Le Prince Solitaire Alternative 1.1 partie 2

Alternative 1.1 : Destin inéluctable (partie 2)


Quand Ignatius se réveilla, il connut un moment de désorientation inédit. En plus il se sentait extrêmement faible, autre fait inhabituel.

« Tout va bien, c'est un contrecoup de Notre manifestation, » firent les ombres pour le rassurer.

Cela ne fit pas effet. Le jeune homme se redressa sur un coude avec du mal et regarda tout autour. Il vit qu'il se trouvait allongé sur une banquette dans une sorte de carrosse large et spacieux. Il ne put en distinguer plus car un petit garçon bien reconnaissable envahit son champ de vision.

« Ça y est, tu es réveillé ! »

C'était l'Antéchrist, enfin, celui qu'ils avaient cru être l'Antéchrist. Le garçon aux yeux bleus et aux cheveux noirs avait l'air très content de le voir, ce qui était surprenant.


« Qu'est-ce que je fais ici ? demanda Ignatius en se massant la tempe.

Il paraît que tu es mon petit frère. Moi, je trouve ça un peu bizarre...

Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ? »

Il parut soudain se rendre compte de quelque chose et posa une main sur sa gorge.

« Pourquoi je parle tout à coup dans cette langue... ? »

Non seulement il s'exprimait dans la langue des démons sans s'en rendre compte mais en plus, les mots lui venaient naturellement, comme s'il parlait dans la langue normale.

« C'est ta langue normale, persistèrent les Diables. En t'ouvrant à Nous, tu as renoué avec tes origines.

Ne dîtes pas n'importe quoi, » marmonna-t'il d'un ton mécontent.


Il entendit un toussotement non loin et leva les yeux pour voir la démone aux cheveux roses qu'il avait sauvée. Elle le fixait d'un air troublé et complexe.

« Comment te sens-tu ? s'enquit-elle.

Fatigué, perdu et confus, lâcha-t'il avec agacement. Je n'étais pas censé me faire exécuter ? »

Le regard de la femme se fit encore plus étrange.

« Tu ne te rappelles pas ce qui s'est passé ?

Non, j'ai laissé faire les Diables, ce qui était sûrement une très mauvaise idée. »

Les ombres ronchonnèrent et il leur lança un regard défiant.


« Les di- a- bu- lu ? tenta de répéter le garçon. C'est quoi ?

Ils vivent dans les ombres, jacassent sans cesse et sont très pénibles. Personne d'autre ne peut les entendre, malheureusement. »

Pendant que le garçon prenait un air perplexe, sa mère fit une encore plus drôle de tête.

« Tu veux parler des... Dieux ?

C'est ce qu'ils prétendent être, mais il ne faut pas les croire. »

Devant une nouvelle protestation de la part des concernés, Ignatius leur lança la première chose qui lui tomba sous la main : son oreiller — ou plutôt un bout de bois qui servait apparemment d'oreiller. L'objet heurta les ombres dans un coin du carrosse dans un bruit sec.


Ignorant les regards stupéfaits des deux autres passagers, Ignatius se concentra sur le plus important :

« Mes frères ont pu s'enfuir ?

Tes frères ?

Les autres Vites qui étaient avec moi, que leur est-il arrivé ?

Oh, ils ont... »

Elle parut mal à l'aise tout à coup. Une sueur froide coula le long du dos du jeune homme. Y avait-il eu un problème ? Ses frères et les Templiers étaient-ils encore en vie ?

« J'ai le regret de te dire qu'ils sont partis en t'abandonnant. On ne les a pas encore retrouvés. »


Au lieu de manifester la tristesse et l'indignation qu'elle se serait attendue à voir, ce fut du soulagement qui apparut sur le visage du jeune homme.

« Tant mieux ! fit-il d'un ton sincèrement ravi.

Tu n'es pas furieux qu'ils soient partis en te laissant derrière eux ? s'étonna-t'elle.

Bien sûr que non, c'était le plan ! Je devais faire diversion avec les Diables pour qu'ils puissent s'enfuir. »

Kaname s'indigna alors en son nom :

« Ils ont osé élaborer un plan qui te sacrifiait ?!

C'est mon plan, » la détrompa-t'il.

Elle en resta coi. Il y avait vraiment quelque chose d'étrange : les Dieux avaient dit qu'il était le Second Prince or ce dernier, s'il s'agissait du prétendu fils mort-né de la concubine Hikari, n'avait pas plus de quatre ans. Pourtant ce jeune homme ne se comportait pas du tout comme un enfant, sauf pour une certaine innocence dans son regard par moment. C'était très troublant.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Pendant ce temps, le garçon à côté n'appréciait pas du tout leur conversation et voulait revenir sur le sujet le plus important à ses yeux. Il tira sur la manche du jeune homme et quand il eut attiré son regard, il lui demanda :

« Appelle-moi grand frère !

Pourquoi ?

Parce que je suis ton grand frère, tiens ! »

La réponse était évidente pour lui. Ignatius toisa le garçon qui lui arrivait à peine à la cuisse et cligna des yeux. Où ça, un grand frère ?

« Tu es qui, déjà ? » préféra-t'il demander.

La démone poussa un oh et se rendit compte qu'elle ne s'était toujours pas présentée. Un peu gênée par ce manque de manières, elle toussota et fit :

« Je me nomme Kaname et je suis l'Impératrice. Voici Chiharu, mon fils et le Premier Prince. »

Il s'était toujours douté qu'elle avait un rang important parmi les démons alors l'annonce ne le surprit guère.


« Moi, c'est Ignatius» se présenta-t'il à son tour.

Le garçon fronça les sourcils devant cet autre mot compliqué à prononcer pour lui.

« Igu... Iga... Ina... Iguna...

Iguna, c'est très bien, » le prit-il en pitié.

Kaname avait les sourcils froncés.

« Ce n'est pas ton véritable nom, fit-elle.

En effet, c'est mon nom d'Archange, hum... de général peut-on dire.

Je veux dire, le nom que tu es censé avoir. »

Confus, Ignatius la regarda sans rien dire. Chiharu battit des mains.

« C'est vrai, mère ! Puisque moi, c'est Chiharu, lui devrait s'appeler... Niharu ? »

Il grimaça à cette sonorité et même Ignatius n'apprécia pas.

« Plutôt Haruni, je pense, » fit Kaname.


Ce nom provoqua comme un écho en lui ainsi qu'une peur profonde.

« Ce n'est pas mon nom ! répliqua-t'il sèchement.

Bien sûr que si, insista Kaname. Tu n'as pas été nommé officiellement puisque ton père t'a cru mort dès la naissance, mais cela deviendra ton nom dès que tu auras repris ta place légitime. »

Le jeune homme sentit de la sueur froide couler le long de son dos. Il n'aimait pas ça, tous ses instincts lui criaient de s'enfuir. Pourtant, il avait donné sa parole aux Diables alors sa vie ne lui appartenait plus. Autant s'y faire rapidement.

« Appelez-moi Ignuna pour le moment. Et c'est quoi cette histoire de grand frère ? demanda-t'il.

Ah, tu ne te souviens vraiment pas de ce qu'ont dit les Dieux ?

Non, ils m'ont envoyé... ailleurs. »


Aussitôt qu'il leur avait cédé le contrôle de son corps, il s'était retrouvé de nouveau dans le monde des ténèbres. Cette fois, il n'y avait plus de Lucius pour l'en sortir. Une terreur extrême l'avait alors envahi, encore plus lorsque les ombres l'avaient poussé vers cet enfant qu'il avait déjà aperçu, celui aux cheveux noirs et aux yeux dorés comme une bête. L'enfant s'était jeté sur lui avec voracité et Ignatius avait cru que c'en était fini de son âme. Toutefois, le garçon s'était contenté de rester accroché à lui comme un enfant qui réclamait des câlins à son père. En dépit de sa terreur innommable, Ignatius avait fini par lever les mains pour le maintenir et ils étaient restés comme ça un long moment, jusqu'à son réveil. Cette expérience fut très déplaisante et l'avait ébranlé au plus profond de son âme. Il préférait donc que les Diables en finissent vite avec lui au lieu de lui imposer cette torture plus longtemps. Hélas, vu qu'il était toujours indemne à son réveil, cela signifiait que son calvaire n'était pas encore terminé.


Avant que leur conversation ne puisse se poursuivre, le carrosse s'arrêta et on entendit par les fenêtres d'autres chevaux s'arrêter également sur ordre de leurs maîtres.

« Dressez le campement et établissez un périmètre de sécurité, » ordonna un homme non loin du carrosse.

La tenture à l'avant de la cabine fut tirée et le général Kenryū entra. Il salua respectueusement Kaname et son fils puis, avec un regard compliqué, salua de la même manière Ignatius.

« Votre Altesse, fit-il.

De quoi ? » tiqua le jeune homme.

Kenryū lui lança un regard étonné et Kaname s'empressa d'expliquer :

« Il ne se souvient pas de ce qu'ont dit les Dieux. Il n'a aucune idée de qui il est. Nous étions en train d'aborder le sujet, justement.

Quelqu'un peut-il enfin me renseigner ? » fit Ignatius en soupirant.

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Le général se remit de sa surprise et déclara :

« Les Dieux se sont exprimés à travers vous pour nous révéler que vous êtes le Second Prince, censé être mort à la naissance.

Ce n'est pas possible, nia-t'il. Je suis un Vite.

Aucun Vite ne pourrait parler notre langue comme vous le faites, contra Kenryū avec un léger sourire aux lèvres.

Pourtant mes frères y arrivent et bien mieux que moi. Je ne suis donc pas le seul... »

Il fut soudain frappé par une idée et s'interrompit au beau milieu de sa phrase. Les ombres s'agitèrent pour confirmer :

« Ces gens sont aussi des humains qui se sont retrouvés chez les Vites tout petits.

Non, ce... ce n'est pas possible. Ils me l'auraient dit, non ? »

Un doute familier le parcourut. Il avait toujours sur que ses frères lui cachaient des choses, Lucius en particulier. Leurs pouvoirs, le fait qu'ils parlaient la langue des démons avec aisance et naturel, contrairement au Pape ou à Banien...


Abattu par cette révélation, Ignatius protesta quand même :

« Mais moi, ce n'est pas pareil ! Je ne sais pas faire ça depuis tout petit, j'ai une famille et je suis sûr et certain d'être né et d'avoir grandi là-bas ! Je suis forcément un Vite !

Ce corps est celui d'un Vite mais ton âme est humaine. Tu as l'âme de Notre descendant. À cause des Hikari, ton âme s'est retrouvée dans ce corps. Nous allons donc te ramener à ton véritable corps. »

Complètement abasourdi par ces informations bouleversantes, Ignatius se laissa retomber sur la banquette. Les gens autour de lui le fixaient avec compassion.

« Nous nous arrêtons pour la nuit, murmura Kenryū à l'Impératrice. Vous prendrez votre repas ici pour plus de sécurité. Prévenez-moi quand il sera plus apte à discuter.

Merci, général Kenryū. »


Pendant ce temps, les Diables expliquèrent à Ignatius ce qui s'était vraiment passé la nuit de la cérémonie occulte : le bébé dont avait parlé Banien, celui qui avait permis à Lyrel d'obtenir ses pouvoirs, était en fait lui-même. Le sort qu'avait lancé le Hikari présent avait mal tourné quand les Dieux s'en étaient mêlés pour protéger leur descendant. Le lien entre le corps et l'âme du bébé était encore trop fragile et il avait été rompu à ce moment. L'âme s'était implantée de force dans le corps de Lyrel. Voilà pourquoi il s'était réveillé amnésique et n'avait jamais retrouvé la mémoire : il n'y avait rien à se souvenir puisque sa vie venait à peine de commencer. Quant à son corps de bébé, les Diables l'avaient ramené dans l'Empire de l'Aube. Il se rappela d'ailleurs avoir vu une ombre emmener un bébé dans la terre.

« Ce n'est qu'une fois de retour que Nous Nous sommes rendus compte trop tard que ton âme était restée chez les Vites. Nous n'avions plus assez d'énergie pour la récupérer mais Nous avons pu garder le lien avec toi et maintenir ton corps en vie. Notre but a toujours été que tu reviennes dans l'Empire pour regagner ton corps.

– Pourquoi ? songea rageusement Ignatius. Pourquoi ne pas me laisser tranquille ? J'étais bien là-bas, j'avais trouvé ma place en ce monde !

Ta place est avec ta famille, ton destin est dans l'Empire. »


Sentant sa sourde rancœur, ils précisèrent :

« Et puis, ce n'est pas Nous qui t'avons fait revenir dans l'Empire, ce sont les Hikari.

Hi... kari ? »

Maintenant qu'il maîtrisait mieux la langue, il se rendit compte qu'il avait toujours mal compris lorsque les démons parlaient des Lumineux. C'était en fait Hikari, qui avait ce sens, et cela désignait un clan de l'Empire.

« C'est aussi à cause des Hikari que tu t'es retrouvé dans cet état. Mais ne t'en fais pas, Nous ne laisserons plus ces dégénérés te faire le moindre mal. »

Ignatius soupira. Toutes ces révélations étaient difficiles à encaisser. Il se rendit compte que les chose auraient été bien plus simples en fin de compte si les Diables n'avaient voulu que son âme.


~*~


Le temps de sa discussion mentale avec les Diables, des soldats étaient déjà entrés pour déposer des bols de nourriture. L'intérieur du carrosse était vraiment spacieux, il y avait donc de la place pour poser des tables basses et des coussins de sol au centre. Kaname et Chiharu se mirent à genoux sur les coussins et invitèrent Ignatius à prendre place. Un peu décontenancé par cette manière bizarre de s'asseoir, Ignatius contempla ensuite les bols et chercha quelque chose qui ressemblait à des couverts sur la table. Il regarda Kaname et la vit manipuler deux bouts de bois pour prendre la nourriture. Il tenta de l'imiter mais s'embrouilla et finit par casser les baguettes en voulant les manipuler. Chiharu eut un léger rire et proposa d'un ton empressé :

« Attends, je vais te montrer !

Inutile, fit Ignatius en repérant une sorte de cuillère dans un des bols. Je vais me débrouiller avec ça. »

Ce n'était pas des plus pratiques mais c'était toujours mieux que de manger avec les doigts. Kaname plissa le front devant ces mauvaises manières, surtout quand il porta carrément le bol de bouillon à ses lèvres pour boire, toutefois elle prit en compte les circonstances d'Ignatius et ne le réprimanda pas.

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Avec de la nourriture chaude dans l'estomac, on se sentait forcément mieux. Ignatius avait vidé ses bols sauf un rempli d'un étrange aliment blanc dont l'aspect n'était guère ragoutant.

« Tu n'aimes pas le riz ? s'enquit Kaname.

Je ne sais pas ce que c'est. Pour moi, ça ressemble à des asticots bouillis.

C'est quoi des asticots ? intervint Chiharu.

Des petits vers blancs sur les cadavres.

Beurk ! s'écria le garçon en faisant la grimace. Je ne mangerai plus jamais de riz !

Chiharu, le gronda sa mère, un prince ne doit pas faire le difficile. En plus tu adores le riz. »

Ainsi réprimandé, le garçon n'osa plus se plaindre et baissa la tête d'un air malheureux.


Kaname versa ensuite dans des tasses de l'eau chaude d'une sorte de carafe avec un couvercle. Ignatius sentit une légère odeur de fleurs.

« Qu'est-ce que c'est ?

Du thé. Goûte. »

Il s'exécuta et à sa grande surprise, il apprécia le goût subtil et délicat. Il n'y avait donc pas que du mauvais dans l'alimentation des démons. Kaname sourit en le voyant apprécier le thé. L'ambiance devint sereine et pendant ce temps, Ignatius oublia ses soucis et ses angoisses.


~*~


Peu après la fin du repas, Kenryū se présenta de nouveau. Constatant qu'Ignatius était plus à même de discuter, il l'invita à le suivre hors du carrosse. Kaname les accompagna et Chiharu bouda de devoir rester tout seul à l'intérieur. Le général les conduisit sous sa tente qui était assez vaste. Ignatius eut la surprise d'y retrouver Kahiro. Il y avait également trois autres soldats démons, tous debout autour d'une table. Ils se prosternèrent devant lui.

« Votre Altesse, » le saluèrent-ils.

Il plissa le front, n'appréciant pas du tout cette démonstration.

« Il faut t'y faire, intervinrent les Diables. Tu es un prince de l'Empire, tu mérites donc le respect. »

Tout cela était encore bien abstrait pour lui.


Une fois les salutations et présentations faites, les discussions sérieuses commencèrent.

« Votre Altesse, fit Kenryū, les Dieux ont ordonné que nous nous rendions au temple de Myūjin. D'après Eux, c'est là que se trouve votre corps. »

Un frisson parcourut Ignatius. Son corps, c'était celui-ci. Pourtant le petit garçon aux yeux dorés l'attendait à Myūjin. C'était difficile à comprendre et perturbant.

« Écoutez, tout ça c'est peut-être normal pour vous mais pas pour moi. Alors évitez de parler de mon corps pour le moment et allez à l'essentiel. »

Les démons échangèrent des regards mal à l'aise. Kenryū resta droit et digne.

« Cela n'a rien de normal pour nous non plus, le détrompa-t'il. Mais nous nous fions aux Dieux. »


Cela surprit le jeune homme.

« Rien de normal, vraiment ? Je croyais pourtant que vous aviez l'habitude de la magie et tout le reste.

Les Hikari sont les seuls à pratiquer la magie.

C'est faux, soufflèrent les Diables. C'est juste ce qu'ils veulent faire croire.

Pourtant mes frères et moi en sommes capables, vous l'avez bien vu. »

Le visage des hommes présents s'assombrit, en particulier Kahiro qui avait vu son palais se faire assiéger avec des tours de Hikari.

« Votre mère est une Hikari, répondit le général sans broncher. Quant à vos... compagnons, ils sont sûrement un lien avec ce clan. »

Ignatius n'en était pas si sûr, cependant il n'osait plus rien croire concernant les Archanges.


« Peu importe, reprenons, fit-il. Vous disiez que nous devons aller à Myūjin ?

En effet, enchaîna Kenryū, plus à l'aise sur ce sujet. Il y a néanmoins un problème : l'Empereur a été informé de l'attaque sur Metsūjū et il s'attend à ce que j'escorte l'Impératrice et le Premier Prince à Kurojū au plus vite. Si mes troupes font un détour, cela alertera la capitale et surtout les Hikari. »

Ignatius cligna des yeux devant tous ces noms inconnus.

« Vous auriez une carte pour que je me repère ? » demanda-t'il.

Kenryū fit aussitôt signe à un soldat qui revint avec un rouleau qu'il déplia sur la table centrale. Ignatius put donc voir pour la première fois l'Empire de l'Aube dans son intégralité. Par contre, il ne vit rien d'écrit, juste des petits dessins un peu partout.

« C'est de l'écriture, expliquèrent les Diables. Il faudra que tu l'apprennes. »

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En attendant, Kenryū lui désigna aimablement les lieux importants pour leur mission. Ignatius plissa le front et réfléchit rapidement.

« Pour le moment, rien ne nous empêche de faire comme si nous revenions à Kurojū. Nous dévierons ensuite vers Myūjin au dernier moment.

Le problème est qu'en s'approchant de Kurojū, un renfort de la garde impériale risque de nous rejoindre, voire même une escorte Hikari. Il sera ensuite compliqué de changer de direction.

Alors que le plus gros des troupes se rende à Kurojū normalement tandis que moi, je vais à Myūjin avec quelques hommes seulement, » suggéra-t'il.

Ce plan ne fut pas non plus accepté.

« La Cour grouille de Hikari, ce serait bien trop dangereux pour l'Impératrice et le Premier Prince d'y retourner.

Une minute, il s'agit quand même de l'épouse et du fils de l'Empereur. Ils devraient être en sécurité là-bas, non ? »

Les mines sombres lui apprirent la réponse et il soupira. La situation politique avait l'air bien compliqué ici.


« Général Kenryū, intervint Kahiro. Avec tout le respect que je dois à son Altesse, ce n'est encore qu'un enfant. Il me semble donc bien ridicule de s'en remettre à lui pour dresser un plan. »

Kenryū tiqua, bien embêté. En fait il n'avait jamais eu l'intention de demander au Second Prince de décider de ce qu'il fallait faire. Au début, il avait seulement voulu lui présenter la situation mais c'était le jeune homme qui avait commencé à lancer des idées. Du coup, Kenryū n'avait pas osé le couper.

« C'est juste que je n'ai pas toutes les informations, argua le concerné. Les Hikari sont donc les ennemis et ils se trouvent à Kurojū, c'est ça ? »

Le coin des lèvres de Kenryū frémit.

« Officiellement, ce sont les conseillers de l'Empereur. Toute critique envers eux est punie de mort. Néanmoins, je me suis toujours méfié d'eux et je suis certain qu'ils ne sont pas étrangers à l'attaque de Metsūjū. »

Kahiro et Kaname prirent un air abattu à ce rappel.


Ignatius pencha la tête sur le côté et fit :

« Les Hikari sont bien tous blonds avec les yeux dorés ? Aucun autre humain n'a ce genre de physique ?

C'est exact.

Alors dans ce cas, c'est bien un Hikari qui nous a poussés à venir ici pour attaquer Metsūjū. »

Devant l'air ébahi des autres, Ignatius leur expliqua l'ange du Pape et leur mission réelle : tuer l'Antéchrist aux cheveux de ténèbres. Kenryū serra les poings si fort que ses paumes se mirent à saigner.

« Ils sont encore pires que ce je croyais, siffla-t'il entre ses dents. Je n'aurai de cesse qu'ils soient jugés et punis pour leurs crimes odieux ! »

Kahiro le rejoignit dans son serment de faire payer les Hikari.


Pendant que ces gens faisaient de beaux serments, Ignatius se concentra sur leur problème. Il finit par aboutir à une idée :

« Puisque l'Impératrice et le Premier Prince ne doivent pas retourner à Kurojū, je suggère qu'ils m'accompagnent à Myūjin avec quelques hommes. Le reste ira à Kurojū comme s'ils leur servaient réellement d'escorte.

Oh ? intervinrent les Diables. Tu te mets à mentir ? »

Il se figea un moment puis répondit mentalement d'un ton qui se voulait détaché :

« Puisque je suis un démon, mes vœux sacrés n'ont plus lieu d'être, non ? »

Pas dupes, les Diables n'arguèrent pas pour ne pas ajouter à ses tourments intérieurs. De toute manière, Ignatius dut se concentrer sur les objections à son plan qui s'élevèrent aussitôt.


« Nous ne pouvons pas laisser juste quelques hommes assurer la sécurité de ma sœur et mon neveu, fit Kahiro. C'est impensable !

Si les Hikari s'en mêlent, il nous faudra le plus grand nombre d'hommes pour les affronter ! renchérit Kenryū.

Ils sont si terribles que ça ? s'étonna Ignatius.

Ils sont invincibles et peuvent tuer un homme d'un geste.

Personne n'est invincible, objecta-t'il.

Vous dites ça parce que vous ne les avez encore jamais combattus !

Parce que vous oui ? »

Un silence s'abattit alors. Kenryū prit un air ébahi puis embarrassé.

« Non, mais... »

Il ne trouva rien pour argumenter. S'il avait dit cela, c'était parce que telle était la rumeur concernant les Hikari. Cependant maintenant qu'il y repensait, qu'est-ce qui prouvait que cette rumeur était fondée ?

« Je refuse de prendre ce risque ! finit-il par dire.

On n'arrive à rien sans prendre de risques, » fit Ignatius.

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Pendant que Kenryū cherchait encore des arguments, Kaname s'avança et prit la parole :

« J'accepte de prendre ce risque. De toute façon il est hors de question que mon fils ou moi ne remettions les pieds à Kurojū tant que les Hikari s'y trouvent.

Votre Majesté, c'est trop dangereux, protesta Kenryū.

Le pire danger est à Kurojū, insista-t'elle, les yeux flamboyants. Cela fait trop longtemps que les Hikari agissent à leur guise sans que nous n'osions dire quoi que ce soit. À présent que les Dieux se sont manifestés, c'est le signe que nous devons agir pour mettre un terme à cette situation intolérable. L'heure n'est plus à la prudence ! »

Étonnés d'entendre un tel discours de la part d'une femme, les démons en restèrent sans voix un moment puis approuvèrent vivement. Kaname les avait inspirés par sa passion et sa bravoure. Le plan fut donc accepté sans plus de discussions.


~*~


Chiharu fut très heureux de revoir sa mère et son petit frère. Malgré l'heure tardive, il lui demanda de raconter ses aventures. Ignatius hésita car il avait conscience qu'une grande partie de son vécu ne convenait guère aux oreilles d'un enfant. Il résuma donc l'essentiel. Kaname parut également intéressée et fascinée.

« Alors tu sais faire de la magie ? s'écria Chiharu, ses yeux bleus s'illuminant. Tu me montres ? »

Ignatius invoqua le feu pour former un petit oiseau qui voleta autour du garçon. Ce dernier éclata d'un rire ravi et voulut caresser du bout des doigts une plume rouge vif.

« Arrête, c'est dangereux, » fit Ignatius en lui prenant la main, réagissant plus vite que Kaname.


Chiharu ne s'attarda pas là-dessus.

« Tu sais faire quoi d'autres ? Ah, les Hikari à la Cour savent lancer des éclairs ! Tu y arrives, toi ?

Je ne sais manipuler que le feu.

Et les ombres, » intervinrent les Diables.

Cela le fit renifler d'auto-dérision.

« Si je savais manipuler les ombres, je pourrais vous faire taire, répliqua-t'il.

Non, tu ne pourrais pas, quoi qu'il arrive. Mais tu as un pouvoir sur les ombres, c'est pour ça que notre lien est si fort... en plus du reste. »

Il secoua la tête.


Chiharu le fixait avec de grands yeux. Il lui demanda :

« Tu parles à qui ?

Aux Diables, soupira-t'il. Qui d'autre ?

Tu persistes à Nous appeler ainsi ? s'indignèrent les concernés.

Tu ne dois pas Les appeler ainsi, intervint Kaname en faisant écho aux Diables sans le savoir. Ce sont nos Dieux et tes Ancêtres.

Les miens aussi ! renchérit Chiharu. Alors pourquoi je peux pas Leur parler comme à toi ?

Si je pouvais te donner cette capacité, je le ferais, » fit Ignatius en lui tapotant la tête.

Cela ravit le garçon.


Quand vint le moment de se coucher, Chiharu insista pour dormir avec Ignatius.

« Cela fait longtemps que je rêve de pouvoir dormir avec mon petit frère... même si tu es grand pour un petit frère. Ah, j'ai hâte que tu retrouves ton corps ! »

Ignatius se crispa un peu à cette idée. Il s'estimait adulte, qu'est-ce qu'il irait faire dans un corps d'enfant ? Cela dit, il n'avait guère le choix.

« Chiharu, c'est l'heure de dormir, le réprimanda Kaname de l'autre côté du paravent qui séparait le carrosse en deux.

Oui mère, bonne nuit ! »

Ignatius s'endormit en ayant une pensée pour ses frères. Ils avaient sûrement déjà dû embarquer et étaient en route pour le royaume des Vites. Il espérait que le voyage se passerait bien pour eux.


~*~


Après une semaine de voyage sans encombre, il fut temps de se séparer. Comme convenu, le plus gros de la troupe se rendrait à Kurojū comme pour escorter l'Impératrice et le Premier Prince tandis qu'une poignée les accompagnerait jusqu'au temple de Myūjin. Il y en avait encore pour cinq jours de voyage. Kenryū accompagna naturellement l'Impératrice et même Kahiro se proposa.

« Tu devrais plutôt rentrer à Metsūjū pour aider Père, objecta Kaname.

Tu es ma petite sœur, répliqua-t'il. Je te protégerai jusqu'au bout. »

Touchée, Kaname n'insista pas plus.

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Afin de faire illusion, le petit groupe se déplacerait uniquement à cheval tandis que le carrosse vide se dirigerait vers la capitale. Kaname dut donc monter à cheval avec un peu de mal.

« Je n'ai plus fait ça depuis mon mariage, » soupira-t'elle.

Cela lui revint pourtant assez vite. Chiharu quant à lui voulut bien évidemment monter avec son frère.

« Vous deux sur le même cheval, vous feriez une trop belle cible, » objecta Kenryū.

Pendant que le garçon faisait la moue, Ignatius écouta les ombres.

« Au contraire, ils disent que ce sera plus facile de nous protéger si nous sommes ensemble.

Ils ? demanda le général en faisant une drôle de tête.

Les Dia... les Dieux, » se résigna-t'il enfin à les appeler ainsi.

Les ombres s'en réjouirent.

Kenryū le fixa avec stupéfaction.

« Vous pouvez donc réellement communiquer avec les Dieux comme ça ?

Hé oui, » soupira-t'il.

Tout content, Chiharu prit la main de son frère qui l'aida à monter devant lui.


Ils se mirent en route. Toutefois Kenryū gardait un air songeur. Il finit par approcher son cheval de celui d'Ignatius et se lança :

« Votre Altesse, puis-je vous poser une question un peu... indiscrète ?

Bah, au point où nous en sommes, » fit le jeune homme en haussant les épaules.

Un peu perplexe devant ce geste, le général aux cheveux d'automne poursuivit malgré tout :

« Puisque vous entendez les Dieux, savez-vous... savez-vous si le prince Kodōtaro Nom posthume de Harutō. (1) est bien parmi Eux ?

Qui ça ?

C'est notre oncle ! l'informa Chiharu. Il est mort il y a longtemps, je n'étais même pas né. Père n'aime pas parler de lui parce que ça le rend triste.

Je vois. Et pourquoi serait-il parmi les Dieux ? »


Ces derniers lui expliquèrent :

« Nous sommes la famille impériale, tes ancêtres. Nous devenons des Dieux à Notre mort. »

Cela plongea Ignatius dans la perplexité. Ce n'étaient donc pas des dieux mais plutôt des fantômes, non ?

« … Nous sommes toujours plus réels que le dieu des Vites, » maugréèrent-ils.

Justement, un dieu n'était-il pas censé être lointain et ne pas s'adresser directement aux gens ?

« Nous ne parlons qu'à Nos descendants, c'est tout ! »

Ignatius décida de ne pas y songer pour le moment. Ce n'était qu'une étrangeté de plus de la part des démons. Il n'était plus à ça près.


Il décida plutôt de se renseigner pour le général Kenryū mais rencontra une certaine réticence de la part des Dieux à aborder ce sujet.

« Quoi, il n'est pas avec vous ? demanda-t'il mentalement.

C'est particulier mais ça, le général Kenryū n'a pas à le savoir. Dis-lui ceci. »

Ignatius répéta donc :

« Les Dieux disent qu'après Leur mort, il Leur faut des décennies pour devenir des Dieux. Alors je ne suis pas en contact avec la génération précédente. Toutefois, Ils disent de ne pas vous inquiéter pour votre prince. »

Soulagé, Kenryū hocha la tête.

« Merci de m'avoir dit cela, votre Altesse. Je n'ai jamais eu le courage de demander à votre père. Cela m'enlève un poids sur la conscience. »

Il paraissait sincèrement rassuré. Ignatius haussa un sourcil et se demanda quel était son lien avec cet oncle décédé. Cependant ce n'était pas le moment de se pencher sur cette histoire.


~*~


Le premier jour de voyage se déroula sans encombre. Le jour suivant, tandis qu'ils chevauchaient, les ombres s'agitèrent soudain.

« Les Hikari arrivent ! »

Ignatius arrêta sa monture en criant aux autres :

« Les Hikari vont attaquer ! »

Surpris, les soldats s'arrêtèrent tout de même et dégainèrent leurs sabres. Ils se regroupèrent autour des deux princes et de l'Impératrice. Peu de temps après, des cavaliers surgirent. Ils étaient vêtus de capes d'un blanc immaculé, tout comme leurs montures. Ignatius cligna des yeux : des chevaux aussi blancs, cela n'existait pas.

« Votre Majesté, votre Altesse, général Kenryū, fit l'un des Hikari au visage couvert comme les autres. Ceci n'est pas le chemin de Kurojū. Peut-on savoir où vous vous rendez ? »

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

La tension monta d'un cran parmi les soldats démons. Kenryū déglutit et lança néanmoins :

« Je n'ai pas à me justifier de mes actes devant vous.

Vous savez pourtant que nous parlons au nom du seigneur Shumē.

Je n'ai pas non plus à me justifier devant votre seigneur Shumē ! Seul l'Empereur est en droit de me demander des comptes ! »

Un sourire moqueur se dessina sur les lèvres visibles du Hikari.

« Voyons, le seigneur Shumē parle au nom de l'Empereur, tout le monde le sait.

Je ne répondrai que devant sa Majesté, persista Kenryū.

Dans ce cas nous allons vous conduire à lui. Mort ou vif, à vous de choisir. »

Comme un signal, les Hikari brandirent leurs bâtons. Ce n'étaient pas des armes dangereuses pourtant les soldat tressaillirent comme face à un danger mortel. Kenryū serra les dents et lança un regard de regret à l'Impératrice et aux deux princes.

« Kodōtaro, songea-t'il, je ferai tout pour protéger tes deux neveux. J'espère que tu me regardes bien depuis le monde des esprits. »

Il brandit alors son sabre, prêt à se battre jusqu'à la mort.


Les bâtons des Hikari s'illuminèrent et des éclairs en jaillirent. C'était comme l'avait dit Chiharu : les Hikari manipulaient la foudre. Deux soldats s'interposèrent devant et s'effondrèrent avec un cri, leurs corps carbonisés en un instant. La panique s'empara des autres, toutefois ils restèrent disciplinés et resserrèrent les rangs autour de l'Impératrice et des deux princes. Ignatius commença à comprendre pourquoi les démons estimaient que les Hikari étaient invincibles : ils pouvaient vraiment tuer à distance et en un clin d'œil. Même Lucius n'avait pas un tel pouvoir car sa lumière était répulsive, et pas mortelle. Il y avait toutefois un point commun entre ces deux magies : elles étaient basées sur la lumière. Du coup...


Forts de leur triomphe, les Hikari ricanèrent.

« Alors, général Kenryū ? Vous refusez toujours de nous suivre ? »

La main de Kenryū se resserra sur son sabre à tel point que les jointures en blanchirent. Toutefois, son arme ne lui servirait à rien contre les Hikari. Ignatius descendit soudain de cheval en recommandant à Chiharu de bien se tenir à la selle, puis il s'avança en tête.

« Vot... Qu'est-ce que vous faites ?! lança Kenryū sans dévoiler son identité.

Je vais voir si les Hikari sont vraiment invincibles, » répondit-il d'un ton naturel.

Il dégaina son épée — Kenryū avait voulu qu'il porte un des sabres longs typiques des démons mais il avait refusé, préférant manier une arme dont il avait l'habitude.


Les Hikari le toisèrent avec mépris.

« Tu vas périr pour ton insolence, qui que tu sois ! »

Les bâtons furent pointés vers lui et s'illuminèrent. Des cris d'effroi retentirent derrière Ignatius qui ne s'en soucia pas. Quand les éclairs jaillirent des bâtons, un mur d'ombre se dressa aussitôt devant le jeune homme. Les éclairs furent alors stoppés immédiatement.

« Impossible ! s'écria le Hikari en tête. Comment tu peux... ? »

Ignatius ne lui laissa pas le temps de finir : il se rua vers eux et les transperça de son épée l'un après l'autre. Certains tentèrent de l'attaquer de nouveau mais le même mur d'ombre s'interposa. Au final, les cinq Hikari tombèrent au sol, leurs capes blanches immaculées teintées à présent de rouge. De la pointe de son épée, Ignatius releva les capuches et confirma qu'ils avaient tous les yeux et les cheveux dorés. Quant aux chevaux, trois s'étaient enfuis et les deux restants avaient à présent une teinte grisâtre.

« Je le savais, fit-il. Des chevaux blancs comme ça, ça n'existe pas ! »

Satisfait, il ressuya le sang sur son épée avec la cape d'un des morts et la rengaina.


Quand il se tourna vers les démons, il eut droit à des regards stupéfaits.

« V-votre Altesse, bafouilla Kenryū, vous avez tué des Hikari ?

Comme vous pouvez le voir. Ils ne dont donc pas invincibles, dans le fond. »

Malgré ses dires et les preuves qu'ils avaient sous les yeux, les autres n'en revenaient pas. Seul Chiharu s'agita sur le cheval et s'écria :

« Tu es trop fort, petit frère ! »

Cela fit légèrement sourire l'intéressé. Il remonta en selle et fit :

« Remettons-nous en route. »

Kenryū prit un air embêté.

« Ah, c'est que... nous devons nous occuper des corps avant.

Il le faut vraiment ? Nous allons perdre du temps à les enterrer.

Les enterrer ? s'ébahit le général. C'est ainsi que font les Vites ?

Oui. »


Ignatius ne voyait pas où était le problème. Pourtant, les démons prirent des mines interloquées et écœurées.

« Ici nous brûlons les morts. Toujours, l'informa Kenryū.

Ah, il suffit donc de les brûler. C'est tout ?

Non, les proches doivent se couper les cheveux et avoir une pensée pour les défunts.

Nous n'avons hélas pas le temps de chercher les familles des deux soldats. Quant aux Hikari, ils n'ont pas de proches ici, tant pis pour eux.

C'est que... vous leur êtes apparenté, votre Altesse, » rappela Kenryū d'un air gêné.

Cela n'entraîna pas la moindre réaction chez Ignatius pour qui ces gens étaient de parfaits étrangers. Tout au plus, il leur en voulait pour leurs manigances.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

« Je ne reconnais aucune parenté avec eux, déclara-t'il d'un ton définitif. Brûlons-les, c'est tout. »

Comme les soldats faisaient mine de s'avancer vers les corps avec réticence, il précisa :

« Laissez-moi faire. »

D'une pensée, il enflamma les corps. Cela engendra des cris et la nervosité des chevaux.

« Pouvons-nous poursuivre à présent ? » demanda Ignatius sans ciller.

Kenryū l'observa un moment, puis s'inclina.

« À vos ordres, votre Altesse. »


~*~


Durant le reste de la journée, les démons parurent garder leurs distances avec Ignatius, bien plus qu'en temps normal. Seul Chiharu ne changea pas de comportement envers lui.

« Je peux savoir quel est le problème ? finit-il par confronter Kenryū.

Qu-quel problème ? » demanda le général, visiblement mal à l'aise.

Ignatius poussa un lourd soupir.

« Depuis que j'ai tué ces Hikari, vous faites tous une tête pas possible. Alors quel est le problème ? »

Kenryū répugnait à répondre, sauf qu'Ignatius ne lui laissa pas le choix. Il ne le lâcherait pas tant qu'il n'aurait pas eu de réponse. Quand il comprit cela, le démon finit par céder et expliqua :

« Vous n'êtes encore qu'un enfant, pourtant vous tuez facilement. En plus, vous venez d'éliminer des gens de votre famille... Vous avez aussi des pouvoirs comme les Hikari et la même insensibilité qu'eux... »

Cela en faisait des choses !


Loin de se démonter, Ignatius se défendit point par point :

« Tout d'abord, vous avez beau dire que je suis un enfant, je me suis toujours considéré comme un adulte et ce n'est pas près de changer. J'agis donc en adulte. Quant au fait de tuer, il faut bien se défendre, non ? Un guerrier comme vous devrait le comprendre. Ce n'est pas la première fois que je dois tuer pour sauver ma vie, et ce ne sera certainement pas la dernière !

Certes, mais...

Et puis, dites-vous bien une bonne fois pour toute que je ne connais pas ces Hikari. J'ai leur sang dans mes veines, et alors ? Ils me sont totalement étrangers ! Et je suis loin d'être insensible, c'est juste que je fais ce qu'il faut faire, même quand c'est difficile ! »


Kenryū ne réussit pas à en placer une durant ce long discours. Étrangement à la fin, il eut un léger rire qui interloqua Ignatius.

« Toutes mes excuses, votre Altesse. C'est moi qui vous ai jugé un peu trop vite.

Hum... Je ne peux guère vous en blâmer, général Kenryū.

Vous ressemblez vraiment à mon prince par moment, fit-il, son regard devenant nostalgique.

Votre prince... mon oncle ? Décidément, vous persistez à me trouver des ressemblances avec des gens que je ne connais pas ! »

Cela fit de nouveau rire l'autre homme.

« Ah, ce sont les liens du sang, votre Altesse. Ils sont plus forts que ce que vous pensez. »

Ignatius n'en était pas si sûr que ça. Toutefois, il n'allait pas rentrer dans un autre débat pour ce soir.


~*~


Le lendemain, ils eurent affaire à un autre groupe de Hikari. Ces derniers étaient plus méfiants et plutôt que de demander des comptes à Kenryū, leur porte-parole fit :

« Qu'est-il arrivé à ceux qui sont venus vous intercepter hier ?

Ils sont morts, ah ! répliqua Kenryū d'un ton triomphant.

Impossible, répliqua l'homme sans sourciller.Des misérables comme vous ne peuvent pas nous effleurer.

Pourtant, ils ne sont pas revenus. »

Cela finit par troubler le Hikari. Malgré ça, il brandit son bâton vers eux sans plus d'avertissement, imité par ses hommes.


Cette fois, aucun soldat ne joua les héros. Ignatius descendit de cheval et se plaça en tête, prêt à intercepter les éclairs comme la veille. Cependant au dernier moment, une vague surgit sur le côté et fit tomber les Hikari de cheval. Avant qu'ils ne puissent réagir, la terre s'entrouvrit pour les engloutir. Elle se referma sur eux et on entendit leurs hurlements qui cessèrent rapidement avec des craquements. Kaname avait pâli et caché les yeux de son fils pour qu'il ne voie pas une mort aussi atroce. Périr d'un sabre était chose commune, mais ça... c'était terrifiant.


Face à cette nouvelle menace, les soldats brandirent leurs sabres et se rassemblèrent autour de l'Impératrice et des deux Princes. Toutefois, Ignatius s'avança, à la fois incrédule et ravi.

« Marius ? Gaïus ? » lança-t'il.

Des fourrés au bord de la route surgirent les deux Archanges qui tenaient leur cheval par les rênes... suivi par le troisième d'entre eux.

« Lucius ? » fit doucement Ignatius.

Marius arbora un large sourire tandis que Lucius était plus impassible.

« Alors petit frère, on t'a manqué ?

– Je... vous n'êtes pas censés être là ! s'écria-t'il. Pourquoi vous n'êtes pas partis ? Il est arrivé quelque chose ? »

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Au moment où il fit un pas vers eux, le général Kenryū s'interposa à cheval, la mine sombre.

« Reculez, votre Altesse ! Ces gens sont dangereux.

Général Kenryū, ces gens viennent de nous sauver des Hikari. En plus, je les connais depuis longtemps. Veuillez baisser votre arme.

Mais ce...

Baissez votre arme, » lui intima-t'il d'un ton de commandement qu'il n'usait que très rarement.

Le démon obéit en lançant néanmoins un regard mauvais aux trois Archanges, en particulier à Lucius qui lui avait toujours fait mauvaise impression.


Ignatius put enfin rejoindre ses frères. Lucius haussa un sourcil et releva :

« Votre Altesse ?

– Ah oui, reconnut-il avec embarras. C'est une longue histoire. Et vous, que faites-vous ici ? Je vous croyais en mer depuis des jours ! »

Les trois Archanges échangèrent des regards et ce fut Lucius qui répondit :

« C'est aussi une longue histoire. Heureusement que nous aurons le temps de nous raconter tout ça en chemin.

– En chemin ? répéta Ignatius qui crut avoir mal entendu.

– Nous t'accompagnons, conforma Lucius. Où que tu ailles. »

Ému, Ignatius le serra dans ses bras.

« Merci, » murmura-t'il.

Lucius lui tapota le dos avec indulgence, tout ça sous le regard mauvais de Marius et le regard encore plus mauvais de Kenryū plus loin.


~*~


Sans surprise, Kenryū ne fut pas du tout ravi de cette nouvelle.

« Il est hors de question qu'ils nous accompagnent ! Je n'ai pas confiance en ces gens !

Cela fait quatre ans que je connais ces gens et j'ai toute confiance en eux, argua Ignatius. En plus, vous avez bien vu qu'ils peuvent aussi vaincre les Hikari. Nous avons besoin d'eux !

Ils ont attaqué Metsūjū et massacré des gens que j'aimais et respectais, intervint Kahiro, pas ravi non plus.

Moi aussi, » rétorqua Ignatius.

Le démon lui lança un regard troublé. Ils s'étaient même battus et Ignatius l'avait gravement blessé. Kahiro devait encore se soigner tous les soirs.


« Je sais, fit Kahiro après un moment de trouble. Mais je me dis que vous n'avez fait que suivre les ordres sans savoir, votre Altesse.

Je vous ai pourtant expliqué qui sont les vrais responsables de ce massacre. Gardez votre haine pour les Hikari !

Je ne risque pas de l'oublier, votre Altesse, acquiesça-t'il avec une lueur meurtrière dans les yeux. Pour autant, je refuse de me battre aux côtés de ces gens. »

Ignatius devint agacé par ces arguments.

« Hé bien, chacun se battra de son côté alors ! Je ne vous demande pas de tous vous aimer, mais notre priorité est de nous rendre à Myūjin, pas vrai ? Concentrons là-dessus et oublions pour le moment toutes les autres querelles.

Votre Altesse, tenta Kenryū.

Ils viennent avec, un point c'est tout. »

Kenryū soupira en reconnaissant l'entêtement légendaire de la famille impériale. Comme le temps pressait, il dut se résigner. Il ordonna toutefois à ses hommes de surveiller de très près les nouveaux venus, surtout quand le Second Prince était avec eux.


Et le Second Prince ne perdit pas une minute pour chevaucher aux côtés des autres Archanges, tant il était impatient de savoir ce qui leur était arrivé. Kenryū ne protesta pas mais lui demanda juste qu'ils parlent tous leur langue. Sans doute qu'il craignait qu'ils complotent ouvertement devant lui. Ignatius accepta sans discuter. Sentant que la conversation ne conviendrait pas à un enfant, il confia son grand frère à Kaname. Chiharu n'apprécia guère mais n'eut pas le choix.

« Alors, que s'est-il passé ? demanda Ignatius aussitôt qu'il le put. Vous deviez partir avec nos frères, c'est ce qui était prévu. »

Marius lança un regard appuyé à Lucius qui ne prit même pas un air gêné.

« Nous les avons aidés à s'enfuir du palais, répondit-il. Voilà ce qui était prévu. »


Ignatius le fixa sans rien dire.

« Tu croyais vraiment qu'on allait te laisser te sacrifier seul ? poursuivit l'Archange blond. Les Archanges restent solidaires ! »

C'était un très beau discours, sauf que Marius savait ce qui se cachait derrière. Il déplora l'hypocrisie de son grand frère.

« Mais comment les Templiers vont faire pour avertir les navires sans toi ? » s'inquiéta Ignatius.

Seul Lucius ou lui pouvait produire un signal visible de loin grâce à leurs pouvoirs. Cela avait servi d'argument pour que Lucius ne reste pas avec Ignatius durant le duel.

« Nous avons trouvé des sortes de tubes qui envoient un signal lumineux quand on les allume, expliqua Lucius sans se démonter. C'est bien plus pratique que nos pouvoirs.

Ça existe vraiment ? » s'enquit l'Archange du Feu.

Marius et Lucius manifestèrent leur surprise. Jusqu'à présent, Ignatius n'avait jamais mis en doute la parole de l'Archange blond.

« Pas trop tôt ! » songea Marius avec une pointe de joie mauvaise.

Sauf qu'en l'occurrence, Lucius disait bel et bien la vérité.

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« Mais vous ne savez pas si nos frères sont bien partis ou pas, en déduisit Ignatius.

Les bateaux ont reçu l'ordre de nous attendre pendant deux semaines, argua Lucius. Nous sommes dans les temps alors je ne vois pas pourquoi nos frères n'auraient pas pu embarquer.

Je ne sais pas, mais toute cette mission est des plus étranges. Ah, j'ai à présent la confirmation que les Hikari sont derrière tout ça.

Les Hikari ? » s'étonna Lucius.

Ce fut au tour d'Ignatius de leur raconter ce qui lui était arrivé. Contrairement à lui, ses frères ne mirent pas en doute son identité, bien que son histoire soit incroyable.

« Un enfant, fit Lucius d'un ton songeur, voilà qui explique bien des choses.

Je me disais aussi que c'était bizarre que tu puisses parler aussi bien notre langue, renchérit Marius.

Notre langue ? » releva Ignatius.


Marius se fit aussitôt foudroyer du regard par Lucius pour son lapsus. L'Archange de l'Eau prit un air nonchalant.

« Bah quoi ? Il est vraiment des nôtres, alors c'est bon.

C'est donc vrai, réalisa l'Archange du Feu. Vous êtes des enfants démons comme Akemi. »

Lucius lança un dernier regard noir à son frère trop bavard avant de soupirer.

« C'est exact, admit-il.

Pourquoi ne pas me l'avoir dit ? »

Percevant le ton blessé dans la voix du jeune homme, Lucius prit un air gêné.

« Cela devait rester secret, expliqua-t'il. Beaucoup de gens cherchent à faire tomber notre Père, alors si cela se savait qu'il avait adopté et élevé en secret trois démons pour les placer ensuite à la tête des Chapitres... Tu refuses de mentir, Ignatius. C'est une qualité admirable, sauf que cela n'aide pas à garder un secret. »

Ignatius aurait voulu protester mais il comprenait l'argument. Toutefois, son cœur se moquait bien de la logique : il souffrait du manque de confiance de Lucius.

« Je vois, » fit-il d'un ton neutre.

Pas dupe, Lucius cacha sa peine.


~*~


Un peu inquiet pour les Templiers dont le sort était incertain, Ignatius en parla avec Kenryū. Le général se renfrogna à cette nouvelle.

« Il pourrait y avoir deux mille Vites qui se promènent dans Towa ?

Ils ne se promènent pas, rectifia le jeune homme. Ils sont peut-être coincés ici. »

Kenryū poussa un lourd soupir et demanda à Kahiro de les rejoindre. Ce dernier fut mis au courant de la situation et fit la même tête que le général.

« Avant de partir avec vous, j'ai envoyé des soldats à la poursuite des Vites pour prêter main-forte à ceux que le général Kenryū avait déjà envoyés. D'après ce que vous me dites, votre Altesse, les Vites doivent se trouver à la baie de Mika. Ce n'est qu'à quelques heures de Metsūjū. Je pense donc qu'ils ont déjà dû être retrouvés à l'heure qu'il est. »


L'inquiétude d'Ignatius augmenta.

« Quels ordres avez-vous donnés aux soldats s'ils les retrouvaient ? »

Les deux démons échangèrent un regard gêné. Ignatius comprit aussitôt :

« Les tuer, c'est ça ?

Désolé votre Altesse, nous ne savions pas tout à ce moment. »

Ignatius ne pouvait guère les en blâmer. Cependant, il se raccrocha à l'espoir, bien que mince :

« Il faut envoyer un messager à Metsūjū pour leur dire de garder les Vites prisonniers... s'il n'est pas déjà trop tard. »

Kenryū fut sur le point d'objecter quand Kahiro acquiesça :

« C'est possible.

Nous n'avons déjà pas assez d'hommes ! protesta le général. Nous ne pouvons pas nous permettre d'en envoyer ne serait-ce qu'un seul !

Ce ne sera pas nécessaire, assura Kahiro. J'ai pris des oiseaux-messagers pour garder le contact avec mon père. »

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Kenryū accepta alors, soulagé. Cependant, Kahiro posa un regard grave sur Ignatius :

« Votre Altesse, j'espère que vous comprenez que même s'il n'est pas trop tard et que ces Vites sont capturés, ils devront quand même être jugés pour leurs actes odieux.

Je sais, fit Ignatius en hochant la tête, le cœur lourd.

Vos trois amis aussi, » insista l'homme en lançant un regard significatif aux trois Archanges un peu plus loin.

Ignatius serra les poings mais acquiesça de nouveau.

« Tout comme moi, » poursuivit-il.

Kahiro et Kenryū prirent aussitôt un air indigné.

« Bien sûr que non ! objecta le général. Vous n'êtes encore qu'un enfant, et le Second Prince de surcroît ! On ne peut pas vous tenir responsable de vos actes.

Je suis parfaitement responsable de mes actes, général Kenryū. Si mes frères doivent être jugés, alors moi aussi ! »

Incapable de répliquer à cela, Kenryū préféra temporiser :

« Pour le moment, concentrons-nous plutôt sur le fait d'arriver à Myūjin. Le reste pourra être discuté ensuite. »

À son grand soulagement, Ignatius ne chercha pas à poursuivre la discussion.


~*~


Le temple de Myūjin se trouvait à l'écart de toute ville et village, perché dans les montagnes. Il y avait des temples dans chaque province, cependant Myūjin était le temple principal, l'équivalent de Rome pour les Vites. Ignatius sentit tout de suite que le pouvoir des ténèbres était bien plus dense en ces lieux. Étrangement, cela n'avait rien d'oppressant. Au contraire, l'air était pur et il régnait une sorte de sérénité en ces lieux. Tous purent la ressentir à des degrés variés. Lucius fut le seul à mal réagir : il respirait avec difficulté et n'arrivait pas à dormir. Alors que cela durait, Ignatius s'en inquiéta et s'enquit auprès des Dieux :

« Que lui arrive-t'il ?

Il est à moitié Hikari, répondirent-Ils avec un peu de joie mauvaise. Ces gens-là ne peuvent pas s'approcher de Notre temple.

– Moi aussi, je suis à moitié Hikari, argua-t'il mentalement. Pourquoi ne suis-je pas affecté alors ?

Parce que tu es Notre descendant. »


Peu convaincu par cette logique, ils insista :

« C'est n'importe quoi. Vous avez intérêt à faire en sorte qu'il aille mieux, et tout de suite ! »

À contrecœur, les Dieux relâchèrent la pression qu'Ils avaient imposé à l'Archange blond dès qu'Ils en avaient eu l'occasion. Ce dernier se sentit beaucoup mieux tout à coup. Ignatius lança simplement aux ombres :

« Vous êtes vraiment puérils.

... »

Les Dieux se retinrent de répliquer que certains d'entre Eux avaient plusieurs centaines d'années.


Soulagé, Lucius inspira profondément pour la première fois depuis des jours.

« C'est étrange, c'est parti d'un coup, commenta-t'il.

C'était peut-être une fièvre subite, hasarda Marius qui s'était énormément inquiété pour son frère.

Non, c'étaient les Dieux, leur révéla Ignatius en soupirant. Je viens de Leur dire d'arrêter. »

Lucius ne cacha pas sa surprise, de même que les gens autour. La présence des autres Archanges avait fini par être tolérée même si la méfiance subsistait toujours. Chiharu avait quand même repris sa place devant son frère et en entendant ça, il leva la tête vers lui et s'ébahit :

« Tu peux vraiment commander aux Dieux ? Je croyais que c'était à Eux de nous commander !

Pas quand Ils agissent stupidement, » répliqua le jeune homme d'un ton agacé.

Les Dieux se retinrent à nouveau d'intervenir.


Lucius se passa une main sur la gorge et s'enquit par curiosité :

« Ce sont donc Eux qui me faisaient ça, pourquoi ?

Je t'ai déjà dit qu'Ils ne t'appréciaient pas. »

Le visage de Lucius changea de couleur en se rappelant des propos insultants qu'Ignatius lui avait répétés. Il espérait vraiment que son jeune frère ne comprenait toujours pas le sens caché derrière.

« Le cœur du problème, poursuivit Ignatius, c'est que tu es à moitié Hikari. »

Cela créa une nouvelle surprise chez les Autres, ainsi qu'un regain d'hostilité. Kenryū se pota auprès des deux princes, la main sur son sabre et un regard meurtrier à l'intention du jeune homme blond.

« C'est un bâtard Hikari ? cracha-t'il. Cela ne me surprend qu'à moitié ! »

Il n'avait jamais eu une haute opinion de Lucius, et à juste titre.

« J'en suis également un, intervint Ignatius, le cœur lourd.

Ce n'est pas pareil, votre Altesse ! argua aussitôt le général aux cheveux d'automne. Le sang impérial est si noble qu'il l'emporte sur tout le reste. Quant à celui-là... c'est certainement un espion des Hikari. Nous devrions l'éliminer sans plus tarder ! »

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À ces mots, les soldats dégainèrent leurs sabres pour les pointer sur Lucius. Marius jura entre ses dents et se porta aux côtés de son frère, rassemblant de l'eau autour de lui afin de les protéger. Même Gaïus quitta son air impassible pour se rapprocher de ses frères et la terre gronda autour de lui.

« Cela suffit ! tonna Ignatius. Baissez vos armes ! »

Le ton était si autoritaire que les soldats se retrouvèrent à obéir avant même de s'en rendre compte. Un moment de confusion s'ensuivit. Ignorant le regard à la fois agacé et impressionné de Kenryū, Ignatius se tourna vers son frère blond.

« Tu ne le savais pas, pas vrai ? »

Lucius plissa le front.

« Comment aurais-je pu le savoir ? J'ai été abandonné dès la naissance chez les Vites. »

Il n'en dit pas plus, toutefois son expression amère parlait pour lui. Il n'avait pas dû avoir une enfance très heureuse.

« Lucius n'a donc rien à voir avec les Hikari, pas plus que moi en tout cas, » déclara Ignatius d'un ton définitif.

Guère convaincu, Kenryū n'insista pourtant pas. Néanmoins, il se jura de garder un œil encore plus attentif sur cet homme qui tournait sans cesse autour du Second Prince.


~*~


Ils en étaient à peine à la moitié de l'ascension vers le temple quand un groupe de prêtres les rejoignit. Ces hommes avaient tous le crâne rasé, partaient une tunique blanche et orange et tenaient une lance à double pointe. Ils s'inclinèrent respectueusement devant les deux princes. Leur chef, un homme d'âge moyen aux yeux d'un vert éclatant, fit :

« Vos Altesses, je me nomme Gugonjū et je vais vous escorter jusqu'au temple de Myūjin pour rencontrer le Très Saint Amonji. Si vous voulez bien me suivre. »

La confiance envers les prêtres était absolue et le groupe de soldats se détendit. Ils se remirent en route et Kenryū se rapprocha de Gugonjū pour demander :

« Comment saviez-vous que nous allions venir, saint Gugonjū ?

Ce sont évidemment les Dieux qui en ont averti le Très Saint. »

Autrefois, Kenryū aurait été frappé d'une terreur révérencieuse. Cependant, après plusieurs jours passés avec le Second Prince qui pouvait converser librement avec les Dieux, sans parler de sa propre expérience avec Eux à Metsūjū, il était un peu plus blasé.


Il se concentra plutôt sur une question qui le taraudait depuis un moment :

« Le Très Saint était donc au courant pour le Second Prince, et ce depuis le début ?

C'est exact, général Kenryū. »

L'homme aux cheveux d'automne se rembrunit alors.

« Dans ce cas, pourquoi n'a-t'il jamais rien dit ? Vous vous rendez compte que son Altesse aurait pou mourir dans ces terres lointaines et incultes ?! S'il n'était pas venu de lui-même, vous auriez gardé le secret jusqu'à sa mort ?! »

Le prêtre endura les reproches sans se départir de son air serein.

« Son Altesse a bénéficié de la meilleure protection possible : celle des Dieux.

Ah ! Les Dieux n'ont pourtant pas pu protéger mon prince autrefois ! »


Le visage de Gugonjū s'emplit de compassion.

« Ce qui est arrivé au prince Kotōdaro est un tragique accident. Les deux situations ne sont pas comparables car votre prince ne possédait pas le pouvoir des ombres, au contraire du Second Prince.

C'est-à-dire ?

Ne l'avez-vous pas vu de vos propres yeux ? Les Dieux peuvent se manifester par son intermédiaire. »

Se rappelant de son expérience, Kenryū referma la bouche.

« Pourquoi avoir gardé l'existence du Second Prince secrète ? persista-t'il néanmoins.

Je laisserai le soin au Très Saint de répondre à cette question, » fit le prêtre.

Kenryū se tut mais sa mâchoire serrée indiquait qu'il comptait effectivement demander des comptes au Grand Prêtre Amonji dès que l'occasion se présenterait.


~*~


Quand ils arrivèrent au temple le lendemain en cours de matinée, ils tombèrent sur une quasi-forteresse dans les montagnes. Ignatius nota des prêtres au sommet des murs et leur trouva une allure plus martiale que religieuse.

« Alors ils ont aussi des prêtres soldats, commenta Marius à côté de lui.

Ils appellent ça l'Armée Divine, fit Ignatius grâce aux renseignements des Dieux.

Je suppose que c'est le même principe que les Templiers. »

En temps normal, Ignatius aurait aimé continuer à comparer les deux mais une angoisse profonde le saisit en voyant les grandes portes en bois s'ouvrir pour les laisser entrer. C'était dans ces lieux que se trouvait son véritable corps, celui que les Dieux voulaient qu'il réintègre au plus vite.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Le problème était qu'il n'avait toujours pas accepté cette histoire d'âme vagabonde et de corps emprunté. Il avait pu éviter d'y penser durant leur voyage car il y avait eu bien d'autres problèmes plus urgents. À présent, il ne pouvait plus se voiler la face. Ses mains se crispèrent sur les rênes de sa monture tandis qu'ils pénétraient dans l'enceinte du temple. Ils descendirent de cheval dans la vaste cour et des moines s'occupèrent d'emmener les montures dans les écuries. Ignatius se tendit en sentant le pouvoir des ténèbres tout autour de lui. Ce n'était pas le temple principal pour rien ! Il perçut une concentration un peu plus important et se tourna vers le saint Gugonjū. Ils n'avaient pas eu l'occasion de discuter pendant le trajet, cependant Ignatius avait souvent surpris le regard appuyé de l'autre sur lui.


« Votre Altesse, fit le prêtre en s'inclinant respectueusement, le Très Saint Amonji souhaiterait s'entretenir avec vous.

Le voyage a été long et éprouvant, répondit Kenryū à sa place. Son Altesse a besoin de se rafraîchir et de se reposer.

Je comprends, général Kenryū, mais le temps presse.

Dans ce cas, j'escorterai son Altesse auprès du Très Saint. J'espère que vous n'y voyez aucun inconvénient.

Général Kenryū, sachez que son Altesse ne risque rien en ces lieux. Tous autant que nous sommes, nous sommes prêts à donner notre vie pour lui.

Vous savez que j'ai des questions à poser au Très Saint concernant son Altesse. »


Devant le dialogue des deux hommes, Ignatius finit par n'en plus pouvoir :

« Son Altesse aimerait parler pour lui ! »

Cela lui valut l'attention générale. Il inspira et déclara :

« Je rencontrerai le Très Saint Amonji seul et après m'être changé.

Votre Altesse, protesta tout de même Kenryū.

Vous avez des questions pour lui, mais moi aussi ! » rétorqua-t'il.

Kenryū ne put que s'incliner face à sa détermination. Gugonjū esquissa un sourire en voyant que le Second Prince avait un caractère bien trempé malgré son jeune âge. Cela promettait un futur intéressant.


~*~


Ignatius découvrit que les démons étaient très méticuleux en matière de propreté : les gens se lavaient tous les soirs et se rafraîchissaient en d'autres occasions. Du coup, ils ne se contentaient pas d'une simple bassine en cuivre comme les Vites. Les bains pouvaient être de grands bassins d'eau fumante. Ignatius n'y resta que le temps de se débarrasser de la crasse du voyage et du siège. Il enfila la tenue blanche et orange de prêtre car il n'y avait que ça dans le temple. Il y avait plusieurs couches de vêtements, une sophistication qu'il ne comprenait pas. Ensuite, un jeune moine le conduisit dans une pièce qui donnait sur une vaste cour dont le sol était constitué de sable grisâtre. Un immense rocher se trouvait à une extrémité et des sillons parcouraient le sable. Ignatius contempla cela avec perplexité.

« Ce jardin invite à la méditation et la sérénité, » fit soudain une voix derrière lui.


Il se retourna et vit un homme âgé vêtu comme les autres prêtres, sauf qu'il avait une ceinture noire au lieu d'orange. L'aura de ténèbres autour de lui ainsi que la réaction des Dieux servirent de présentation.

« Très Saint Amonji, fit-il en inclinant la tête.

Les yeux violets du vieil homme se posèrent sur lui, perçants.

« Votre Altesse, répondit-il en inclinant la tête un peu plus bas que lui. C'est un honneur que de vous rencontrer... de nouveau. »

Devant l'air perplexe du jeune homme, il s'expliqua :

« Cela fait quatre ans que nous prenons grand soin de votre corps, on peut donc dire que je vous connais déjà un peu.

Oh, ce n'est qu'un corps. Ce n'est pas moi. »

Ignatius devint un peu irritable à la mention de son corps. Amonji le perçut et eut un sourire rassurant.

« Le corps et l'âme sont liés, c'est incontestable. Le pouvoir des ténèbres est présent dans les deux vous. Même si je n'avais pas su qui vous étiez, je vous aurai forcément reconnu, votre Altesse. »

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Le grand prêtre n'insista pas sur ce sujet et l'invita à s'asseoir à la table basse. Un prêtre leur servit du thé. Amonji passa ensuite au sujet principal :

« Votre Altesse, je me doute que vous avez bien des questions. N'hésitez pas, je vous répondrai au mieux.

Dois-je vraiment y retourner ? demanda directement Ignatius.

À Kurojū ?

Dans cet autre corps. »

Visiblement, Amonji ne s'était pas attendu à ça. Malgré cela, il fit de son mieux pour trouver des arguments :

« C'est là qu'est votre place en ce monde. »

Sa place en ce monde. Ignatius baissa les yeux sur le service à thé fleuri. Cela faisait des années qu'il la recherchait. Il avait cru l'avoir trouvée auprès des Archanges mais la Croisade avait anéanti cette conviction. Pour autant, il aspirait toujours à trouver sa place alors forcément, il était tenté d'y croire de nouveau. Il aurait ainsi une famille : le grand frère qu'il connaissait déjà, ainsi qu'un père. Le seul problème était...


« Je ne veux pas être dans le corps d'un enfant.

Pourquoi donc ?

Vous apprécieriez, vous ? » lui renvoya-t'il.

Cela fit rire le prêtre.

« Revivre mon enfance ? Oui, j'aimerais beaucoup.

Alors prenez ma place, suggéra gentiment Ignatius.

Cela ne fonctionne pas comme ça, refusa Amonji en secouant la tête. Chacun a sa place et son rôle à jouer. De plus, vous êtes un enfant, même si vous vous refusez à l'accepter. »

Les yeux vert clair du jeune homme s'illuminèrent de contrariété.

« Moi, un enfant ? Je vous signale que je suis un général qui a déjà été au combat et que j'ai tué des gens, sans doute bien plus que vous. Je ne me sens donc pas du tout un enfant ! »

Les yeux du vieux prêtre s'assombrirent.

« Tuer n'est pas ce qui fait de vous un homme, répliqua-t'il doucement. En plus, comment pourriez-vous savoir ce que c'est que d'être un enfant puisque vous n'avez pas eu l'occasion d'en être un ? »

C'était une très bonne remarque.


Ignatius se renfrogna :

« Dans tous les cas, ce n'est pas le bon moment. Je dois être en mesure de me protéger.

Tout le monde autour de vous est prêt à vous protéger, votre Altesse.

Ah ! je n'ai pas survécu jusqu'ici en comptant uniquement sur la protection des autres ! »

Le regard du vieil homme se remplit de compassion.

« Vous n'avez pas eu une vie facile, reconnut-il. Cependant, les Dieux ont toujours veillé sur vous et Ils continueront à le faire. »

Ignatius sentit les ombres se presser auprès du coussin de sol qu'il occupait, comme pour appuyer les propos du prêtre. Malheureusement, cela n'émut pas le jeune homme qui renifla.

« Je préfère être capable de me défendre.

Ah, c'est donc le jeune âge qui vous dérange ? »


Le prêtre parut avoir touché une corde sensible. Ignatius soupira.

« À peine quatre ans, c'est déjà très jeune pour un Vite, alors un humain...

Rassurez-vous, il n'y a que très peu de différence durant les premières années.

Est-ce qu'un enfant de cet âge peut au moins marcher ? Parler ? Être propre ? »

En d'autres circonstances, cela aurait fait rire le prêtre mais il se retint devant le désemparement sincère du jeune homme. Au vu de sa situation incroyable et inédite, un peu de compréhension serait la bienvenue.

« Et si je vous montrais ? suggéra-t'il soudain. Vous auriez une meilleure idée comme ça.

Me montrer quoi ? Le... le garçon ? hésita Ignatius.

Votre corps, oui. »

Le jeune afficha aussitôt des soupçons qu'Amonji s'empressa de dissiper :

« Vous avez ma parole que personne ne tentera de vous faire réintégrer ce corps de force. C'est juste pour que vous le voyez. »

Ignatius fixa le prêtre un moment, puis les ombres mouvantes. Il finit par faire :

« Entendu. »


~*~


Le temple de Myūjin ét ait un lieu calme et empreint de sérénité. Même s'il abritait presque un millier de personnes, les gens se déplaçaient dans un silence presque surnaturel et ne parlaient qu'à voix basse. Ici, on ne parlait pas pour rien dire. Même les visiteurs, impressionnés par les lieux, se pliaient inconsciemment à cette règle du silence. Alors tout le monde ne put qu'être choqué d'entendre une voix s'élever subitement et résonner dans les murs :

« Vous vous foutez de moi ?! Vous voulez que je devienne ça ?! Hors de question ! »

On vit ensuite débouler le Second Prince dans la cour d'un pas furieux et qui se dirigeait – ou fuyait ? — vers les portes. Avant que quiconque n'ait pu réagir, un prêtre se dressa devant lui, sa double lance à la verticale : c'était Gugonjū.

« Votre Altesse, que...

Hors de mon chemin ! l'interrompit Ignatius. Je ne resterai pas un instant de plus ici ! »

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Le prêtre ne fit pourtant pas mine de bouger.

« Et si vous preniez le temps de vous calmer et de réfléchir ?

Tu veux m'empêcher de partir ? » accusa le jeune homme en plissant les yeux.

Des flammes se formèrent autour de lui. Cependant, leur forme n'était pas très nette, comme si Ignatius avait du mal à les contrôler. Gugonjū réagit aussitôt en faisant tournoyer sa lance devant lui. Avant que le jeune homme ne passe à l'attaque, le prêtre posa son arme à plat devant lui en s'agenouillant dans un mouvement souple.

« Votre Altesse, jamais je ne m'opposerai à vous, assura-t'il d'une voix ferme. Mais partir sur le coup de la colère n'est jamais une bonne idée, quelle que soit la situation. »

Si le prêtre s'était montré agressif, Ignatius aurait pu l'attaquer pour se défouler mais là, il n'allait quand même pas s'en prendre à un homme à genoux et désarmé.


Agacé, il renifla.

« Je ne suis pas en colère, fit-il d'un ton qui démentait ses propos. Je m'oppose juste au sort infâme que vous me réservez !

Vous rendre votre corps ? » demanda Gugonjū en clignant des yeux.

Cela raviva l'irritation d'Ignatius.

« Ce n'est pas mon corps ! » fit-il en détachant bien chaque mot.

Le regard que lui lança le prêtre fut le même que s'il était un enfant qui faisait un gros caprice. Bien entendu, cela ne l'aida guère à se calmer.


« Que se passe-t'il ? » fit le général Kenryū en arrivant avec ses hommes.

Il y avait aussi les trois Archanges, Kaname et Chiharu. Tous fixaient Ignatius avec stupéfaction et inquiétude. Ce dernier ne put donc que prendre sur lui et éteignit d'une pensée les flammes autour de lui.

« Rien, fit-il d'un ton passablement énervé. Mais je vous préviens, je n'irai pas dans cet autre corps ! »

Sur ce, il se dirigea vers l'un des pavillons, là se trouvaient leurs logements temporaires. Les trois Archanges échangèrent un regard avant de le suivre. Personne d'autre ne s'y risqua.


De manière incongrue, Kenryū lâcha un léger rire qui s'entendit bien dans le silence gêné. Kaname le fixa avec de grands yeux étonnés.

« Ce garçon a vraiment le même caractère entêté que mon prince, expliqua-t'il d'un air nostalgique.

C'est vrai que je le trouve bien plus émotif ces derniers temps, reconnut Kaname.

Tant mieux. Au moins, ça prouve qu'il n'est pas insensible comme les Hikari. Je préfère qu'il tienne son caractère du côté impérial.

Vous êtes sûr ? »

Kenryū grimaça un moment puis sembla partagé.

« Si on a juste le choix entre les deux... »

Il n'eut pas besoin d'en dire plus : les Hikari étaient insensibles, calculateurs et sournois, tandis que les Kakurō étaient des têtes de mules pas possibles. Le choix était donc très difficile.


~*~


Ignatius ne s'était toujours pas calmé et faisait les cent pas dans ses quartiers, sous les regards soucieux des Archanges. Lucius n'y tint plus et lui demanda :

« Mais qu'est-ce qui t'arrive à la fin ? »

Il n'avait jamais vu le jeune homme s'énerver à ce point. Autant c'était rassurant de le voir manifester des émotions, autant c'était inquiétant de la part de quelqu'un qui avait l'habitude d'endurer sans se plaindre. En tout cas, la question parut raviver la colère d'Ignatius.

« Leur grand prêtre m'a montré le corps dans lequel ils veulent que je retourne. C'est hors de question !

Pourquoi ? Quel est le problème ?

C'est un enfant ! » répondit Ignatius avec un regard appuyé.

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Lucius cligna des yeux.

« Oui mais ça, tu le savais déjà, pas vrai ? Tu n'as que quatre ans, tu es donc un enfant.

Il y a une différence entre un enfant et un enfant  ! »

L'Archange blond se demanda s'il n'y avait pas une nuance qui lui échappait. Étonnamment, Marius fut bien le seul à comprendre :

« Il est si petit que ça ? »

Ignatius grommela et écarta les deux mains pour indiquer la taille. Lucius plissa le front.

« Ça n'est pas possible.

C'est bien ce que je dis !

Hum non, je veux dire que cette taille est impossible. Même un bébé à la naissance est plus grand que ça. »

Ignatius baissa les yeux sur ses mains qu'il n'avait écartées que d'une vingtaine de centimètres. Il les agita avec agacement.


« Peu importe la taille, je ne veux pas et ne peux pas entrer dans un corps aussi minuscule !

Oh, tu as donc peur d'être le plus petit d'entre nous ? » lança Marius avec une lueur de provocation dans le regard.

Ignatius expira bruyamment.

« Même ta taille me conviendrait toujours mieux. »

Marius eut un sourire crispé et brandit son poing devant lui. Lucius lui baissa soudain la main avec un regard qui disait : Arrête, ce n'est qu'un enfant.

Marius répondit de son côté : Ben non, pas encore.


Le fait d'avoir exposé ses griefs à voix haute parut avoir calmé le jeune homme. Il cessa de s'agiter et soupira lourdement. Lucius en profita pour intervenir :

« Qu'est-ce qui te gêne vraiment ? Dis-nous.

Tu veux dire, à part le fait d'être un gamin incapable de se protéger ?

Euh... oui. »

Ignatius renifla.

« Ce n'est pas déjà plus que suffisant ? Je te rappelle que les Hikari veulent ma mort et que tout le monde ici les considère comme invincibles. Si je retourne dans cet autre corps, je ne survivrai pas longtemps !

Sauf si nous sommes là pour te protéger. »


La déclaration de Lucius surprit tout le monde — même Marius qui se dit aussitôt qu'il aurait dû le voir venir. Le regard d'Ignatius se troubla.

« Je... je ne peux pas vous demander ça. Après tout, cette histoire ne vous concerne pas.

Si elle concerne un de nos frères, alors elle nous concerne tous, » déclara Lucius d'un ton un peu pompeux.

Marius ricana intérieurement devant l'hypocrisie d'un de ses frères et la naïveté de l'autre. Mais bon, Ignatius avait au moins l'excuse d'être un enfant.

« Je pensais que vous voudriez rentrer au plus vite. »

Cette fois, Marius ne retint pas son rire amer, ce qui lui valut le regard de ses frères.

« Rentrer où ? fit-il. Notre mission est un échec et le pire dans tout ça, c'est que je suis bien content d'avoir échoué. »


Lucius le réprimanda aussitôt :

« Marius !

Ben quoi ? Si on avait réussi à tuer l'Antéchrist, on aurait joué le jeu des Hikari. Comment expliquer tout ça à Père ? En admettant qu'il accepte encore de nous recevoir si nous revenons sans avoir réussi la mission. »

Lucius se mordit les lèvres, visiblement troublé.

« Il faudrait quand même que nous prévenions Père que les Hikari l'ont manipulé. »

Cela fit sourire Marius qui songea :

« Tiens donc, ta loyauté envers notre père n'a pas totalement disparu alors ? »

Il reprit à voix haute :

« En plus, Gaïus a déjà dit qu'il ne partirait pas d'ici. »


Les regards se posèrent sur le plus grand des Archanges qui avait un sourire apaisé. Bien que toujours aussi peu bavard, il avait l'air bien plus heureux sur la terre des démons.

« Alors autant rester, conclut Marius en haussant les épaules. En plus, ce sera bien pratique d'avoir un frère haut placé... à défaut d'être haut lui-même.

– Marius ! » se fâcha de nouveau Lucius tandis qu'Ignatius se renfrognait.

Toutefois, cela avait eu le mérite de détendre l'atmosphère. Ignatius commençait même à se projeter dans l'avenir... avec cet autre corps. Mais avant ça, il y avait une chose importante à régler :

« Il est temps de passer à l'offensive contre les Hikari. Je veux qu'ils soient vaincus avant... avant de changer de corps. »

Lucius et Marius acquiescèrent.


Notes du chapitre :
(1) Nom posthume de Harutō.






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