Le Prince Solitaire 7 02

Chapitre Deux : Comment récupérer Dekita


Kurojū, quatrième mois de l'an 2456


Tomuki comptait profiter de son droit d'anniversaire pour ne pas assister aux leçons, comme il le faisait chaque année. Seulement, il déchanta après avoir annoncé la nouvelle au petit-déjeuner.

« Tomuki, ce droit ne concerne que les enfants, lui rappela son père en réprimant un sourire amusé. Tu imagines un peu si un adulte ne venait pas faire son travail juste parce que c'est son anniversaire ?

Mais l'an dernier, j'ai pu en user ! protesta le jeune homme, bouche bée.

Parce que c'était ta majorité. »

Dépité, le Premier Prince baissa les yeux sur son bol. Il avait prévu de passer une seconde journée avec son frère.


« Pourquoi Haruni a le droit de ne pas aller en cours, lui ? bougonna-t'il.

Il repart dans quatre jours, répondit Kaname après une hésitation. Cela ne servirait à rien. »

Qui plus est, les camarades de cours du Second Prince étaient retournés dans leurs familles respectives suite à sa retraite spirituelle. Certains venaient encore pour les leçons de maître Midarō au sabre, mais ils avaient des précepteurs privés à domicile pour le reste. De toute manière, Haruni ne s'était lié à aucun d'entre eux, au grand désarroi de ses parents.


Tomuki eut tout à coup une brillante idée :

« Haruni, viens en cours avec moi ! »

Le concerné, qui ruminait encore son humiliation du matin devant Seiryū, leva les yeux de son repas.

« Pour quoi faire ? demanda-t'il avec perplexité.

Pour qu'on soit ensemble ! »

La réponse coulait de source pour Tomuki. Son frère hésita, réticent. Malheureusement pour lui, Kaname approuva.

« Très bonne idée ! Haruni, tu as pris du retard dans tes leçons. Cela te fera du bien d'assister aux cours.

Mais je…

C'est parfait ! » approuva à son tour Tegami.

Un peu coincé, l'adolescent ne put que se résigner. Cependant, il comptait quand même sortir à cheval dans l'après-midi, une habitude qu'il ne perdrait jamais.


~*~


De ce fait, Haruni put expérimenter le niveau supérieur des cours… et ne regretta rien. En histoire, le précepteur se contenta de poursuivre les récits de la période Dakōro (1850 - 2100). Haruni avait déjà lu des annales à ce sujet dans la bibliothèque et il s'en souvenait très bien. Le précepteur n'apporta rien de nouveau, tandis que les Dieux ne se gênèrent pas pour lui raconter des anecdotes que les historiens n'avaient pas osé coucher par écrit. C'était nettement plus révélateur et instructif que les phrases ampoulées du précepteur. Les autres élèves ne semblaient pas passionnés non plus. Outre les amis de Tomuki, il y avait dix autres jeunes hommes dont les pères étaient des nobles influents de la Cour. L'un d'eux bâilla discrètement, tandis qu'un autre semblait dormir les yeux ouverts. Le précepteur continua sa récitation sans se soucier de l'attention de son auditoire. Haruni aurait pu se lever et partir qu'il ne l'aurait même pas remarqué.


L'autre cours de la matinée, la stratégie militaire, aurait pu intéresser le Second Prince, sauf que… ils n'en étaient qu'à l'apprentissage des trente manœuvres. Apparemment, cela faisait des mois qu'ils y travaillaient et beaucoup ne connaissaient que cinq ou six postures à la perfection, avec les réponses appropriées. Haruni se souvint qu'il les avait apprises en écoutant le général Shimada les lui présenter et que cela n'avait pris que quelques heures. Mais maître Tofūro, le précepteur, ne leur donnait aucun conseil pour mieux les apprendre. Il se contenta d'une brève présentation des nouvelles postures du jour, puis il les laissa en autonomie pour réviser ensemble.

« Pourquoi je dois retenir tout ça ? se plaignit Tomuki. Je ne veux pas devenir général, moi !

Moi non plus, renchérit Kenshirō avec un lourd soupir.

Bah, c'est de la culture générale, » tâcha de les consoler Hamoto.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

De son côté, Haruni contemplait le paysage par la fenêtre. Tomuki fit la moue en le voyant si peu concerné. Il voulut lui donner un léger coup dans le bras mais curieusement, son frère évita le coup et le fixa d'un air agacé.

« Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit-il.

Aide-moi à apprendre ça ! » exigea Tomuki en lui tendant le parchemin des postures.

Non loin, Seiryū s'était tendu en voyant le Premier Prince viser le bras gauche de l'adolescent, bien qu'il ne pensait pas à mal. Heureusement, Haruni avait de bon réflexes !

« Pourquoi tu as du mal à apprendre ? s'étonna Haruni en parlant à son frère.

Trente postures, c'est inhumain ! On a déjà les vingt-deux postures du sabre, et en plus celles-ci !

Si tu les analyses bien, il y a des ressemblances entre les trois corps d'armée : avancer, virer, se reformer, etc. La couleur blanche, c'est pour la gauche et la rouge, c'est pour la droite. Le caractère des animaux est également un indice… »


Bouche bée, Tomuki écouta son frère, plus jeune de neuf ans, lui faire une analyse fine des trente postures. Et il n'était pas le seul à être sidéré : même Seiryū n'en revenait pas.

« Mais, mais, reprit Tomuki une fois remis, tu ne peux pas les avoir déjà étudiées ! Ce n'est pas encore de ton niveau.

Cela fait un moment que je les ai apprises, mais pas avec un précepteur. »

D'un côté, cela ne surprit guère Tomuki : il savait que son petit frère était un passionné de stratégie militaire, alors il avait dû lire des ouvrages à ce sujet. Cela restait quand même impressionnant pour un adolescent ! Cependant, même avec les conseils de Haruni, l'apprentissage par cœur restait ardu. Il ne fallait pas non plus oublier les enchaînements autorisés… C'était trop cruel !


~*~


Ce fut ensuite l'heure du déjeuner, que les jeunes gens prirent ensemble dans un pavillon dans les jardins, profitant du beau temps estival. Haruni tenta de s'esquiver après, mais il fut retenu par son grand frère.

« De toute façon, je ne vous accompagne pas pour le prochain cours, objecta-t'il.

Pourquoi ?

C'est avec maître Midarō, » répondit Haruni en lui lançant un regard d'évidence.

Bien que le Second Prince avait remporté la première place de sa catégorie au Tournoi Impérial trois ans plus tôt, maître Midarō n'avait pas suggéré une seule fois de le reprendre parmi ses élèves. De son côté, Haruni s'en portait très bien.

« Tu sais, insista Tomuki, si on allait tous les deux voir maître Midarō, je suis sûr qu'il t'accepterait à nouveau.

Je n'ai pas besoin de son acceptation. »

Tomuki désespéra devant l'attitude bornée de son petit frère. Du coup, il ne chercha plus à le retenir et Haruni partit avec soulagement.


Pendant que les servants débarrassaient les plats, Tomuki se confia à Seiryū.

« Dis, tu ne pourrais pas essayer de parler à mon frère ? Vous aimez tous les deux le sabre, tu pourrais l'attirer à l'entraînement ? »

Seiryū prit un air compliqué. Il savait très bien que Haruni refuserait net, ne serait-ce qu'à cause de l'état de son bras. Et même sans cela, il n'accepterait pas à cause de sa rancœur envers le Firal.

« Tomuki, je ne suis pas le mieux placé pour lui parler, tu sais, fit-il avec un peu d'amertume.

Vous ne vous entendez pas ? s'étonna le Premier Prince. Je croyais pourtant que tu voulais être ami avec lui. »

Au souvenir du matin, Seiryū se figea.

« Hum… il ne veut pas, » avoua-t'il sans entrer dans les détails.

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Cela n'avait pas été un simple refus, mais carrément un rejet. Seiryū ne s'expliquait toujours pas la réaction aussi violente de l'adolescent. Haruni le détestait-il à ce point ? C'était extrêmement blessant. Certes, il avait de bonnes raisons d'en vouloir à Seiryū, mais ce n'était pas non plus comme si le Firal avait volontairement cherché à lui nuire ! En plus, Seiryū voulait se faire pardonner, sauf que Haruni lui adressait à peine la parole et ne voulait rien avoir à faire avec lui. Dans des conditions pareilles, comment Seiryū pourrait-il se racheter ? Tomuki parut comprendre ses non-dits et lui tapota l'épaule.

« Je m'excuse pour son comportement, fit-il d'un ton désolé.

Tu n'as pas à t'excuser pour lui, » lui assura Seiryū, bien que cela lui mit un peu de baume au cœur.

Un peu plus loin, Kenshirō avait tendu l'oreille pour suivre leur conversation et il se rembrunit.


~*~


Haruni repartit à Myūjin trois jours après l'anniversaire de son frère. Seiryū n'avait pas eu l'occasion de lui parler en tête à tête. Même en se levant aux aurores, il n'avait plus vu le Second Prince sur le terrain d'entraînement. Se pouvait-il que Haruni se soit senti si humilié devant lui qu'il avait renoncé à s'exercer ? Seiryū était persuadé que c'était l'explication. Il en fut abattu : l'hostilité de Haruni à son égard n'était pas méritée selon lui. En plus, depuis que Seiryū avait compris que le Second Prince était loin de comploter contre l'Empire, il s'était aussi rendu compte qu'ils avaient énormément de points communs : le sabre, la stratégie militaire, l'envie de sortir des sentiers battus… Normalement, ils ne pouvaient que s'entendre ! Hélas, la réalité était toute autre et Seiryū avait sa part de responsabilité.


Cependant, il avait reconnu son erreur et tenté de se rapprocher de l'adolescent pour montrer sa bonne foi… sauf qu'il s'était fait aussitôt repousser. On ne lui avait encore jamais refusé une demande d'amitié, alors cela le tourmenta un peu. Pour se consoler, il émit trois demandes d'amitié au hasard qui furent toutes acceptées. Comme quoi, le problème ne venait pas de lui ! Dans tous les cas, Haruni était censé achever sa retraite spirituelle pour son anniversaire, soit dans un peu plus de deux mois. Une fois qu'il rentrerait pour de bon à Kurojū, Seiryū était fermement décidé à obtenir son pardon. Il n'en pouvait plus de cette culpabilité et des cauchemars récurrents. Et si le Second Prince s'entêtait dans son refus, il allait découvrir que Seiryū pouvait se montrer encore plus borné que lui !


~*~


Au milieu de l'automne, par un temps maussade, le Second Prince reprit sa place à Kurojū. L'autre fait remarquable fut que les prêtres furent de nouveau invités au palais, avec même un siège au Conseil. Si le peuple se réjouit de cette nouvelle, il n'en fut pas de même pour certains nobles. L'équilibre délicat des forces au palais pouvait bien être brisé par l'ajout de nouvelles composantes. Quelle serait l'influence des prêtres ? Que chercheraient-ils à obtenir ? Pouvait-on les rallier à sa cause ? Telles étaient les nombreuses questions que se posaient les nobles qui manigançaient entre eux.


Seiryū, en entendant les rumeurs, fut frappé par une pensée saugrenue dont il fit part à Kenryū :

« Père, c'est grâce au Second Prince que les prêtres peuvent revenir au palais, alors… Plutôt que d'être manipulé par les Hikari, j'ai l'impression qu'il est manipulé par les prêtres. »

Ce serait moins incriminant pour Haruni. Cependant, le général rejeta cette idée sans même y réfléchir :

« Les prêtres ne sont pas des intrigants.

Pourtant, leur comportement envers le Second Prince…

Comme nous, ils gardent un œil sur le Bâtard au lieu de le laisser agir seul. »

Seiryū se renfrogna à cause de l'appellation injurieuse. Néanmoins, il ne se permettrait jamais de corriger son père. Il désespéra en son for intérieur :

« Haruni, je n'arrive pas à changer l'opinion de mon père à ton sujet. Ce n'est pourtant pas faute d'essayer ! »


Il avait en effet décidé de redorer la réputation du Second Prince, ce qui n'était pas une tâche aisée. S'il faisait ça, c'était pour apaiser sa culpabilité, puisque Haruni ne le laissait pas faire grand-chose pour lui ! Ça au moins, il pouvait le faire sans la permission de l'adolescent. Cependant, ce dernier avait vraiment mauvaise réputation ! Et Haruni ne faisait aucun effort pour y remédier lui-même. Seiryū avait vraiment envie de renoncer devant l'ampleur de la tâche, mais sa conscience exigeait qu'il persévère.

« Je n'abandonne pas non plus ma première idée, se dit-il. Quand Haruni sera là, je passerai à l'action ! »

Depuis sa demande d'amitié — même si elle avait été rejetée — Seiryū avait pris l'habitude de songer au Second Prince en utilisant son prénom. Cela montrait à quel point il avait changé d'avis à son sujet. C'était regrettable que Haruni refusait de s'en rendre compte.

« Bientôt, » se promit le Firal.

Il irait de nouveau parler à Haruni dès son retour.


~*~


Après deux mois, Haruni avait encore un peu grandi.

« Tu ne vas plus t'arrêter, on dirait ! commenta Kaname en riant tandis qu'ils prenaient le thé en famille pour son retour.

Il était temps que je grandisse.

Mais tu ne dois pas être plus grand que moi ! le prévint Tomuki.

Pourquoi ? demanda l'adolescent en lui lançant un regard surpris.

Parce que je suis le grand frère ! » répondit-il d'un ton des plus sérieux.

L'Impératrice eut un léger rire et Tegami sourit devant cette douce rivalité fraternelle : cela lui rappelait Harutō et lui.

« La taille ne fait pas tout, » répliqua Haruni en sirotant son thé.

Tomuki prit un air vexé qui était assez comique. Haruni le laissa mariner dans son jus un moment avant de reprendre :

« Même si je finis par te dépasser, tu resteras mon grand frère. »

Le Premier Prince en resta interloqué, puis la joie l'envahit et il serra son frère contre lui.

« Dis-le encore ! demanda-t'il, un sourire aux lèvres.

Même si je finis par te dépasser, » fit Haruni en répétant volontairement la mauvaise partie de la phrase.

Malgré ça, Tomuki fut ravi de subir les taquineries de son petit frère, fait bien trop rare. Ce fut avec regret qu'il dut retourner à ses cours.

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« Haruni, fit l'Empereur une fois Tomuki hors de vue, qu'en est-il de ton bras ? »

L'adolescent haussa un sourcil et eut une pensée acerbe : son père avait décrété son retour au palais sans se soucier de l'avancée de sa convalescence. Pourquoi s'en préoccuper maintenant ? Néanmoins, il répondit en toute honnêteté :

« Il n'y a pas eu d'amélioration depuis la dernière fois.

Comment ça se fait ? Ton moine aurait perdu son talent ? »

Haruni lui renvoya un regard scrutateur, notant l'ironie dans ses propos.

« Kuji n'y est pour rien : ma poussée de croissance tombe au mauvais moment. Cela perturbe ma guérison. »

Les muscles, nerfs et tendons qui devaient se remettre en place subissaient cette croissance alors qu'ils étaient déjà bien fragilisés.


« Et les… cicatrices ? »

Le sujet était sensible pour Tegami, alors que Haruni s'en moquait bien. Il releva sa manche et défit une partie de ses bandages. Kaname, qui n'avait pas vu l'état précédent de la plaie et n'en avait entendu que la description de son époux, porta une main à sa bouche, horrifiée.

« J'ai l'impression que c'est moins rouge, commenta Tegami en plissant les yeux.

Je mets de la crème tous les jours, » fit Haruni en remettant les bandages en place.

Les Dieux aidaient aussi, mais Ils ne pouvaient le soigner d'un coup. Il fallait du temps et de la patience, ce qui n'était pas le point fort de Haruni. Il s'était pourtant fait une raison.


« Sinon, en ce qui concerne ce que tu m'as promis si je t'autorisais à rester à Myūjin ? »

Haruni n'avait pas oublié : il devait accepter Kurojū comme sa demeure et faire des efforts pour s'y plaire et s'y intégrer.

« Je vais m'y mettre, assura-t'il. Cela va commencer par tâcher de me faire des amis. »

Malgré sa promesse, il dit ça d'un ton plutôt réticent. Kaname battit des mains, réjouie, et déclara :

« Alors nous devons faire revenir tes camarades de classe.

Non, ce ne sont que des enfants ! protesta l'adolescent.

Ils ont ton âge, rétorqua Tegami d'un ton sévère.

Mais je n'ai rien en commun avec eux ! »

Kaname intervint comme d'habitude pour apaiser les tensions :

« Tu t'entendrais mieux avec des gens plus âgés, c'est ça ? Cela n'a rien d'inhabituel. Et si tu intégrais la classe de ton frère ? »

Cela n'enchantait pas plus que ça Haruni, mais il devait montrer de la bonne volonté. Après tout, rien ne l'obligeait à fréquenter les amis de son frère — qu'il n'appréciait vraiment pas — car il y avait d'autres personnes dans ces cours. Même s'il ne se faisait plus d'illusion sur leur compte, il devait au moins essayer.


~*~


Le lendemain matin, le Conseil se réunit pour faire le point sur Dekita. Bien que ce soit son anniversaire, Haruni tint à y participer. Du coup, les conseillers avaient deux bonnes raisons de venir : jauger le Prince Affabulateur — le nouveau surnom de Haruni, tout aussi irrespectueux que le Bâtard Hikari — et rencontrer le nouveau membre du Conseil, le saint Gugonjū. Inutile de dire que personne ne fut en retard. Seiryū accompagna son père comme de coutume et Tomuki fut également présent. Trois prêtres accompagnaient Gugonjū. Quant au général Bakkushō, il avait été remplacé par le général Tadoshi. La salle du Conseil était donc bien remplie. Haruni sentit les regards peser sur lui ainsi que les chuchotements, mais il les ignora comme de coutume. L'ambiance de la Cour n'avait guère changé en plusieurs mois. Il répondit brièvement aux conseillers qui lui souhaitèrent un bon anniversaire tout en faisant des compliments sur sa bonne mine. Il pouvait quasiment sentir l'hypocrisie de leurs propos. Seul Gugonjū le salua sincèrement.


Ils passèrent vite à l'ordre du jour.

« À compter de ce jour, sont nommés au Conseil le saint Gugonjū, prêtre supérieur du temple de Metō dans la province de Hebi, et les prêtres Chōto, Makito et Hanami, annonça un officiel. Le saint Gugonjū fera également partie du Conseil restreint. »

La prêtrise reprenait pleinement sa place au sein de l'Empire.

« Nous allons maintenant passer à la lecture des rapports sur la province de Dekita. »

Haruni écouta attentivement, mais cela ne faisait que confirmer les rapports des prêtres : Tadeoru n'avait aucunement l'intention de céder et massait ses troupes aux frontières afin de narguer ses voisins. Il se vantait de sa victoire sur la plaine de Mara et de sa capture du Second Prince, nonobstant le fait que ce dernier lui avait échappé et qu'il avait perdu dans la vallée de Bisu.

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Les conseillers semblaient plus qu'excédés par cette situation.

« Votre Majesté, fit Kenryū, nous n'avons plus le choix : il faut envahir Dekita.

Le temps de la diplomatie est passé, renchérit le seigneur Hatochi.

Si nous nous lançons dans une telle entreprise, intervint le ministre Mekkoshi, il faut que nous soyons sûrs de l'emporter. »

Kenryū lâcha un rire à demi moqueur.

« Aucune guerre n'est sûre d'être remportée, fit-il, fort de son expérience. Mais les conditions nous sont extrêmement favorables. »

Gugonjū, qui était observé en cachette par les conseillers, fronça les sourcils.

« Saint Gugonjū, quelle est votre opinion en la matière ? » s'enquit Hatochi afin de le tester.

Certains des conseillers rirent sous cape : un prêtre n'y connaissait rien en bataille, il ne faisait que prier les Dieux ! C'était du moins ce qu'ils croyaient.


Le prêtre inclina la tête en direction du seigneur Hatochi, ses yeux verts se plissant.

« Hé bien, je vous entends parler d'invasion, mais savez-vous au moins qui est notre ennemi ? »

Hatochi prit un air interloqué, de même que d'autres. Kenryū ne dit rien mais observa attentivement le prêtre. Au contraire des autres, il l'avait vu sur un champ de bataille, alors il ne le sous-estimait pas.

« N-notre ennemi est Dekita, voyons, répondit Hatochi, bien qu'on pouvait sentir une pointe de doute dans sa voix.

Faux, rectifia Gugonjū avec un sourire. Notre ennemi est Tadeoru et les seigneurs qui lui sont fidèles. Ils ne représentent qu'une faible portion de Dekita. Alors si vous lancez une invasion, vous allez tuer plus d'innocents que de coupables. »

Cela jeta un trouble. Haruni, qui avait longuement discuté de cela avec Amonji et Gugonjū au temple, se dit que jamais les conseillers n'auraient accepté les mêmes propos de sa part. Outre sa jeunesse, il y avait ses origines Hikari. D'un côté, c'était tout aussi bien que Gugonjū soit là pour défendre leur plan.


« Il y a toujours des blessés parmi les civils dans une guerre, intervint le général Narubi, un brin agacé. C'est inévitable !

Ce n'est pas une raison pour ne pas chercher à minimiser les pertes, » répliqua Gugonjū sans se démonter.

De nombreux conseillers roulèrent des yeux. Ce serait déjà assez difficile de remporter la victoire, s'il fallait en plus se soucier de la vie de quelques paysans, ils ne s'en sortiraient pas ! Le général Kenryū, lui, ne semblait pas averse à cette idée.

« Nous pourrions prévoir les batailles loin des villages, » suggéra-t'il.

Gugonjū lui lança un regard approbateur.

« Le général Kenryū est aussi honorable qu'on le dit, » le complimenta-t'il sincèrement.

Kenryū inclina la tête dans sa direction.


« Cependant, il est carrément possible de limiter les batailles… à condition d'innover un peu. »

Les généraux prirent un air réticent. De manière générale, l'innovation n'était pas la bienvenue dans l'Empire de l'Aube.

« Qu'avez-vous en tête ? demanda Hatochi d'un ton circonspect.

Une ébauche de plan que je présenterai au Conseil restreint dans l'après-midi. »

Depuis la trahison du général Bakkushō, il avait été décidé que les discussions militaires se limiteraient au Conseil restreint. Les conseillers étaient également surveillés de près par l'Armée de l'Ombre sans qu'ils ne le sachent. Il était hors de question qu'un tel incident se produise de nouveau !


~*~


Comme le cours de stratégie allait débuter juste à la fin du Conseil, Tomuki et Seiryū se préparèrent pour y aller. Tomuki n'oublia pas son frère bien évidemment, puisqu'il avait été ravi d'apprendre que Haruni suivrait désormais les mêmes cours que lui.

« Je suis dispensé de cours aujourd'hui, répondit l'adolescent. C'est mon anniversaire.

Ce n'est pas juste ! protesta aussitôt Tomuki. Moi, j'ai dû aller en cours pour mon dernier anniversaire !

Parce que tu es majeur, lui rappela Haruni.

Viens quand même, allez, tenta-t'il de le cajoler. Tu n'as rien d'autre de prévu, non ? »

Haruni reconnut qu'il n'avait effectivement rien de capital à faire. Ce n'était que son deuxième jour au palais, donc il ne ressentait pas le besoin de sortir à cheval. Ses affaires avaient déjà été rangées, il avait prévu avec Kuji les horaires de ses soins et Gugonjū savait quoi dire au Conseil restreint sur leur plan.

« Alors tu viens ! » décréta Tomuki en notant son absence de réponse.

Haruni ne voulut pas s'y opposer.

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Avec leurs servants qui les suivaient en portant leurs affaires de cours, les trois jeunes gens se mirent en route pour le Pavillon du Savoir. Seiryū en profita pour demander :

« Votre Altesse, vous vous entraînerez au sabre demain matin ?

En quoi ça vous regarde ? répliqua l'adolescent d'un ton sec.

Haruni ! s'horrifia Tomuki. Tu n'es pas du tout courtois ! »

Pour Tomuki qui avait été élevé au palais dans le respect des protocoles rigides et de la politesse par sa mère, un tel comportement était inimaginable. Haruni, au contraire, était plus direct dans ses émotions et se souciait guère de la courtoisie. Seiryū, dont le sourire s'était crispé à la réponse du Second Prince, poursuivit néanmoins :

« Je voulais me proposer comme partenaire d'entraînement.

Je m'entraîne seul, » répondit aussitôt Haruni.

Tomuki se retint de le frapper sur la tête comme un enfant malpoli. Seiryū lui tendait gentiment la main et Haruni la refusait sèchement. Et il parlait de se faire des amis ? Avec une telle attitude, qui accepterait son amitié ? Tomuki se dit qu'il devait agir en tant que grand frère et avoir une sérieuse conversation sur les relations sociales avec lui. Cela devenait de plus en plus nécessaire !


~*~


Le Conseil restreint se réunit aussitôt après le déjeuner. Tomuki, Haruni et Seiryū y participaient aussi : deux en tant que successeurs de leurs pères et le troisième… Kenryū fronça les sourcils devant la présence du Second Prince, mais il n'objecta pas, connaissant d'avance la réponse de l'Empereur. Le général garda donc ses critiques pour lui et se concentra plutôt sur le saint Gugonjū et son fameux plan. Il était curieux d'entendre le prêtre et il n'était pas le seul. Gugonjū savait ce qu'il avait à dire sans avoir besoin de notes. Une carte détaillée de Dekita fut déroulée au centre de la pièce, indiquant les diverses positions des troupes, afin que tous puissent voir.

« Comme je l'ai dit ce matin, une grande partie du peuple de Dekita est resté fidèle à l'Empire de l'Aube et il ne soutient aucunement Tadeoru. L'idée est de s'appuyer sur cette force afin de faciliter la reprise de la province. »

Cela laissa les conseillers perplexes. Même Kenryū ne parvenait pas à concevoir ce qu'il voulait dire, tant cela échappait à son entendement.


Haruni perçut cette incompréhension et il fit discrètement signe au prêtre de s'expliquer.

« Je propose que des détachements passent dans les villages et villes à la périphérie de Dekita. Ils inciteront la population à s'allier à eux pour ainsi récupérer la province petit à petit.

Quand vous dites population, s'enquit Hatochi d'un ton hésitant, vous voulez parler des soldats ?

Je veux parler du peuple, » répondit Gugonjū.

Haruni se retint d'intervenir, bien qu'il aurait présenté les choses autrement et aurait insisté sur d'autres points. Il avait été convenu que ce serait Gugonjū qui prendrait la parole, c'était bien mieux ainsi. Ce plan était suffisamment novateur sans qu'en plus, ce soit le Bâtard Hikari qui le propose !


« Le peuple ne sait pas se battre ! objecta le ministre Kimora. Et ce n'est pas son rôle ! »

En temps normal, c'était Mekkoshi, le ministre de la justice, qui représentait ses pairs au Conseil restreint. Mais depuis qu'il était question de guerre, le ministre des Finances avait temporairement pris sa place.

« Les habitants de Dekita ont pourtant leur mot à dire dans cette guerre, argua le prêtre. S'il s'agit de défendre leurs terres, ils sont capables de se battre. Vous seriez surpris.

Saint Gugonjū, intervint l'Érudit Netsuma, vous parlez à juste titre de leurs terres à défendre. Ne vont-ils pas considérer que nous sommes des envahisseurs ?

Le peuple vénère les Dieux et soutient l'Empereur. »

L'argument théologique ne convint guère. Haruni sentit le refus arriver. Il lança un regard à Gugonjū, mais ce dernier ne semblait pas vouloir poursuivre le débat, comme s'il était à court d'argument ou bien qu'il jugeait en avoir assez dit. Un peu anxieux, Haruni hésita à intervenir.


Ce fut alors qu'il entendit une remarque moqueuse de Hatochi :

« Faire appel au peuple, quelle idée saugrenue. Jamais dans tout l'Empire n'a-t'on fait une chose pareille !

Ce n'est pas vrai, seigneur Hatochi ! » intervint Haruni presque malgré lui.

Les regards se posèrent sur lui, certains surpris, d'autres outrés et quelques-uns expectatifs. Haruni reprit en fixant le seigneur de ses yeux dorés :

« En l'an 852, la province de Chōko était dirigée par le clan Hakkare de façon injuste. Les nobles mineurs ont rassemblé tous les volontaires, soldats comme marchands ou paysans, pour lever une armée et marcher sur Furojū. Ils ont capturé le seigneur et imploré ensuite l'Empereur de nommer une nouvelle famille à la place. Ce fut depuis que le clan Kawaki a pris la tête de cette province. »


Les conseillers furent ébahis par cette histoire dont ils n'avaient jamais entendu parler. Cela dit, ils se rappelèrent vite que le Second Prince avait tendance à mentir, comme pour la caserne de Tomako. Ils n'y crurent donc pas.

« L'Érudit Netsuma pourra certainement confirmer mes dires, » proposa Haruni en sentant leur incrédulité.

Le concerné prit un air gêné.

« Hum… il faudrait que je consulte les Archives, biaisa-t'il. C'est trop ancien.

Faites donc, l'encouragea Haruni. Sinon plus récemment, Madare n'avait pas hésité à enrôler des villageois dans son armée.

Ah ! Mais c'était l'idée ridicule de ce Vite ! » critiqua Kimora avec désobligeance.

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Cela lui valut quelques regards mauvais, en particulier celui de Seiryū qui n'hésita pas à prendre la parole pour défendre son idole :

« Ministre Kimora, vous voulez parlez du général-héros Yama, celui-là même qui nous a délivrés des Hikari ?

Seiryū, » le rappela à l'ordre son père.

Mais lorsque cela concernait Yama, le jeune homme se fermait à la raison. Le temps n'y avait rien changé. De son côté, le ministre prit un air offusqué car il ne voyait aucun mal dans ses propos. Il persévéra donc :

« Général-héros ou pas, il a aussi enrôlé des femmes et des enfants ! C'est dire comme le seigneur Mitsuhide devait être désespéré à l'époque pour accepter une arme de bric et de broc ! »

Ce fut au tour de Haruni de plisser les yeux devant cette critique de son ami.

« C'est cette armée de bric et de broc, comme vous dites, qui a vaincu l'Armée Impériale en 2438. Le seigneur Mitsuhide s'est donc montré bien plus avisé que vous, ministre Kimora ! »

Si Seiryū fut surpris d'entendre Haruni prendre la défense de Yama, il en fut aussi ravi : ils avaient un autre intérêt en commun ! Il ne remarqua même pas que ce n'était pas Yama que Haruni défendait, mais Mitsuhide.


Le ministre venait de se faire reprendre pour la deuxième fois par quelqu'un de plus jeune, alors son agacement augmenta en conséquence :

« Votre Altesse, ceci est une réunion du Conseil restreint. Vous n'êtes donc pas habilité à prendre la parole, surtout pour ces commentaires superflus !

C'est toujours mieux que vous qui critiquez sans émettre une seule idée. »

Loin de s'énerver, Haruni avait un léger sourire aux lèvres. Les confrontations ne l'avaient jamais effrayé. Au contraire, cela alimentait les échanges selon lui. Le ministre Kimora avait les joues rouges d'indignation et les sourcils si froncés que cela formait de nombreux plis sur son front. Le seigneur Hatochi échangea un regard avec Netsuma, comme pour dire : “le Second Prince fait encore des siennes.”


La situation força l'Empereur à intervenir pour réprimander son cadet.

« Haruni, modère tes propos.

Oh, mais je reste modéré, père, » répondit ce dernier en lui souriant paisiblement.

Vraiment, il se demandait souvent comment faisait Tegami pour écouter ces gens sans réagir. Il se demandait aussi quel était le rôle de l'Empereur au sein du Conseil, à part faire acte de présence…

« Et si nous revenions au sujet initial ? » suggéra Hatochi en s'éventant.

Il se tourna vers la seule personne qui n'avait encore pas donné son avis sur ce sujet :

« Général Kenryū, quelles sont vos impressions sur le plan du saint Gugonjū ? »

Tandis que les autres conseillers s'étaient aussitôt indignés, le général aux cheveux d'automne avait soupesé cette idée. Il avait des réserves, mais ce n'étaient pas les mêmes que ses pairs.


« Saint Gugonjū, comment pouvez-vous être sûr qu'il y aura un nombre suffisant de civils prêts à nous soutenir ? Imaginez que nos troupes réduites se retrouvent piégées dans la province de Dekita, entourées d'ennemis.

Nous autres prêtres avons libre accès à la province, contrairement à vous. Le prêtre supérieur du temple de Kadami n'a cessé d'envoyer ses hommes sillonner les villages et villes. Son constat abonde dans notre sens : une forte majorité de gens sont restés fidèles aux Dieux et à l'Empire.

Si c'est le cas, alors pourquoi ne prennent-ils pas les armes eux-mêmes ? critiqua Kimora d'un ton de dédain.

Allez savoir, » répondit simplement le prêtre.

Haruni le dévisagea avec consternation. Il n'avait vraiment rien de plus à dire ?

« Les gens du peuple n'ont pas une nature belliqueuse, intervint-il. Ils sont respectueux des lois et de l'ordre, alors ils n'imaginent même pas se révolter contre leurs supérieurs. Il en faudrait vraiment beaucoup pour ça. Ou bien il faudrait un signe.

Un signe ? » releva Hatochi.


Constant que Gugonjū ne voulait toujours pas reprendre la parole et l'observait en souriant, Haruni poursuivit malgré lui :

« Prenez l'exemple de ce qui s'est passé à la caserne de Tomako. »

Seiryū ne cacha pas sa surprise : il croyait que le Second Prince ne voulait plus jamais en parler ! Les autres furent aussi surpris, mais plutôt à cause des rumeurs à ce sujet. Le Prince Affabulateur méritait vraiment son surnom !

« Sur huit cents hommes, seule une poignée au final était au service de Tadeoru. Le problème, c'était que cette poignée se composait des supérieurs hiérarchiques. Les subalternes n'osaient donc pas se révolter alors qu'ils étaient pourtant en supériorité numérique. À plus grande échelle, c'est le même souci avec Dekita.

Vous comptez donc envoyer un signe à tout Dekita comme vous l'avez fait à Tomako ? » railla Hatochi.

Le sourcil haussé du seigneur trahissait son ironie. Le Second Prince répliqua calmement :

« Je préfère éviter. »

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Ce ne fut qu'à ce moment que Gugonjū reprit la parole :

« Il y aura des membres de l'Armée Divine dans chaque détachement. Cela témoignera du soutien des Dieux.

La présence de prêtres suffira-t'elle ?

Le peuple est très croyant, assura le prêtre.

Contrairement aux nobles, » commenta Haruni.

Les conseillers froncèrent les sourcils, mais ne purent guère réfuter. Ils respectaient les Dieux et effectuaient les rites mais dans le fond, ils n'y croyaient pas. Cela avait été la même chose au royaume des Vites : les nobles achetaient le pardon à grand renfort d'or, tandis que les villageois étaient pieux à l'extrême — sûrement parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix pour éviter la damnation éternelle !


À présent que les conseillers avaient compris le plan de Gugonjū, ils devaient y réfléchir. Et ils étaient plutôt mitigés.

« Je ne vois pas le problème avec le fait d'envoyer l'Armée Impériale envahir Dekita, fit Netsuma. Pourquoi chercher un autre moyen de faire ?

Pour éviter un massacre de civils, lui rappela aimablement Gugonjū.

Pas seulement, rectifia Haruni. Le but n'est pas d'envahir Dekita, mais de libérer la province de Tadeoru et de ses acolytes. Quel genre de libérateurs serions-nous si nous massacrions tout sur notre passage ? En plus, les déplacements d'une grande force armée causeraient la destruction de villages et de champs. Ministre Kimora, vous serez certainement d'accord pour éviter de devoir envoyer du grain et des aides à toute une province pendant plusieurs années, n'est-ce pas ? »


Le ministre des finances jeta un regard méfiant à l'adolescent, n'ayant pas digéré ses critiques précédentes. Néanmoins en songeant aux dépenses évoquées, il acquiesça vigoureusement.

« Nous devrions augmenter les impôts pour cela et ce ne serait guère apprécié, fit-il.

Mais si nous échouons encore contre Tadeoru, l'Empire sera humilié ! intervint le seigneur Hatochi.

Encore  ? releva Haruni. Quand avons-nous échoué contre lui ?

Nous avons perdu dans la plaine de Mara.

Et gagné dans la vallée de Bisu.

Vous avez été capturé, ainsi que le Firal Seiryū.

Nous nous sommes échappés.

Nous… »


Hatochi fronça les sourcils, ne trouvant plus rien à redire. Pour lui, l'absence de victoire signifiait automatiquement la défaite. Le concept de match nul lui était inconnu. Et puis, Tadeoru se comportait de manière triomphante depuis, si bien que les conseillers avaient fini par se persuader qu'ils avaient perdu contre lui. Haruni se retint de lever les yeux au ciel devant une telle naïveté.

« Dans tous les cas, se reprit Hatochi, pourquoi risquer un échec ?

Au pire si cela ne fonctionne pas, il sera toujours temps d'envoyer l'Armée Impériale. »

Mais les conseillers ne le voyaient pas de cette façon. Un échec serait pour eux une humiliation qui jetterait une ombre sur leur victoire future. Pour eux, Dekita était devenu une question d'honneur. Seule une victoire éclatante les apaiserait, même si cela devait se faire au prix de la mort de nombreux innocents.

« Le saint Gugonjū… et le Second Prince ont avancé des arguments pertinents, intervint Tegami. Prenons le temps d'y réfléchir. Nous nous réunirons de nouveau demain afin de procéder au vote. »

Les conseillers s'inclinèrent devant l'Empereur et la réunion fut terminée. Haruni observa l'expression de chacun afin de déterminer leur avis en la matière. Puis il se leva pour suivre Gugonjū.


~*~


Dans le couloir, il dit au prêtre sa façon de penser :

« Pourquoi vous n'avez pas suivi le plan convenu ?

Votre Altesse, que voulez-vous dire ? demanda innocemment le prêtre.

Vous n'avez pas utilisé la moitié des arguments prévus. J'ai été obligé d'intervenir, sans quoi le plan aurait été rejeté directement !

Ah, il se trouve que ma mémoire n'est pas aussi bonne que la vôtre. Qui plus est, face à tous ces nobles conseillers, je me suis senti si intimidé que j'en ai perdu tous mes moyens. »

Haruni renifla de doute : rien ne pouvait intimider le prêtre ! Il comprit alors le but de sa manœuvre :

« Vous vouliez que je m'implique. »

Le sourire de Gugonjū s'élargit.

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Haruni retint un juron.

« Je vous ai pourtant dit que si les conseillers me soupçonnent d'avoir participé à ce plan, ils le rejetteront sans même réfléchir !

Pourtant, ils ont écouté avec attention et notre plan sera voté demain.

Ils voteront non !

Ne partez pas défaitiste, votre Altesse. Vos arguments étaient très convaincants.

Ils n'accepteront jamais rien qui sort de ma bouche. »

Gugonjū secoua la tête en soupirant. Il s'apprêtait à répondre lorsque Haruni lui fit signe de se taire.

« Vous comptez nous espionner encore longtemps, Firal Seiryū ? »

Le concerné ne se cachait pas et il prit un air indigné devant cette insinuation.

« Je ne vous espionnais pas ! J'attendais que vous ayez fini de parler. »

Haruni fut clairement incrédule.


Quant à Gugonjū, il sourit chaleureusement au jeune homme.

« Firal Seiryū, vous êtes devenu un bien beau jeune homme depuis notre dernière rencontre.

Merci, saint Gugonjū, » répondit-il.

Un sourire nostalgique se peignit sur ses lèvres en songeant à cette époque où il était encore aux côtés de Yama… Il se ramena au présent et exposa la raison de sa présence, fixant principalement Haruni :

« Votre Altesse, sachez que je soutiens entièrement votre plan et je vais faire de mon mieux pour convaincre mon père de le voter demain. »

Haruni plissa le front. Pour que le plan soit adopté, il devait être voté à la majorité. Or il y avait cinq conseillers. Ils avaient donc besoin de deux voix, puisqu'ils avaient déjà celle de Gugonjū. L'autre possibilité était qu'ils aient deux voix en tout et que l'Empereur s'ajoute à leurs voix. Cependant, Haruni se demandait si son père serait vraiment capable de prendre position sur ce sujet épineux.


Gugonjū avait suivi le même raisonnement que lui.

« Si vous y parvenez, Firal Seiryū, il nous faudra encore la voix de l'Empereur.

Jamais le général Kenryū ne votera pour, » intervint Haruni.

Seiryū se figea.

« Mais j'ai dit que j'allais le convaincre ! » se lamenta-t'il intérieurement.

Il reprit à voix haute :

« Je vous assure que je saurai me faire entendre !

Mmm… Dans le doute, quel autre conseiller vous a paru le plus favorable, saint Gugonjū ? »

Le prêtre eut envie de soupirer en voyant la manière dont Haruni traitait le Firal. Le pauvre Seiryū ne savait pas du tout comment y réagir !


« Le ministre Kimora m'a semblé presque convaincu à la fin, dès que vous avez évoqué des aides sur plusieurs années. »

Haruni lâcha un rire bref.

« Ah ça, j'ai toujours eu l'impression avec les ministres des finances que l'argent venait de leurs fonds personnels ! Très bien, occupez-vous de lui, saint Gugonjū.

Et comment dois-je faire ? s'enquit le prêtre en haussant un sourcil. Je ne suis pas familier avec cet homme.

Je sais que vous allez trouver un moyen de l'importuner jusqu'à ce qu'il cède, répondit l'adolescent avec un sourire ironique. Je vous fais confiance pour ça !

Vous avez une si horrible impression de moi, votre Altesse, » feignit-il de se lamenter.

Haruni leva les yeux au ciel.


De son côté, Seiryū ne voulait pas être en reste. Tout sourire, il tapa son torse du poing.

« Et moi, j'obtiendrai la voix de mon père, c'est sûr ! Comme ça, nous aurons les trois voix qu'il nous faut !

– Depuis quand s'inclut-il dans ce 'nous' ? songea Haruni d'un air sidéré. De quoi se mêle-t'il à la fin ? »

Il se contenta de hocher sèchement la tête. Seiryū sentit sa réticence et en fut peiné : il voulait sincèrement aider Haruni, non seulement pour se faire pardonner, mais aussi parce qu'il approuvait vraiment son plan ingénieux. Seulement, ce dernier le repoussait encore et toujours. Heureusement que Gugonjū était là pour apaiser la situation :

« Nous comptons sur vous, Firal Seiryū.

Oui ! J'y vais de ce pas ! »

Le jeune homme les salua avant de s'éloigner. Haruni fixa son dos d'un air exaspéré.

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Voyant cela, Gugonjū eut envie de le titiller :

« Quel brave garçon. Il n'a pas changé avec le temps : toujours aussi serviable. »

Haruni lui lança un regard voilé.

« Ne vous laissez pas abuser, c'est un hypocrite.

Ah bon ? s'étonna le prêtre. Il nous a pourtant proposé son aide.

Je sais ce que vaut son aide, fit Haruni en touchant son bras gauche. Il a des intentions cachées.

Tout le monde a des intentions cachées.

Les siennes sont hostiles. »

Gugonjū fronça les sourcils ; cela différait totalement de ce qu'il avait perçu.

« Vous croyez ? Moi, j'ai plutôt l'impression qu'il recherche votre amitié.

Peuh, répliqua l'adolescent, vous ne le connaissez pas. »

Le prêtre ne le contredit pas, bien que ses pensées étaient toute autres.

« Je crois plutôt que c'est vous qui ne le connaissez pas, votre Altesse. J'espère que ce jeune homme a de la patience et du courage, parce qu'il lui en faudra pour vous convaincre de ses bonnes intentions. »







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