Lanterne 50

Chapitre 50 : Peu importe à quel point la vérité est horrible, tu continues de t’y accrocher sans vouloir lâcher prise


Deux jours plus tard à Beijing.

Une Mercedes Benz s’arrêta lentement au pied de l’immeuble. Yu Jingzhong coupa le moteur, puis sortit de sa poche un paquet de cigarettes Zhonghua spéciales. Il s’en alluma une avant de tendre le paquet à Zhou Hui.

Ce dernier était assis côté passager, portant un coupe-vent à col haut et arborant un air apathique. Il prit une cigarette, l’alluma et tira une profonde bouffée.

« Mon frère, écoute-moi, fit Yu Jingzhong d’un ton sincère en retirant ses lunettes de soleil. Arrête d’y penser. Plus tu y penseras, plus tu te sentiras mal. Si ça te dérange de rester chez toi, viens habiter chez moi un moment. Tu n’as pas toujours rêvé d’avoir une fille ? Ma Minmin va bien s’occuper de toi… »

Zhou Hui parut subitement tiré de ses pensées profondes.

« Hein ? fit-il avant d’agiter la main. Non… Inutile. »

Il arborait une expression très étrange. Il n’était pas triste ou en colère comme l’aurait imaginé Yu Jingzhong. Au contraire, il était plus songeur — Qui savait à quoi pouvait bien songer cet homme dont l’épouse s’était enfuie pour la seconde fois ? Une personne ordinaire aurait déjà fait un AVC.


Yu Jingzhong examina attentivement son expression et après un moment, il demanda d’un ton prudent :

« Et si… Wu Bei a été hospitalisé dans la clinique du Département Spécial. Si tu as du temps, pourquoi ne pas venir le voir avec moi ?

– Pas la peine. Alors que le Vieux Deux était en train d’agoniser sur la route, il m’a demandé de s’arrêter pour lui acheter une collection de poèmes de Tagore Rabindranâth Tagore, poète indien (1861 - 1941) (1). Alors il ne va pas mourir.

– … Oh, alors — Ce sera bientôt le dix-huitième anniversaire de Yan Lanyu. Je vais inviter tout le monde pour fêter ça. Ça te dit ? »

Zhou Hui conserva son air apathique.

« Redemande-moi plus tard. N’oublie pas de me rappeler de donner une enveloppe rouge à la petite beauté. »

Il semblait un peu indifférent à tout, ce qui inquiétait énormément Yu Jingzhong, mais il ne savait pas comment le faire réagir. Après avoir fumé la moitié de sa cigarette en silence, il finit par lui tapoter l’épaule avec hésitation.

« — Mon frère, regarde les choses du bon côté, sinon je t’inscrirai à un circuit touristique à Lijiang dans le Yunnan…

– Pour une rencontre romantique Lijiang est considérée comme une ville très romantique. (2) ? rit Zhou Hui avant d’ajouter : Non, ne t’en fais pas pour moi. C’est juste que… il y a certaines choses que je n’arrive pas à comprendre et tout à coup, je me suis dit que je pourrais peut-être trouver la réponse chez moi. »

Yu Jingzhong était perplexe, mais Zhou Hui sortit de la voiture, lui fit signe de la main et partit sans se retourner.


* * *


Il ouvrit la porte de l’appartement et entra dans le séjour vide.

Ça ne faisait que quelques jours qu’il était parti, mais c’était comme si ça faisait très longtemps qu’il n’était pas revenu. Cet appartement semblait soudain si vide et étranger. La lumière du soleil passait à travers la porte-fenêtre du balcon, se reflétant sur le parquet, répandant son odeur chaude et offrant une luminosité un peu vieillotte. Sur la table basse devant le canapé, les boutons de roses mis en vase avant leur départ avaient déjà fleuri et à présent, leurs pétales étaient brillamment déployés.

Cependant, l’homme aux longs cheveux décoiffés, au visage pâle et splendide, qui était toujours recroquevillé sur le canapé en train de somnoler, n’était plus là.

Zhou Hui s’approcha du canapé et s’assit dessus, contemplant sans un mot la place vide à côté de lui.

Au bout d’un moment, il tendit la main et caressa gentiment et lentement le vide.

« Phénix… » fit-il, son ton gentil et affectueux.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

À vrai dire, il était incapable de se rappeler de la dernière fois où il avait appelé le Phénix avec une tendresse sans limite. Il avait dû porter un masque de vigilance et de violence pendant trop longtemps, si longtemps qu’il avait presque oublié comment être un amant attentionné et qu’il savait seulement jouer les geôliers pervertis par leur possessivité.

Depuis quand est-ce que ce petit Phénix avait prévu de s’échapper, malgré le fait qu’il était très réticent à se séparer de lui ?

Et depuis quand avait-il commencé à l’observer et à évaluer le moindre de ses mouvements, devinant constamment les pensées de son geôlier impitoyable, et à finalement décider de conserver tous ses secrets au plus profond de son cœur ?

— Le Dao du Ciel rempli de tromperies et de manigances, la Mer de Sang dévoilant son visage hideux, parent et enfant hurlant sous les dix mille coups de tonnerre, sans parler du destin mal intentionné qui l’attendait, s’approchant pas à pas sans qu’on puisse le prévoir…

Quand il avait décidé d’affronter ça tout seul, avait-il eu peur ?


Son corps était si faible que même sa moelle épinière avait perdu sa chaleur, alors il avait fallu lui implanter l’anneau doré qui pouvait de nouveau maintenir sa santé à un certain niveau. Entouré d’ennemis et sans le moindre soutien, il devait en plus supporter l’inquiétude de se faire abandonner par son seul et unique amour. La peine cachée devait le brûler comme un brasier ardent, mais il ne pouvait rien dire du tout…

Avait-il jamais été déçu ?

Que ressentait-il quand il lui avait dit : “Il y a certaines choses que je compte faire qui ne me tueront probablement pas mais toi, tu mourras forcément” ?

N’avait-il jamais été déçu par l’incompétence de son partenaire, ne serait-ce qu’une seconde ?

Le dernier rayon de soleil disparut à l’horizon. La confusion s’empara du vaste monde, le crépuscule était partout et la nuit éternelle allait tomber.

Zhou Hui enfouit profondément son visage entre ses mains. Quand le soleil eut disparu pour de bon, il fut comme une statue cachée dans l’obscurité.

Le Dao du Ciel était traître, abritant toutes sortes de gens. La route à venir était aussi obscure que noyée dans le brouillard.

Peut-être que leur histoire était mal partie depuis le commencement. Peut-être que leur sort tragique avait été scellé quand il était resté en retrait alors que Mahā subissait le châtiment céleste. Et à présent, le Phénix était parti, le laissant seul, impuissant et ne pouvant plus que rester ici.


Zhou Hui bougea enfin : il redressa la tête, puis se leva.

Dans l’obscurité, sa silhouette était vraiment très solitaire, voire un peu glaçante. Après un moment, il se dirigea vers la chambre. Il marqua une pause devant la porte, puis se rendit directement vers la table de nuit sans allumer la lumière.

— Comme des milliers de couples dans le monde, ils avaient une table de nuit de chaque côté de leur grand lit dans la chambre. La différence, c’était que le meuble du côté du Phénix avait toujours la porte ouverte de force, tandis que les tiroirs étaient constamment scellés avec un sort que le Phénix ne pouvait pas contrer, quels que soient ses efforts.

Zhou Hui retira le talisman de scellé. Il ouvrit le tiroir du bas et en sortit une boîte en argent.

Il l’ouvrit et le fragment écarlate émit un halo splendide dans le noir.

C’était le fragment d’âme qu’il avait récupéré auprès de la Déesse des Monts Enneigés. Au départ, il avait eu l’intention de le rendre à Chu He, mais les paroles de Shakti l’avaient fait changer d’avis :

“ — Tu n’en peux plus de voir ça ? Quel dommage, tu n’as pas encore vu la partie la plus excitante.

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Il y avait longuement réfléchi. Devait-il prétendre ne pas savoir et effacer cette histoire de son esprit, ou bien devait-il à nouveau regarder dans les souvenirs du Phénix dont il ne savait rien afin de comprendre cette histoire terrible et au-delà de son contrôle ?

Logiquement parlant, il savait qu’il devait respecter la vie privée de son compagnon. Lui aussi avait des histoires passées dans la Mer de Sang qu’il ne voudrait pas que le Phénix apprenne. Mais émotionnellement, il était si tenté qu’il avait longuement hésité et finalement manqué le bon moment pour rendre le fragment d’âme à son propriétaire.

Chu He n’y avait plus songé après ça. Il était bien trop faible pour réfléchir pendant un moment et il avait toujours sommeil. Il ne pouvait donc pas faire attention à tous les détails.

Zhou Hui prit le fragment d’âme et le tint devant ses yeux.

Il y a certaines choses que je compte faire qui ne me tueront probablement pas mais toi, tu mourras forcément”…

— Cependant, ce n’était pas la mort qui était effrayante, mais plutôt la longue attente sans fin.

Zhou Hui ferma les yeux et l’instant d’après, il serra le fragment d’âme de toutes ses forces.

Un brillant halo rouge doré surgit soudain dans toute la pièce. Des milliards de points lumineux flottèrent tout autour, se rassemblant pour former dans le vide des glaciers s’élevant dans les airs sans qu’on en voie le sommet.

— C’était le mont Meru dans le Royaume du Ciel.


* * *


Le temple était suspendu au-dessus d’un cours d’eau de montagne et d’innombrables planches immenses en bois doré formaient un long pont suspendu et arqué qui traversait le ciel. Le Roi de Clarté Phénix marchait d’un pas rapide le long du parapet où étaient sculptées des silhouettes qui volaient. Il y avait un profond abîme sous ses pieds. Ses manches et sa longue tunique voletaient sous l’effet du vent.

Le petit moine le suivait avec empressement.

« Votre Majesté ! Attendez, ah, je vous en supplie ! Le Vénérable Bhaddiya se trouve dans la grande salle du temple… »

Cependant, le Phénix ne regarda pas en arrière.

Il descendit du pont en bois, grimpa les marches en jade blanc et se rendit au sommet de la montagne enneigée, se tenant devant les portes de trente mètres de haut du temple bouddhiste qui montait jusqu’aux nuages.

L’immense salle était vaste et spacieuse, avec de la fumée d’encens qui tourbillonnait autour. Les vénérables étaient tous assis sur les trônes de lotus, tandis que Trailokya se tenait au pied des trônes, assis sur un coussin de sol.


« Roi de Clarté Phénix, retentit la voix du Vénérable Bhaddiya en hauteur. Le petit moine a dit que tu as libéré en secret la bête démoniaque capturée par le Bouddha dans la Mer de Sang et qui était emprisonnée sous la Cloche de Diamant. Est-ce vrai ? »

Derrière le Phénix s’étendait un paysage de montagnes enneigées. Il se tenait devant le magnifique temple bouddhiste avec de minuscules éclats de glace dans les cheveux qui étincelaient comme des diamants.

Son visage était aussi glacial que la neige, sans la moindre expression. Au bout d’un moment, il répondit :

« C’est exact.

– Pourquoi ?

– … Il n’y a pas de raison. »

Un long silence se fit entendre, puis Bhaddiya demanda après un moment :

« Qu’est-ce que tu veux dire ?

– Je n’avais aucune raison en particulier, précisa le Phénix. Je l’ai laissé partir parce que j’en avais envie. »

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Les Vénérables baissèrent la tête de leurs trônes de lotus en hauteur et contemplèrent le Roi de Clarté Phénix qui se tenait bien droit devant eux. Certaines émotions semblaient bien dissimulées au coin de ses yeux et on ne pouvait rien voir clairement à cette distance.

« Tu sais quel châtiment tu vas recevoir pour avoir délibérément enfreint les règles ? » demanda le Vénérable Bhaddiya.

Le Phénix eut soudain un sourire.

Ce sourire était si subtil qu’il fallait vraiment regarder de près pour le voir. En même temps, l’étrange sens de ce sourire était si clair que s’il fallait le décrire, on dirait qu’il était un peu provocateur… voire même méprisant.

« Je sais, répondit-il. Je vais subir le châtiment à la place de la bête démoniaque. »


* * *


La Cloche de Diamant faisait trente mètres de haut. Elle sonnait quatre-vingt-dix-neuf fois durant quatre shichen. Les vibrations retentissaient à travers tout le mont Meru, faisant à chaque fois trembler la terre.

Depuis les temps anciens, seuls les moines qui avaient commis des crimes très graves étaient enfermés sous la cloche. Quand elle sonnait, leurs os et leurs muscles se brisaient, leur chair et leur sang étaient pulvérisés et ils subissaient ainsi les vibrations jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Le Phénix s’assit bien droit sous l’immense cloche. Trailokya tenait le pilon Tue-Démon dans sa main et le regarda sans rien dire.

Le Phénix ferma les yeux, ses cils retombant légèrement. Sa tunique blanche était étendue autour de lui comme des milliers de pétales, ses longs cheveux retombaient dans son dos comme une cascade et une légère odeur de lotus émanait des ouvertures de la cloche.

Une allure si paisible, comme si l’éclat de violente colère qui était apparu sur son visage tout à l’heure n’avait été qu’une illusion.


« Tu es sûr ? demanda Trailokya.

– …

– Si tu descends maintenant dans le monde mortel et que tu ramènes cette bête démoniaque pour qu’elle se fasse punir, tu pourras encore éviter le châtiment de la cloche… »

Cependant, le Phénix ne répondit toujours pas.

Le Troisième Roi de Clarté finit par détourner le regard après un long moment, puis il referma la cloche. Il brandit bien haut le pilon Tue-Démon au milieu du bruit étouffé de la cloche qui se posait sur le sol.

— Le premier coup de cloche retentit dans tout le mont Meru.

Ce bruit s’infiltra directement dans le cerveau du Phénix et tout son corps se mit à trembler violemment.

Le second coup arriva ensuite.

Puis le troisième.

La cloche se mit à sonner de plus en plus fréquemment, comme des milliers de soldats qui piétinaient la terre et comme des millions d’éclairs s’abattant du ciel. Sous l’effet du choc violent, le Phénix se boucha les oreilles, mais il sentit ses tympans sonner sauvagement. Son sang et son Qi se mirent à circuler à l’envers pour remonter au sommet de son crâne.

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Le quarante-neuvième coup, le cinquantième.

Dans l’obscurité, la terre trembla, les rochers se fendirent et le feu surgit du centre de la terre, enveloppé dans le souffle du diable et s’envolant droit vers le haut.

Les flammes rugirent et dansèrent follement sous la Cloche de Diamant, créant une spectaculaire scène tirée tout droit des Enfers. Les démons ouvrirent leurs gueules sanglantes dans les flammes et hurlèrent à loisir !

Le soixante-neuvième coup, le soixante-dixième.

Le tintement de la Cloche de Diamant pulvérisait chaque millimètre de ses os et réduisait son cerveau en purée. Dans cette illusion douloureuse, les démons de la cloche sonnèrent, tous les monstres et fantômes surgirent, les âmes tourmentées du Royaume des Fantômes se débattirent pour que leurs griffes d’os franchissent les portes des Enfers et la Mer de Sang se mit à bouillonner —

Le Roi de Clarté Phénix n’y tint plus et cracha subitement un gros caillot de sang !


L’instant d’après, une silhouette familière apparut dans le brasier infernal, tendant la main dans les airs pour soulever le menton du Phénix.

— C’était en fait Shakyamuni !

Il fixa le Phénix de haut sans dire un mot, sa tunique de prêtre voletant vivement au milieu des flammes sombres. Au bout d’un moment, il ressuya le sang sur la joue pâle de l’autre et demanda :

« Pourquoi tu as laissé partir cette bête démoniaque ?

– …

– Tu ne me fais plus confiance, n’est-ce pas ? »

Le silhouette de Shakyamuni se reflétait dans les yeux remplis de douleur du Phénix. Ce dernier finit par faire d’une voix rauque après un moment :

« Je… »

Le pilon Tue-Démon frappa durement la cloche en bronze et le corps frêle du Phénix trembla violemment.

« … C’est juste que je…

– C’est juste que tu ne me fais plus confiance, » murmura Shakyamuni à son oreille en se penchant vers lui.

Il n’y avait aucune déception ou surprise dans le regard de cet homme, il souriait simplement avec indulgence comme il y avait plusieurs années.


Ce sourire était exactement le même que dans les souvenirs du Phénix mais en même temps, il semblait y avoir une différence difficile à décrire. Le Phénix le fixa, ses yeux vacillant un peu, puis il serra les dents pour ravaler le sang qui remontait dans sa gorge. Il examina attentivement le visage en face de lui sans oublier le moindre détail.

Oui, il n’avait pas du tout changé.

Le temps n’avait laissé aucune trace de son passage sur le visage de Shakyamuni. Cet homme qui l’avait élevé depuis tout oison était resté le même pendant des milliers d’années, sans jamais changer dans le vide du ciel incolore.

— Ce qui avait changé, c’était plutôt le regard du Phénix.

« Tu as rencontré plus de gens, vu plus de choses et expérimenté plus de paysages dans les neuf Cieux et les dix Terres. Alors quand tu te remémores tes souvenirs… »

Shakyamuni caressa doucement les cheveux du Phénix, un geste aussi intime que dans sa lointaine jeunesse, quand il le tenait tendrement dans ses bras, peignait ses longs cheveux aussi doux que de l’eau, puis embrassait tendrement sa joue légèrement rougie.

Des gestes si délibérés, une affection si dangereuse.

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« … Tu découvres des petits détails que tu n’avais pas remarqués jusque là. Ton opinion est peu à peu ébranlée par tous ces défauts et tes croyances s’effondrent alors que de plus en plus de vérités sont révélées… »

Shakyamuni arbora son sourire habituel.

— Autrefois, ce sourire faisait fondre le jeune Phénix dans une chaleur fatale mais à présent qu’il le revoyait, il notait que ça cachait subtilement une froideur terrifiante.

Le Phénix haleta violemment et détourna les yeux. L’instant d’après, une main se posa sur sa joue et l’obligea à regarder de nouveau devant lui.

« L’ébranlement de tes croyances est si douloureux que ça ? demanda Shakyamuni, semblant trouver tout ça très intéressant. Dans ce cas, ce ne serait pas mieux de continuer à croire ? »

La cloche résonnait sans interruption et chaque coup pénétrait brutalement dans le cerveau du Phénix, réduisant ses organes internes en écume sanglante.


Le Phénix ouvrit la bouche mais ne put émettre le moindre son. Du sang coula du coin de ses lèvres sur son menton, laissant des traces très visibles sur son cou.

« C’est toi… fit-il d’une voix rauque. Tu m’as délibérément séduit… pour que je tombe amoureux de toi… »

Les yeux de l’autre homme devinrent extrêmement tendres, presque au point d’être innocents.

« Mais tu es quand même tombé amoureux de moi, pas vrai, petit Phénix ? »

Le quatre-vingt-dix-huitième coup de cloche retentit fortement et la force invisible projeta le Phénix vers l’avant. Un caillot de sang épais tâcha une large partie de son col et éclaboussa même les poignets et les manches de Shakyamuni.

Mais ce dernier n’en avait cure. Il souleva le splendide visage du Phénix baigné de larmes.

« Ta douleur vient de ta résistance. Peu importe à quel point la vérité est horrible, tu continues de t’y accrocher de toutes tes forces sans vouloir lâcher prise… Comme c’est pitoyable… Après tout, c’est ta seule source de chaleur et d’affection, ah, mon petit Phénix. »


Le Phénix haleta, et finalement il rassembla ses dernières forces de nulle part pour s’écrier d’un ton furieux :

« — Lâche-moi ! »

Il repoussa la main de Shakyamuni et tenta de se relever avec du mal. Cependant, ses longs cheveux emmêlés et sa tunique blanche comme la neige retombèrent au sol. Ses doigts crispés n’arrivaient même pas à saisir la terre. Il avait l’air si misérable que Shakyamuni prit un moment pour l’observer avec admiration. Il se pencha au milieu des flammes noires et déposa finalement un baiser sur le front glacé de l’autre homme.

« Je t’aime de tout mon cœur, fit-il d’un ton affectueux. Comme je l’ai toujours fait. »

Il recula d’un demi-pas, sourit, puis se volatilisa.


— Au même moment, une silhouette de lumière dorée s’envola de la cloche et fila droit vers le ciel !

Au moment de lever le pilon Tue-Démon pour la quatre-vingt-dix-neuvième fois, le Troisième Roi de Clarté crut voir quelque chose d’extraordinaire. Il se figea soudain pour lever les yeux vers le ciel, ébahi — Les nuages magiques se mirent soudain à tournoyer et une plus puissante lueur dorée descendit du ciel, détruisant la Cloche de Diamant !

BOUM !

L’immense cloche se brisa et des milliers de morceaux de bronze tombèrent au sol dans un fracas assourdissant.

La lueur dorée se rassembla à côté du Phénix, se transformant en bouclier doré afin de bloquer tous les débris de bronze qui volèrent durant l’explosion.

Trailokya recula subitement et le pilon Tue-Démon tomba de sa main pour atterrir par terre dans un bruit étouffé.

« Que… Que… Que se passe-t’il — ?! »

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À ce moment, le Vénérable Bhaddiya descendit de son trône de lotus et lança ses perles de rosaire dans les airs. Elles formèrent aussitôt une barrière qui s’étendit à tout le ciel. Leur vive lumière blanche illumina le ciel et le mont Meru qui tremblait fut contraint de se calmer à cause de l’immense pouvoir !

Trailokya s’approcha rapidement.

« — Vénérable ! »

Bhaddiya inspira longuement. Une fois le tremblement calmé, il récupéra son rosaire et s’inclina en direction du ciel.

« Vénérable, ce… ce qui vient de se passer…

– C’était la lumière de Bouddha, » répondit calmement l’autre homme.

Ses yeux se posèrent sur le Phénix qui était agenouillé parmi les débris de la cloche, crachant du sang.

Un certain doute parut défiler dans son regard, mais il ne dit rien et se détourna au bout d’un moment.


* * *


La Cloche de Diamant qui avait résonné pendant mille ans sur le mont Meru avait été pulvérisée. Cependant, le Roi de Clarté Phénix avait été quand même gravement blessé après avoir enduré quatre-vingt-dix-huit coups de cloche.

C’était peut-être une bonne chose pour lui dans le fond, car il était temps pour le mont Meru d’envoyer de nouveau des troupes pour attaquer les Ashuras.

Tout le monde savait que le Phénix était de moins en moins enclin à se rendre dans les quatre Dao du Mal ces dernières années. Lui qui avait purifié la Mer de Sang et vidé les Enfers dans ses jeunes années semblait être devenu peu à peu pacifique au fil des années. La plupart du temps, il restait simplement sous les deux arbres emmêlés, contemplant en silence les montagnes au loin et le monde des humains encore plus loin.

Durant cette période, le Dao du Ciel attaquait de plus en plus souvent le Royaume des Démons. On en arriva même au point où presque tous les démons avaient été éliminés.


Après que le Phénix avait tué d’une flèche le grand roi Ashura dans la Mer de Sang, les Quatre Dao du Mal s’étaient fait discrets pendant des milliers d’années. Ce n’était que récemment qu’un Ashura gris du nom de Fan Luo avait maîtrisé une technique secrète grâce à laquelle il avait pu conquérir le monde des démons. Ça leur avait permis de reconstituer leurs forces pour se lancer de nouveau à l’assaut du Dao du Ciel.

Afin de faire valoir le Noble Chemin, le Dao du Ciel avait envoyé tour à tour les cinq Véritables Rois de Clarté pour attaquer et anéantir les quatre Dao du Mal. De leur côté, afin de récupérer des ressources et obtenir un peu de répit, les démons avaient intensifié leur érosion du monde des humains. Il paraissait que dans plusieurs nations humaines, la situation en était arrivée au point où il n’y avait plus que des milliers de li de terres arides et stériles.

Cette guerre était comme un tourbillon infernal, tournant en rond sans fin.


Pendant ce temps, le ciel au-dessus du mont Xuebao était infiniment bleu, comme lavé par de l’eau. Non loin de là, les cimes enneigées ondulaient et sous le vaste ciel, elles faisaient penser à des dragons bleus sinueux, reflétant la brillance cristalline de la neige qui s’était accumulée là depuis des milliers d’années.

C’était là que vivait le Roi de Clarté Phénix.

C’était également là qu’il avait grandi et on disait qu’il s’agissait de l’endroit le plus proche du ciel incolore dans tout le monde divin.

Le Phénix méditait sous les arbres jumeaux emmêlés avec un lac devant lui dont la surface était aussi claire qu’un miroir.

Que ce soit sur le mont Meru ou autour, on racontait que ce lac était très chaud, alors ses rives étaient couvertes de fleurs, comme un joyau immense et splendide sur le glacier. Cependant, cette légende était extrêmement difficile à vérifier pour un étranger car après tout, c’était une terre interdite où nul n’avait le droit de poser le pied.

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Le Phénix contemplait le monde des humains par-delà les lointaines montagnes. Sous ses longs cils, ses yeux étaient aussi calmes que la surface de l’eau. Après un long moment, il demanda sans tourner la tête :

« — Vous êtes venu me demander de combattre, Vénérable ? »

Bhaddiya apparut de derrière les arbres jumeaux. Il joignit les mains devant lui et s’inclina.

« À quoi est-ce que tu penses ? » demanda-t’il au lieu de répondre.

Le Phénix soupira doucement. Finalement, il détourna les yeux du lointain monde des humains pour se tourner vers son visiteur et lui rendre son salut.

« Laisse-moi deviner… fit le Vénérable d’un ton nonchalant. Tu te demandes pourquoi le monde des humains connaît la tourmente et pourquoi il y a tant de gens qui meurent de faim là-bas. Tu te demandes pourquoi le monde des démons est rempli de tant de souffrances et de guerres sans fin. Tu te demandes pourquoi le Dao du Ciel, qui est censé être une terre pure pour que les bouddhistes cultivent, est à présent devenu le souverain suprême des Six Royaumes…

– Non, le détrompa le Phénix, je ne pense plus à ça. »


Le Vénérable Bhaddiya le regarda, mais le Phénix se contenta de sourire légèrement.

Ce sourire était très léger, passant sur ses lèvres telle une plume, si rapide qu’on aurait cru une illusion.

« Ce à quoi je pense… Si ce qu’on appelle le Noble Chemin et le pouvoir sont capables d’envoyer des troupes pour réprimer par les armes, alors pourquoi une chose si inutile pousse les gens à utiliser d’innombrables tromperies et mensonges pour monopoliser une seule personne ?

– Tu veux parler de l’amour ? » demanda Bhaddiya.

Le Phénix ne répondit pas.

« L’amour n’est pas à la portée de tout le monde, répondit le Vénérable d’un ton léger. L’amour est la chose la plus ordinaire qui soit, la plus commune et la plus inutile… Pourtant, certaines personnes ne sont pas destinées à le recevoir. Quand ces gens-là voient l’amour qu’un autre leur porte, ils ne peuvent que mépriser et désirer ce sentiment à la fois. Ils ont envie de l’accepter, mais ils ne peuvent y répondre. Alors ils s’inquiètent du fait que cet amour sera offert à un autre s’ils l’ignorent trop longtemps… »


Le visage du Phénix changea légèrement.

Bhaddiya fit mine de ne rien remarquer et poursuivit :

« Alors afin de le monopoliser, tu dois utiliser de nombreuses tromperies et manigances pour remplacer ta réponse, afin que cet amour continue de durer longtemps et que personne d’autre ne vienne s’en emparer durant les longues années à venir… »

Le Phénix finit par se lever et par s’exclamer :

« — Vénérable ! »

Bhaddiya cessa subitement de parler.

Les deux hommes se fixèrent un long moment. L’atmosphère était si tendue qu’on aurait dit que même l’air ambiant était gelé.

« Ne dites pas ça… Ne dites pas ça au sujet de Shakya, murmura le Phénix après un certain temps. Nous ne devrions plus aborder ce sujet. »

Il recula d’un demi-pas, comme s’il voulait se retourner et reprendre sa méditation silencieuse de centaines d’années. Mais à cet instant, le Vénérable Bhaddiya l’interpela soudain :

« Attends, je suis venu te parler d’un sujet important — J’ai consulté l’avenir pour les trois mille prochaines années et j’ai découvert quelque chose. »

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Il marqua une pause, semblant un peu hésiter, puis compléta tout de même :

« … Au sujet de ton fils aîné. »

Le Phénix se figea, puis se tourna de surprise.

« Mon fils aîné ?

– Ta forme originelle est celle d’un phénix, expliqua l’autre homme d’un ton très naturel. — Le Phénix va donner naissance à deux garçons. L’aîné sera très maléfique et il sera la source d’un très grand malheur pour le Bouddha. Je peux seulement voir l’avenir à trois mille ans d’intervalle, alors je ne sais pas précisément en quoi consistera ce malheur. Mais il y a des gens qui cultivent de manière plus approfondie que moi et qui peuvent voir beaucoup plus loin dans le futur… Je pense que ce sera un futur très turbulent et effrayant. »

Le Phénix en resta stupéfait, ne sachant comment réagir.

Pendant un moment, il crut même que Bhaddiya plaisantait, mais les yeux de l’autre homme étaient très calmes et sérieux.


« Mais pourquoi… commença le Phénix.

– Qu’y a-t’il ?

– … Il n’y a pas la moindre compassion dans votre regard. »

Le Phénix fronça ses longs cils, semblant un peu perplexe.

« Un Vénérable comme vous qui peut voir l’avenir ne devrait-il pas avoir tout le temps un regard rempli de compassion et de pitié ? Parce que vous voyez les souffrances de l’existence sous vos yeux ainsi que les innombrables catastrophes des trois mille ans à venir, et que c’est vous qui êtes nécessaire pour les surmonter, ah. »

Pendant un moment, le Vénérable Bhaddiya ne sut que dire et un air stupéfait apparut sur son visage.

Une telle expression était très rare chez quelqu’un comme lui qui clamait être sage et compatissant. Le Roi de Clarté Phénix le fixa en penchant légèrement la tête sur le côté, attendant sa réponse.


« … Je ne peux pas ressentir de compassion pour toi, avoua enfin Bhaddiya après un long moment, car je vais être également impliqué dans cette calamité. »

Quand il expliqua cela, son regard était rempli d’une impuissance impossible à dissimuler.

Le Phénix trouva tout ça très absurde pendant un moment.

« L’avenir que je peux voir est naturellement perceptible par cette personne qui a un niveau de cultivation plus élevé que le mien, alors je suis venu ici pour te rappeler d’être prudent. Tu t’es noyé dans des sentiments injustifiés pendant trop longtemps. Je pense que ce sera difficile pour toi de voir plus de choses… »

Bhaddiya joignit ses mains devant lui et psalmodia l’un des noms de Bouddha.

« J’en ai trop dit aujourd’hui. Je vais te laisser. »

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Il se tourna et commença à descendre de la montagne. Le Phénix resta planté là, stupéfait. Après un moment, il fit soudain deux pas en avant et s’écria :

« Vénérable ! »

Bhaddiya s’arrêta.

« Vous avez dit que j’aurai deux fils… »

Le Phénix marqua une pause, comme si les mots suivants étaient trop difficiles à dire. Pourtant, il continua :

« Avec qui je vais avoir ces enfants ? »

Bhaddiya tourna la tête vers lui.

Pendant un bref instant, le Phénix crut voir un léger reproche sur son visage, comme un supérieur sévère, ou bien un sourire, comme un aîné gentil, puis il se rendit compte que ce n’était aucun des deux.

Les yeux de Bhaddiya trahissaient sa confusion.

« Je n’en sais rien, reconnut-il. Cet personne… ne fait pas partie de la causalité. »


* * *


Cette personne ne faisait pas partie de la causalité.

Le Phénix resta assis tard le soir dans le temple à songer à cette phrase. Le clair de lune glacial se reflétait sur les piliers en pierre bleutée, émettant une faible lueur.

Il s’était recouvert d’une large tunique, recroquevillé sur le lit et étalant ses longs cheveux soyeux.

À l’extérieur, le vaste ciel étoilé et les glaciers s’étendaient à l’horizon. Il était le seul dans la demeure. Le froid semblait surgir de chaque recoin et fissure dans les dalles du sol, le gelant de l’intérieur comme de l’extérieur.

Je ne veux simplement pas rester seul… songea-t’il.

Il y avait bien des années, il n’était pas seul. Bien que personne ne se souciait de lui et ne s’intéressait à lui, il avait au moins eu Shakya. Dans cet endroit qui était le plus proche du ciel incolore des dieux, dans ce monde de glace et de neige loin du monde des mortels et de la moindre habitation, Shakyamuni et lui avaient compté l’un sur l’autre et avaient survécu à de nombreux hivers sans fin.

— Mais tout ça était terminé à présent.


Peu importe à quel point la vérité est horrible, tu continues de t’y accrocher de toutes tes forces sans vouloir lâcher prise car après tout, c’est ta seule source de chaleur et d’affection.

Le Phénix passa les bras autour de ses genoux, posant le menton sur ses bras et contemplant en silence la lune froide à l’extérieur.

Il avait souvent tendance à s’enfoncer dans un mélange de cauchemar et de réalité sans pouvoir se réveiller. D’un côté, il y avait toutes sortes de contradictions et d’incohérences qu’il avait relevées au fur et à mesure qu’il grandissait. De l’autre, il y avait la longue solitude qui était partout, lui rappelant cruellement à tout moment que s’il renonçait à cette fausse chaleur, il n’aurait plus rien du début à la fin.

Plus rien du tout.

Comme cette idée était horrible.


Alors parfois, il se fermait volontairement au milieu de la nuit, se racontant que tous ces mensonges n’existaient pas et s’enfermant dans l’illusion qu’il avait encore une personne qui l’aimait. Cependant, la cruelle vérité émergeait parfois de ce cauchemar, dévoilant une partie de sa blessure, lui faisant voir la chair sanglante qui avait pourri jusqu’à l’os.

Après des jours et des jours de cette torture répétée, il se demandait même parfois pourquoi il était toujours en vie. Bien qu’il semblait incomparablement splendide et charmant en apparence, à l’intérieur il était comme un mort-vivant gelé, sans la moindre vitalité hormis le fait qu’il respirait.

Cette souffrance sans fin était comme un couteau émoussé qui lui tranchait la chair et la durée de sa vie éternelle lui faisait même penser que ce serait formidable si Shakyamuni ne lui avait pas menti, ou bien s’il revenait et continuait de lui mentir — Il n’avait vraiment personne d’autre que lui à qui penser. Sans Shakyamuni, il n’avait qu’une désolation vaste et absolue.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Il s’était dit qu’une telle désolation allait continuer jusqu’au terme de sa vie éternelle.

Mais aujourd’hui, Bhaddiya était venu lui annoncer qu’il y avait une personne qui ne faisait pas partie de la causalité et qui allait apparaître dans sa vie tel un dieu descendant du ciel pour concevoir deux garçons avec lui.

Le Phénix s’adossa contre la tête de lit glaciale, se perdant lentement dans ses pensées.

Que pouvait bien être une personne qui ne faisait pas partie de la causalité ?

Un humain ? Un démon ?

Ou bien un fantôme ?

Cela n’avait pas d’importance, peu importait quelle créature c’était. Du moment qu’il existait une telle personne pour le réconforter pendant les nuits infinies, le reste ne comptait pas.

— Dans ce cas, à quoi allaient ressembler ses deux fils ? Le Phénix repoussa en arrière une longue mèche de cheveux qui retombait sur son visage et se mit à y penser.


Allaient-ils lui beaucoup ressembler ? Seraient-ils sages ?

Allaient-ils grandir ensemble et se soutenir mutuellement ?

Il baissa les yeux sur ses mains fines. Ces mains avaient purifié des millions d’esprits vengeurs, tué d’innombrables démons et répandu des tonnes de sang pour ce soi-disant “Noble Chemin” auquel même lui ne croyait plus trop. Mais dorénavant, elles allaient enfin véritablement servir à quelque chose.

Ces mains allaient pouvoir prendre soin et protéger ses enfants, ainsi qu’éloigner les désastres et les accidents d’eux à tout jamais.

Cette mystérieuse personne qui était hors de la causalité pouvait partir à tout moment, mais son propre sang ne le quitterait jamais.

Le Phénix ferma les yeux, éprouvant une paix intérieure incomparable, et il s’endormit pour faire un doux rêve.


* * *


C’était la première fois depuis très longtemps qu’il dormait pour de bon, au lieu de garder les yeux ouverts dans le froid mordant, attendant que l’aube vienne. Il fit même un rêve. Il rêva de lui plus jeune. Shakyamuni et lui étaient pressés l’un contre l’autre, observant la Voie Lactée dans le ciel.

Être dans ce rêve était comme se retrouver immergé dans un courant chaud pendant l’hiver glacial. C’était si réel qu’il faillit pleurer. Subitement, le visage de Shakyamuni devint flou, avec une étreinte rassurante et des bras solides, ainsi qu’une présence chaleureuse et durable, comme s’il pouvait lui tenir compagnie pendant très, très longtemps.

Le Phénix fut très heureux dans son sommeil et il ne put s’empêcher de se pelotonner contre lui-même.


Mais soudain, une sensation de danger transperça sa conscience comme une aiguille, faisant que ses paupières bougèrent dans son sommeil.

— Une présence.

Quelqu’un se tenait à côté de son lit.

Le Phénix ouvrit brusquement les yeux et vit quelqu’un debout dans l’obscurité, en contre-jour. C’était une grande silhouette familière et son regard était extrêmement oppressant, le fixant attentivement.

— Il s’agissait du Troisième Roi de Clarté, Trailokya.


Note de Karura : Que peut bien venir faire Trailokya dans la chambre du Phénix au beau milieu de la nuit ?



Notes du chapitre :
(1) Rabindranâth Tagore, poète indien (1861 - 1941)
(2) Lijiang est considérée comme une ville très romantique.






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