Lanterne 46

Chapitre 46 : L’ex-mari passe à l’attaque


Zhou Hui, Chu He et Zhang Shun le beau-frère prirent un avion de Beijing au Tibet le soir même. Ils arrivèrent à Lhassa le lendemain matin, puis se rendirent au mont Wangjia, là où le train K7350 avait mystérieusement disparu.

Quand on arrivait au Tibet par la voie des airs plutôt que par le train, ça avait plus tendance à provoquer le mal aigu des montagnes. Zhang Shun avait pensé au départ que ce serait son frère, avec son corps fragile, qui ne tiendrait pas le coup mais en réalité, il fut le premier à se sentir mal. Le second jeune maître Zhang s’accrocha à une poubelle de l’aéroport et vomit longuement avant que Zhou Hui ne l’entraîne par le col. Tout en le traînant, il s’excusa auprès des agents de sécurité qui étaient venus dès qu’ils avaient appris la nouvelle :

« Désolé, ah, désolé, ce garçon a toujours été un peu stupide depuis l’enfance. Je n’y peux rien, c’est l’oncle catastrophe que j’ai récupéré en épousant ma femme… »


Le fragile second jeune maître Zhang monta en voiture pour se rendre de Lhassa à Lhari. Il passa tout le trajet allongé avec la tête sur les genoux de son frère, respirant faiblement, ce qui irrita grandement Zhou Hui. Ce dernier avait la langue acérée, alors il ne se priva pas de commentaires sarcastiques à la première occasion venue :

« Qu’est-ce qui t’arrive, stupide gamin ? Je t’avais dit de ne pas venir, mais tu as voulu nous suivre. Ce n’est pas si facile que ça d’être un jeune riche, pas vrai ?

– La ferme… marmonna faiblement Zhang Shun.

Tss, tss, et qu’est-ce que tu vas faire, petite fleur fragile ? Et si je te trouvais une auberge pour randonneurs et que je t’abandonnais là-bas ? Peut-être que la petite fleur fragile aura donné naissance à un enfant d’ici deux ans, ha ha ha ha —

– La ferme… »

Zhou Hui se réjouit de son malheur et se mit à agiter les hanches comme Li Hu :

« Viens me frapper, viens me frapper ! »

Zhang Shun n’avait même pas la force de lever un doigt. Il avait seulement l’impression qu’un millier de bêtes divines galopaient dans l’herbe et la boue.

Ce ne fut qu’en arrivant à Lhari qu’il se rendit compte que ce n’était pas des bêtes divines qui l’emmerdaient, mais des éléphants.


Lhari était à la base un endroit reculé où même les touristes ne se rendaient pas. Le train local ne s’arrêtait là que tous les trois jours. Après la disparition du K7350, les Tibétains du coin s’étaient dit que c’était le signe de la colère des dieux et des Bouddhas, alors ils allaient sur les rails pour se prosterner et prier. Les autorités locales avaient eu peur d’un accident, donc elles avaient fait en sorte de dérouter les trains pour qu’ils ne passent plus par ici.

Zhou Hui demanda donc à une de ses connaissances sur place de louer une voiture d’occasion. Il acheta aussi de l’eau et de la nourriture dans l’intention de rouler depuis Lhari à la gare suivante afin de rechercher des traces suspectes le long de la voie ferrée.

La route de montagne était assez sinueuse, mais le tracé des rails n’était pas trop mal. Le problème, c’était que les suspensions de cette voiture pourrie grinçaient et faisaient du bruit quand la voiture était trop secouée. En plus, les freins ne fonctionnaient pas très bien. Étant donné que Zhang Shun n’avait pas la force d’appuyer sur la pédale de freins, Zhou Hui et Chu He durent conduire à tour de rôle. Quant à Zhang Shun, il continua de rester allongé sur la banquette arrière et de vomir tripes et boyaux.

Ce qui le démoralisait encore plus, c’était que Chu He, celui qui aurait dû clairement s’effondrer selon lui, ne montrait aucun signe de malaise — Son visage qui était très pâle à Beijing continuait d’être très pâle sur le plateau tibétain. Ça ne s’améliorait pas, mais ça n’empirait pas, comme si Chu He était malade tout seul et que son état ne dépendait pas du tout des conditions extérieures.


* * *


Dans la soirée, ils arrivèrent dans une plaine au pied du mont Wangjia. Chu He descendit de voiture et examina à pied les deux kilomètres de rails avec Zhou Hui. Pendant ce temps, Zhang Shun n’eut pas d’autre choix que de rester près de la voiture à chantonner et nettoyer son vomi tout en préparant le feu pour cuisiner.

Quand le couple revint une heure plus tard, Zhou Hui avançait d’un pas indolent et détendu. Dès qu’il vit Zhang Shun, il demanda en souriant :

« Yo, beau-frère fait la cuisine ! Qu’est-ce que c’est, de la tsampa Un porridge typique du Tibet, à base de fromage, d’orge, de beurre, d’eau ou de thé. C’est un plat très énergétique et revigorant. (1) ? »

La température d’ébullition était très basse sur le plateau, alors on avait beau laisser bouillir le porridge, il ne serait jamais complètement cuit. Zhang Shun y goûta et fit d’un ton contrarié :

« Peu importe, on n’a qu’à le manger comme ça ! »

Zhou Hui intervint :

« Ai — Non, non, mets encore un peu plus de beurre pour donner des forces à ton grand-frère… »

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Chu He descendit de la voiture, tenant une poignée de branches d’arbustes rouges et vertes. Il tapota l’épaule de Zhang Shun et proposa :

« Je m’en occupe. »

Son regard semblait contenir de l’eau et le coin de ses yeux était légèrement rouge, quoique c’était à peine imperceptible. Ses cheveux étaient également un peu défaits. Il portait un manteau noir et un pantalon qui lui faisait des jambes particulièrement longues, surtout quand il s’assit. Toutefois, il y avait des mottes d’herbe séchée dans son dos, à l’arrière de son col et de son pantalon. En voyant ça, Zhang Shun demanda d’un ton naturel :

« Où est-ce que tu as été traîner, grand frère ? Tu es couvert d’herbe. »

Zhou Hui était adossé contre la portière du véhicule, son col à moitié ouvert pour dévoiler les muscles saillants de son torse. Le coin de ses lèvres s’étira en un sourire malicieux.

« Nyhé hé hé…. »


Les joues de Chu He rougirent alors que son visage restait inexpressif. Il retira la casserole du feu et la prit entre ses mains. Au bout d’un moment, une légère lueur rouge apparut dans ses paumes et le porridge se mit à bouillir plus.

« J’ai cueilli un peu de Rhodiola pour toi, répondit-il enfin après un long moment de silence gêné, quoique ce n’était pas tout à fait une explication. Je te ferai une infusion plus tard. »

Zhang Shun était quelqu’un d’assez centré sur lui-même, alors il ne remarqua rien de bizarre. Chu He leur servit un bol de tsampa par personne et l’attention du jeune homme fut aussitôt distraite. Il prit son bol et le vida, faisant du bruit comme un cochon.

Il fallait dire que le second jeune maître Zhang avait passé sa journée à vomir, alors il avait l’estomac bien vide. Il se battit même avec Zhou Hui pour terminer la grosse casserole de porridge. Zhou Hui ne parvint pas à lui prendre la nourriture, alors il partit avec une cigarette en bouche, frustré. Zhang Shun se frotta le ventre avec satisfaction, puis continua de rester allongé en faisant le mort. Chu He se rendit à la rivière proche pour faire la vaisselle. Il en profita pour puiser un peu d’eau et se mit à faire bouillir l’infusion médicinale de Rhodiola.


Il faisait sombre dans la soirée et le ciel était rempli d’étoiles. Au loin, la rivière Lhassa, un affluent du Yarlung Tsangpo, traversait paisiblement la plaine comme une bande de lumière argentée sous le vaste ciel, se précipitant vers la lointaine Nagchu Une région du Tibet. (2).

Le feu crépita alors que Chu He était assis en tailleur près de la casserole. Son profil simple était très paisible sous la lumière du feu, donnant aux gens une impression inexplicable de fiabilité.

Zhang Shun contempla en silence l’eau qui bouillonnait, puis il appela après un moment :

« Grand frère ?

– Qu’y a-t’il ?

– Est-ce que je n’ai pas réussi à t’être utile cette fois ? »

Un peu surpris, Chu He le regarda et demanda :

« Tu veux m’être utile ? »

Zhang Shun hocha la tête d’un air qui allait de soi. Il était allongé sur une couverture au sol, tapotant d’une main la cuillère en inox d’un air d’ennui et soutenant son menton de son autre main. Son beau et jeune visage était ainsi déformé, ce qui était particulièrement comique, mais il arborait un air très abattu.

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« Le renard a dit que j’avais causé d’énormes problèmes. Sans sa jalousie envers moi, Mahā n’aurait jamais été avaler le Bouddha. Il a dit aussi que mon existence a été d’une aide immense pour toi… Mais j’ai toujours eu l’impression que c’est toi qui m’as aidé et qui t’es occupé de moi depuis que je suis tout petit. Sans toi, ma société aurait même fermé ses portes depuis très longtemps… Alors souvent, j’ai eu envie de faire quelque chose pour toi, pas juste pour payer ma dette de gratitude, ce serait bien trop faux entre nous. »

Zhang Shun se redressa et fixa les flammes qui dansaient. Il ajouta :

« Mais ton monde est toujours si éloigné de moi. Je ne sais pas ce que je pourrais bien faire, mais je ne veux pas être un gosse de riche dont on doit sans cesse s’occuper. »

Chu He retira la casserole du feu. Le jus de Rhodiola avait bouilli jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un peu au fond, et il versa soigneusement ce liquide dans un bol.

« Est-ce que tu me fais confiance ? » demanda-t’il d’un ton nonchalant après un moment.

Zhang Shun répondit sans la moindre hésitation :

« Bien sûr, si je n’ai pas confiance en toi, en qui je pourrais avoir confiance ?

– À quel point tu me fais confiance ? »


Cette question sidéra le second jeune maître Zhang.

Il cligna des yeux et garda la bouche ouverte un long moment, avant de finalement éternuer bruyamment à cause de la fraîcheur de la nuit. Il se dépêcha de se couvrir le nez.

« Co… Comment quantifier ça ? En tout cas, tu es le dernier membre de ma famille au monde, alors si tu veux, je peux te rendre la société… »

Une légère lueur d’amusement parcourut le regard de Chu He. Il tendit le bol d’infusion de Rhodiola à Zhang Shun, lui faisant signe de boire.

« Je n’en ai pas besoin, je n’ai pas vraiment l’occasion de dépenser de l’argent. »

Il s’agissait de la meilleure Rhodiola qui avait poussé à plus de quatre mille mètres d’altitude. Elle était donc bien plus efficace que les plantes vendues en général chez les herboristes. L’infusion chaude coula de sa gorge dans son estomac. Bien que c’était amer, Zhang Shun se sentit aussitôt bien mieux.

Il posa le bol et se ressuya la bouche, puis demanda d’un ton sérieux :

« Et si je… »


Chu He l’interrompit :

« Laisse-moi te donner un exemple : imagine qu’un jour, on doive traverser une sombre plaine ensemble. Il n’y a pas d’étoiles dans le ciel, aucun bruit autour. Je suis le seul à connaître le chemin, mais j’ignore combien il y a de pièges et d’épines sous mes pieds. Afin d’éviter que tu ne fasses du bruit et que tu n’attires des bêtes sauvages, je dois t’assommer et te porter sur mon dos… Tu te laisserais assommer bien gentiment ?

– … »

Zhang Shun sentit que quelque chose n’allait pas et après un moment, il explosa de colère :

« Attends, pourquoi tu me considères automatiquement comme un boulet ?! »

Chu He partit d’un léger rire. Il rangea les casseroles et les bols, puis se leva et épousseta l’herbe le long de son pantalon.

« Pour rien. J’ai juré de te protéger, mais pas pour une raison aussi naïve que le fait que tu sois l’os d’une certaine personne… »

Chu He se dirigea vers la voiture sans se retourner, puis il ajouta :

« Merci de ta confiance, petit frère. N’oublie pas ce que tu as dit aujourd’hui quand tu entreras dans l’obscurité. Bonne nuit. »


* * *


Ils s’étaient arrêtés au bord de la rivière Lhassa. Dans la nuit sombre, les loups hurlèrent au loin, leurs cris portés par le vent du nord le long de la vaste plaine.

Les trois hommes passèrent la nuit dans la voiture qui était légèrement secouée par le vent.

Le lendemain matin, Chu He prépara un autre bol de Rhodiola. Après l’avoir bue, Zhang Shun se sentit nettement mieux et il put même fouiller le long de la voie ferrée avec eux, quoique avec du mal. Cependant, ils ne trouvèrent rien après une journée. Chu He utilisa un long moment la carapace de tortue ramenée par Zhou Hui pour faire de la divination, mais n’obtint aucune réponse.

Dans la soirée, la voiture pourrie faillit tomber en panne, alors ils furent obligés de s’arrêter sur un terrain plat non loin des rails, de faire du feu et de préparer le repas, puis de se reposer un peu.

« Si ça continue, nous allons devoir retourner à Lhari pour refaire le plein, fit Zhou Hui en ouvrant le capot pour inspecter le moteur. Mon roi du désert me manque vraiment, mais il se trouve à Gansu et je n’avais pas le temps de passer le récupérer… Putain, il faut toujours que ce soient des missions pourries ! Est-ce que je vais être obligé de mettre un véhicule tout-terrain dans chaque province et ville du pays ? »

Le second jeune maître Zhang était également né dans une riche famille, mais il eut bien envie de le gifler en entendant ça.

Quant à Chu He, il avait l’habitude du style arrogant et nouveau riche de cet homme, alors il s’assit à côté de lui et s’occupa du feu sans lui répondre.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

« Laisse-moi te dire une chose, beau-frère — »

Zhou Hui se lança dans un nouveau laïus :

« C’est très important de choisir une voiture qui te corresponde. Peu importe l’extérieur somptueux, ah, le design intérieur, ah, les sièges en cuir, ah, tout ça, c’est juste de la poudre aux yeux. Par exemple, si je conduis cette Bentley, ce n’est pas parce que je l’aime, mais parce qu’elle tient bien dans le temps. Le plus important dans une voiture, c’est sa solidité. Autoroutes, déserts, jungles et même mers de glace, une bonne voiture, c’est une voiture qui peut t’accompagner n’importe où. Si chaque homme a l’âme d’une arme froide dans son cœur, alors la voiture qui lui convient le mieux est son meilleur partenaire ! — Laisse-moi te raconter quand j’ai acheté cette G500 ! »

Zhou Hui agita la main et continua avec émotion :

« J’ai roulé avec à travers le désert de Tengri, remonté le long du Corridor du Hexi et j’ai fait tout le chemin jusqu’à Dunhuang ! La traînée de sable solitaire dans le désert et les clochettes des chameaux sur l’ancienne route, tout ça, j’ai pu le voir grâce à ce SUV qui m’a aidé à traverser les montagnes et les rivières, à surmonter tous les obstacles sur le chemin ! Voilà pourquoi je dis toujours qu’il faut une bonne voiture pour emmener les gens dans la bonne direction. Une voiture faite pour toi, c’est ton âme-sœur, ah ! »

Il tapa lourdement sur le capot de la vieille voiture, ce qui fit un grand bruit.


« Tu as totalement raison ! approuva Zhang Shun en applaudissant, puis il ajouta : — Mais qu’en est-il de mon grand frère ? »

Zhou Hui : « … »

Il frémit soudain et se tourna pour regarder Chu He.

Le visage de ce dernier n’exprimait rien. Il posa lentement le réchaud sans fumée et la casserole de tsampa aux nouilles pas encore prête par terre, puis se tourna pour s’éloigner.

« Mon épouse — Je ne voulais pas dire ça ! »

Zhou Hui se jeta en avant, bras écartés, pour serrer les cuisses de Chu He. Sa posture était aussi gracieuse qu’un chien sauvage dont on venait de trancher la queue. L’instant d’après, Chu He l’esquiva prestement, monta dans la voiture et referma la porte en la claquant.

« Mon épouse ! C’est toi que j’aime ! s’écria Zhou Hui en tapant contre la porte, les larmes coulant sur son visage. N’écoute pas les viles insinuations de mon stupide beau-frère, ce n’est clairement pas ce que je voulais dire ! Mon épouse, ouvre la porte, ah ! Le repas n’est pas encore prêt ! »

Chu He descendit la vitre pour ne laisser qu’une mince fente, puis répliqua froidement :

« Tu n’as qu’à demander à ton âme-sœur de faire la cuisine. »

Zhou Hui : « … »


Zhou Hui comprit enfin les graves conséquences quand on avait tendance à trop parler. Il cligna des yeux, ouvrant et refermant la bouche plusieurs fois. Au moment où il allait dire que la voiture était peut-être son âme-sœur, mais que Chu He était le maître de son âme, il le vit sourire d’un air nonchalant et un peu vicieux :

« Laisse-moi, mon ex-mari. »

Zhou Hui se retrouva donc face au feu à moitié allumé, l’air ébahi et le cœur frappé par un millier de coups fatals.

Zhang Shun était tranquillement assis à côté de la casserole. Il tapait sur son bol vide avec sa cuillère en inox, comme s’il voulait plonger le monde dans le chaos :

« Boss Zhou, j’ai faim ! Je suis un employé intérimaire du Bureau de la Sécurité Nationale. En tant que supérieur, tu dois t’assurer du bien-être des intérimaires en déplacement ! Je veux manger — !

– Tu n’as qu’à cuisiner toi-même ! lança Zhou Hui d’un ton furieux.

– Je ne peux pas, répondit Zhang Shun sans la moindre gêne. Ce jeune maître est un nouveau riche typique, il y a toujours eu des nuées de belles filles qui se battent pour me faire à manger. »

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Zhou Hui était si assommé qu’il ne put rien dire. Il alla chercher de l’eau et commença à la mélanger à la farine d’orge, cigarette en bouche. Après un long moment de pétrissage, il se mit enfin à la faire cuire, sans se soucier de la température d’ébullition basse. Pendant que ça cuisait, il continua à courir à la voiture pour tambouriner sur la portière. Il fit d’un ton malheureux :

« Mon cœur, j’ai eu tort. Une voiture est peut-être mon âme-sœur mais toi, ma chérie, tu es… »

La vitre descendit à nouveau un tout petit peu et Chu He compléta d’un ton glacial :

« La maîtresse de ton âme ? »

Choqué, Zhou Hui argua sans réfléchir :

« Jamais de la vie ! Tu es forcément ma première épouse ! »

Puis il voulut se gifler dès que ces mots sortirent de sa bouche.

Chu He le fixa d’un air inexpressif, puis remonta à nouveau la vitre.


Zhou Hui était si déprimé qu’il cuisina à moitié la tsampa, les larmes aux yeux. Quand Zhang Shun se précipita pour manger, il lui fila un coup de pied et remplit d’abord un bol qu’il apporta au véhicule. Il toqua à la portière.

Chu He était à l’arrière, en train de manger les snacks que Zhang Shun avait apportés — des fruits secs, des graines de courges, du chocolat et des petits gâteaux. Frétillant de la queue, Zhou Hui toqua à la vitre. Il désigna le bol qu’il tenait et fit d’une voix forte :

« Ce n’est pas sain comme nourriture ! Viens ! Ton mari va te donner un peu de protéines ! »

Chu He secoua la tête pour indiquer qu’il refusait, mais Zhou Hui persista à toquer. Chu He agita la main pour lui dire de s’en aller, mais Zhou Hui persista à toquer.


Le Boss Zhou fut si insistant que Chu He baissa finalement la vitre pour la troisième fois et lui demanda :

« Tu veux quoi ?

– Ché… Chéri, je suis venu t’apporter à manger.

– Pas besoin.

– Allez, mon chéri, ce n’est pas bien de rester tout le temps enfermé dans la voiture. Il n’y a pas de circulation d’air, ce qui affecte la qualité de l’oxygène dans tes poumons…

– Moi, je pense que ça ira, ah, l’interrompit Chu He d’un ton nonchalant. Après tout, en tant que première épouse, je me dois de maintenir de bonnes relations avec la maîtresse de ton âme. »

Zhou Hui en resta stupéfait. Le bol à la main et un tic aux lèvres, il resta pétrifié dans le vent. De plus, Chu He lui asséna le coup de grâce dans l’instant qui suivit :

« — Ah oui, désolé. Je voulais dire : en tant qu’ancienne première épouse. »


* * *


Ils passèrent tous les trois la nuit dans la voiture. Zhou Hui tenta par tous les moyens possibles et inimaginables de s’incruster sur la banquette arrière avec Chu He, mais Zhang Shun était tellement collé à son frère qu’il ne parvint pas à le déloger de là. Au final, le Boss Zhou n’eut pas d’autre choix que de retourner sur le siège conducteur et de dormir tout seul.

Cependant au milieu de la nuit, il sortit en douce de la voiture pour trafiquer quelque chose sur la rive de cailloux de la rivière Lhassa pendant plus d’une demi-heure. Puis il revint furtivement dans la voiture et secoua Chu He.

« Chéri, j’ai quelque chose à te montrer. Viens, viens ! »

Chu He se fit ainsi réveiller alors qu’il dormait si bien. En plus, le vent était glacial à l’extérieur. Son premier réflexe fut donc de repousser Zhou Hui et de se rendormir. Malheureusement, l’autre homme ne cessa de l’importuner. Après quelques minutes, Chu He n’eut pas d’autre choix que de se redresser, de mettre sa veste et de sortir du véhicule. Il demanda d’une voix enrouée :

« Tu veux quoi encore ?! »

Zhou Hui ne répondit pas, jouant les mystérieux. Il le prit par la main et le conduisit au bord la rivière Lhassa, sur la plage de cailloux.

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Au Tibet, le ciel nocturne était immense avec la Voie Lactée qui le traversait et des centaines de milliards d’étoiles qui étincelaient tranquillement.

Zhou Hui leva la main et un voile de lumière invisible s’éleva du sol avant de s’étirer pour rejoindre le ciel. Ce voile devint un écran translucide qui recouvrit tout le firmament. Dans cet écran immense, une force invisible poussa les étoiles qui quittèrent leurs orbites les unes après les autres, formant peu à peu une immense constellation étincelante.

C’était un phénix dont les ailes splendides luisaient dans le ciel nocturne et dont la queue semblait être une vaste Voie Lactée se répandant à travers le ciel. Son cou fin et élégant était baissé, contemplant gentiment à ses pieds une immense bête qui ressemblait à un lion ou à un tigre. Bien que le fauve montrait les crocs et hurlait en direction du ciel, ses pattes arrière étaient posées par terre, montrant une attitude à la fois arrogante et docile.

Légèrement surpris, Chu He se tourna, puis il vit Zhou Hui agiter les deux mains et la carte stellaire changea de nouveau.


Les milliards d’étoile devinrent le reflet dans un miroir, formant l’image des deux hommes se tenant en cet instant sur les rives de la rivière Lhassa. Chu He et son reflet étincelant dans le ciel se regardèrent. Après une longue pause, il se tourna vers Zhou Hui. Son reflet dans le ciel tourna également la tête et contempla un Zhou Hui fait d’étoiles.

« La première fois que nous sommes venus vivre dans le monde des humains, on habitait sur un glacier du Tibet et on pouvait voir un ciel si clair et étoilé toutes les nuits, » fit Zhou Hui en souriant.

Les étoiles se reflétaient dans ses yeux.

« Je me rappelle que tu adorais en particulier t’asseoir seul et contempler le ciel au beau milieu de la nuit. Parfois, les garçons couraient pour s’asseoir à côté de toi mais dès que je m’approchais, ils s’éloignaient. »

Chu He le regarda, puis leva les yeux vers son reflet dans le miroir céleste. Son cœur était profondément ému.

« En fait, ce que j’aimais le plus, c’était m’asseoir avec toi, main dans la main, et regarder tranquillement la Voie Lactée immuable. Il y a beaucoup de variables et de choses inévitables dans le monde. Tu as peut-être déjà choisi ton chemin mais aussi longtemps que possible, j’espère marcher à tes côtés jusqu’au dernier jour, quand la terre s’effondrera et que les étoiles s’éteindront pour de bon. »


Zhou Hui sortit alors le petit écrin de la poche de sa veste. Il l’ouvrit pour dévoiler les deux anneaux noirs sertis de diamants, puis il mit un genou à terre, imité par son reflet fait d’étoiles.

« Mon amour, acceptes-tu de m’épouser à nouveau ? »

Chu He le fixa sans rien dire, ses yeux aussi brillants que de l’eau. Après un moment, il demanda subitement :

« Et ton âme-sœur la voiture… »

Zhou Hui leva aussitôt trois doigts vers le ciel pour jurer :

« Je vais la vendre dès qu’on sera rentrés, elle partira pour deux cents yuans ! »

Un sourire évident fut visible dans les yeux de Chu He. Il prit une des alliances et la passa au doigt de Zhou Hui, tenant l’autre fermement au creux de son autre main. Puis il se pencha et embrassa tendrement Zhou Hui sous le ciel illuminé d’étoiles.

« Inutile de la vendre… fit-il doucement et sur le ton de la plaisanterie. Tu n’as qu’à me la donner comme ton bien prénuptial. »


* * *


Zhang Shun ne put pas bien dormir cette nuit-là. Tout d’abord, il y avait eu Zhou Hui qui était sorti pour revenir, puis son grand-frère s’était levé pour sortir à son tour avec l’autre homme. Les deux étaient restés dehors à faire Dieu sait quoi, puis étaient revenus ensemble à l’aube. Quand ils ouvrirent les portières, ça réveilla Zhang Shun qui demanda d’une voix pâteuse :

« … Vous avez fait quoi dehors, tous les deux ? »

Chu He ne répondit pas. Zhang Shun ouvrit un œil et vit son frère avec le visage rougi, les cheveux en bataille et un manteau l’enveloppant. Zhou Hui les regardait depuis le siège conducteur avec un petit ricanement mauvais, “Nyhé hé hé”.

Zhang Shun bâilla et demanda d’un ton apathique :

« … Qu’est-ce qui te fait rire, imbécile ? »

Avant que Zhou Hui n’ait eu le temps de se vanter, Chu He murmura d’un ton sec :

« Rendormez-vous tous les deux ! »

Il n’eut pas à le dire deux fois. Le second jeune maître Zhang, qui avait bien mangé et qui dormait toujours sur ses deux oreilles où qu’il aille, ferma aussitôt les yeux, oubliant toutes ses questions, et se replongea dans un profond sommeil.

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Le lendemain, il se réveilla en pleine forme et rafraîchi. Il ne se rappelait même plus de ce qui s’était passé durant la nuit.

Au contraire, Chu He ne sortit pas de la voiture. Il resta à dormir sur la banquette arrière, utilisant le manteau comme couverture. Il semblait extrêmement épuisé.

Par contre, Zhou Hui était extrêmement dynamique, à tel point qu’il changea son comportement paresseux et indolent habituel. Il dégota même quelques œufs d’on ne sait où pour le petit-déjeuner. Après les avoir fait cuire à la poêle, il en donna généreusement un à Zhang Shun, puis apporta le reste à la voiture. Il appela Chu He pour qu’ils mangent ensemble.

Ils avaient prévu de retourner aujourd’hui à Lhari pour faire le plein d’essence, racheter de la nourriture et contacter Beijing pour leur rapport. Même s’ils n’avaient pas fait le moindre progrès depuis deux jours, Zhou Hui semblait d’excellente humeur. Zhang Shun, qui observait tout ça dans son coin, songea que même si Yu Jingzhong l’appelait pour maudire ses ancêtres, Zhou Hui se contenterait de faire son “Nyhé hé hé” du début à la fin.


En dernier espoir, ils passèrent la matinée à inspecter sept ou huit kilomètres de rails, mais ne trouvèrent toujours rien. À midi, ils rangèrent leurs affaires, préparèrent un peu de bœuf déshydraté, puis se préparent à partir en début d’après-midi. Cependant, il se produisit enfin quelque chose juste avant leur départ —

Zhou Hui, qui avait bu un peu trop d’eau, se rendit sans gêne le long de la voie ferrée pour uriner. Et pendant qu’il se soulageait, il découvrit enfin un indice de la disparition du train.



Notes du chapitre :
(1) Un porridge typique du Tibet, à base de fromage, d’orge, de beurre, d’eau ou de thé. C’est un plat très énergétique et revigorant.
(2) Une région du Tibet.






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