Qu'est-ce qu'une Alternative ? Ah, c'est comme son nom l'indique !
Est-ce que ce sera intégré à l'histoire principale ? Vous verrez bien ~
C'est l'extra que je voulais à la base placer à la fin de la partie 3 mais comme vous allez le voir, cela révèle trop de choses et de personnages qui sont apparus dans la partie 4. Voilà pourquoi j'ai changé d'avis en dernière minute et que je vous le propose maintenant.
Sinon, comme pour l'extra 2, c'est un texte assez récent puisque je l'ai commencé fin juin 2021. Et comme j'ai traîné, je n'ai même pas encore fini de l'écrire au moment où je tape ces mots au clavier, c'est pour dire !
Et comme ce texte est ultra trop long, j’attendrai deux à trois semaines entre les mises à jour. Mais vous avez de quoi lire, rassurez-vous !
Alternative 1.1 : Destin inéluctable (partie 1)
La situation était des plus critiques à Pandémonium. Alors que les Templiers recherchaient encore l'Antéchrist dans le palais, les hommes sur les remparts avaient sonné l'alerte : une immense armée approchait du sud. Les quatre Archanges s'étaient précipités pour voir et force leur était de constater que les choses s'annonçaient mal.
« C'est trop tôt ! s'écria Lucius dans un rare moment de désemparement. Ils n'auraient pas dû réagir si vite !
– Inutile de se demander qui les a prévenus de notre présence, » lança Marius avec un regard mauvais à leur petit frère.
Les yeux d'Ignatius se troublèrent. Il pâlit et baissa la tête. Pour autant, il ne regrettait pas le moins du monde sa décision.
« Marius, ça suffit ! le rabroua Lucius. Moi aussi, j'ai laissé cette démone partir alors je suis tout autant responsable qu'Ignatius ! »
L'Archange de l'Eau marmonna en lui-même que quoi qu'il arrive, Lucius ne reprocherait jamais rien à son petit frère chéri. Pourtant, tout était clairement de sa faute.
Ignatius avait eu pitié d'une démone et avait tenté de la faire sortir en douce du palais trois jours plus tôt. Lucius l'avait surpris à ce moment et après une longue et houleuse discussion, il avait fini par céder malgré le danger que cela représentait. Marius n'avait guère été satisfait par des explications aussi courtes, cependant Lucius n'avait rien dit de plus. Il n'avait pas dit qu'Ignatius aurait été prêt à se battre contre lui pour protéger cette démone. Il n'avait pas dit non plus qu'il avait été prêt à excommunier l'Archange du Feu. Il ne précisa pas la longue dispute où ils avaient tous les deux fini en larmes. Certes, Lucius avait laissé partir la démone cependant c'était soit ça, soit perdre Ignatius pour toujours, ce qu'il n'aurait jamais supporté.
De son côté, Ignatius se sentait honteux car il n'avait jamais mentionné que la démone avait un enfant avec elle et que c'était justement l'Antéchrist. Heureusement qu'elle avait pu dissimuler le garçon en le tenant contre elle sous la tenture qui lui servait de cape et que le garçon n'avait pas fait un bruit pendant tout ce temps où Lucius était là. Alors du coup, Ignatius savait qu'ils n'avaient plus aucune chance de trouver l'Antéchrist puisqu'il lui avait déjà permis de s'enfuir. Toutefois, il était prêt à le refaire s'il en avait l'occasion : il était hors de question qu'il laisse un enfant se faire tuer sous ses yeux, Antéchrist ou pas. De toute manière, il avait toujours trouvé que quelque chose clochait, que ce soit en voyant l'ange du Pape qui ressemblait au démon de la cérémonie occulte, ou les démons qui ressemblaient terriblement à des humains, ou encore en découvrant que leur cible n'était qu'un enfant. C'était peut-être les Diables qui avaient fini par empoisonner son esprit avec leurs murmures incessants, ou bien c'était qu'il y avait vraiment quelque chose de louche dans toute cette histoire.
Face à l'armée qui s'approchait, il ne restait que deux options : rester ou s'enfuir. En outre, il fallait rapidement se décider sinon la seconde option ne serait plus possible. Les Archanges s'isolèrent un moment dans une salle du palais pour en discuter mais les avis étaient plutôt clairs :
« Pas question de s'enfuir ! déclara Marius. Tant qu'on n'a pas trouvé l'Antéchrist, on reste !
– C'est notre unique mission, approuva Lucius. Du moment que nous pouvons l'accomplir, le reste n'a aucune importance. »
Gaïus se contenta de hocher la tête, l'air peu concerné comme toujours. Quant à Ignatius, il était tiraillé.
« Nous ne pouvons pas laisser nos frères mourir juste pour notre mission, argua-t'il.
– C'est une mission divine, précisa Lucius. Même si nous mourons, ce sera pour accomplir la volonté de Dieu. Nous irons droit au Paradis ! »
Le jeune homme plissa le front. Ces histoires de Paradis n'avaient jamais été bien claires pour lui, déjà que la notion de vie restait obscure ! En plus il savait que cela ne servait à rien de rester puisqu'il avait permis à l'Antéchrist de s'enfuir. Ne serait-ce donc pas un péché que de laisser ses frères mourir pour rien ? Il serra les poings.
« Nous devrions plutôt repartir vers la baie, » fit-il alors.
Lucius et Marius se tournèrent vers lui. L'Archange blond avait un air étonné et déçu tandis que l'autre le fixait avec mépris.
« Peuh, j'ai toujours dit que tu étais trop faible, lâcha-t'il.
– Ignatius, tu dois comprendre que notre mission passe avant tout et même avant notre vie, expliqua Lucius. C'est ça, la foi.
– La foi, ce n'est pas mourir en sachant que ce sera en vain, » répliqua soudain le jeune homme.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Ses frères le fixèrent avec stupéfaction cette fois.
« Que veux-tu dire ? » s'enquit Lucius en fronçant les sourcils.
Ignatius soupira et sut qu'il ne pouvait plus garder cela secret.
« L'Antéchrist n'est plus ici. »
Il y eut un moment de silence.
« Comment ça, il n'est plus ici ? fit Marius.
– Tu l'as vu, c'est ça ? » comprit Lucius en s'assombrissant.
Affligé, Ignatius hocha lentement la tête.
« Pourquoi tu ne nous as rien dit ?! explosa Marius.
– Quand tu dis qu'il n'est plus ici, c'est parce que tu l'as affronté et tué ? hasarda Lucius qui cherchait vraiment à lui trouver une justification.
– Ah non ! enchaîna Marius. On avait dit qu'on le combattrait ensemble ! C'est pas du jeu ! »
Perdu entre les exclamations de l'Archange de l'Eau et les tentatives pour le comprendre de l'Archange de la Lumière, Ignatius paraissait de plus en plus torturé. Il finit par dire :
« Ce n'est pas ça ! J'ai vu l'Antéchrist mais ce n'était... ce n'était... qu'un enfant ! »
Il s'était demandé depuis si ses frères le savaient depuis le début et l'avaient exclu de leurs secrets. En cet instant toutefois, en voyant leur perplexité sincère, il eut chaud au cœur.
« Un enfant ? s'étonna Lucius. Tu es sûr de toi ?
– Il faisait cette taille, précisa le jeune homme en baissant la main un peu au dessus de ses genoux.
– Les démons vieillissent plus lentement, argua Marius. Si ça se trouve, il a déjà vingt ou trente ans !
– Il m'a paru plus jeune qu'Akemi, nota Ignatius en se référant à la seule autre enfant démon qu'il avait vue à la Géhenne.
– Le problème n'est pas de savoir son âge, intervint Lucius. Le problème, c'est qu'as-tu fait de lui ?
– … Je l'ai laissé partir. »
Marius partit d'un rire incrédule tandis que l'Archange blond prit un air sidéré puis trahi.
« Tu l'as laissé partir ? Tu as laissé partir l'Antéchrist ?
– J'ai laissé partir un enfant, insista Ignatius. On n'allait quand même pas le tuer, non ? »
Au silence de ses frères, il comprit qu'il était bien le seul à trouver cela inadmissible. Ce fut à son tour d'exprimer de l'incrédulité.
« Un enfant ! répéta-t'il un peu plus fort. Ce n'était qu'un enfant et sûrement pas la source de tout le mal sur Terre !
– La parole de Dieu est absolue, le réprimanda Lucius. S'Il dit que cet enfant est l'Antéchrist, alors nous devons le tuer.
– Hors de question ! »
L'Archange blond se massa les tempes et eut l'impression de revivre la même discussion houleuse que lorsque son frère avait voulu laisser partir la démone. Une minute...
« Quant as-tu laissé partir l'Antéchrist ? » demanda-t'il avec suspicion.
Ignatius prit un air embarrassé.
« Il est parti avec sa mère, » finit-il par avouer.
Lucius inspira brusquement et recula d'un pas.
« Sous mes yeux ? s'indigna-t'il. Tu as laissé partir l'Antéchrist sous mes yeux ?!
– Quoi, tu n'avais pas vu qu'il y avait un enfant avec ? s'étonna Marius.
– J'ai bien vu une bosse mais j'ai cru qu'elle était difforme, se défendit le jeune homme blond. En tout cas Ignatius, tu m'as menti !
– Je ne t'ai pas parlé de l'enfant mais ce n'est pas un mensonge... juste une omission... »
Honteux de son excuse minable, le jeune homme baissa la tête après avoir parlé. Lucius fut envahi par une colère froide.
« Je dois admettre que tu avais raison sur un point, Ignatius : cet endroit corrompt les gens, même toi ! »
Ignatius frémit mais releva la tête avec résolution et déclara :
« Alors je serai puni en conséquence. Du coup, il est inutile de rester et de mourir ici puisque nous n'y trouverons plus l'Antéchrist ! »
Même avec tout ça, il n'avait pas oublié que son but premier restait de sauver ses frères d'une morte inutile. Il ne voulait pas ajouter ce péché à la longue liste de ce qu'il avait déjà fait. Lucius le fixa avec froideur. Leur lien déjà bien fragilisé par leur première querelle au sujet de la démone était à présent aussi ténu qu'un cheveu.
« Mais j'y pense, fit Marius en rompant le silence pesant. Ce petit était avec sa mère, hein ? Est-ce qu'elle avait les cheveux noirs elle aussi ? »
Ignatius secoua la tête.
« Alors peut-être que c'est son père, l'Antéchrist, et qu'il se trouve encore quelque part dans Pandémonium ! »
Les yeux bleu ciel de Lucius exprimèrent sa stupéfaction.
« C'est... possible, reconnut-il. Je n'y avais pas songé. »
Les lèvres de Marius frémirent tandis qu'il songeait :
« Mmph, et dire que tu es censé être la tête pensante de notre groupe. C'est à croire que l'amour te fait perdre toute capacité à raisonner ! »
Il renifla et reprit avec un sourire orgueilleux :
« Bah, heureusement que je suis là pour garder la tête froide ! »
Connaissant le caractère explosif de l'Archange de l'Eau, cela semblait des plus contradictoires.
Avec cette nouvelle possibilité, il n'était plus question de s'en aller. Pendant qu'une partie des Templiers se préparait à un siège, les autres s'activaient pour chercher l'Antéchrist.
« Ce ne serait pas plus simple de poser la question aux démons ? suggéra Ignatius. Surtout que nous manquons de temps. »
Quand les Templiers avaient fait irruption dans le palais, ils avaient d'abord commencé à tuer les démons sans distinction mais après la querelle entre Lucius et Ignatius, l'ordre avait circulé de les capturer vivants, quitte à les exécuter par la suite. Il y avait actuellement une centaine de démons entassés dans les cellules du palais. Il en restait cependant dans les couloirs du palais, bien cachés ou gravement blessés et laissés là pour agoniser.
« Pourquoi nous le diraient-il ? rétorqua Lucius encore fâché contre lui.
– Je ne sais pas mais cela ne coûte rien d'essayer. »
Avec un lourd soupir de réticence, Lucius accepta néanmoins.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Les deux Archanges se rendirent donc dans les prisons surveillées par cinq Templiers. Les Archanges se firent foudroyer du regard dès leur arrivée. Ignatius reconnut des "Lumineux" marmonnés contre eux entre autres mots pas très gentils. Le plus virulent était un homme âgé richement vêtu dont les cheveux roses se teintaient de gris. Il y avait derrière lui d'autres démons aux cheveux roses d'âges variés. Cela rappela à Ignatius la femme qu'il avait sauvée ainsi que son frère qu'il avait combattu.
« Lui, fit-il à Lucius en le désignant du doigt. Il sait forcément quelque chose. »
Le jeune homme blond se rembrunit en voyant les cheveux roses et en comprenant le raisonnement de son jeune frère. Il suivit pourtant sa recommandation et se plaça devant l'homme.
« Parle, lui fit-il sèchement. Où est l'homme aux cheveux noirs ? »
Le démon prit un air ahuri.
« Vous... vous n'êtes pas des Vites ?
– Où est l'homme aux cheveux noirs ? Réponds et tu auras la vie sauve ainsi que les tiens. »
Ignatius lança un regard en coin à son frère : Lucius n'avait jamais aimé parler la langue des démons, à tel point qu'Ignatius ne l'avait entendu qu'une fois, et encore à sa demande. Là, il se rendit compte que Lucius parlait beaucoup mieux cette langue que lui. C'était impressionnant.
Le démon ne parut pas impressionné, seulement écœuré. Il cracha aux pieds de Lucius.
« Jamais. La mort plutôt que le déshonneur ! »
Cette phrase fut reprise en chœur par les autres. Lucius se tourna alors vers son frère avec un visage indéchiffrable.
« Tu vois que cela ne sert à rien. »
Ignatius plissa le front et s'avança à son tour.
« Votre fille... vivante, son petit aussi, fit-il en cherchant ses mots. Nous vouloir que le père. »
Le visage du démon exprima de l'incrédulité à la première phrase mais aussi une faible lueur d'espoir. À la seconde phrase, il prit un air moqueur. »
« Ah ! Vous ne verrez jamais le grand dragon, misérables vers ! »
Ignatius se tourna vers son frère, perplexe.
« Le dragon... il fait sûrement référence à Satan Une confusion intéressante : dans la Chine médiévale, le dragon représentait l'empereur tandis que dans la civilisation occidentale médiévale, c'était le diable. (1). Je pense qu'il n'est vraiment pas ici.
– Depuis quand tu te fies à la parole d'un démon ? répliqua Lucius d'un ton glacial. Si tu veux changer de camp, dis-le clairement.
– Lucius... »
Mais l'Archange blond tourna les talons et lâcha d'un ton sec aux gardes :
« Tuez-les tous.
– Non ! s'écria aussitôt Ignatius. Ils peuvent encore être utiles !
– Nous n'avons plus le temps de garder des prisonniers, argua son frère en tentant de maîtriser sa colère. Ce ne sont que des démons alors il faut les exterminer ! »
Ignatius prit un air consterné en voyant la haine de son frère.
« Attends, ce n'est pas parce que ces démons ont refusé de répondre que d'autres ne le feront pas. Il reste encore des démons dans le palais. Laisse-moi les rassembler pour les interroger, tu veux ? »
Face à l'air déterminé de son frère, Lucius fut un moment tiraillé puis céda :
« Prends dix hommes et débrouille-toi.
– Merci Lucius, » fit-il en lui adressant un sourire soulagé.
Le jeune homme blond lui lança un regard indéchiffrable avant de s'en aller. Ignatius ordonna donc aux Templiers de continuer à surveiller les prisonniers et s'apprêta à partir à son tour.
Au dernier instant, l'homme aux cheveux roses à qui ils avaient parlé l'interpella avec hésitation :
« Vous savez où est mon fils ? »
Ignatius eut le souvenir de son combat contre un autre démon aux cheveux roses trois jours plus tôt. Ce dernier avait protégé la démone qu'Ignatius avait aidé à s'enfuir. Elle l'avait appelé...
« Kahiro ? » demanda-t'il.
Le démon prit un air sidéré puis hocha la tête avec empressement.
« Lui blessé, fit Ignatius. Peut-être vivant. »
L'homme retint un tremblement et murmura quelque chose à voix basse, peut-être une prière — si tant soit peu que les démons priaient.
« Vais voir, » promis Ignatius.
Certes, il avait blessé Kahiro mais ce n'était peut-être pas mortel.
Ignatius prit dix hommes de son Chapitre, y compris le sénéchal Argan en qui il avait toute confiance. Il leur expliqua leur mission et constata qu'ils faisaient tous une drôle de tête quand ils apprirent qu'ils devaient sauver des démons plutôt que de les tuer. Ignatius retint un soupir et leur demanda directement :
« Quoi, vous pensez vous aussi qu'il vaudrait mieux les tuer ? »
Le sénéchal Argan parut vaciller un peu.
« Je ne sais pas trop, maître. Ces démons... ces gens... je ne les voyais pas comme ça. C'est peut-être une de leurs illusions pour nous leurrer et nous affaiblir, mais... »
Les autres Templiers semblaient partager son sentiment. Ignatius tapota l'épaule d'Argan, soulagé de ne pas être le seul à douter.
« Je ressens la même chose, admit-il.
– Est-ce notre foi qui est mise à l'épreuve ? Que devons-nous faire ?
– Je ne sais pas plus que toi mais une chose est sûre : je préfère agir en accord avec ma conscience, quitte à le regretter ensuite. »
Le sénéchal prit un air surpris puis retrouva un peu de sa sérénité, comme les autres Templiers.
« Vous avez raison, maître Ignatius. »
Le jeune homme conduisit en priorité ses hommes dans la pièce où il s'était battu contre Kahiro. En chemin, les corps de démons jonchaient les couloirs et l'odeur commençait à être écœurante. Distraitement, Ignatius se rappela de la Géhenne où régnait la même odeur de mort en permanence. Il arriva dans la pièce et eut la surprise de voir trois Templiers autour d'un démon allongé. Les trois soldats ricanaient tandis que l'un d'eux approchait son épée du démon.
« Ça fait deux jours, je vous parie qu'il va crever aujourd'hui ! fit l'un d'eux.
– Mais non, ils sont coriaces ces démons. Il peut encore tenir deux jours ! ajouta le second.
– Tout dépend comment on le pique, » fit le dernier à l'épée.
Le sang d'Ignatius ne fit qu'un tour et il s'écria :
« Que faites-vous ici ? »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
D'un bond, les Templiers se tournèrent vers lui et prirent un air paniqué. Les hommes d'Ignatius posèrent la main sur leurs épées dans une attitude menaçante mais l'Archange leva la main pour leur faire signe de ne pas intervenir.
« Euh on... on... on était juste, bafouilla l'un des Templiers fautifs.
– Maître Ignatius, nous avons reçu l'ordre d'achever les blessés, réagit un autre, plus sûr de lui.
– Achever ou torturer ? » releva-t'il avec indignation.
Les trois soldats prirent alors tous un air gêné et coupable. Écœuré, il observa leurs visages : c'étaient des hommes de Gaïus. Il se jura qu'il les ferait juger pour actes de cruauté dès leur retour. Pour le moment, il y avait plus urgent.
« Je vous relève de cet ordre, déclara-il sèchement. Allez sur les remparts pour aider à préparer nos défenses.
– Mais notre ordre vient de...
– Tu oses contester l'ordre d'un Archange ? » intervint Argan en avançant d'un pas, la main sur son épée.
Le soldat pâlit face au sénéchal à l'air peu commode. Il n'y eut plus de protestation mais pour plus de sécurité, Argan envoya deux hommes pour les escorter jusqu'aux remparts.
Ignatius laissa son sénéchal se charger de la discipline et se pencha plutôt vers le démon. Il reconnut effectivement l'homme qu'il avait affronté auparavant. Il avait le visage très pâle et saignait en divers endroits, certainement les piques dont avaient parlé les trois soldats. Quand Ignatius tendit la main pour vérifier s'il était encore en vie, le démon ouvrit soudain ses yeux d'azur et saisit son poignet avec une force surprenante. La haine dans son regard était encore plus frappante. En dépit de son état de faiblesse, le démon tenta de le frapper du plat de la paume, un coup étrange. Ignatius ne ressentit qu'une légère tape sur le devant de l'épaule. Cela enragea le démon qui réitéra son coup plusieurs fois, toujours avec si peu d'effet.
« Moi pas tuer toi, assura Ignatius pour le calmer. Soigner Kahiro. »
Le fait d'entendre son nom parut dissiper une partie du brouillard dans l'esprit du démon. Il fixa l'Archange avec plus de lucidité et renonça à le frapper. La haine resta présente dans ses yeux, toutefois.
« Kaname, fit-il dans un râle. Où est-elle ? »
Kaname ? Voulait-il parler de sa sœur ?
« Elle vivante. Le petit aussi, » l'informa Ignatius.
Le démon se détendit quelque peu.
« Mon père ? Ma mère ? Kawakō ? Mon épouse ? Mes enfants ? »
Ignatius hocha la tête pour le premier et prit un air perplexe pour les autres car il ne savait pas de qui il s'agissait.
« Soigner toi, » reprit-il.
Il tendit les mains pour examiner les blessures mais le démon les écarta d'une tape et se lança dans une diatribe vindicative. Sans tout comprendre, Ignatius sentit qu'il se faisait copieusement insulter et cela le fit un peu sourire. Si Kahiro avait la force de l'insulter, c'était que ses jours n'étaient pas en danger.
« Ne me touche pas ! » lâcha finalement le démon quand Ignatius voulut l'examiner de nouveau.
Le jeune homme soupira.
« Soigner toi puis t'amener à ton père. »
Le démon le fixa avec agacement, puis finit par tourner la tête en faisait claquer sa langue. Cela voulait dire... qu'il était d'accord ? Pas très sûr, Ignatius continua de l'examiner et vit que la blessure la plus grave semblait être celle au ventre — celle qu'il avait lui-même causée.
« Blain, qu'est-ce que tu en penses ? demanda-t'il à un de ses hommes qui s'y connaissait le mieux en soin.
– Il faut bander la plaie et veiller à ce que cela ne s'infecte pas, répondit le Templier en jetant un rapide coup d'œil à distance. Je pense qu'il devrait s'en sortir, à condition que les démons soient constitués comme nous. »
Ignatius hocha la tête puis croisa le regard méfiant de Kahiro. Il lui tapota la main et fit d'un ton rassurant :
« Ça va aller. »
La mine de Kahiro devint indescriptible.
Kahiro refusa tout soin. Ignatius crut comprendre qu'il préférait être soigné par les siens plutôt que par eux. C'était compréhensible et puisque sa vie n'était pas en danger immédiat, il n'y voyait pas d'inconvénient. Il le souleva donc pour l'amener dans les cellules. Cela ne plut guère au démon qui reprit sa diatribe et ses gesticulations de plus belle.
« Plus facile comme ça, » le coupa-t'il.
Le démon cessa aussitôt de s'agiter et tourna de nouveau la tête avec un claquement de langue. Ignatius prit encore cela pour une permission. Arrivés à proximité des cellules, Kahiro se débattit de nouveau.
« Je veux marcher, marcher ! » insista-t'il.
Il semblait avoir compris qu'Ignatius ne comprenait que des mots et des phrases simples.
L'Archange leva les yeux au ciel et le posa par terre. Bien qu'ayant du mal à rester debout, Kahiro s'entêta à avancer par ses propres moyens. Il refusa même de s'appuyer contre le mur. On voyait pourtant clairement qu'il souffrait : son visage était pâle, le front couvert de sueur et il serrait les dents.
« Une vraie tête de mule, » songea Ignatius.
L'arrivée de Kahiro provoqua de l'agitation chez les prisonniers. Le père du démon fondit en larmes ainsi que d'autres personnes, sûrement sa famille. Ignatius fit signe aux gardiens d'ouvrir la cellule pour faire entrer le démon. Après les embrassades et les éclats de joie, Ignatius reposa la question :
« Où est le père du petit ? Où est le... dragon ? »
L'homme aux cheveux roses le fixa d'un air complexe mais plus ouvertement hostile. Il finit par soupirer :
« Il n'est pas là. Ma fille était venue seule avec son fils.
– Où est-il maintenant ? insista Ignatius.
– À Kurojū bien sûr. »
Ignatius prit un air perplexe. Cela semblait être un nom de lieu ?
« Où ? Loin ?
– C'est à une semaine de cheval vers le sud.
– Kurojū grand... comme ici ? »
L'homme éclata d'un rire dénué de joie.
« Quoi, vous voulez les attaquer comme vous l'avez fait avec nous ? Aucune chance, Kurojū est bien plus grand que notre Metsūjū et l'Armée Impériale protège Sa Majesté, des milliers d'hommes prêts à mourir pour lui. Ne croyez pas que Kurojū pourra tomber ! »
Ignatius plissa le front, n'ayant pas tout compris. À côté de son père, Kahiro le prit un peu en pitié et simplifia :
« Très, très grand. Beaucoup, beaucoup d'hommes.
– Merci, » répondit Ignatius.
Il quitta la prison et repartit fouiller le palais avec ses hommes. Au final, ils retrouvèrent une vingtaine de démons encore en vie, certains plus ou moins blessés. Ils les ramenèrent aux cellules et Ignatius en repartit l'esprit un peu plus rasséréné. Ce n'était qu'une poignée de démons en comparaison de tous les autres morts, pourtant il était heureux d'avoir pu les sauver. Quant à trouver l'Antéchrist, c'était bien ce qu'il s'était dit depuis le début : c'était inutile, il n'était pas là. Il allait devoir en informer ses frères et il espérait qu'ils accepteraient enfin de quitter ces lieux tant qu'il en était encore temps.
Ignatius retrouva ses frères en pleine discussion. Lucius ne lui accorda qu'un bref regard tandis que Marius sourit largement.
« Ça y est, tu as fini de sauver les démons ? le nargua-t'il.
– J'ai des nouvelles de l'Antéchrist, préféra-t'il dire.
– Tu veux parler de celui que tu as laissé échapper ou l'autre ?
– Marius, ça suffit, » intervint sèchement Lucius.
Le concerné prit un air indigné mais ravala sa colère. Dire que Lucius était censé être en colère contre Ignatius !
« D'après les démons, l'Antéchrist — l'autre — ne se trouve pas ici mais dans un grand palais fortifié à une semaine d'ici. Ils ont dit qu'il y avait plus d'hommes pour le protéger. Je ne pense pas que nous pourrons les attaquer. »
Il fit de son mieux pour faire comprendre à ses frères qu'il valait mieux renoncer, sans pour autant le dire clairement car il savait qu'ils ne l'accepteraient pas venant de lui.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Effectivement, les deux autres Archanges ne réagirent pas tellement à cette nouvelle.
« On ne va pas commencer à croire des démons, renifla Marius. Même si l'Antéchrist se trouvait juste derrière nous, ils nous diraient qu'il est très loin !
– Je suis d'accord avec Marius. Un démon n'est pas crédible, renchérit Lucius.
– J'ai aussi fouillé tout le palais à la recherche de survivants et je n'ai trouvé personne avec les cheveux noirs ! » objecta Ignatius.
L'argument ne convainquit pas.
« Qui sait, il y a peut-être des pièces secrètes, argua Lucius en plissant le front. Il y avait bien ce passage dérobé dans la réserve que la démone a emprunté pour s'enfuir ! »
Là, c'était Ignatius qui ne trouvait rien à y redire. Il fut donc décidé qu'ils resteraient.
Cependant il n'était pas question que les Templiers tentent de vaincre l'armée ennemie : le but était de soutenir le siège le plus longtemps possible, le temps de trouver l'Antéchrist. Lucius et Marius restaient persuadés qu'il se trouvait là, quelque part, tandis qu'Ignatius était intimement convaincu qu'ils ne le trouverait pas ici. Quant à Gaïus, il ne semblait absolument pas concerné par les événements, comme toujours.
« Pouvons-nous compter sur toi pour défendre le palais ? demanda soudain Lucius à son jeune frère.
– Bien sûr ! » répondit-il, un peu vexé que son frère doute de lui.
Combattre des soldats ne lui posait aucun problème. Tuer des innocents par contre...
« Lucius, concernant ce qui s'est passé, je...
– Tais-toi ! le coupa sèchement le jeune homme blond.
– Mais je voudrais...
– Ignatius, silence ! fit-il en le foudroyant du regard. Nous reparlerons de tout ça plus tard, à condition que nous soyons toujours en vie. »
Ignatius cessa d'insister mais il avait toujours le cœur lourd.
L'armée ennemie se présenta aux portes et le siège débuta sans plus attendre. Les Templiers n'avaient pas chômé pour se préparer : les portes que Marius avait enfoncées avec son pouvoir de l'eau avaient été remises en place et barricadées du mieux possible. Des soldats se tenaient sur les remparts, prêts à tirer leurs flèches. Même la sortie secrète empruntée par la démone avait été obstruée par précaution. Subir un siège n'avait rien de simple. Les plus gros soucis étaient la nourriture, l'eau et le moral des troupes. Il semblait y avoir eu une fête au palais a moment de leur arrivée car les Templiers avaient découvert des réserves de nourriture bien garnies. C'était des aliments parfois étranges et même s'ils s'étaient méfié au début de la nourriture des démons, ils n'eurent ensuite pas vraiment le choix. Soit ils mangeaient ça, soit ils n'avaient rien. Pour ce qui était de l'eau, il y avait plusieurs puits dans l'enceinte du grand palais alors ce ne fut pas non plus un problème. Il ne restait donc plus que le moral des troupes, ce qui était une autre histoire.
Même si les Templiers avaient toujours eu une discipline de fer et une volonté sans faille, plus les jours passèrent et plus ils étaient abattus. Marius et Lucius avaient finalement renoncé à trouver l'Antéchrist et se concentraient sur la défense des murs. Ignatius n'avait pas encore osé leur parler de battre en retraite. Pendant ce temps, les démons à l'extérieur des murs les attaquaient sans relâche et en dépit des nombreuses pertes, leur nombre semblait inépuisable. Les pouvoirs des quatre Archanges n'y faisait pas grand-chose car leur portée étaient limitée. L'issue semblait donc inéluctable et la durée ne dépendait plus que des provisions du palais. Après ça...
« Nous avons le choix entre mourir à petit feu ou bien tenter de battre en retraite, » résuma Ignatius après une nouvelle longue nuit d'assaut.
L'aube n'apportait aucun répit, cependant les Archanges s'étaient retirés pour discuter de la stratégie à appliquer.
« Les hommes commencent à se révolter, acquiesça Marius. J'ai beau cogner tous ceux que j'entends parler de mutinerie, ça ne les arrête pas. On ne va plus pouvoir les tenir bien longtemps. »
Sans aller jusqu'à soutenir Ignatius, l'Archange de l'Eau ne s'opposait pas non plus à sa suggestion. Lucius nota cela, la mine sombre.
« Si nous revenons les mains vides, comment pourrons-nous faire face à Père ? s'écria-t'il.
– Ce sera toujours mieux que de ne pas revenir du tout, » argua Ignatius.
Il ne partageait pas la dévotion de Lucius pour le Saint Père. Même s'il était reconnaissant à Sénote de l'avoir accueilli au sein de l'Église, ce qu'il avait vu ces derniers jours remettait ses croyances en cause. Pour lui, le Pape était forcément au courant que l'Antéchrist était un enfant, pourtant il les avait envoyés pour le tuer. Et ne parlons même pas de son ange qui ressemblait au démon mentionné par Banien. Ignatius estimait par conséquent qu'un tel homme ne méritait pas sa loyauté. C'était envers ses frères qu'il était loyal, personne d'autre.
Lucius se mordit les lèvres puis lança telle une renonciation :
« De toute façon, c'est aussi trop tard pour fuir. Nous sommes encerclés, jamais nous ne pourrons passer !
– Pas sûr, contra Ignatius qui avait eu l'occasion d'y songer. Nous avons deux options. »
Il marqua une pause pour observer ses frères et fut agréablement surpris de les voir l'écouter sans discuter. Ils étaient enfin ouverts à l'idée de partir ! Il poursuivit alors :
« Premièrement, nous pouvons essayer de négocier avec les démons pour qu'ils nous laissent partir.
– Ben tiens ! fit Marius avec un sourire moqueur. Comme s'ils allaient gentiment nous laisser passer après tout ce qu'on a fait !
– Qu'aurions-nous pour négocier avec eux ? s'enquit Lucius, moins opposé à cette idée.
– Les démons que nous gardons prisonniers. Il y a des nobles parmi eux, dont les seigneurs de ce château. Si c'est comme chez nous, ces otages ont de la valeurs. »
Lucius fronça les sourcils, en pleine réflexion. Cela ne semblait pas impossible mais...
« Et la seconde option ? demanda-t'il.
– Faire une sortie avec tous nos hommes et tenter une percée à tout prix. Après, ce sera une course pour retourner à la baie.
– Et tu appelles ça des options ? intervint Marius. Aucune des deux ne me semble faisable !
– Hé bien, répondit Ignatius en haussant les épaules, nous sommes dans une situation désespérée. Alors forcément, les choix sont risqués et demandent beaucoup de chance. »
Il n'avait pas trouvé mieux. De son point de vue cependant, tout était préférable comparé à rester ici et attendre la fin. Au moins, ces options leur laissaient une minuscule chance de s'en sortir.
« Quand bien même nous tenterions la sortie et que nous parvenions par miracle à la baie, fit soudain Lucius, comment être sûr que les navires seront bien là à temps ? Les capitaines naviguent loin des côtes et attendent notre signal pour se rapprocher.
– J'y ai pensé : seuls toi ou moi pouvons envoyer le signal, alors tu partiras en avant avec un groupe d'hommes sur les plus rapides de nos chevaux. Comme ça, tu enverras le signal avant même que le reste de nos troupes arrive à la baie. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Lucius n'apprécia pas ce plan car cela impliquait de laisser ses frères en arrière.
« Cela ne règle pas le problème du temps, protesta-t'il. Un navire ne se déplace pas si rapidement que ça !
– Alors pendant notre retraite, il faudra tout faire pour retarder l'ennemi. Gaïus pourra soulever la terre ou créer des crevasses, je pourrai incendier la plaine ou la forêt, Marius pourra leur envoyer des trombes d'eau... On a nos chances ! »
Ignatius avait vraiment pensé à tout. L'Archange de la Lumière reconnut là l'esprit méthodique du jeune homme.
« Entendu, céda-t'il finalement, mais nous allons d'abord tenter la négociation. »
Cela réjouit Ignatius. Marius quant à lui connaissait mieux son grand frère et le fixa d'un air sceptique. Il n'avait pas tort de se méfier...
Ignatius contempla avec consternation plus d'une centaine de démons prisonniers suspendus par des cordes le long des remparts. Ce n'était pas ainsi qu'il avait imaginé les négociations !
« Pourquoi n'a-t'on pas envoyé un messager pour leur demander des pourparlers ? demanda-t'il à Lucius d'un ton quelque peu accusateur.
– Personne d'autre que nous ne parle la langue des démons, répliqua l'Archange blond. Et il est hors de question que l'un de nous risque de se faire capturer ou tuer.
– Alors avec un drapeau blanc...
– Tu es sûr que les démons connaissent la signification du drapeau blanc ? C'est peut-être même un signe de provocation pour eux. »
L'Archange du Feu voulut répliquer puis il se souvint de la réaction de la démone lorsqu'il avait levé les mains pour montrer ses bonnes intentions : elle avait pris cela comme une menace. Du coup, Lucius n'avait pas tout à fait tort. Tout de même...
« Ce que nous faisons là, ça ressemble plus à une menace qu'à une négociation !
– Menacer fait partie des négociations. Sans ça, on se fait écraser par l'autre. En tout cas, ces démons semblent avoir bien compris le message, dirait-on. »
Effectivement, les attaques avaient cessé dès que l'armée ennemi avait vu les premiers prisonniers se faire descendre lentement le long du mur de pierre. Ils avaient été bâillonnés et n'osaient pas trop gesticuler de crainte que la corde ne se rompe et qu'ils ne tombent de haut. Ignatius avait dû assister à cette mise en place. Quand Kahiro l'avait aperçu, il avait craché à ses pieds en déclarant :
« Ah ! Je savais que les Vites n'étaient pas dignes de confiance ! »
Ignatius ne pouvait pas lui en vouloir : tout donnait l'impression qu'il ne les avait sauvés que pour se servir d'eux comme moyen de pression. Il ne tenta donc pas de se justifier, il savait que ce serait perdu d'avance.
Un cavalier démon s'avança vers eux en tenant un drapeau non pas blanc mais orné d'un motif de serpent, ou quelque chose dans le genre. Sur leurs gardes, les Templiers des remparts le tinrent en joue. Le cavalier s'arrêta à portée de voix et fit d'un ton sec :
« Misérables Vites, que voulez-vous ? »
Lucius se pencha par dessus les remparts et répondit :
« Ce n'est pas en nous insultant que tu leur sauveras la vie. Nous voulons parler à ton chef. »
Le démon s'était figé en l'entendant parler. Il se reprit rapidement :
« Le général Kenryū ne parle pas aux dégénérés !
– Nous allons voir. Toutes les dix minutes, nous allons trancher une corde et ce jusqu'à ce que ton général Kenryū se présente. Va lui transmettre notre message. »
Le soldat prit un air hésitant. Lucius dégaina alors son épée et l'approcha d'une des cordes qui retenait un des otages. Le cavalier cracha alors par terre et fit faire demi-tour à son cheval. Lucius rengaina son épée avec un sourire satisfait.
« Voilà comment on négocie, » fit-il à l'intention de son petit frère.
Ignatius le regarda sans rien dire, partagé entre deux opinions.
Au bout de neuf minutes exactement, un groupe de cinq cavaliers se présenta. À leur tête se trouvait un homme d'âge moyen aux longs cheveux châtain roux. Il s'annonça comme le général Kenryū. Lucius, qui avait l'épée posée sur la corde d'un des otages, le fixa du haut des remparts avant de rengainer lentement sa lame. Malgré leur situation désespérée, l'Archange blond persistait à vouloir prendre la main dans le rapport de forces. Comme convenu, Marius et Gaïus restèrent sur les remparts en observation tandis que Lucius et Ignatius allèrent à la rencontre du général démon, accompagnés de quelques Templiers. Pour des raisons de sécurité, la discussion eut lieu à quelque distance des murs du château. Aucun des deux camps ne faisait confiance à l'autre, ce qui est bien compréhensible.
Un grand linge avait été étendu par terre et des chaises pliantes avaient été installées dessus. Lucius et Ignatius prirent place, leurs armures étincelantes tintant un peu. Le général démon s'installa en face. Les escortes restèrent de chaque côté, les hommes prêts à intervenir en cas de violence. Le général Kenryū était à peine plus grand que Lucius et il se dégageait de lui une aura hostile impressionnante. Ses yeux saphir semblaient prêts à les déchiqueter sur place. Le cœur d'Ignatius fut soudain bien lourd : il pressentait déjà que les négociations allaient échouer. Trop de sang avait coulé pour que les démons reculent. Malgré ça, ils devaient essayer.
« Vites, commença le général d'un ton morose. Que voulez-vous ?
– Ça dépend de ce que vous êtes prêt à nous offrir en échange de la vie de ces otages, répliqua Lucius avec un sourire narquois. Certains d'entre eux sont assez importants, il me semble. »
Le général plissa les yeux non pas de colère, mais de confusion.
« Vous parlez notre langue, donc vous n'êtes pas des Vites. Qui êtes-vous et qui vous a envoyés vous rebeller contre l'Empereur ? »
Avant que Lucius n'ait le temps de répliquer, Ignatius fit avec perplexité :
« C'est quoi, Vites ? »
Cela parut prendre le démon au dépourvu. Il fit claquer sa langue et consentit à répondre :
« Ce sont ceux qui ne sont pas des nôtres.
– Alors nous pas des vôtres. Nous Vites. »
Kenryū le fixa comme s'il se payait sa tête. Le démon hésitait visiblement à s'outrer mais en regardant l'air honnête et ouvert d'Ignatius, il ne put y trouver le moindre sarcasme. Son regard se posa ensuite sur Lucius et il se dit que celui-là par contre n'avait rien d'honnête.
« Vous n'avez toujours pas répondu à ma question, reprit Lucius. Dois-je à nouveau compter dix minutes ? »
Le général serra le poing sur son genou. Ignatius jugea bon d'intervenir de nouveau avant que cela ne dégénère :
« Nous partir. C'est tout. »
Le démon lui lança un regard interloqué. Lucius roula des yeux mais suivit sa lancée :
« Nous souhaitons un libre passage.
– Ah ! Pour continuer à massacrer des innocents ?! gronda le démon.
– Non, nous vous assurons que nous souhaitons uniquement quitter ces terres.
– Après ce que vous avez fait, vous osez demander cela ?! »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Lucius eut un léger sourire.
« Les morts sont morts. Songez plutôt aux vivants. »
Kenryū redressa le menton d'un air outré.
« Mmph, je veux bien croire que vous êtes des Vites en fait. Aucun humain n'aurait une mentalité aussi méprisable ! »
Cela plongea Ignatius dans la confusion. Il ne voyait rien de mal dans ce qu'avait dit Lucius : il était inutile de faire plus de morts si on pouvait l'éviter. Pourquoi le général trouvait-il cela méprisable ? Autre chose, il avait employé le mot humain pour se désigner. C'était vraiment étrange... En tout cas, il n'avait pas le temps de s'interroger davantage sur ces sujets. Comme il l'avait malheureusement pressenti, les négociations n'allaient rien donner à part augmenter l'animosité des démons. N'y avait-il donc aucun moyen de régler cela sans faire plus de morts ?
« Il y a un moyen, » susurrèrent soudain les ombres à ses pieds.
Ignatius eut un mouvement de recul, ce qui lui valut brièvement l'attention des deux autres hommes avant qu'ils ne se relancent dans leur joute verbale. L'Archange du Feu jeta un regard mauvais aux ombres avant de détourner la tête avec résolution. Il était hors de question qu'il les écoute !
« Nous t'avons pourtant aidé pour l'Abomination, protestèrent les Diables.
– Et juste après, vous avez failli prendre mon âme ! » rétorqua-t'il mentalement.
Il entendit comme un soupir.
« Tu ne comprends pas et c'est normal. Sache juste que nous ne voulons que ton bien... »
Ignatius renifla froidement.
« … et que dans le cas présent, Nous souhaitons aussi que cesse ce combat absurde. »
Le jeune homme prit un air pensif. Cela lui semblait logique que les Diables ne veulent pas que d'autres démons meurent. Pour autant, cela ne voulait pas dire qu'ils se trouvaient du côté des Templiers.
« Écoute d'abord ce que Nous avons à te proposer et tu verras bien. »
Ignatius fut partagé. Écouter les Diables lui apparaissait comme le premier pas vers la damnation éternelle. Néanmoins, que pouvait-il faire d'autre ? Il fallait vraiment croire que sa volonté était faible. Les ombres s'agitèrent joyeusement en sentant son accord tacite et elles se lancèrent dans une explication rapide. Ignatius plissa le front.
« Ça va fonctionner, vous êtes sûrs ?
– Oui, le général Kenryū ne peut pas refuser car ce serait contraire à la Voie de l'Honneur.
– Mmm. »
Il n'était pas entièrement convaincu, cependant une fois encore... que pouvait-il faire d'autre ?
Alors il redressa la tête et déclara en répétant la phrase préparée par les Diables :
« Général Kenryū, je vous propose de régler cela par un duel entre généraux. Si je gagne, vous nous laisserez quitter l'Empire de l'Aube sains et saufs. Si vous gagnez, nous nous constituerons prisonniers et nous nous soumettrons à votre jugement. »
Kenryū le fixa d'un air stupéfait et il ne fut pas le seul : Lucius avait les yeux écarquillés. Non seulement Ignatius avait formé des phrases complètes et structurées, contrairement à d'habitude, mais en plus il avait employé le vrai nom du royaume des démons : l'Empire de l'Aube. Kenryū plissa aussitôt ses yeux saphir.
« Tu n'es pas un vite, fit-il d'un ton catégorique.
– Moi Vite, » répliqua Ignatius en reprenant son vocabulaire balbutiant.
Cela lui valut un nouveau regard incrédule. Kenryū était clairement en train de se demander si l'autre ne se moquait pas ouvertement de lui. À nouveau toutefois, il ne trouva aucune duplicité dans son expression.
« Ou il est sincère et toute cette histoire est étrange, se dit-il, ou il est malhonnête et c'est dans ce cas le meilleur comédien du monde. »
Dans le doute, il renifla d'un air glacial et n'insista pas sur ce point.
« Un duel entre généraux, hein ? » répéta-t'il.
Ignatius hocha la tête.
« Un instant ! intervint Lucius. Je m'y oppose !
– Il n'y a pas à s'opposer, cela ne vous concerne en rien, répliqua le démon avant de ramener son attention sur l'autre homme. J'accepte. Duel selon les règles ou libre ?
– Libre, répondit Ignatius sur conseil des Diables.
– Très bien, le duel aura lieu dans une heure. Pendant ce temps les hostilités sont suspendues et cela concerne aussi les otages, fit Kenryū avec un regard appuyé en direction de Lucius. Ah, pas de tours de Lumineux.
– Lumineux ? C'est quoi ? »
Kenryū le fixa avec suspicion cette fois. Il consentit cependant à répondre :
« La magie.
– Ah, d'accord. »
Kenryū se retira alors.
Lucius serra les dents et ne décocha pas un mot à son petit frère jusqu'à ce qu'ils soient de retour dans l'enceinte du palais et que les portes se soient refermées derrière eux.
« Alors ? lança Marius en courant pour les rejoindre depuis les remparts. Ça a donné quoi ?
– Demande plutôt à Ignatius puisqu'il a décidé de prendre le commandement, marmonna l'Archange blond entre ses dents avec un regard assassin pour le concerné.
– Hein ? »
Marius se tourna aussitôt vers le jeune homme qui poussa un lourd soupir.
« C'était la seule chose à faire, Lucius. Les négociations n'allaient rien donner mais avec mon plan, on a au moins une chance.
– Quel plan ? » demanda Marius.
Il se fit néanmoins ignorer.
« Ton plan ? railla Lucius. Tu crois que même si tu gagnes, ils vont bien gentiment nous laisser partir ? J'ai toujours su que tu avais un côté naïf mais je pensais que tu avais appris à t'en défaire !
– Je ne crois rien ! argua Ignatius. Ce n'est pas de ça dont il s'agit.
– Quel plan ? répéta Marius avant de se faire encore ignorer.
– Oh ? Alors de quoi s'agit-il ? Se pourrait-il que tu aies brisé ton vœu de vérité ?
– Je ne... »
Il y eut soudain un grand souffle de vent provoqué par une trombe d'eau qui surgit d'un puits voisin. Les gouttes retombèrent sur les deux Archanges qui cessèrent alors leur dispute, trempés comme des souches. Au milieu d'eux se tenait Marius, complètement sec et tout sourire.
« Quel plan ? » demanda-t'il à nouveau d'un ton insistant.
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Lucius croisa les bras et détourna la tête avec un claquement de langue. Étrangement, cela rappela à Ignatius le comportement de Kahiro.
« C'est à Ignatius qu'il faut poser la question, » fit de nouveau l'Archange de la Lumière d'un ton boudeur.
Marius posa donc le regard sur leur jeune frère qui fut tiré de ses réflexions.
« Oh, j'ai défié le général en duel. Si je gagne, nous pourrons partir. Si je perds, nous serons leurs prisonniers. »
L'Archange de l'Eau le fixa avec incrédulité. Lucius approuva sa réaction en hochant plusieurs fois la tête.
« Attends, tu... tu as décidé de parier nos vies à tous dans un duel ? Tu te crois vraiment assez fort pour gagner ?
– Peut-être ou peut-être pas, répliqua le jeune homme en fronçant les sourcils. De toute manière, je ne compte pas là-dessus : le duel ne sera qu'une distraction.
– Une distraction ? » s'étonna Lucius qui cessa subitement de faire la tête.
Ignatius se réjouit qu'il l'écoute enfin.
« Allons en discuter à l'intérieur, » proposa-t'il.
Les quatre Archanges se réunirent donc dans leur salle habituelle, loin des oreilles indiscrètes. Ignatius leur exposa son idée :
« Nos ennemis seront tous intéressés par le duel et ne feront donc plus attention au palais. Vous en profiterez alors pour vous échapper de l'autre côté. Je tâcherai de gagner le plus de temps possible pour vous. »
Le visage de Lucius s'était figé au cours de son explication.
« Une seconde, comment ça "pour nous" ? »
Ignatius lui lança un regard résigné.
« Je dois rester en arrière pour faire diversion. Il n'y a pas d'autre possibilité.
– Hors de question ! » s'écria aussitôt le jeune homme blond avec indignation.
Marius roula des yeux et retint un soupir. Même si Lucius s'était montré froid et sarcastique envers Ignatius ces derniers jours, en fait il tenait toujours autant à lui malgré sa trahison.
« Félicitations petit frère, songea-il avec une pointe d'amertume. Tu as réussi à détourner Lucius de notre père. Ce n'est pas un mince exploit, ça ! »
Toutefois Ignatius n'avait pas conscience de tout cela. Il croyait que si Lucius désapprouvait son plan, c'était parce qu'il ne lui faisait plus confiance. Il serra les dents et insista :
« C'est bien mieux que de tenter une percée, ce qu'on aurait fini par faire, argua-t'il. Je t'assure que je vous gagnerai du temps, tu en as ma parole !
– Pourquoi ce serait à toi de te sacrifier, hein ? répliqua Lucius. Nous n'avons qu'à envoyer quelqu'un d'autre se battre à ta place !
– C'est un duel entre généraux. Il n'aurait jamais accepté sinon.
– Hé bien... faisons-lui croire qu'il va affronter un autre général ! »
Ignatius prit un air peiné.
« Lucius, je refuse de mentir. Tu le sais.
– Ah oui ? J'ai pourtant eu la surprise de t'entendre parler parfaitement la langue des démons tout à l'heure. Tu es bien sûr de ne m'avoir jamais menti ? »
L'expression d'Ignatius ne varia pas.
« Je n'ai fait que répéter ce qu'on m'a dit, c'est tout.
– Qui t'a dit... Les démons prisonniers ?!
– Non, ce sont les... les Diables. »
Un long silence s'ensuivit. Le regard de Marius passa de l'un à l'autre de ses frères et comme bien souvent, il se sentait de trop entre eux. Pour autant, il ne céderait pas la place à Ignatius.
« Qu'est-ce que c'est encore cette histoire de Diables ? fit-il.
– Tu ne m'avais pas dit qu'ils te parlaient et en plus dans la langue des démons, fit Lucius en plissant le front.
– Si, je te l'ai dit mais tu ne m'as pas cru, objecta Ignatius. En plus, je les ignore en général. Je ne les ai écoutés que pour Banien et maintenant.
– Ignatius parle aux diables ? intervint Marius en faisant une drôle de tête.
– Ce ne sont pas des diables... je crois, lui répondit enfin l'Archange blond. Pour moi, ils sont la manifestation du pouvoir d'Ignatius sur les ombres.
– Je t'ai dit que je ne les contrôlais pas, argua l'intéressé. C'est même pire depuis que nous sommes ici. »
Lucius fut soudain frappé par une idée :
« C'est à cause d'eux que tu as sauvé l'Antéchrist ? Ce sont eux qui t'y ont obligé ? »
Constatant le ton rempli d'espoir de son frère, Ignatius s'en voulut de le décevoir.
« Non, c'était ma propre volonté. »
Les lèvres de Lucius se pincèrent en une fine ligne. Marius semblait intrigué par autre chose.
« Ignatius, tu peux leur dire de parler maintenant ? Je voudrais bien les entendre ! »
Avec un soupir, le jeune homme tourna la tête vers les ombres qui s'agitèrent.
« Ils n'aiment pas Lucius alors ils ne se manifesteront pas en sa présence, » fit-il en grimaçant.
Le concerné prit un air outré.
« Moi ? Pourquoi ? »
Les ombres continuèrent de s'agiter et Ignatius prit un air embêté.
« Je...
– Répète-moi exactement ce qu'ils t'ont dit sur moi.
– Ils disent que...
– Et dans la langue des démons. »
La mort dans l'âme, Ignatius s'exécuta :
« Un bâtard Lumineux et dégénéré de surcroît ne mérite pas Notre présence. Si tu t'avises encore de toucher au petit, Nous te renverrons chez tes pourritures d'ancêtres. »
Marius fut d'abord frappé par l'aisance avec laquelle Ignatius parlait. C'était très différent de l'ordinaire. On avait réellement l'impression qu'il répétait ce qu'on lui soufflait. Ensuite, l'Archange de l'Eau fut choqué par les insultes virulentes.
Lucius avait d'ailleurs pâli et cessé de respirer.
« Tu... tu as compris tout ce que tu viens de dire ? demanda-t'il avec difficulté.
– Certaines choses mais pas tout, répondit honnêtement Ignatius. En gros, ils ne t'apprécient pas. »
C'était plus précis que ça, Lucius et Marius en avaient bien conscience. Un dégénéré était quelqu'un qui s'en prenait aux enfants, en particulier de manière sexuelle. Comme la majorité était à vingt-et-un ans, on pouvait dire que Lucius avait déjà eu des relations avec des mineurs, bien qu'il s'agissait d'adolescents. Si Ignatius avait réellement compris cela, il n'aurait pas réagi aussi calmement. Il ne mentait donc pas en disant que ces diables — quoi que cela puisse être — lui parlaient.
« Je me demande ce que sont ces diables, fit Marius à voix haute, d'un air soucieux.
– Peu importe ce qu'ils sont, répondit Ignatius. Je n'ai pas d'autre choix que de me fier à eux pour le moment. »
Lucius grinça des dents.
« Tu préfères donc te fier à des voix dans ta tête plutôt qu'à tes frères, c'est ça ?! »
L'Archange du Feu lui lança un regard déterminé.
« Je me fie à eux pour pouvoir sauver mes frères, argua-t'il.
– Ah ! Et pourquoi ce serait à toi de te sacrifier ? » reprit Lucius.
Le jeune homme marqua une pause avant de répondre :
« Parce que c'est ma faute si nous en sommes arrivés là. C'est moi qui ai laissé partir l'Antéchrist donc c'est à moi d'expier. »
Un air de regret envahit le visage de Lucius. Il aurait dû se douter que son petit frère sensible allait se sentir coupable et qu'il serait prêt à tout pour obtenir le pardon et la rédemption. Cela avait toujours été dans sa nature après tout.
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« Tu oublies que la première étape vers la rédemption est le regret, contra Lucius. Regrettes-tu ce que tu as fait ? »
Un pauvre sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme.
« Non, je ne regrette pas. Mais cela n'a plus d'importance parce que... »
… j'ai promis mon âme aux Diables en échange de votre survie.
Il n'acheva pas sa phrase car il se doutait de l'impact que cela aurait sur ses frères. Ils n'avaient pas besoin de savoir ce qui lui arriverait, du moment qu'ils survivraient à ce cauchemar.
« … je me soucierai de la rédemption le moment venu, » acheva-t'il tant bien que mal.
Un silence pesant régna alors. Lucius finit par serrer les poings et déclara :
« Je n'approuve pas ton plan. Je préfère encore risquer une sortie plutôt que de te sacrifier. »
Marius retint un ricanement sarcastique. Si Ignatius ne comprenait pas cette déclaration d'amour...
« S'il suffit de donner ma vie pour vous laisser une chance, c'est plus qu'acceptable, » répliqua le jeune homme.
… c'était qu'il devait avoir un sérieux problème. Marius leva les yeux au ciel et jura mentalement.
« Dites, tous les deux, intervint-il car il n'en pouvait plus de voir cela, on n'a pas vraiment le temps d'en débattre, vous savez. En plus, le duel a été lancé et accepté donc on ne peut plus revenir en arrière. Suivons le plan d'Ignatius, c'est le mieux que l'on puisse faire.
– Tu n'y penses pas ?! » s'écria Lucius, furieux.
Marius en eut subitement assez de son hypocrisie.
« J'y pense plus que toi, répliqua-t'il sèchement. Je pense à la survie de mes hommes et pas juste à celle d'un seul, contrairement à toi ! »
Lucius recula, comme frappé. Marius avait cependant marqué un point. En tant qu'Archange, Lucius devait penser à la survie du plus grand nombre, surtout des Templiers sous sa responsabilité. Pourtant...
« Alors je reste avec Ignatius, » déclara-t'il fermement.
Ce dernier prit un air étonné tandis que Marius sifflait entre ses dents.
« Tu n'es vraiment pas croyable, commenta-t'il d'un ton exaspéré.
– Ne va pas t'imaginer des choses, rétorqua son frère. Ignatius ne peut pas se présenter tout seul au duel, les démons ne sont pas stupides à ce point. Certains d'entre nous doivent rester avec lui et j'en ferai partie. »
Marius faillit vraiment ricaner tout haut. Lucius voulait clairement mourir avec son bien-aimé, comme c'était romantique ! Tu parles !
« Tu ne peux pas, contra calmement Ignatius. N'oublie pas qu'il faut faire signe aux bateaux une fois dans la baie. Seul ton pouvoir ou le mien en est capable. Tu dois donc partir. »
Marius faillit applaudir leur plus jeune frère. Même lui n'y avait plus pensé sur le coup.
Visiblement désemparé, Lucius n'avait plus aucun moyen de persister.
« Mais, tenta-t'il néanmoins, tu ne vas pas rester seul... ?
– Je reste avec lui, » affirma soudain une quatrième voix qui fit sursauter tout le monde.
C'était Gaïus qui venait de parler, lui qui en général ne disait rien à tel point qu'il en devenait invisible.
« Gaïus ? s'étonna Lucius. Pourquoi tu dis ça ?
– Je ne partirai pas d'ici, fit l'Archange de la Terre qui prononça soudain plus de mots que depuis le temps qu'Ignatius le connaissait. Je reste ici. Ici la terre... chante. Elle me chante sa chanson. »
Les yeux bruns de l'homme prirent une teinte mélancolique. Lucius et Marius échangèrent des regards : des quatre Archanges, c'était Gaïus qui avait le moins bien supporté le voyage en mer, sans doute à cause de son élément, la terre. Pourtant, cela n'était visiblement pas la crainte du retour qui le poussait à rester mais bien un attachement instinctif envers la terre des démons.
« Dans le fond, nous restons corrompus par notre nature, songea tristement Lucius. Nous avons beau essayer de nous racheter en servant Dieu, c'est perdu d'avance. Nous sommes ce que nous sommes. »
Il retint un profond soupir et prit sa décision.
« C'est d'accord, fit-il en s'attirant des regards surpris. Nous suivrons ton plan, Ignatius. Tu vas affronter ce général ennemi avec Gaïus et quelques Templiers pour t'escorter. Marius et moi nous chargerons d'évacuer nos hommes.
– Lucius ! » s'écria Ignatius avec soulagement et reconnaissance.
Marius quant à lui ne dit rien mais il lança un regard dubitatif à son frère.
« De combien de temps avez-vous besoin ? poursuivit Ignatius sans se rendre compte de rien.
– Le plus longtemps possible, répondit l'Archange blond.
– Entendu, je ferai de mon mieux ! »
Lucius acquiesça avec un large sourire puis l'envoya se préparer avec Gaïus.
Une fois qu'il ne resta qu'eux deux dans la salle, Marius demanda directement :
« Qu'est-ce que tu as derrière la tête ? Tu lui as menti, non ?
– Pas du tout, répondit son frère avec un sourire en coin. Nous allons bel et bien organiser l'évacuation de nos hommes. »
Pas dupe pour un sou, Marius attendit sans rien dire. Lucius compléta :
« Mais je n'ai jamais dit que je partirai avec eux.
– Ah ! Je te reconnais bien là ! ricana Marius. Comment tu crois qu'il va réagir quand il verra que tu es resté ? Tu sais qu'il tient à te sauver en particulier, hein ?
– Ça va, ne te moque pas de moi, fit Lucius en roulant des yeux. Il veut sauver la moindre vie, humain comme démon, comme si le salut de son âme en dépendait. Mais moi seul décide de ma vie et de mon sort. »
Une pensée amère parcourut l'esprit de Marius :
« Et tu as décidé de mourir avec lui. »
Il secoua la tête et déclara :
« Je reste aussi. Pas question que je sois le seul Archange à rentrer. En plus, ce serait à moi de répondre de l'échec de notre mission. »
Lucius eut un léger rire sans chercher à l'en dissuader. Marius ne savait pas s'il devait s'en réjouir ou s'en vexer.
« Peu importe, se dit-il. Ce qui compte, c'est que je meurs à tes côtés. »
En fin de compte, il était aussi pitoyable que Lucius en matière d'amour.
Le duel eut lieu à mi-distance entre le palais et les troupes des démons. Comme geste de bonne volonté, Ignatius avait demandé à Lucius qu'ils relâchent les otages. Lucius avait accepté uniquement parce que cela justifierait pourquoi il n'y aurait plus de soldats sur les remparts. Escorté de dix hommes, Kenryū se présenta donc au duel en ayant une meilleure opinion de ces Vites. Pour autant, leurs actes restaient impardonnables et il ferait ce qu'il faudrait pour qu'ils soient punis en conséquence. Personne ne pouvait attenter à la vie du Premier Prince sans le payer. De son côté, Ignatius était arrivé avec Gaïus et une dizaine de Templiers qui s'étaient portés volontaires pour rester même si c'était synonyme d'une mort certaine — c'étaient des hommes du Chapitre de l'Est dont Argan, le sénéchal d'Ignatius. Kenryū lança un bref regard à Gaïus qu'il voyait pour la première fois et qui ne lui donnait pas l'impression d'être un guerrier. Pourtant cet homme portait la même armure qu'Ignatius, donc ce devait être aussi un général.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
« Qui est-ce ? demanda-t'il à son futur adversaire.
– Lui général Gaïus, répondit Ignatius sans chercher à prononcer ce nom dans la langue des démons. Lui être... »
Il chercha ses mots puis regarda soudain le sol et fit sur un autre ton :
« Il servira de témoin pendant notre affrontement. »
Kenryū cligna des yeux en constatant à nouveau une diction plus aisée et des phrases complètes. Ce Vite (?) était décidément bien étrange.
« Lui aussi est un Vite / pas Vite ? demanda-t'il avec un frémissement au coin des lèvres.
– Vite / pas Vite, » répondit Gaïus d'un ton sérieux.
Kenryū le fixa en se disant que ces deux-là se moquaient forcément de lui. Cela dit, ce n'était guère important pour le moment.
Ignatius fronça les sourcils en voyant le démon ne porter que des places d'acier minces en guise d'armure. Et encore, seul le torse, le dos et les cuisses étaient protégées. Pour le reste du corps, l'armure consistait en pièces de cuir. Kenryū portait d'ordinaire un casque mais il l'avait retiré pour le duel. Ignatius baissa les yeux sur sa propre armure intégrale en acier et sentit que c'était déloyal. Il soupira et fit signe à un de ses hommes de l'aider à retirer le plus de pièces possibles. Kenryū haussa un sourcil en voyant cela.
« Plus juste, » répondit Ignatius.
Cela ne fit qu'ajouter à la perplexité du démon qui ne savait plus quoi penser de ce Vite. Ensuite, il le vit dégainer une lourde épée à double tranchant et tenir une plaque d'acier dans l'autre main.
« Qu'est-ce que c'est ? demanda-t'il en désignant l'objet.
Il n'y avait pas de raison qu'il ne puisse pas lui aussi poser de questions !
« Ça bouclier, fit l'autre homme en plissant le front. Protéger. »
Il réalisa que les démons n'employaient pas de boucliers et n'avaient même pas cette notion dans leur culture, à tel point que le mot n'existait pas dans leur langue. Avec un autre soupir, il planta son écu dans le sol et y renonça également. Kenryū se demanda si cet homme était vraiment honorable ou vraiment stupide. Sûrement un peu des deux.
Il y eut soudain de l'agitation dans les rangs des démons : un petit groupe de cavaliers arriva vers eux, une femme en tête. Ignatius eut un léger sourire en la voyant et se dit :
« Elle a pu s'en sortir. »
Il s'agissait effectivement de la démone qu'il avait sauvée avec son fils, l'Antéchrist. Ces derniers jours, il s'était souvent demandé s'ils avaient survécu après avoir quitté le palais par la sortie souterraine secrète. Il avait à présent sa réponse.
« Votre Majesté ! s'écria le général Kenryū avec surprise. Vous ne devriez pas être ici, c'est dangereux.
– Je connais le danger, général Kenryū, » répliqua la jeune femme en descendant de cheval.
Elle se tourna vers Ignatius et une lueur complexe apparut dans ses yeux d'azur. Elle s'avança vers lui. Les démons autour se tendirent, de même que les Templiers.
« Laissez-la, » fit Ignatius à ses hommes.
Elle n'avait pas l'air de lui vouloir du mal et quand bien même ce serait le cas, il l'aurait amplement mérité.
La démone s'arrêta à quelques pas de lui et après l'avoir observé un moment en silence, elle s'inclina devant lui, ce qui provoqua des exclamations stupéfaites de la part des démons.
« Mes parents m'ont dit ce que tu as fait pour eux, pour Kahiro et pour bien d'autres. En plus, tu nous as permis de nous échapper, mon fils et moi. Pour tout ça, tu as ma gratitude éternelle. Afin de rembourser cette dette, je t'accorde ma protection. Aucun mal ne te sera fait et tu peux partir librement.
– Votre Majesté, vous n'y pensez pas ?! s'indigna Kenryū. Ce Vite a tué de nombreuses personnes ! Vous oubliez ce qui s'est passé au village d'Arika ! »
Le visage de la jeune femme se rembrunit mais ne perdit pas de sa détermination.
« Je suis sûre qu'il n'a pas pris part à ces atrocités. »
Pendant que ces deux-là discutaient vivement, les Diables traduisirent pour Ignatius ce que venait de dire la femme. Il secoua la tête et intervint dans leur conversation animée :
« Non, je reste avec mes hommes. »
La démone ramena son attention sur lui, surprise.
« Mais... je t'offre ma protection, répéta-t'elle.
– Duel d'honneur avec général Kenryū, insista-t'il en souriant.
– Le général Kenryū est la plus fine lame de tout l'Empire, il va te tuer ! protesta-t'elle d'un air désemparé. Ton honneur vaut-il vraiment la peine que tu sacrifies ta vie ? »
Ce n'était pas une question d'honneur mais il ne pouvait pas lui expliquer. Alors il se contenta de hocher la tête. La femme se mordit les lèvres puis renonça. Elle s'éloigna.
En passant près de Kenryū, elle lui fit :
« Ne soyez pas trop dur avec lui. Il m'a sauvé la vie, ainsi que celle du Premier Prince.
– C'est donc lui, fit Kenryū en jetant un regard nouveau sur le Vite. Je comprends mieux à présent ce que vous vouliez dire en disant qu'il était étrange. Il se prétend Vite mais il nous ressemble en bien des points. »
La démone lui lança un regard implorant.
« Général Kenryū, n'est-il vraiment pas possible de...
– Désolé, votre Majesté, mais ce serait impensable de laisser un seul de ces Vites s'en sortir, pas après tout ce qu'ils ont fait. Tout ce que je peux faire pour lui, c'est lui accorder une mort honorable. »
Elle soupira, cependant elle comprenait bien qu'elle ne pouvait pas en demander plus. Elle se rendit près des soldats démons autour, voulant assister au duel. Malgré le danger potentiel, Kenryū ne l'en dissuada pas car il connaissait et respectait le caractère déterminé de son Impératrice.
Toutes ces interruptions n'avaient guère dérangé Ignatius, bien au contraire. Après tout, son but était de gagner le plus de temps possible pour que ses frères puissent s'enfuir. Comme l'armée des démons s'était regroupée pour le duel au nord du palais, face aux portes, ses frères devaient partir discrètement par le sud puis profiter des bois environnants pour contourner largement l'ennemi et remonter ensuite au nord vers la baie où ils avaient débarqué. En galopant sans cesse et sans chercher la discrétion, il leur faudrait trois heures tout au plus pour y arriver. Ignatius n'espérait pas tenir trois heures mais au moins une. Si les Templiers pouvaient s'éloigner suffisamment, peut-être que les démons ne retrouveraient pas leurs traces tout de suite.
Alors que le duel allait commencer, Ignatius eut la surprise de voir Gaïus lui tapoter l'épaule et faire :
« Bonne chance, petit frère. »
Le jeune homme eut alors un sourire.
« Merci, grand frère, » répondit-il.
Cela ravit Gaïus. Ignatius rejoignit alors son adversaire à mi-chemin entre ses hommes et les démons. Il le vit s'incliner légèrement devant lui en enroulant son poing droit dans sa main gauche. Ignatius l'imita maladroitement puis ils se mirent en position de combat. L'arme de Kenryū était une longue épée fine et tranchante que d'un côté, l'arme utilisée par tous les soldats démons. L'autre homme la tenait à deux mains et une aura de confiance et de force se dégageait de lui. Comme Ignatius n'avais pas pris son bouclier, il tint également son épée large et à double tranchant des deux mains. Ses yeux étaient fixés sur son adversaire. C'était certainement le combat le plus important de son existence... et le dernier.
Les deux adversaires se jaugèrent, chacune attendant que l'autre attaque en premier. Les yeux saphir de Kenryū se plissèrent en constatant que le Vite semblait capable d'attendre indéfiniment. Il se décida donc à attaquer le premier. Cela n'avait aucune importance de toute façon car il était certain de gagner. Sans être vaniteux, ce n'était pas un Vite pouilleux qui allait le vaincre ! Fort de cette certitude, Kenryū porta donc la première attaque.
« Il est rapide ! » songea Ignatius en esquivant le coup de lame.
Il asséna un coup latéral de son épée que le démon évita en un mouvement ample qui fit penser à de la danse. Ignatius retint un rire.
« Quelle étrange façon de combattre. »
Il se lança dans une série d'attaques directes et agressives, chaque coup cherchant à tuer. Le démon en esquiva quelques-uns avec d'autres pas de danse et en contra d'autres. La lame de son épée était fine mais solide. De plus, le démon, bien que plus petit que lui, possédait une certaine force.
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Les attaques et ripostes s'enchaînèrent ainsi un long moment sans qu'aucun des adversaires ne prenne l'avantage. Tout cela se déroulait dans un silence absolu de la part des autres gens présents. L'attention générale était fixée sur le duel, comme l'avait prévu Ignatius. Kenryū finit par faire couler le premier sang : la pointe de sa lame avait effleuré l'épaule d'Ignatius et laissé une estafilade. Ce n'était qu'une blessure superficielle et cela ne perturba pas plus que ça l'Archange. Il poursuivit le duel avec autant d'énergie. À un moment, il para une attaque et leurs lames se pressèrent l'une contre l'autre. Ignatius saisit l'occasion pour frapper son adversaire au visage avec le pommeau de son épée.
L'air ahuri du démon quand il reçut le coup lui fit comprendre qu'il ne s'y attendait pas du tout. Cela avait pourtant été un mouvement des plus logiques et prévisibles. Ignatius entendit des cris d'indignation chez les démons. Son adversaire recula un moment puis passa une main à l'endroit où il avait reçu le coup. Il n'y avait pas de sang mais une légère meurtrissure, pourtant Kenryū le fixa soudain avec haine et cracha un mot sûrement pas gentil à son intention.
« Quoi, qu'est-ce que j'ai fait ? s'étonna-t'il mentalement.
– On ne frappe pas quelqu'un au visage, lui expliquèrent aimablement les Diables. C'est très insultant et humiliant. »
Ignatius avait rarement entendu quelque chose d'aussi ridicule. Durant ses entraînements et combats, il avait sa part de coups et blessures au visage et n'en avait jamais fait toute une histoire ! Le général Kenryū ne s'attarda pas plus sur cette soi-disant humiliation et reprit ses assauts, avec plus de virulence toutefois. Il devait être fâché...
Après avoir paré plusieurs coups rageurs, Ignatius prit la peine d'estimer le temps écoulé. Cela faisait déjà presque trente minutes qu'ils combattaient. Le démon était en nage et reprenait son souffle dès que possible. Ignatius était plus calme.
« J'ai déjà fait la moitié du temps ! » se félicita-t'il en lui-même.
Rien que l'idée que ses frères devaient être à présent assez loin lui redonna du baume au cœur. Il n'osait pas regarder vers le palais depuis le début du duel, craignant d'attirer les soupçons du démon. En plus, ce dernier était assez redoutable pour nécessiter toute son attention. Tant que le plan se déroulait comme prévu, il n'avait qu'à continuer à gagner du temps. D'ailleurs, en voyant l'état de son adversaire, une idée lui vint.
« Pause ? » suggéra-t'il.
Loin d'être soulagé et reconnaissant, le démon essoufflé et en sueur lui adressa un regard outré comme s'il l'avait insulté. Pourtant, Ignatius ne s'était pas trompé de mot, à sa connaissance.
« Je te ne laisserai pas m'humilier davantage, misérable Vite ! » cracha-t'il.
Ah, il était toujours fâché pour le coup au visage. Ignatius haussa les épaules et poursuivit le combat.
Un animal acculé pouvait alors déployer des trésors de ressources et de force. La vexation du général Kenryū parut le motiver ainsi car il redoubla de vigueur dans ses attaques. Même si Ignatius était en meilleure condition physique, cela ne faisait pas tout. Il se retrouva piégé dans une série d'attaques de son adversaire et finit avec son épée arrachée des mains avant de comprendre ce qui lui arrivait. D'un coup de pied au genou, il tomba par terre et sentit la lame froide du démon se poser sur sa gorge. Il leva les yeux sur le démon, son visage n'exprimant aucune colère ou déception à l'idée d'avoir perdu. Il n'avait pas tenu une heure entière mais il n'en était pas trop loin. Cette pensée suffisait à le rendre serein.
Le démon avait un air curieux, comme s'il ne le voyait pas vraiment. Pantelant, il marmonna :
« L'enchaînement de mon prince, j'ai enfin réussi à reproduire sa botte secrète ! »
La jubilation fut remplacée par un air dur alors qu'il pressait davantage la lame contre le cou de son adversaire.
« Tu admets ta défaite ? demanda Kenryū d'un ton impérieux.
– Défaite, » accepta Ignatius sans discuter.
Le général fronça les sourcils devant son impassibilité. Cela dit, ce Vite ne se comportait pas normalement depuis le début alors il ne s'attarda pas trop sur cette excentricité de plus.
Ce fut ainsi qu'Ignatius se retrouva ligoté avec Gaïus et la dizaine de Templiers qui les accompagnaient. Pendant que les démons se dirigeaient vers le palais, croyant y faire d'autres prisonniers, le jeune homme fit à ses compagnons d'infortune :
« Désolé, je n'ai pas gagné.
– Ce n'est rien, maître Ignatius, lui assura Argan. C'était un magnifique combat. Je suis sûr que ce démon a eu l'avantage parce qu'il est sur sa terre maudite, c'est tout ! »
Ignatius ne voyait pas le rapport, toutefois il ne voulait pas discuter en sachant qu'il ne leur restait que peu de temps à vivre. Dès que les démons se rendraient compte qu'ils avaient été bernés, ils les exécuteraient certainement sur-le-champ. Ignatius était clairement conscient des risques et était en paix à ce sujet. C'était ce qui comptait le plus.
« Tu te doutes bien que Nous n'allons pas te laisser mourir, intervinrent les Diables.
– Je sais, soupira-t'il mentalement. Vous devez encore prendre mon âme.
– ... »
Les Diables ne surent vraiment pas quoi répondre devant cette fausse idée qu'il avait d'eux.
Les prisonniers entendirent soudain de l'agitation et comprirent que la supercherie avait été découverte. Ils furent néanmoins fort surpris de voir les soldats démons revenir avec deux prisonniers et les jeter rudement à côté d'eux.
« Lucius, Marius ! » s'écria Ignatius avec stupéfaction.
Qu'est-ce que ses frères faisaient encore là ? Ils auraient pourtant dû être loin déjà !
« Vous m'avez bien eu, misérables Vites, déclara le général Kenryū d'un ton furieux. J'ai cru qu'il pourrait y avoir de l'honneur en vous mais j'ai eu tort. Ne vous réjouissez pas trop vite : après votre exécution, nous irons pourchasser vos hommes et nous les tuerons jusqu'au dernier ! »
Sans leur laisser le temps de se défendre, Kenryū fit signe à ses soldats de mettre les prisonniers à genoux afin de les exécuter.
Ignatius se tourna vers Lucius :
« Pourquoi vous n'êtes pas partis avec les autres ?! »
L'Archange blond lui adressa un sourire complexe.
« Il n'était pas question que nous soyons les seuls Archanges à rentrer. En plus, cela aurait été à nous de répondre de l'échec de notre mission. »
À côté de lui, Marius s'indigna en silence.
« Hé, ne me pique pas ma justification ! » songea-t-il.
Loin d'être touché, Ignatius se mordit les lèvres et s'adressa aux Diables.
« Ça ne va pas, vous deviez faire en sorte qu'ils soient sauvés. C'était notre accord !
– Ce n'est pas de Notre faute si ce dégénéré a décidé de rester ! protestèrent les ombres.
– Je m'en moque ! s'entêta le jeune homme. Sauvez-les ou notre accord ne tient plus. »
Les ombres s'agitèrent un moment en signe de réflexion.
« Il a bien un moyen mais pour ça, tu dois t'ouvrir à Nous.
– Pas question. Vous n'aurez pas mon âme tant que vous n'aurez pas respecté votre part de notre accord.
– Ce n'est pas pour prendre ton âme, soupirèrent les Diables. Ce sera comme quand Nous avons éliminé l'Abomination à travers toi. Ne Nous résiste pas et fais-Nous confiance, c'est le seul moyen. »
Ignatius marmonna entre ses dents.
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Pendant sa discussion intérieure avec les Diables, une autre avait lieu à l'extérieur : la démone aux cheveux roses qu'Ignatius avait sauvée voulut une fois de plus intervenir en sa faveur.
« Général Kenryū, je vous le demande une dernière fois : ne l'exécutez pas !
– Votre Majesté, je vous ai déjà dit qu'il ne peut pas rester en vie. Je vais lui accorder la mort honorable que je vous ai promise pour lui, c'est tout ce que je peux faire. »
La femme était clairement impuissante face à la détermination du général. Ignatius fut donc saisi en premier pour être exécuter.
« Non ! » s'écria Lucius en se débattant.
Il fit appel à ses pouvoirs pour émettre de la lumière, ce qui fit paniquer les soldats démons autour de lui. Le plus proche eut le courage de le frapper à la tête avec la poignée de son sabre, ce qui lui fit perdre sa concentration. Il s'effondra, à moitié assommé.
« Lucius ! » s'écria Ignatius avec affolement.
Heureusement, son frère était encore un peu conscient. Ignatius poussa un soupir de soulagement.
« Je vais faire diversion, les informa-t'il. Profitez-en pour partir, et pour de vrai cette fois ! »
Il profitait honteusement du fait que les démons ne comprenaient pas leur langue.
« Ignatius, commença Marius, tu...
– Ne discute pas. Et emmène Lucius, quoi qu'il en dise ! »
Marius déglutit et hocha la tête en le fixant droit dans les yeux.
« Tu as ma parole. »
Soulagé, Ignatius se laissa emmener un peu plus loin par les soldats.
On le plaça à genoux à deux pas du général Kenryū. La démone aux cheveux roses se trouvait un peu en retrait et elle le fixait avec de grands yeux larmoyants. Ignatius trouva cela ironique que cette femme ait pitié de lui après tout ce qu'il avait fait aux siens. Il croisa le regard saphir du général Kenryū avec une étrange résignation.
« Pas de tours de Lumineux, menaça le démon d'un ton grave en dégainant son sabre.
– Rien de Lumineux, » promit-il avec un sourire ironique.
Invoquer les Diables était tout l'opposé de la lumière, après tout. Difficile de dire si le général le crut ou non. Il grandit son sabre et le posa sur le cou du jeune homme.
« Des dernières paroles ? demanda-t'il.
– Vous feriez mieux de reculer. »
Perplexe et méfiant, le démon renifla et leva son arme pour lui trancher la tête. Ce fut à ce moment qu'Ignatius s'ouvrit entièrement aux ténèbres contenues en lui...
Les ombres explosèrent sous ses pieds et repoussèrent les soldats qui le maintenaient. Les deux démons furent projetés à plusieurs pas et s'effondrèrent à terre. Kenryū sentit un grand froid au niveau de son poignet et quand il baissa les yeux, il vit des ombres enroulées autour comme des liens de cuir qui l'immobilisèrent totalement. Les autres démons poussèrent des cris et n'osèrent pas s'approcher. Ils ne l'auraient pas pu de toute manière car c'était une véritable tempête sombre qui faisait rage sur cette zone bien restreinte. Un vent violent et glacial repoussait tous ceux qui tentaient de s'approcher. Les gens crurent même entendre des sifflements et des cris bien humains derrière le vent.
De la même manière, les soldats qui surveillaient les Archanges avaient reculé, oubliant totalement leurs prisonniers. Ces derniers étaient tout aussi ébahis de ce qui se produisait. Lucius avait pleinement repris conscience et sa première pensée fut pour son jeune frère.
« Ignatius ! » s'écria-t'il en se relevant.
Il se rendit tout à coup compte que ses liens avaient mystérieusement disparu. Il en était de même pour ses deux autres frères et les Templiers avec eux. La seule explication était qu'Ignatius avait dû faire quelque chose pour provoquer tout cela. Marius se rappela aussitôt de la dernière demande du jeune homme.
« C'est le moment de partir ! fit-il aux autres. Vite ! »
Les Templiers se redressèrent avec du mal, les yeux fixés sur ce qui se passait plus loin. Ils tentèrent de percer les ténèbres à travers le déchaînement des ombres, en vain.
Quant à Lucius, comment aurait-il pu partir en abandonnant Ignatius ? L'Archange blond se mordit les lèvres et fit un pas décidé vers les ténèbres rugissantes.
« Lucius ! » s'écria Marius qui s'époumona en vain.
Son frère invoqua la lumière autour de lui pour se protéger... mais se fit impitoyablement repousser par les ombres virulentes. Il crut même sentir leur malveillance à son égard. Marius s'interposa derrière lui pour le réceptionner.
« Nous devons partir, lui fit-il à l'oreille.
– Mais Ignatius...
– Il a fait ça pour nous laisser une chance de nous enfuir ! Tu veux vraiment qu'il se soit sacrifié pour rien ?! »
Le visage de l'Archange blond se décomposa et il fut incapable de réfléchir.
« Honore son souhait ! » insista Marius.
Lucius inspira profondément comme pour réprimer un sanglot. Il ne donna pas son accord mais ne protesta pas non plus quand Marius le tira par la main pour l'éloigner de tout ça.
Au cœur des ombres, l'air était moins agité comme dans l'œil d'un cyclone. Hébété, Kenryū vit le Vite se lever lentement puis braquer son regard sur lui. Il cessa alors de respirer tandis que sa raison menaçait de le quitter : les yeux du jeune homme n'étaient plus verts mais entièrement noirs, même le blanc de l'œil n'était plus visible. Kenryū connaissait bien ce regard, c'était la marque de l'Empereur... et des Dieux.
« Les Inugami ont toujours été fidèles à la famille impériale, fit le Vite d'une voix qui n'était plus la sienne. Alors écoute ce que Nous avons à te dire. »
Abasourdi, Kenryū sentit l'étau sur ses mains se défaire. Il lâcha aussitôt son sabre et se prosterna avec révérence.
« Moi, Kenryū du clan Inugami, je suis à vos ordres, ô puissants Dieux ! »
Ignatius, qui n'était plus lui-même en cet instant, hocha la tête de satisfaction.
« Tu vas emmener le petit dans Notre temple à Myūjin. Les Hikari feront tout pour vous empêcher d'y parvenir mais quoi qu'il arrive, tu protégeras le petit au péril de ta vie. »
Kenryū n'osa pas remettre Leur parole en doute, pourtant un point le laissait perplexe.
« Le petit ? Qui est-ce ? »
Dans son esprit, il pensait au Premier Prince. Toutefois Ignatius pointa le doigt sur lui-même et déclara d'un ton tranquille :
« C'est le petit. »
Kenryū contempla l'homme qui faisait une bonne tête et demi de plus que lui. Il ne dit rien, cependant son regard était éloquent. Les Dieux soupirèrent.
« C'est une longue histoire que Nous ne pouvons pas te raconter maintenant car le petit manque de forces. Pour faire court, son âme est celle du Second Prince et elle doit rejoindre son corps à Myūjin. Au nom du serment fait à ton prince, tu dois assumer sa protection. »
Les yeux saphir s'écarquillèrent à cette révélation.
« Quoi ? Mais comment ?!
– Les Hikari, » grondèrent les Dieux.
Ignatius vacilla soudain et le vent généré par les ombres autour d'eux décrut un peu.
« Nous n'avons plus de temps. Ah, firent soudain Les Dieux avec une réticence manifeste, les Vites doivent repartir sains et sauf. Nous l'avons promis au petit.
– Mais... ! »
Kenryū n'eut pas le temps d'en dire plus. Les ombres disparurent soudain et le Vite s'effondra. Kenryū tendit les bras par réflexe pour le rattraper avant qu'il ne touche le sol. Il cligna des yeux tandis que les cris agités de ses hommes se calmèrent peu à peu autour de lui.
Abasourdi, il resta avec le Vite dans ses bras jusqu'à ce qu'une voix le tire de ses pensées.
« Général Kenryū, ce... ce qu'ont dit les Dieux est vrai ? »
Il se tourna alors vers son Impératrice et ne sut que répondre. Kaname posa les yeux sur le Vite qui l'avait sauvée, son fils et elle.
« Ce serait le second fils de Tegami ? Celui qu'il a eu avec sa concubine Hikari ?
– Non, protesta-t'il faiblement, le bébé est mort à la naissance. »
Les traits de Kaname se durcirent.
« Un tel mensonge de leur part vous étonnerait-il ? »
Il dut avouer que non. Les Hikari ne reculaient devant rien et n'avaient aucun honneur. Kenryū secoua la tête et en tant que militaire, il décida pour le moment de parer à l'essentiel.
« Les Dieux m'ont ordonné de le protéger et de le conduire au temple de Myūjin, alors c'est ce que je vais faire. Le reste peut attendre. »
L'Impératrice acquiesça, le regard troublé.
Notes du chapitre :
(1) Une confusion intéressante : dans la Chine médiévale, le dragon représentait l'empereur tandis que dans la civilisation occidentale médiévale, c'était le diable.
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