se fit entendre à côté de lui, provenant de Zhou Hui. Il connaissait bien ce bruit — cet homme était complètement endormi.
Ça n’avait pas été facile. Zhou Hui ne s’était pas endormi devant lui depuis très longtemps. Depuis qu’il avait été retrouvé dans la cité de H et ramené à Beijing, ou plutôt depuis même que Zhou Hui avait placé un anneau dans sa colonne vertébrale, cet homme s’était toujours contraint à rester conscient et lucide devant lui.
Dans les ténèbres d’encre, les pensées de Chu He s’éparpillèrent un peu. Il se demanda si ce genre de vigilance était une leçon apprise par Zhou Hui après avoir subi cette perte, ou bien si c’était un trait de caractère longtemps enfoui dans cette bête démoniaque du plus bas niveau dans la Mer de Sang qui avait dû lutter sans fin jour après jour pour s’élever.
Dans tous les cas, c’était digne d’éloges.
Sans un bruit, Chu He se tourna sur le côté et ses doigts se posèrent sur le torse de l’autre homme. Il enfonça facilement la main dans le corps comme s’il mettait la main dans un sac.
Sous ses doigts, la chair, les muscles, les veines et les os semblaient être immatériels. Il fouilla soigneusement le long des organes internes et après avoir parcouru le torse de Zhou Hui, il songea : Hein ? Ce n’est nulle part… Où a-t’il pu bien la cacher ?
Zhou Hui marmonna dans son sommeil et Chu He se figea aussitôt, les yeux fixés sur le visage du dormeur. Comme l’autre ne bougea plus pendant un long moment, Chu He reprit son exploration du torse. Lorsqu’il toucha l’un des ventricules, son expression se modifia subtilement.
— Juste sous le cœur.
Le front de Chu He se couvrit d’un léger voile de sueur.
Il inspira profondément pour se calmer et tâcha de garder sa main bien ferme. Les veines sous le ventricule étaient étroitement emmêlées. Les doigts de Chu He remontèrent le long des veines millimètre par millimètre. Quand il toucha l’objet froid et lisse, il ne le retira pas tout de suite, mais sonda soigneusement la zone autour. Une fois sûr et certain que plus aucune veine ne retenait l’objet, il le saisit avec un tout petit peu de force et tira dessus.
Zhou Hui parut sentir une gêne et remua la tête sur l’oreiller.
Mais heureusement, il ne se réveilla pas. Apparemment, la combinaison entre l’eau de source glacée et la fleur d’Ashura était effectivement très efficace. Comme quoi, le Royaume des Ashuras produisait parfois des choses utiles.
Chu He s’empara de l’objet froid et tira légèrement et rapidement dessus pour le retirer du corps de Zhou Hui —
C’était une clef.
Sous le peu de lumière provenant de la fenêtre, il put voir que cette clef n’était pas plus longue que la moitié du petit doigt. C’était une clef en bronze classique, mais gravée à la surface avec des motifs d’une délicatesse extrême, la faisant ressembler à une pièce d’un ustensile en bronze raffiné.
Chu He plissa les yeux pour l’examiner attentivement. Il songea : Des motifs ornementaux si compliqués, se pourrait-il que Zhou Hui les ait gravés lui-même ? Je ne l’ai pourtant jamais vu avoir ce genre de passe-temps avant, ah.
Se pouvait-il que comme Zhou Hui n’avait rien eu de mieux à faire ces dernières années, il s’était mis à la gravure et la sculpture pour passer le temps ?
Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
Chu He poussa un soupir presque inaudible. Il rangea la clef en bronze, puis prit de sous son oreiller une clef ordinaire d’à peu près la même taille. Il la plaça gentiment dans le torse de Zhou Hui.
Bien que c’était nettement plus facile de placer un objet que d’en retirer un, Chu He n’osa pas aller jusqu’au cœur. Il accrocha doucement la clef sous les côtes gauches. En fait, cette position était déjà très proche de la position initiale. Du moment que Zhou Hui n’allait pas enfoncer sa main près de son cœur pour s’amuser, il ne se rendrait pas compte que la clef à l’intérieur avait été échangée avec une autre.
Chu He se rallongea tranquillement. Il dut faire un peu de bruit car Zhou Hui bougea de manière endormie :
« … Vieux Quatre ? »
Chu He ne répondit pas.
Zhou Hui se tourna pour le prendre dans ses bras. Il enfouit sa tête dans le creux de son cou et se frotta contre, émettant quelques grognements. Après un bon moment comme ça, Chu He finit par tapoter son dos musclé et demanda :
« Qu’y a-t’il ?
– J’ai fait un cauchemar… répondit Zhou Hui d’une voix traînante. J’ai rêvé que tu t’enfuyais avec cet idiot de Fan Luo, me laissant seul à la maison avec les deux garçons…
– Il n’y a aucune chance pour que tes deux fils restent bien gentiment à la maison avec toi, non ? »
Zhou Hui n’était qu’à moitié réveillé, son esprit était donc encore vague. Il lui fallut un certain temps pour comprendre ce que Chu He venait de dire et il ne put retenir un rire. Il serra Chu He plus fort contre lui et au moment où il allait se laisser emporter de nouveau au pays des rêves, il se rappela subitement de quelque chose et il fit un bond :
« Oh non !
– — Quoi ? »
Zhou Hui se mit assis dans le lit, contemplant Chu He sans cligner des yeux. Il ne dit plus rien pendant un bon moment.
Chu He avait beau être du genre impassible, même lui fut légèrement déconcerté par ce regard insistant. Après un moment d’hésitation, il plissa les yeux et demanda :
« Que t’arrive-t’il ?
– Je… je n’ai pas payé l’addition, finit par murmurer Zhou Hui, un air légèrement contrarié sur le visage. Je leur ai dit que c’était moi qui les invitais ce soir, mais… j’ai oublié de payer en partant.
– … »
Une veine pulsa sur le front de Chu He.
« Ce n’est pas grave, laisse Zhang Shun payer. »
En fait, ce ne fut pas Zhang Shun qui régla l’addition, mais Yu Jingzhong.
Ce dernier était de très bonne humeur avant d’arriver au bar.
Dans l’après-midi, il était passé à l’hôpital pour récupérer Yan Lanyu. Le docteur avait dit que l’adolescent s’était bien rétabli. Les remèdes conseillés par Zhou Hui s’étaient avérés extrêmement efficaces. Bien que l’âme de Yan Lanyu ne s’était pas encore complètement restaurée, les dommages sur les organes internes avaient été grandement réduits. Puis Yu Jingzhong avait emmené Yan Lanyu avec lui en centre-ville pour lui acheter tout le nécessaire : vêtements, chaussures, produits de toilette, ainsi qu’un ordinateur. Tout ça faillit ne pas rentrer dans la voiture.
Bien que le directeur-adjoint Yu n’était pas capable de gagner des millions comme ces chefs d’équipe et que les autres se moquaient souvent de lui en le traitant de ‘pauvre fonctionnaire’, il avait économisé assez d’argent pour s’acheter un appartement à Beijing. L’emplacement n’était pas si mauvais que ça, entre le quatrième et le cinquième arrondissement. La chambre à coucher orientée vers l’est était vide depuis son emménagement, ce serait donc parfait pour que Yan Lanyu s’y installe.
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Il conduisit l’adolescent chez lui afin de ranger tous leurs achats. Il voulut ensuite appeler quelqu’un pour l’aider à télécharger tous les logiciels nécessaires sur le nouvel ordinateur, mais Yan Lanyu l’en empêcha avant qu’il ne puisse passer l’appel.
« C’est bon, je peux le faire.
– Tu t’y connais ? » demanda Yu Jingzhong d’un ton un peu sceptique.
Yan Lanyu sourit et ne répondit pas.
En réalité, Yu Jingzhong se demandait si cet adolescent était déjà allé à l’école et connaissait les mathématiques de base, la physique et la chimie, étant donné qu’il avait grandi dans la secte Mizong de Tokyo. Cependant, il se dit que Yan Lanyu était certainement très sensible à ce sujet, alors il ne voulait pas le blesser. Il fit donc semblant de lui faire confiance et ignora ce sujet.
Sa fille de deux ans était en garderie toute la journée, alors il commanda le déjeuner pour se faire livrer. Les gestes de Yan Lanyu pour manger étaient très élégants, c’était clair qu’il avait été entraîné. Il fut très silencieux et rapide durant le repas, on n’entendit presque aucun bruit de sa part. Il reposa ses baguettes après seulement dix minutes.
Yu Jingzhong avala rapidement la bouchée de porc haché à la sauce de poisson et demanda :
« Tu ne veux pas manger plus ? Tu n’aimes pas ça, c’est ça ?
– Non, répondit l’adolescent. Je ne mange jamais beaucoup. »
Le directeur-adjoint Yu mangeait rarement chez lui et quand ça arrivait, il ne faisait jamais la vaisselle : il se contentait de laisser les plats dans l’évier pour que la femme de ménage s’en occupe. Mais aujourd’hui, il tint à faire la vaisselle. Quand Yan Lanyu proposa de l’aider, il refusa et l’invita plutôt à s’asseoir sur le canapé dans le salon. Il assura d’un ton droit :
« Je t’en prie ! J’adore faire la vaisselle. Ça me gênerait que mes invités s’en occupent ! »
Puis il se tourna et versa de l’eau dans l’évier. Il se contenta de rincer à grande eau les bols en faisant bien du bruit, avant de les fourrer tant bien que mal dans le premier placard venu.
Yan Lanyu était assis bien droit sur le canapé, sans regarder autour ou dire un mot, comme un invité bien élevé et réservé. De là où il se trouvait, Yu Jingzhong pouvait voir son profil, mais il ne pouvait pas dire à quoi il pensait. On aurait dit que même l’air autour de Yan Lanyu était particulièrement calme et silencieux.
Yu Jingzhong ne savait vraiment pas quoi faire. Il réfléchit en se ressuyant les mains sur son tablier dans la cuisine. Après un long moment, il eut subitement une idée et courut aussitôt pour peler une pomme. Il la coupa en quartiers et enfonça un pique dedans. Il apporta l’assiette au salon.
« Les pommes sont bonnes pour la santé. Mange-la pour te rassasier. Demain, j’achèterai un pigeon pour te faire de la soupe. »
Yan Lanyu fut surpris un moment, puis il prit l’assiette et lui sourit.
— Ce sourire permit à Yu Jingzhong de rester de bonne humeur tout le reste de la journée.
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Cependant en arrivant au bar dans la soirée, sa bonne humeur s’envola aussitôt.
Quand Yan Lanyu et lui arrivèrent au bar près du Stade des Ouvriers, Zhang Shun était assis en train de jouer sur son portable, s’ennuyant clairement. Il ne pouvait pas boire d’alcool à cause de sa main blessée, alors devant lui se trouvait un verre de Coca Cola à quatre-vingts yuan Environ dix euros. (1). Il ignorait toutes les filles canon autour de lui. Shenwan Tiansi avait déjà terminé son troisième verre de Coca Cola à quatre-vingts yuan. C’était à se demander comment il faisait pour ne pas aller tout de suite aux toilettes. Il mâchait des glaçons et répétait avec un vif intérêt les sceaux de main de son manga.
« Technique de Clonage de l’Ombre ! »
Li Hu était heureux et motivé comme toujours, se déhanchant sur la piste de danse du haut de ses talons aiguille de dix centimètres, sa minijupe si courte qu’on avait l’impression qu’on pourrait voir sa petite culotte à tout moment. Ses cheveux bouclés s’agitaient autour de sa tête comme des algues flottantes. Il provoquait des cris et des encouragements de la part des gens autour de lui.
Yu Jingzhong sentit la migraine venir en le voyant comme ça. Il porta une main à son front et demanda :
« Où sont passés Zhou Hui et Feng Si ?
– Feng Si est arrivé il y a peu de temps, répondit Shenwan Tiansi sans lever la tête de son manga. Il a préparé lui-même un cocktail pour Zhou Hui, puis les deux sont partis ensemble. Vu la réaction de Zhou Hui, ce n’est pas de l’alcool que Feng Si a préparé, mais un aphrodisiaque. Mais ce n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est qui va payer ce soir… Technique de Clonage de l’Ombre ! »
Zhang Shun désigna Li Hu en précisant :
« Femme. »
Puis il désigna Shenwan Tiansi en disant :
« Enfant. »
Enfin, il se désigna lui-même :
« Blessé. »
Après ça, il jeta un regard expectatif à Yu Jingzhong.
« … »
L’homme fit d’un ton énervé :
« Alors si vous m’avez appelé sept ou huit fois en cours de route pour me dire de me dépêcher de venir, c’est juste parce que vous cherchiez quelqu’un pour payer à votre place, hein ?! »
Shenwan Tiansi ne redressa même pas la tête
« — Technique de Clonage de l’Ombre ! »
Le directeur-adjoint Yu se retrouva le visage strié de lignes noires et se dit que s’il était devenu le chef d’un tel groupe, c’était que sa carrière était vraiment sans espoir. Il avait autant démissionner et retourner dans sa ville natale pour être policier local. Ce serait peut-être même plus facile de se trouver une épouse dans une petite ville.
« Ne vous en faites pas, on n’a pas bu grand-chose. Comme vous voyez, c’est uniquement du Coca. Shenwan Tiansi n’a même pas trop touché aux chips qui coûtent cent yuan le paquet. »
Voyant sûrement la colère apparaître sur le visage du directeur-adjoint, Zhang Shun s’empressa d’ajouter en désignant la table pour le consoler :
« Zhou Hui a ouvert une bouteille de whisky. Tenez, il en reste encore. Vous voulez un verre ? »
— En réalité, Yu Jingzhong ne pensait pas du tout à l’argent. Ses pensées étaient plus profondément confuses et bouleversées que juste pour de l’argent. Mais quand Zhang Shun prononça ces paroles, son regard se posa sur la bouteille sur la table. La forme de la bouteille emblématique de sa marque frappa aussitôt le nerf sensible du pauvre fonctionnaire.
L’instant d’après, il rugit à l’univers tout entier :
« Zhou Hui, va te faire enculer — ! »
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De son côté, Yan Lanyu s’était assis en silence, observant. Il vit Shenwan Tiansi faire un sceau de main pour la huitième fois et lancer :
« Technique de Clonage de l’Ombre ! »
Il fit soudain :
« … Ce sceau n’est pas correct.
– C’est pourtant comme ça que c’est dessiné, ah. »
Comme à son habitude, l’adolescent ignora tout autour de lui et regarda uniquement son manga.
« La technique de clonage n’est pas affilié aux cinq éléments de métal, bois, eau, feu et terre, mais au troisième principe du Sceau des Neuf. Tu devrais modifier la position de fin pour faire le Sceau du Lion Externe, expliqua Yan Lanyu. Cependant, je te conseille de ne pas le tester ici parce que tu possèdes suffisamment de puissance spirituelle et que tu pratiques le bouddhisme tibétain. Si tu invoquais vraiment des dizaines de clones ici, ça poserait problème. »
Shenwan Tiansi releva tout à coup la tête.
Pendant son séjour à l’hôpital, il avait vu quelques fois Yan Lanyu de loin, mais ce dernier était aux soins intensifs tout le temps, alors il ne pouvait pas voir vraiment son visage à cause de la paroi en verre et du respirateur. C’était donc la première fois qu’il faisait face à Yan Lanyu. Ils étaient si proches qu’il pouvait même compter clairement les épais cils un peu tombants de l’autre adolescent.
« Tu es… »
D’un geste nonchalant, Yan Lanyu forma le sceau de main de la Roue de Diamant. Il sourit et hocha la tête.
Bien que le jeune onmyōji soit vêtu de manière ordinaire, il possédait un tempérament calme et des yeux doux. Sa douceur était accompagnée d’une aura si glaciale que même les dieux et les démons n’osaient l’approcher à la légère. Quant à son maintien gracieux et ses manières élégantes, aucun mot ne saurait leur rendre justice.
Le manga dans les mains de Shenwan Tiansi tomba, mais il ne le ramassa pas. Au lieu de ça, il leva une main pour la presser contre son cœur.
« Je… fit-il en transe, … j’ai trouvé le véritable amour. »
Notes du chapitre :
(1) Environ dix euros.
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