Alternative 1.1 : Destin inéluctable (partie 3)
Ce qui était évident pour certains ne l'était pas forcément pour d'autres. La suggestion d'Ignatius eut du mal à passer. Sans surprise, Kenryū fut le premier à s'y opposer fermement :
« Votre Altesse, vous n'y pensez pas ! »
Ignatius lui lança un regard perplexe.
« Puisque je vous en parle c'est bien que j'y ai pensé, non ? »
Kenryū en resta sans voix. Kahiro se lança avec un peu plus de tact :
« Les Hikari sont des adversaires redoutables. On ne peut pas les vaincre comme ça.
– Quoi, vous allez me dire vous aussi qu'ils sont invincibles ?
– … »
Ce fut au tour de Kahiro de ne plus trouver ses mots.
Gugonjū se risqua à son tour, montrant une meilleure compréhension du caractère du Second Prince :
« Vous envisagez une confrontation directe ou bien de les tuer par petits groupes, comme vous avez fait jusqu'à maintenant ?
– Ce serait bien trop long, soupira Ignatius. D'un autre côté, je ne pense pas qu'ils soient du genre à venir nous affronter directement.
– Même sans ça, renchérit Amonji, ils ne peuvent pas s'approcher à moins d'une journée du temple. L'énergie des ténèbres les repoussent. »
Ignatius lança un regard à Lucius, qui en avait fait l'expérience à plus faible dose.
« Quoi que vous décidiez, l'Armée Divine est à vos ordres, assura Gugonjū. Mais si nous quittons la protection du temple, nous serons impuissants contre la magie des Hikari. Nous sommes prêts à donner nos vies, bien entendu. Toutefois, je pense que vous préféreriez éviter des sacrifices inutiles.
– Vous avez raison, Saint Gugonjū. Je n'ai pas l'intention de gaspiller des vies. »
Il prit un air songeur.
« Vous connaissez les Hikari mieux que moi. Vous ne voyez rien qui pourrait les pousser à la confrontation ?
– Ce sont des sournois qui ne savent qu'agir en traîtres, fit Kenryū qui avait retrouvé sa voix. Ils préfèrent manipuler les autres plutôt que de se salir les mains. C'est déjà bien surprenant qu'ils soient venus en personne pour nous attaquer.
– C'est parce qu'ils auraient eu bien du mal à justifier une attaque contre le Premier Prince et moi-même, » intervint Kaname.
En temps ordinaires, une femme n'aurait jamais pu participer à un conseil de guerre. Toutefois, l'Impératrice s'était montrée étonnamment avisée et connaissait bien les Hikari, elle aussi. Elle pouvait donc leur apporter de précieux conseils.
« Je pense que cela ne pourra pas se résoudre par un combat, poursuivit-elle. La seule manière de vaincre les Hikari, c'est de les discréditer aux yeux de l'Empereur.
– Plus facile à dire qu'à faire, fit amèrement Kenryū. Vous avez bien vu comme sa Majesté croit tout ce qu raconte cette vipère de Shumē. Aucun de nous n'a le pouvoir de convaincre l'Empereur que son précieux conseiller n'est qu'un traître avide de pouvoir !
– Aucun de nous, vraiment ? » releva Kaname avec un fin sourire.
Son regard se porta sur Ignatius, qui haussa aussitôt les sourcils.
« Moi ? Je ne le connais même pas !
– Tu es son fils, assura la femme, et aussi la preuve vivante que les Hikari ont menti. Même Tegami ne pourra plus se voiler la face en te voyant. »
Ignatius eut aussitôt un très mauvais pressentiment.
« Quand tu parles de me voir, tu veux dire...
– Dans ton véritable corps, oui. »
Il ressentit alors une bouffée d'agacement familière. Pourquoi fallait-il qu'on en revienne toujours à ça ? Et le pire, c'était que les autres semblaient approuver son idée ! Le but était pourtant de vaincre les Hikari avant d'envisager l'idée de se retrouver dans ce corps minuscule et tout faible.
« Vous êtes sûrs de pouvoir m'emmener jusqu'à l'Empereur sans que les Hikari nous interceptent et me tuent en chemin ? »
Kenryū se figea, étant le principal intéressé par cette question de sécurité.
« Nous sommes évidemment prêts à donner notre vie pour vous, votre Altesse.
– Même si vous vous faites tuer, cela ne retardera pas longtemps les Hikari et vous n'arriverez pas à en tuer beaucoup. Tâchons plutôt de prévoir un plan où le moins de gens possibles meurent. »
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Le général aux cheveux d'automne lança alors un regard réticent vers les trois autres Archanges.
« Ces... vos amis sont aussi capables de tuer les Hikari. Je suis certain qu'ils ne refuseront pas d'assurer votre protection.
– Cela va sans dire, » déclara Lucius avec un sourire triomphant.
Ignatius ignora l'animosité entre ces deux-là et préféra chercher un nouveau moyen d'échapper à son sort.
« Bon, admettons que par chance, j'arrive vivant devant l'Empereur. Les Hikari vont forcément tenter le tout pour le tout et me tuer à ce moment-là.
– Oh non ! s'écria Kaname. Tegami ne laisserait jamais passer ça !
– Vous avez bien dit qu'il croit tout ce que lui dit ce Shumē. Il n'aura qu'à lui dire que je n'étais pas réel... comme une vision... ou un esprit. »
Kaname pâlit et ne protesta plus. Elle n'y aurait jamais pensé, mais cela lui semblait fort plausible. Les Hikari étaient des experts à en manipulation et l'Empereur était aveugle à tous leurs mensonges et duperies.
Une idée frappa soudain Ignatius :
« Au fait, vous croyez que les Hikari savent pour moi ? »
Aux regards perplexes qu'il reçut, il précisa :
« Que je suis toujours en vie et que mon corps est là, tandis que mon âme est ici, dans un corps de Vite ? »
Ce fut Amonji qui répondit à cette question épineuse :
« Ils ne devaient sans doute rien soupçonner avant, mais à présent que vous êtes apparu dans l'Empire et que vous avez commencé à tuer des Hikari, je pense qu'ils vont faire le lien, si ce n'est pas déjà fait. Et puisque l'Impératrice et le Premier Prince sont venus trouver refuge ici, les Hikari vont deviner que ce n'est pas juste pour la protection des Dieux. »
Lucius intervint à son tour :
« N'oublie pas que les Hikari ont eu des contacts réguliers avec notre père. Ce sont même eux qui lui ont procuré les Archanges. Je pense qu'ils vont vite se douter que tu es l'Archange du Feu.
– Un autre pourrait avoir ce pouvoir, objecta-t'il. Après tout, Marius et Gaïus sont des Archanges, mais ils n'ont rien à voir avec les Hikari !
– Sauf que le feu relève de la lumière, firent les Dieux. Seul quelqu'un avec du sang Hikari peut avoir ce pouvoir, comme cet autre là qui manipule la lumière. »
Et il n'y avait pas tant de gens que ça qui avaient survécu à un rituel satanique. Les Hikari allaient donc forcément comprendre la situation.
« Dire qu'ils m'ont envoyé pour tuer mon frère, songea Ignatius en serrant les poings. Ce sont vraiment des monstres. »
Il n'employait que rarement ce mot mais là, il était plus qu'adapté. Les Dieux approuvèrent de tout cœur.
« Si les les Hikari ne savaient pas qui vous êtes, argua Kenryū, pourquoi auraient-ils envoyé des gens sur la route pour vous tuer ?
– Ce sont deux choses différentes, répliqua Ignatius. Les deux groupes de Hikari qui nous ont intercepté n'ont pas du tout fait attention à moi, c'est à vous qu'ils se sont adressés. Mais bon, mieux vaut prévoir le pire des scénarios. Faisons comme s'ils savaient que je suis en vie. Ils voient qu'avec Kaname et Chiharu, nous sommes venus ici au lieu de nous rendre au palais pour exposer leur mensonge. D'après vous, comment vont-ils réagir ?
– Comme ils ne peuvent pas s'approcher du temple, fit Kahiro, ils vont sûrement envoyer l'Armée Impériale pour assiéger Myūjin sous un faux prétexte.
– Ah, ils peuvent toujours essayer ! fit Kenryū avec un sourire féroce. Si l'Armée Impériale vient ici, je n'aurai qu'à leur parler et leur expliquer la folie des Hikari. Ils se joindront alors à nous ! »
Quelque peu sceptique, Ignatius lança :
« Vous êtes sûr qu'ils vous écouteront ? »
Le général redressa le menton d'un air fier.
« Bien sûr ! L'Armée Impériale reste fidèle à l'Empereur quoi qu'il arrive, et tout le monde sait qu'il n'y a pas plus fidèle que mon clan Inugami. Ils m'écouteront !
– Il n'y a vraiment pas un ou deux commandants ambitieux qui vont en profiter pour s'allier aux Hikari ? »
La mine de Kenryū s'effondra lentement tandis que le doute l'envahissait.
« C'est... c'est impensable ! » s'écria-t'il pour chercher à se convaincre.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Ignatius soupira.
« Rien n'est impensable, général Kenryū, et surtout pas avec les Hikari. Je pensais que vous l'aviez compris depuis. Il nous faut donc envisager toutes les possibilités et nous préparer au pire.
– Si tu veux la paix, prépare la guerre, approuva Lucius.
– Tout à fait. »
Le général les fixa tous les deux, puis se désespéra :
« Alors il n'y a vraiment rien à faire ?
– Il est toujours possible de faire quelque chose, contra Ignatius. Il va juste falloir que nous nous montrions créatifs afin de les prendre au dépourvu. »
Il se mit à résumer les faits :
« Une offensive directe contre les Hikari n'est pas faisable et n'apporterait rien, à part des morts inutiles. La meilleure chose à faire est donc de convaincre l'Empereur de leur traîtrise, sauf que l'Empereur les écoute aveuglément. Alors même si on venait lui présenter la vérité en face, les Hikari trouveraient le moyen de nous discréditer quand même. »
Il soupira lourdement arrivé à ce point et se mit à réfléchir, imité par les autres autour de lui.
« Ne serait-il pas possible que les... les Dieux contactent directement l'Empereur pour lui révéler la vérité ? » suggéra Kahiro avec un léger malaise en parlant des Dieux.
Kaname secoua la tête.
« Si Tegami écoutait les Dieux, nous n'en serions pas là aujourd'hui, grand frère, fit-elle avec un triste sourire.
– Une minute, intervint Kenryū, qu'en est-il du Rituel d'Invocation ? Je sais que Tegami doit le pratiquer tous les ans ! »
Kaname prit un air gêné, tandis qu'Amonji soupira tristement.
« Il... Cela fait des années qu'il ne le pratique plus, avoua l'Impératrice.
– Les Hikari ont même réussi à lui faire abandonner son devoir sacré ?! » s'indigna le général.
Amonji prit la parole d'un ton grave :
« Je ne pense pas qu'ils aient beaucoup eu à insister. Quand nous étions encore les bienvenus à la Cour, j'ai eu plus d'une fois l'occasion de discuter avec sa Majesté, qui n'était encore qu'un tout jeune homme. Après avoir perdu son oncle, son grand frère, son père et sa mère, sa foi en ses Ancêtres était déjà bien vacillante et il était même très en colère contre Eux. »
Kaname prit un air peiné.
« Et la perte de son fils cadet n'a certainement pas aidé, ajouta-t'elle. Dans le fond, Tegami a toujours eu l'impression qu'il avait volé tout ce qui aurait dû revenir à son grand frère et n'a jamais fait confiance aux gens autour de lui, hormis les Hikari. »
Pendant que les gens se remémoraient ces tristes événements passés, Ignatius écoutait attentivement les Dieux qui suggéraient quelque chose.
« Je peux faire ça, vraiment ? » s'étonna-t'il à voix haute.
Les ombres acquiescèrent. Ignatius releva donc la tête et croisa les regards étonnés et expectatifs. Il expliqua :
« D'après les Dieux, si je touche l'Empereur, je pourrai alors l'envoyer de force dans le monde des esprits et comme ça, les Dieux pourront directement s'adresser à lui. »
Cela lui valut des regards interloqués.
« Tu peux vraiment faire ça, Haruni ? s'enquit Kaname d'un ton hésitant.
– Les Dieux disent que oui.
– Mais est-ce que les Dieux seront capables de le convaincre ? hasarda Lucius, un peu circonspect. Vous vous accordez tous à dire que personne ne peut lui faire voir la vérité en face sur les Hikari. »
Assez étrangement, Kenryū lâcha un léger rire.
« Ne vous en faites pas pour ça, fit-il d'un ton presque joyeux. S'il y a une chose pour laquelle le clan Kakurō est bien connu, c'est son entêtement. Même si Tegami est aussi une tête de mule, il sera incapable de résister face à tous ses Ancêtres têtes de mule ! »
Marius ricana à son tour et fila un coup de coude à Ignatius.
« Toute une famille de têtes de mule, je te reconnais bien là, le nargua-t'il.
– Je ne suis pas une tête de mule, » objecta Ignatius en fronçant légèrement les sourcils.
Il se tourna vers Lucius, en quête d'approbation, mais ce dernier toussota dans son poing, préférant ne pas prendre parti.
Le plan proposé par les Dieux à travers Ignatius sembla plaire. Toutefois, il n'était pas sans poser de problèmes.
« S'il suffit que vous touchiez l'Empereur, votre Altesse, fit Kahiro, alors le plan initial de ma sœur est de nouveau envisageable. Nous n'avons qu'à vous ramener à Kurojū. Une fois en présence de l'Empereur, vous pourrez agir.
– N'importe qui peut approcher l'Empereur chez vous ? lança Ignatius en se renfrognant.
– Non, bien sûr que non, admit Kahiro. Mais si vous retournez dans votre corps... »
Encore une fois, ils semblaient vraiment déterminés à ce qu'il regagne ce corps minuscule au plus vite. Pourtant, Ignatius n'avait pas l'intention de faire ça tant que la menace Hikari ne serait pas éliminée une bonne fois pour toute !
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Pour une fois, les Dieux furent d'accord avec lui.
« Les Dieux disent que Leur action ne sera pas immédiate et que l'Empereur sera désorienté et confus après ça. Qui sait ce que les Hikari pourront faire pendant ce laps de temps ? »
Kahiro pâlit, comprenant tout le danger que cela représentait. Les Hikari pourraient en profiter pour les accuser d'avoir essayé d'attenter à la vie de l'Empereur et les feraient exécuter sur le champ par la garde.
« Il faudrait donc que vous parveniez à approcher l'Empereur en privé, » fit Kenryū en réfléchissant.
Ignatius plissa soudain les yeux.
« J'ai un plan, affirma-t'il d'une voix assurée. Nous allons tous aller à Kurojū. »
Quelques jours après, l'Impératrice et le Premier Prince revinrent à Kurojū, accompagnés du général Kenryū et d'une dizaine de soldats. Si l'Empereur accueillit chaleureusement son fils et le serra dans ses bras, soulagé qu'il soit sain et sauf, il se montra nettement plus froid envers son épouse et le général. Dans le Pavillon Principal, en présence du seigneur Shumē qui observait le tout, il n'hésita pas à les réprimander :
« Pourquoi vous n'êtes pas revenus directement ? Ah, je n'aurais vraiment jamais dû laisser partir Chiharu !
– Votre Majesté, fit Kaname selon le plan établi, c'est moi qui ai insisté pour me rendre au temple de Myūjin avant de revenir. Toutes mes excuses.
– Et que vouliez-vous faire là-bas ? »
Le regard de Kaname s'adoucit et elle fit :
« Je voulais rendre grâce aux Dieux d'avoir épargné notre fils ainsi que ma famille.
– Vous auriez pu faire vos prières ici, rétorqua l'Empereur.
– Cela n'aurait pas eu la même portée, puisqu'il n'y a plus de prêtre à la Cour. »
Tegami la fixa d'un air dur. C'était lui qui avait chassé les prêtres du palais et qui n'honorait les Dieux que pour la forme. Mais cela, il ne l'aurait jamais avoué à voix haute. Il reporta donc sa colère sur l'autre personne présente :
« Général Kenryū, vous l'avez donc laissée faire ? En tant que père, j'aurais cru que vous au moins auriez compris que je souhaitais revoir mon fils au plus vite. »
Le concerné s'inclina bien bas.
« Je ne pouvais pas désobéir à sa Majesté, fit-il. De plus, j'ai fait envoyer un messager pour vous avertir et vous rassurer concernant le Premier Prince. »
Tegami haussa un sourcil fin et élégant.
« Seigneur Shumē, fit-il à l'homme à ses côtés, avons-nous reçu un tel message ?
– Non, votre Majesté, » répondit Shumē.
Pour autant, Kenryū ne se démonta pas.
« J'enquêterai personnellement pour savoir ce qui s'est passé. Ce n'est pas normal que ce message se soit perdu ! »
Kenryū avait une réputation de droiture et d'honnêteté. Alors dans cette situation, même Shumē ne se risquerait pas à le traiter de menteur sans une preuve concrète.
« Quoi qu'il en soit, mon épouse sera confinée dans ses appartements jusqu'à nouvel ordre, déclara Tegami d'un ton sévère. Quant à vous, général Kenryū... n'allez pas croire que je n'ai pas de doutes sur vos agissements. Vous allez être tenu à l'œil désormais ! »
Les deux concernés s'inclinèrent pour accepter la décision de l'Empereur.
Tegami quitta la salle, accompagné de deux servants, tandis que Shumē restait là. Son regard semblait à la fois calculateur, hésitant et méfiant. Il finit par descendre les marches pour s'approcher d'eux.
« J'ai envoyé un groupe de mes hommes pour vous intercepter, fit-il. Les avez-vous vus ? »
Il avait fait exprès de modifier un peu la vérité afin de les tester. Il examina attentivement leurs expressions, y cherchant le moindre indice.
« Nous n'avons croisé aucun Hikari sur la route, seigneur Shumē, répondit Kenryū.
– Vraiment ? » insista-t'il en haussant un sourcil.
Le général aux cheveux d'automne conserva une expression neutre.
« Ces
hommes ont dit qu'ils nous avaient vus ? »
répondit-il en contre-attaquant.
Les deux s'affrontèrent
du regard un moment. Les pupilles dorées de Shumē se
contractèrent soudain, ayant tiré ses propres
conclusions des non-dits de leur conversation. D'un air crispé,
il se détourna sans même les saluer, ce qui était
une grave infraction à l'étiquette, et partit à
son tour.
Une fois qu'ils sortirent du Pavillon Principal à leur tour, Kaname poussa un soupir de soulagement.
« Cela s'est bien passé, » fit-elle à voix basse.
Ils étaient entourés des servants de Kaname, qui lui étaient par conséquent fidèles, mais ils ne savaient pas s'il n'y avait pas des oreilles indiscrètes qui se trouvaient dans les environs. La Cour n'avait jamais été un endroit sûr, même avant les intrigues des Hikari.
« Shumē se méfie, répondit Kenryū sur le même ton. Je ne pense pas qu'il a deviné la vérité, mais il sait que notre retour cache quelque chose.
– Il peut nous faire surveiller, répliqua Kaname avec un léger sourire. Ce n'est pas de nous dont il doit avoir peur. »
Kenryū hocha la tête.
« Désormais, tous est entre les mains de ces quatre-là. »
Le soir était tombé sur la capitale. Dans le palais, les gens se retiraient peu à peu et il ne restait plus que les gardes ou les servants pour arpenter les couloirs et allées. Cependant, deux personnes qui n'appartenaient à aucune des deux catégories mentionnées arpentaient les jardins autour du Pavillon Impérial.
« Tu es sûr que c'est là ? demanda Lucius à voix basse. Tous ces pavillons se ressemblent.
– Ils disent que c'est bien là, » répondit Ignatius sur le même ton.
Les Dieux étaient évidemment les meilleurs guides possibles dans le palais. Lucius ne répliqua plus et examina le grand pavillon qui abritait les appartements de l'Empereur. La coutume voulait que la famille impériale ne vive pas au même endroit : chacun avait son pavillon et les bâtiments étaient assez éloignés les uns des autres. C'était une coutume assez étrange mais en l'occurrence, cela arrangeait bien les Archanges qui voulaient voir l'Empereur en tête à tête.
Le plan d'Ignatius était assez simple, mais contenait une touche d'audace. Pour commencer, Kaname devait revenir à la Cour afin d'attirer sur elle l'attention des Hikari. C'était la partie dangereuse, car les Hikari pouvaient très bien l'éliminer à ce moment. Pendant ce temps, les quatre Archanges, qui s'étaient mêlés aux soldats qui escortaient l'Impératrice, profiteraient de la nuit pour que deux d'entre eux s'introduisent en douce dans les quartiers de l'Empereur. Là, Ignatius le ferait entrer dans le monde des esprits où les Dieux se chargeraient de le raisonner. Et ensuite... le reste était encore à déterminer. Kenryū n'avait bien sûr pas approuvé tout de suite ce plan, car cela mettait en danger l'Impératrice et le Premier Prince. Kahiro n'avait pas non plus aimé, car cela l'obligeait à rester en retrait. Malgré ça, Ignatius avait réussi à se faire entendre et le plan avait été accepté.
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Voilà pourquoi deux des Archanges étaient en train de se cacher derrière les arbres, à guetter ce qui se passait dans les appartements de l'Empereur. Ils virent soudain un petit groupe quitter le pavillon, plusieurs lanternes illuminant leur chemin. Ils purent voir au milieu des servants une femme dont la chevelure blonde semblait percer l'obscurité de la nuit. Ignatius fronça les sourcils.
« C'est la concubine Hikari, chuchota-t'il à son compagnon. Kaname m'a dit qu'elle passait toujours les soirées avec l'Empereur, mais qu'elle ne restait pas la nuit.
– C'est donc ta mère, » commenta Lucius d'un ton intrigué.
Ignatius lui lança un regard lourd de sens.
« Il faut que tu t'y fasses, conseilla Lucius d'un ton doux. C'est ta vie à présent.
– Cette… femme ne fera jamais partie de ma vie, » siffla-t'il.
Lucius approuva, comprenant qu'il ne voulait rien avoir avec les Hikari. Lui-même ressentait une horreur et un dégoût incomparables en songeant qu'il était apparenté à ces monstres.
En tout cas, à présent que la concubine s'était retirée, l'Empereur n'allait plus tarder à se coucher. Les deux Archanges attendirent tout de même une bonne heure pour être sûrs qu'il soit bien endormi. Il y aurait encore un servant de garde avec lui, mais il se reposait dans une pièce annexe. Cependant, si l'Empereur appelait à l'aide, le servant serait capable de l'entendre et réagirait aussitôt. Il était donc prévu qu'ils s'occupent d'abord d'assommer le servant avant de se charger de l'Empereur. Les deux jeunes gens entrèrent dans le bâtiment de plain-pied. Ignatius se fia aux Dieux pour repérer le servant et y conduisit son frère. L'homme n'était pas un guerrier et n'opposa que très peu de résistance. Ignatius l'assomma et Lucius se chargea de le ligoter avec une tenture qu'il déchira. Puis ils firent coulisser un panneau et entrèrent en silence dans la chambre de l'Empereur.
Il s'agissait en fait d'une grande pièce qui servait tout aussi bien de séjour, bureau et chambre. Une alcôve au fond accueillait le lit et un paravent servait à assurer l'intimité. La pièce était sombre, aussi Lucius invoqua un peu de lumière pour qu'ils puissent voir où ils mettaient les pieds. Ignatius avança de deux pas avant de s'immobiliser brusquement. Deux sifflements se firent entendre et il recula à temps. Deux petits poignards à lancer se fichèrent dans les épais tapis qui recouvraient le sol. Il était normalement interdit d'être armé dans l'enceinte du palais, sauf pour les gardes naturellement. Toutefois, les Archanges avaient enfreint cette règle vu que de toute façon, ce qu'ils prévoyaient de faire allait à l'encontre de toutes les règles en vigueur en ces lieux. Pour autant, ils avaient opté pour des lames courtes, plus faciles à dissimuler sous des vêtements.
Ignatius lança donc un de ses sabres courts vers le haut. L'arme se planta dans une des dalles du plafond avec un bruit sec, puis le silence se fit. Ignatius leva la tête dans cette direction et fit d'un ton modéré :
« Allez chercher le général Kafūze, nous avons à parler. »
N'obtenant pas de réponse, il poursuivit :
« Nous ne sommes pas là pour faire du mal à l'Empereur. Si vous avez des doutes, votre collègue peut rester nous surveiller. »
Ce faisant, il pointa du doigt un autre endroit du plafond. Après un long moment, une voix étouffée répondit enfin :
« Vous n'avez pas intérêt à mentir !
– Ce n'est pas mon intention. »
La présence s'éloigna, tandis que la seconde changeait discrètement de position. Ignatius poussa un léger soupir.
Il venait de s'adresser à une Ombre. L'Armée de l'Ombre, qui était sous les ordres du général Kafūze, agissait en secret et ses membres servaient d'espions, d'assassins ou de gardes du corps pour la famille impériale. Même si les gens étaient plus ou moins au courant de leur existence, les Ombres ne se montraient jamais ouvertement et même leur général n'apparaissait pas à la Cour. Kenryū était toutefois dans le secret, puisqu'il avait été autrefois très proche de l'Empereur. En général, c'était le frère de l'Empereur qui se chargeait de communiquer avec l'Armée de l'Ombre. Mais comme Tegami était seul, Kenryū avait exceptionnellement assumé ce rôle.
Avec la montée au pouvoir des Hikari, l'Armée de l'Ombre s'était cantonnée au service de l'Empereur mais ne servait pas les Hikari. Ces derniers semblaient même totalement les ignorer. Les Ombres se contentaient alors de protéger la famille impériale des menaces extérieures. Kenryū avait donc prévenu les Archanges qu'ils ne pourraient pas s'approcher de l'Empereur sans avoir affaire aux Ombres. Pour autant, ce n'était pas une mauvaise chose : il était temps que l'Armée de l'Ombre intervienne. Voilà pourquoi Ignatius avait demandé à voir le général Kafūze. Quant à sa capacité à repérer les deux Ombres qui se cachaient derrière les dalles du plafond, il s'était servi pour ça de son pouvoir des ombres.
Le général Kafūze fit son entrée simplement par la porte, l'air tendu mais intrigué. C'était un homme d'âge moyen aux cheveux bleu foncé. Il était vêtu d'une tunique gris foncé avec une capuche. Ses yeux d'un vert perçant dévisagèrent les deux jeunes gens. Il ne posa pas de question mais se contenta d'attendre qu'ils prennent la parole d'eux-mêmes. Une aura de calme et de danger émanait de lui. Ce n'était clairement pas un homme à sous-estimer. Ignatius se lança :
« C'est le général Kenryū qui nous envoie. Nous avons deux missions : ouvrir les yeux de l'Empereur sur les Hikari et obtenir votre soutien pour la suite des événements. »
Le général resta impassible, mais haussa un sourcil.
« Soit le général Kenryū est irréaliste, soit il voulait vous envoyer à votre mort.
– Ni l'un, ni l'autre, assura Ignatius.
– Je suis curieux : comment comptez-vous faire pour sa Majesté ? Bien des proches ont tenté de lui ouvrir les yeux sur les Hikari, en vain. Vous êtes deux inconnus, que pouvez-vous faire ? »
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Contrairement à Ignatius qui parlait à voix basse, Kafūze ne cherchait pas à parler moins fort. Il surprit le regard étonné du jeune homme et expliqua :
« L'Empereur ne risque pas de se réveiller tout de suite. Tous les soirs, la concubine lui fait boire du thé qui, entre autre, le fait dormir jusqu'au matin.
– Entre autre ? releva Ignatius.
– C'est tout ce que vous avez besoin de savoir pour le moment, fit sèchement le général. Vous dites venir de la part du général Kenryū, mais rien ne le prouve. »
Loin de s'offenser, Ignatius apprécia le fait que cet homme se montre méfiant.
« C'est le général Kenryū qui nous a parlé de vous, général Kafūze. Il a dit que vous étiez un homme d'honneur et extrêmement compétent.
– Mais encore ?
– Il a également vanté votre habilité à jouer aux Pierres. »
Cela fit enfin réagir l'autre homme. Son regard se fit plus vif.
« Seul le général Kenryū peut savoir ça, admit-il. Soit, je veux bien accepter que vous avez bien été envoyés par lui. Mais vous n'avez toujours pas répondu à ma question : comment comptez-vous faire voir la vérité à sa Majesté ? »
Ignatius hésita un peu, gêné de prononcer ces mots :
« En fait... ce sont les Dieux qui vont s'en charger. »
Cela ne déstabilisa pas le général pour autant. Il semblait capable d'accepter bien des choses comparé aux autres de son peuple. Il se contenta juste de les examiner de nouveau tous les deux.
« Vous êtes des prêtres ? demanda-t'il simplement.
– Non.
– Alors qu'est-ce qui vous permet de parler aussi facilement des Dieux ? »
Ignatius soupira. Il détestait vraiment faire ça car cela le mettait mal à l'aise, pourtant il n'avait pas le choix. Il leva une main et des ombres s'enroulèrent autour.
Cette fois, le général Kafūze afficha clairement sa stupéfaction. Il fit d'un ton révérencieux :
« Le pouvoir des ombres... Mais seuls les membres du clan Kakurō peuvent avoir ce pouvoir ! Qui êtes-vous donc ? »
Il semblait que plus Ignatius devait s'expliquer aux autres, plus il était obligé d'accepter la vérité sur lui-même. Cependant, il continuait à avoir des réticences. Ce fut donc Lucius qui répondit pour lui :
« C'est le Second Prince. »
Kafūze haussa un sourcil, clairement dubitatif. Lucius précisa alors :
« Il possède son âme, en tout cas.
– C'est une longue histoire, intervint Ignatius qui commençait à en avoir assez. Le plus important pour le moment, c'est que les Dieux puissent parler à l'Empereur pour le remettre dans le droit chemin, tandis que nous devons discuter de la suite des événements. Le reste peut attendre. »
Le général Kafūze ne les croyait pas complètement, cela se voyait. Pourtant, il était ébranlé dans ses convictions. Un peu réticent, il fit :
« Vous ne comptez pas faire du mal à sa Majesté ?
– Pas physiquement, » répondit Ignatius.
Devant le regard interloqué de l'autre homme, il expliqua :
« Les Dieux me semblent assez remontés contre lui, je pense qu'Ils ne vont pas se priver de lui faire la morale. Cela ne sera sans doute pas agréable pour lui car j'ai entendu dire qu'Ils étaient assez têtus dans leur genre. »
Un peu choqué par ses propos naturels sur les Dieux, Kafūze hocha pourtant simplement la tête.
« Très bien, mais je vous surveille de près. »
Soulagé d'avoir obtenu la permission, Ignatius se tourna vers l'alcôve qui abritait le lit de l'Empereur. Il se leva et s'en approcha, le tout dans un silence tendu. Il fit coulisser la porte et découvrit l'homme endormi. Il se força à ne pas s'attarder sur son visage et à faire taire ses sentiments contradictoires. Il posa simplement une main sur son épaule... mais rien ne parut se passer. Les ombres lui soufflèrent quelque chose. Ignatius leva alors la main et gifla subitement l'Empereur. Le bruit sec fit sursauter tous les autres présents. Kafūze était à peine en train de se lever pour intervenir qu'une seconde claque retentit. La tête de l'Empereur vacilla de gauche à droite, puis de droite à gauche.
« Vous êtes malade ?! s'écria Kafūze en lui saisissant le poignet.
– Il doit être conscient pour que ça marche, fit simplement Ignatius.
– Ce n'est pas une raison pour le frapper ainsi ! Il est le protégé des Dieux et... »
Kafūze se tut soudain, ses yeux s'écarquillant.
« Si les Dieux vous laissent faire sans intervenir, cela veut dire que vous êtes vraiment... »
Il n'en dit pas plus, mais relâcha la main d'Ignatius et recula de deux pas. Il lui fallut un moment pour se ressaisir.
« Hum, il y a un autre moyen bien plus doux de le réveiller, » fit-il.
Il fit signe à un de ses hommes qui partit. Très vite, l'Ombre revint avec un petit flacon en verre. Kafūze le tendit à Ignatius en faisant :
« Ouvrez-le près du nez de sa Majesté et faites-lui sentir ça. »
Ignatius obéit aux instructions et une odeur âcre s'échappa du flacon. L'Empereur la respira de très près et se mit aussitôt à toussoter et à s'agiter. Il se releva d'un bond, des larmes aux yeux.
« Qu'est-ce que... Kufu, que veut dire... ? »
Avant d'avoir pu finir sa phrase, l'Empereur remarqua qu'il y avait un inconnu juste à côté de son lit. Il croisa le regard d'Ignatius mais aucune reconnaissance ne se fit. Du côté d'Ignatius, même en sachant qu'il s'agissait de son père, il ne ressentit rien de particulier. Très vite, le regard de l'Empereur se posa derrière lui.
« Général Kafūze ! fit-il d'un ton outré. Expliquez-moi ce qui se passe ! »
Kafūze avait à peine eu le temps d'ouvrir la bouche qu'Ignatius avait déjà posé la main sur l'épaule de l'Empereur. Il ferma les yeux et laissa les Dieux le guider.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
Il se retrouva dans le monde des ténèbres qu'il avait déjà vu après que les Dieux l'aient aidé à vaincre Banien et plus récemment quand il avait laissé les Dieux agir à travers lui à Metsūjū. Cet endroit l'avait terrifié à chaque fois, surtout l'enfant aux yeux dorés qui le guettait dans l'ombre. Cette fois pourtant, il se sentit moins effrayé. C'était peut-être parce qu'il savait enfin ce qu'était cet endroit et qu'il ne s'agissait pas de l'Enfer.
« Tu as fait du beau travail, fils, firent les Dieux. Nous allons Nous charger de parler à ton père. »
Leur ton ne laissait présager rien de bon pour l'Empereur. Sans la moindre compassion, Ignatius hocha la tête et ressortit de ce monde.
Les autres gens présents dans la pièce les observaient avec attention. Ignatius lâcha l'Empereur qui resta assis, les yeux ouverts dans le vide. De temps en temps, un spasme agitait son corps. Kafūze prit un air soucieux.
« Il va bien ? s'enquit-il.
– Il survivra, répondit Ignatius avec détachement. Les Dieux sont en train de lui parler. »
Kafūze hocha la tête, sans se départir de son inquiétude. Ignatius vint se rasseoir près d'eux.
« Bien, nous allons maintenant discuter de ce qui va suivre, » déclara-t'il.
Alors que le ciel se teintait de rouge vers l'Est, le palais semblait encore endormi mais en réalité, il y avait beaucoup d'allées et venues, le tout secrètement. Dans les appartements de l'Empereur, les servants avaient préparé du thé pour les visiteurs, encore éberlués entre ce groupe étrange qui s'était invité et l'Empereur qui restait en transe. Ignatius pencha la tête sur le côté et fit soudain :
« Ça y est, il va revenir à lui. »
Juste après, l'Empereur inspira brusquement et s'avachit, vidé de ses forces. Avec un cri, un de ses servants se porta à son secours pour le soutenir. Tegami posa une main sur son visage, la respiration saccadée. Quelle que soit l'expérience qu'il venait de vivre dans le monde des esprits, elle n'avait pas été plaisante. Il lui fallut quelques minutes pour s'en remettre, ainsi qu'une coupe de sake présentée par son servant.
Quand l'Empereur se reprit enfin, il leva les yeux vers les hommes qui se trouvaient dans ses appartements. Son regard se fit compliqué en voyant Ignatius, tandis que ce dernier resta impassible.
« Votre Majesté ? l'appela Kafūze avec inquiétude. Vous allez bien ?
– Je... Il s'est passé beaucoup de choses... »
Il finit par se lever et il s'approcha d'eux en titubant un peu. Arrivé au niveau d'Ignatius, il tomba à genoux et le prit dans ses bras.
« Mon fils ! sanglota-t'il. Je suis tellement désolé ! »
La première réaction inconsciente d'Ignatius fut de se raidir, car il n'avait guère l'habitude de laisser un étranger le prendre dans ses bras. Les Dieux avaient beau dire qu'il s'agissait de son père, ce n'étaient que des mots pour lui. Il ne ressentait aucun lien entre eux. Toutefois, son identité était à présent connue de beaucoup, alors il ne pourrait pas se dérober. Il allait devoir apprendre à vivre avec ces gens.
Il endura donc quelques instants cette étreinte, puis repoussa doucement l'homme par les épaules.
« Nous n'avons pas le temps pour ça, fit-il un peu sèchement. Il faut vite passer à l'action avant que les Hikari ne réagissent. »
Un peu hébété, Tegami hocha la tête. Ignatius adressa un regard à Lucius qui sortit pour lancer le signal lumineux. Kenryū et Kaname sauraient alors qu'ils avaient réussi et qu'ils pouvaient passer à la suite de leur plan.
« Où est Chiharu ? s'enquit l'Empereur.
– Le Premier Prince se trouve dans ses appartements, » répondit Kafūze.
Tegami prit alors un air sévère.
« Vous l'avez laissé seul là-bas, à la merci des Hikari ?
– Bien sûr que non, il n'est pas seul, répondit Ignatius. Mes deux autres frères sont avec lui et feront tout pour le protéger. »
Cela lui valut un regard étrange de la part de l'Empereur.
« Tes frères ? répéta-t'il.
– Les Archanges, comme Lucius, expliqua le jeune homme en désignant son voisin qui était revenu. Ils possèdent des pouvoirs et peuvent eux aussi tuer les Hikari. »
Tegami ne dit plus rien, mais son air perdu parlait pour lui. Kafūze le prit en pitié et ajouta :
« Plusieurs de mes Ombres sont également là-bas et sont prêts à donner leurs vies pour son Altesse. »
L'Empereur hocha la tête, un peu plus rassuré. Il eut alors l'occasion d'exprimer sa colère.
« Ces maudits Hikari ne doivent pas s'en sortir comme ça ! Je vais les faire chasser du palais et ils n'auront plus rien ! Quant à Shumē et sa maudite fille, ils paieront de leurs vies ce qu'ils ont osé te faire, mon fils ! »
Malgré le fait qu'il soit en tenue de nuit, il prit un air digne et impérieux. Il se tourna vers son servant Kufu et ordonna :
« Kufu, fais venir le chef de la garde ! »
Le général Kafūze fit une drôle de tête et intervint :
« Votre Majesté, puis-je vous demander quelles sont vos intentions ?
– Je vais naturellement ordonner que les Hikari soient tous arrêtés. »
Le général de l'Armée de l'Ombre prit un air figé. Ignatius secoua la tête en soupirant. L'Empereur remarqua leurs réactions et se renfrogna.
« Quoi donc ? Je ne peux même plus faire arrêter quelqu'un dans mon palais ?
– Quelqu'un, oui, fit Kafūze avec tact, mais pas les Hikari. Le seigneur Shumē a... profité de votre... état... pour s'accaparer toute l'autorité dans le palais. La garde ne répond plus qu'à lui.
– Comment ?! » s'indigna Tegami.
Dans ses souvenirs confus et brouillés, certaines choses lui apparurent avec plus de netteté. Son indignation s'évanouit pour se transformer en honte.
« On dirait que mes divins ancêtres ont eu bien raison de me sermonner comme Ils l'ont fait, » reconnut-il intérieurement.
Mais sa fierté l'empêcherait d'avouer cela à voix haute.
Il se reprit et demanda :
« Que comptez-vous faire alors ? Vous avez certainement un plan, non ? »
Kafūze se tourna vers Ignatius, attendant qu'il s'exprime. Ce dernier s'exécuta :
« Shumē est notre cible principale. Si nous parvenons à l'éliminer, les Hikari seront pris de panique et il sera plus simple de les arrêter. Votre Majesté, vous est-il possible de le convoquer ici ? »
Loin de réfléchir à sa question, Tegami le fixa d'un air mi-réprobateur, mi-attristé.
« Qu'y a-t'il ? demanda Ignatius avec étonnement.
– Tu peux m'appeler 'père', tu sais.
– Ce n'est...
– Je sais que je ne mérite pas que tu m'appelles 'père', pas après les choses horribles que tu as vécues par ma faute...
– Je ne dirais pas 'horribles'...
– Mais sache que je ferai tout pour me rattraper et obtenir ton pardon. »
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Pour la première fois de son existence, Ignatius eut bien du mal à placer un mot dans la conversation, à tel point que Lucius avait étouffé un rire discret. Il commença à comprendre pourquoi Kenryū avait ri en parlant de l'entêtement du clan Kakurō. Pour la première fois, Ignatius se sentit un point commun avec cet homme. Son cœur s'adoucit un peu, mais il n'oublia pas de sermonner l'Empereur :
« Je ne suis pas le seul dont vous devez obtenir le pardon, p... père. Mais cela devra attendre. Commençons déjà par nous débarrasser des Hikari. »
Le visage de Tegami s'était illuminé au mot 'père' et il parut de bien meilleure humeur. Il répondit enfin à la première question d'Ignatius :
« Je ne peux pas convoquer Shumē comme ça. Je ne l'ai jamais fait, alors il se doutera forcément de quelque chose. Il est assez tendu depuis que Kenryū et Kaname ne sont pas revenus tout de suite à Kurojū. Il se méfie.
– Je vois. Mais comment réagira-t'il si vous ne quittez pas vos appartements ce matin ? »
Tegami réfléchit un bon moment.
« Je suppose qu'il enverra plutôt un de ses hommes se renseigner. Il ne viendra pas tout de suite.
– Alors nous allons faire en sorte qu'il ait une bonne raison de venir. »
Lorsque l'Empereur ne se présenta pas à l'audience du matin, le seigneur Shumē se renfrogna et envoya un garde se renseigner. Ce dernier revint et l'informa que l'Empereur était souffrant.
« Le médecin impérial l'a-t'il examiné ? s'enquit Shumē.
– Il était en train de le faire quand je suis arrivé, mon seigneur. »
Shumē attendit, mais le garde ne dit rien de plus. Un peu irrité, le Hikari fit claquer sa langue.
« Et tu n'as pas attendu pour savoir ce qu'a dit le médecin ? »
Le garde prit un air hébété, comme si cette idée ne lui avait pas effleuré l'esprit.
« Non, mon seigneur, je... vous voulez que j'y retourne pour me renseigner ? »
Shumē ne lui répondit pas, mais son regard glacial était une réponse en soi. Apeuré, le garde partit sans demander son reste.
Un des neveux de Shumē s'empressa alors de faire :
« Mon oncle, ne serait-ce pas une excellente occasion de nous débarrasser de l'Empereur ? Si sa maladie venait à s'aggraver subitement...
– Si l'Empereur venait à mourir maintenant, comme le Premier Prince n'est pas encore en âge de régner, il faudrait nommer un régent, renchérit un autre Hikari.
– Bande d'imbéciles ! rétorqua Shumē en tapant du sol avec son bâton richement décoré. D'après les lois, le régent doit être de la famille maternelle du Premier Prince. Pourquoi croyez-vous que je voulais aussi me débarrasser des Hamenoto ? »
Les autres Hikari prirent un air penaud. Shumē se massa les tempes, retenant un soupir d'exaspération. Très souvent, il avait l'impression d'être le seul à avoir de l'ambition et de l'intelligence dans son clan. Pas étonnant que le clan Hikari n'avait jamais brillé dans l'Empire de l'Aube avant qu'il n'en prenne la tête !
Le garde revint trente minutes plus tard, l'air pâle.
« D'après le médecin impérial, la condition de l'Empereur est assez sérieuse. Il a une forte fièvre et n'a rien voulu manger de la journée. »
Malgré ça, Shumē ne sembla pas inquiet outre-mesure.
« Faites prévenir les autres conseillers. Nous siégerons sans la présence de sa Majesté, » déclara-t'il.
Effectivement, l'Empereur ne faisait plus qu'acte de présence au Conseil depuis des années. C'était Shumē qui prenait les décisions, l'Empereur ne faisait qu'acquiescer vaguement. Alors qu'il soit là ou pas, cela ne changerait strictement rien.
Les heures s'écoulèrent lentement. Dans le Pavillon Impérial, Tegami était partagé entre la fureur et la honte. Hormis un garde qui était venu deux fois s'enquérir de son état de santé le matin, plus personne ne s'était soucié de l'Empereur. Shumē ne faisait pas mine de se manifester et semblait avoir totalement oublié son existence. Cela prouvait à quel point Tegami s'était laissé lentement mais sûrement déposséder de son pouvoir au fil des décennies. Il fixa son fils cadet, mortifié.
« Je ne crois pas qu'il va venir, » fit-il d'un ton mal à l'aise.
Ignatius lui adressa un bref regard de ses yeux verts qui semblaient parfois plus jaunes en captant un reflet du soleil. Ce regard mettait mal à l'aise car il était difficile de savoir ce que pensait le jeune homme.
« Alors il va falloir frapper un grand coup, » répondit simplement Ignatius.
Il semblait avoir déjà prévu la suite des manœuvres, ce qui laissa Tegami admiratif et soucieux. Son fils cadet n'avait que quatre ans. Même si les circonstances malheureuses avaient fait qu'il se trouvait dans un corps adulte, son esprit n'aurait pas dû être aussi mûr et calculateur. Un enfant devait se comporter comme un enfant, du moins était-ce l'opinion de l'Empereur. Seules de grandes souffrances avaient dû le faire grandir plus vite, ce qui était une grande source d'angoisse et de culpabilité pour son père. Tegami voulait donc absolument se racheter aux yeux de son fils, mais cela commençait mal.
Sans se soucier des tourments intérieurs de son père, Ignatius se tourna vers Kafūze :
« Général Kafūze, serait-il possible d'envoyer des Ombres espionner ce que fait Shumē en ce moment ? »
La bouche du général se tordit d'un pli amer.
« J'ai tenté d'espionner Shumē dès que je me suis rendu compte de ses agissements, expliqua-t'il, mais il s'est rapidement aperçu de la présence de mes Ombres et il les a éliminés. Depuis, dès qu'il commence à parler de sujets importants, il charge plusieurs de ses Hikari d'envoyer des éclairs dans les plafonds toutes les deux minutes. Alors ce serait inutile que j'envoie mes hommes à une mort certaine et vaine. »
Ignatius hocha la tête, peu surpris. Puisque son pouvoir des ombres lui permettait de repérer la présence de gens autour de lui, le pouvoir de la lumière devait avoir un effet similaire.
Lucius intervint soudain, lui qui n'avait pas trop pris la parole durant les discussions :
« Quand la proie ne mord pas à l'appât, il faut la débusquer soi-même.
– Mais si nous ne sommes pas prudents, au lieu d'avoir affaire à un seul sanglier, on peut se retrouver face à une horde, » objecta Ignatius.
Lucius fronça les sourcils et se prit le menton dans la main.
« Alors préparons-nous à affronter une horde, » fit-il.
Le général Kenryū semblait lui aussi lassé de cette attente interminable car il répondit dès qu'ils lui envoyèrent un messager. Le général avait déjà fait la liste des gens de confiance dans la garde impériale. Il les contacta très rapidement et organisa une véritable force armée qui se lança à l'attaque du palais. Une grande partie des Ombres renforça cette armée, tandis que les autres partaient en éclaireurs pour voir la réaction des Hikari. Les fidèles de l'Empereur profitèrent en premier lieu de l'effet de surprise et gagnèrent rapidement du terrain. Mais très vite, leurs adversaires réagirent et s'organisèrent, bloquant leur avancée.
Dans le Pavillon Impérial, Tegami avait insisté pour revêtir une armure et sortir, surtout quand il avait appris que son fils voulait se mêler aux combats.
« Tu es bien trop jeune pour te battre ! » avait-il d'abord protesté.
Cela avait tiré un sourire sans joie de la part du jeune homme.
« Cela fait un moment que je me bats, avait-il répliqué. En plus, nous ne sommes que quatre ici à pouvoir tuer les Hikari. Il est hors de question que je reste caché. »
Tegami avait pris un air un peu désemparé.
« Tu parles de tuer les Hikari mais... on ne pourrait pas simplement les capturer et les emprisonner ?
– Shumē ne se laissera jamais capturer et il préférera sacrifier les siens plutôt que de se rendre. »
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Tegami avait alors pris un air plus peiné.
« Les Hikari sont ta famille maternelle, tu ne peux pas...
– Ne dites plus jamais ça ! avait sifflé Ignatius.
– Mais...
– Ce n'est pas parce qu'une des leurs m'a mis au monde malgré ses efforts pour me tuer que j'ai un lien avec eux ! »
Rappelé de la triste situation, Tegami s'était tu un bon moment.
« Alors je viens avec toi, mon fils, » avait-il déclaré ensuite.
Cela lui avait valu un regard éberlué.
« De quoi ?
– Hormis les Hikari, personne n'osera s'en prendre à l'Empereur. Je peux donc te protéger rien que par ma présence ! »
Bien que l'idée avait semblé complètement absurde à Ignatius, il lui avait été impossible de faire changer d'avis cette tête de mule. Mais entre l'agacement et l'impuissance, il ressentit une légère chaleur dans son cœur en voyant que cet homme, son père, était prêt à prendre des risques pour le protéger. Lui qui n'avait connu que l'amour maternel de dame Faye, il comprenait pour la première fois ce que voulaient dire les gens en parlant de l'amour des parents pour leurs enfants. Toutefois, il restait inquiet pour son père qui ne le frappait pas comme un grand guerrier.
« Nous vous protégerons tous les deux, intervinrent les Dieux.
– Merci, » songea-t'il avec sincérité.
Tegami prit ses sabres tendus par un de ses servants quand il fut soudain frappé par une idée. Il se tourna vers son fils et nota :
« Tu n'as pas de sabre ? »
Ignatius haussa les épaules.
« J'ai mon épée, » répondit-il en désignant la longue épée à double tranchant.
En arrivant à Kurojū, il avait dû confier son arme à Kenryū car seule la garde impériale pouvait être armée dans le palais. En plus, l'épée des Vites aurait été bien trop voyante. Mais pendant les échanges de messages pour préparer l'attaque, Kenryū lui avait renvoyé son épée, tout comme celle de Lucius.
Tegami contempla l'arme étrange d'un air dubitatif.
« Ce n'est guère une arme qui sied à un prince, déclara-t'il d'un ton pincé.
– Ça tranche des gens, c'est tout ce qui me convient, » répondit Ignatius.
Cela lui valut un regard choqué et réprobateur. Tegami finit par lui tendre le plus long de ses trois sabres.
« Voici le sabre de l'Empereur, une arme digne de toi ! »
Ignatius prit le long sabre qui était aussi long que son épée, mais bien plus fin et léger. Ce fut à son tour de prendre un air dubitatif.
« Je ne sais pas manier ces choses-là. Je préfère garder une arme dont j'ai l'habitude. »
Toutefois, l'Empereur resta inflexible sur ce point.
« Ce sabre pourrait te sauver la vie. Garde-le sur toi et n'hésite pas à t'en servir. »
Une arme de plus ne pourrait pas faire de mal, effectivement. Ignatius cessa de discuter et passa le sabre à sa ceinture. Tegami se sentit un peu mieux en voyant ça.
Dans l'enceinte impériale, les deux camps s'étaient mutuellement bloqués à divers endroits. Cela créait donc une sorte de frontière entre le camp Hikari et le camp impérial. Globalement, les Hikari occupaient le centre, notamment avec le Pavillon Principal, tandis que l'empereur avait la périphérie, avec le Pavillon Impérial et la caserne de la garde. Les forces étaient égales et plus aucune progression ne semblait possible actuellement. Kaname et Chiharu restaient à l'écart, protégés par Marius et Gaïus. Ignatius, Lucius et l'empereur attendaient dans un bâtiment près de la frontière. Kenryū revint faire son rapport :
« Les Ombres ont confirmé que les Hikari sont bien tous dans le Pavillon Principal. Toute retraite leur est coupée, ce n'est plus qu'une question de temps avant que nous les capturions ! »
Ignatius dut tempérer son enthousiasme :
« Ils se contentent d'attendre, ce n'est pas normal. Je suis sûr qu'ils vont passer à l'action à un moment.
– Ils ne sont qu'une poignée, votre Altesse.
– Une poignée de magiciens que vous croyez tous invincibles, » nuança le jeune homme.
Cela fait taire le général. Effectivement, même lui avait tenu ces propos à Ignatius avant de le voir tuer des Hikari. Cela avait vraiment ébranlé ses convictions et il s'en était voulu depuis d'avoir cru aux mensonges de ces traîtres perfides. L'empereur quant à lui fronça les sourcils et demanda à son fils :
« Tu penses qu'ils prévoient quelque chose ?
– J'en suis sûr. »
Les Dieux confirmèrent son impression :
« Ils ne sont pas bloqués : ces dégénérés peuvent créer un portail à tout moment pour s'échapper.
– Donc s'ils restent ici, c'est parce qu'ils le veulent bien et que la situation n'est pas encore perdue à leurs yeux, » compléta Ignatius avant de rapporter cette information aux autres.
Tegami prit un air sombre.
« Nous les croyons bloqués mais en fait, ils gagnent du temps pour préparer leur riposte. Il est hors de question de laisser ces félons l'emporter ! Général Kenryū, je vous ordonne de percer les défenses ! »
C'était bien digne du caractère impétueux des Kakurō : une fois provoqués, ils avaient tendance à foncer tête baissée et à exiger des actions rapides. Le général Kenryū masqua son impuissance et son amusement.
« Votre Majesté, lui rappela-t'il, c'est ce que nos troupes s'évertuent à faire depuis des heures.
– Toute bataille connaît des moments d'équilibre, renchérit Ignatius. Nous ne pouvons rien faire à part maintenir la pression et attendre que l'ennemi cède et recule. »
Kenryū lui lança un regard reconnaissant et appréciateur. Il était vraiment difficile de se dire que cet homme qui parlait comme un guerrier aguerri était en fait un enfant de quatre ans.
En dépit de toutes ces paroles raisonnables, Tegami conserva son air buté et lança :
« Notre attente fait le jeu de ces félons !
– Nous ne pouvons rien faire cependant, insista Kenryū. Nous manquons d'hommes.
– Inutile d'avoir mille hommes, répliqua Tegami. Un seul va suffire ! »
Sur ce, il quitta l'abri si brusquement que ni Kenryū, ni Ignatius ne purent l'en empêcher. Ignatius se remit du choc le premier et courut dehors. Kenryū et Lucius le suivirent avec un temps de retard. Tegami se dirigeait à grands pas vers la limite du terrain qu'ils occupaient, sous les regards médusés des soldats. Ignatius le rattrapa facilement et lui saisit la manche.
« Vous avez perdu la tête ou quoi ?! » lança-t'il.
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Autour, les soldats furent effarés par ce manque de respect. À leur grande surprise, l'Empereur ne releva pas cette insolence.
« Il faut faire quelque chose, argua-t'il plutôt. Je t'ai dit que les soldats n'oseront pas s'en prendre directement à moi, alors c'est à moi de faire une percée ! »
Ignatius retint une paire de jurons bien sentis. Mais quelque part au fond de lui, il se dit qu'il aurait agi exactement de la même manière. Alors un sourire amusé se dessina sur ses lèvres et il fit :
« Je viens avec vous, Père. »
L'appellation ravit Tegami. Tout sentiment d'inadéquation disparut de son cœur et il se redressa fièrement.
« Ensemble, mon fils, » déclara-t'il.
Ils s'avancèrent donc côte à côte vers les lignes ennemies.
Tegami n'eut pas complètement tort, mais il n'eut pas non plus complètement raison : un archer inconscient tenta malgré tout de lui tirer dessus. Bien entendu, Ignatius, alerté par les Dieux, enflamma la flèche d'une pensée. Tegami, lui, en fut indigné et son regard noir balaya la foule.
« Qui a osé ?! » tonna-t'il.
Les Dieux étaient aussi furieux que lui, prêts à broyer ce scélérat. Ignatius songea que leur famille semblait bien caractérielle. Mais au bout du compte, ils n'eurent pas à agir : les propres camarades de l'archer le rouèrent de coups, puis le présentèrent à l'empereur en se prosternant ensuite pour implorer son pardon. Tegama releva le menton et déclara d'une voix bien forte :
« Si vous voulez que je vous pardonne, alors cessez votre résistance et joignez-vous à moi pour écraser ces traîtres de Hikari. »
Face à l'empereur, les soldats se soumirent sans discuter. Ignatius jeta un regard impressionné à son père. Il n'y avait pas cru mais voilà pourtant qu'en un rien de temps, cet homme leur avait ouvert la voie et avait converti les soldats ennemis pour renforcer leurs propres rangs. C'était tout bonnement extraordinaire.
« C'est le pouvoir de l'Empereur, lui soufflèrent les Dieux. Le statut de la famille impériale est sacré. Il n'y a que des dégénérés comme les Hikari pour en faire fi. »
Ignatius en prit bonne note, cela pouvait encore s'avérer utile par la suite.
Grâce à ça, ils parvinrent rapidement au Pavillon Principal, où les Hikari s'étaient retranchés. Ignatius trouvait que cela avait été trop facile, alors il ne pouvait s'empêcher de redouter un mauvais coup de la part de leurs ennemis. Il n'était pas le seul : les Dieux étaient très tendus, une chose qu'il n'aurait jamais cru possible.
« Si tu pouvais voir toutes les Alternatives comme Nous, répliquèrent-Ils, tu saurais qu'il y a des moments plus cruciaux que d'autres. Et celui-ci en est un.
– Les Alternatives ? releva-t'il avec curiosité.
– Chut, reste concentré et sur tes gardes. »
C'était un excellent conseil. Après tout, il aurait tout le temps de les interroger plus tard sur ce qu'étaient ces Alternatives.
Une trentaine de Hikari se tenaient en lignes au pied des marches, tandis que le seigneur Shumē et sa fille étaient en hauteur, à côté de cinq trônes de tailles variés. Ils ne semblèrent pas paniqués en voyant une troupe armée débarquer dans la grande salle. Ce fut Kenryū qui s'adressa à eux en premier :
« Hikari, au nom de sa Majesté l'Empereur Tegami, je vous comme de vous rendre sans opposer de résistance ! »
On pouvait sentir une certaine jubilation dans la voix du général, comme si cela faisait très longtemps qu'il avait attendu de dire ça.
« Votre Majesté, fit Shumē en ignorant Kenryū, je ne sais quels mensonges ont bien pu vous raconter ces gens, mais je suis sûr que vous n'allez pas soupçonner vos plus fidèles sujets.
– C'est intéressant que vous parliez de mensonges, Shumē, rétorqua l'Empereur en omettant volontairement son titre. Après tout, vous êtes un expert en la matière ! »
Le chef des Hikari ne se démonta pas.
« Je sais effectivement distinguer le mensonge de la vérité, les faux-semblants de la réalité, et cela fait des décennies que j'ai mis cette expérience à votre service, votre Majesté.
– Oh, vous appelez donc ça me servir ?! releva Tegami.
– Je me targue d'être votre plus ancien et fidèle conseiller. Avez-vous oublié tout ce que j'ai fait pour vous, votre Majesté ? »
Au grand dam d'Ignatius, l'Empereur devint tout à coup hésitant et son regard se troubla.
« Je... Il est vrai que vos services ont toujours été grandement appréciés et que vos conseils ont été précieux, reconnut-il. Malgré ça... »
Shumē hocha la tête avec un sourire et attendit la suite.
« Votre Majesté ? demanda-t'il lorsque rien ne vint.
– Ma... Malgré ça... »
Un peu ébahi, Ignatius chercha de quelle manière les Hikari s'y prenaient pour ensorceler ainsi son père.
« C'est un peu plus compliqué que ça, firent les Dieux. Le thé qu'il boit tous les jours lui a affaibli l'esprit et cela fait des décennies que ces traîtres lui murmurent à l'oreille et le manipulent à leur guise.
– Alors comment on fait pour le libérer de leur emprise ?
– Prends-lui la main. »
Comprenant ce que voulaient faire les Dieux, Ignatius ne perdit pas de temps : il saisit la main de son père qui tressaillit alors. Heureusement, ce fut bref, pas comment durant la nuit. En à peine cinq secondes, l'Empereur semblait avoir retrouvé toute sa lucidité :
« Je sais que vous vous servez de moi depuis tout ce temps afin d'assouvir vos ambitions, Shumē ! Laissez-moi vous dire que c'est terminé ! Votre sorcellerie n'aura plus jamais d'effet sur moi ! »
En dépit des circonstances, Shumē continua de feindre l'innocence.
« Quelle sorcellerie, votre Majesté ? Si vous craignez une quelconque influence, ce serait plutôt celle de cet homme qui vient de vous toucher. Tout le monde a pu voir que c'est lui qui vous a clairement fait quelque chose ! »
Les regards se posèrent effectivement sur Ignatius, en particulier ceux des soldats qui venaient de les rejoindre. Mais même parmi leurs hommes, presque aucun n'était au courant de la véritable identité d'Ignatius. Ils se mirent aussitôt à soupeser les paroles de Shumē : même si l'Empereur avait été influencé par les Hikari, cela avait pris des années, ce qui semblait plus naturel. Au contraire, cet homme bizarre était à peine apparu aujourd'hui que l'Empereur changeait subitement de comportement et se montrait anormalement attaché à lui. Quand on ne connaissait pas la vérité, c'était forcément plus suspect.
Tegami perçut la défiance de ses hommes et devint blême de rage. Au moment où il allait ouvrir la bouche pour dévoiler la vérité, un regard de la part de son fils l'en dissuada. Après tout, il y avait toujours ce doute : est-ce que les Hikari savait qui il était ou pas ? Ce serait dommage de perdre un avantage potentiel de taille.
« Quelle que soit la situation, intervint le général Kenryū, les ordres de sa Majesté sont absolus ! Soumettez-vous, ou bien vous serez considérés comme des rebelles ! »
Même cela ne troubla pas Shumē. Bien que les autres Hikari avaient commencé à manifester des signes de nervosité depuis un moment, cet homme restait inébranlable. Ignatius se dit alors qu'il leur suffirait de le vaincre pour affaiblir totalement le clan Hikari. C'était donc sur lui qu'ils devaient concentrer leurs efforts. D'un autre côté, Shumē était aussi extrêmement coriace.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
« Votre Majesté, reprit Shumē en s'adressant uniquement à l'Empereur, n'ai-je donc pas au moins le droit de savoir de quel crime moi et les miens sommes accusés ? »
De nouveau, Tegami parut faiblir.
« Vous êtes accusés d'avoir comploté contre l'Empire pour vos propres intérêts et de m'avoir manipulé pour vous emparer du pouvoir.
– Vous manipuler ? Votre Majesté, je n'ai fait que vous conseiller durant toutes ces années. Ultimement, c'est vous et vous seul qui avez pris toutes les décisions. Vous n'êtes pas faible au point de vous laisser manipuler, voyons. »
Tegami se pinça les lèvres, bien embêté. Il avait sa fierté et n'importe quel homme serait très réticent à l'idée de dévoiler publiquement qu'il s'était fait manipuler. Shumē le savait et n'hésitait pas à en profiter.
L'Empereur dut donc renoncer à ce point et passa au suivant :
« Vous êtes également accusés d'avoir coopéré avec des Vites pour attaquer Metsūjū et tenter de tuer mon fils, le Premier Prince ! »
À ses yeux, cette accusation était nettement moins discutable. Toutefois, Shumē avait réponse à tout.
« Cette accusation provient des Vites eux-mêmes, j'imagine ? Vous préférez croire ceux qui sont venus tuer votre fils plutôt que votre plus ancien conseiller ? »
Avant même que Tegami réponde, il prit un air d'illumination.
« Oh, alors ces deux hommes étranges à vos côtés sont des Vites. Je ne sais quelles autres perfidies ils ont bien pu vous raconter, mais je m'indigne que la parole de Vites l'emporte sur celle d'un clan honorable. »
À ces mots, plusieurs regards hostiles se posèrent sur Ignatius et Lucius, dont les cheveux courts et les longues épées les marquaient forcément comme Vites. Les Vites n'avaient jamais eu bonne réputation dans l'Empire de l'Aube, même avant ça. Beaucoup les considéraient à peine comme des animaux un peu évolués qui tentaient de les imiter.
« Nous ne sommes pas des Vites ! » fit soudain Lucius en s'avançant.
Les gens passèrent de la méfiance à la confusion : aucun Vite n'aurait pu parler vraiment leur langue comme venait de le faire cet homme. Le doute revint donc en force. Le visage de Shumē se tordit un moment de dégoût. Cela ne fut pas perdu pour Lucius qui décida de presser son avantage :
« Je peux même dire que je fais partie de votre clan honorable... du moins à moitié. »
Cette fois, les soldats poussèrent de vives exclamations. Les Hikari s'étaient toujours targués de ne pouvoir se reproduire qu'entre eux. Même la concubine impériale n'avait pas pu garder son enfant en vie après la naissance. Ce jeune homme qui affirmait avec aplomb être à moitié Hikari avait effectivement les cheveux blonds de ce clan, mais ses yeux étaient bleus au lieu de dorés.
« Ton mensonge est grotesque, » répliqua Shumē.
Cela lui répugnait de parler à ce bâtard, mais il n'avait plus le choix.
« Quelle preuve peux-tu nous fournir ? poursuivit-il d'un ton de raillerie.
– Une preuve, hein ? »
Avec un grand sourire, Lucius fit appel son pouvoir et de la lumière émana de lui. Les gens autour poussèrent de grands cris et reculèrent, apeurés. La lumière de Lucius avait la particularité de pouvoir brûler et aveugler, mais cela dépendait du niveau qu'il choisissait ainsi que de la résistance des gens en face. En plus, quand il augmentait le niveau de sa lumière, elle avait une plus faible portée en conséquence. Là, il avait choisi le niveau le plus faible car son but était uniquement de prouver ce qu'il disait, pas de blesser quelqu'un.
Le visage de Shumē s'était d'abord assombri à cette démonstration mais très vite, un sourire narquois orna ses lèvres.
« Tu crois que cette pitoyable démonstration peut se comparer au pouvoir d'un vrai Hikari ? »
Sur un signe de sa part, un Hikari au pied des marches fit apparaître des éclairs au bout de son bâton. Aussitôt, les soldats paniquèrent et s'éloignèrent encore plus de Lucius. Quand les éclairs jaillirent vers le jeune homme blond, Ignatius n'y tint plus et se rua vers lui. Le mur d'ombre s'éleva pour les protéger et les éclairs rebondirent dessus sans effet.
« Merde ! » songea alors Ignatius.
Sans s'en rendre compte, ils avaient joué le jeu de Shumē : non seulement Ignatius venait de dévoiler qu'il manipulait les ombres — ce qui revenait à claironner son identité — mais en plus, il s'était éloigné de l'Empereur.
D'ailleurs, les Hikari continuèrent à les bombarder d'éclairs en s'y mettant à plusieurs cette fois, tout ça pour les immobiliser et aussi faire fuir une bonne partie des soldats. Kenryū eut beau les rappeler à l'ordre, rien n'y fit. La terreur était bien trop grande. Pendant ce temps, profitant de la confusion générale, Shumē et sa fille étaient descendus pour s'approcher de l'Empereur. Ignatius aurait aimé le rejoindre mais les Hikari se relayaient pour l'attaquer sans interruption. Il ne pouvait donc que se protéger avec Lucius et n'avait même pas l'opportunité de contre-attaquer. Kenryū fut visé à son tour par les éclairs. Ignatius réagit aussitôt en dressant un autre mur d'ombre à distance. Il pouvait cependant sentir ses forces commencer à décliner. La situation n'allait pas pouvoir durer plus longtemps.
De son côté, Tegami avait poussé un cri d'effroi en voyant son fils se précipiter droit vers le danger. Heureusement, il ne se fit pas atteindre par les éclairs. Soulagé, l'Empereur se tourna alors vers Shumē qui descendait les marches à sa rencontre, suivi de sa fille. Tegami ressentit quelque chose de curieux en voyant Kinohime. C'était la femme dont il était fou amoureux depuis le premier regard. Il se dégageait d'elle une impression de pureté et de radiance, comme un être qui n'appartenait pas à ce monde. Mais le plus important aux yeux de Tegami était que cette femme charmante n'avait été promise à personne avant lui, et surtout pas à feu son grand frère. En effet, même s'il était autrefois tombé amoureux de Kaname, elle serait toujours pour lui la promise de Kodōtaro, l'une des nombreuses responsabilités qu'il avait dû endosser alors qu'elles auraient dû revenir à son grand frère. D'ailleurs, Kaname ne s'était pas faite prier pour l'épouser, comme si elle tenait tellement à devenir Impératrice que peu importait lequel des princes elle devait épouser pour ça. Cela avait toujours jeté un froid dans leur relation, car il ne parvenait pas à se convaincre qu'elle l'aimait vraiment, en dépit de ce qu'elle n'avait cessé d'affirmer.
Il n'y avait pas eu tous ces problèmes avec Kinohime, à part au début où elle n'avait pas tout de suite voulu de lui et qu'il avait dû faire appel au seigneur Shumē pour la convaincre. En tout cas, cela prouvait que Kinohime n'était pas avec lui à cause de son statut. Bien qu'elle soit un peu distante — une attitude courante chez les Hikari, selon Shumē — c'était mille fois préférable à l'hypocrisie perpétuelle de Kaname. Et le summum du bonheur avait été lorsqu'elle lui avait annoncé qu'elle attendait son enfant, même si les risques étaient élevés. Et effectivement, le bébé était mort quelques jours après la naissance, très loin de Kurojū. Tegami n'avait même pas pu tenir son fils dans ses bras, juste ses cendres...
Une minute, quelque chose ne collait pas. Tegami secoua la tête comme pour remettre de l'ordre dans ses pensés confuses. Son fils cadet... n'était pas mort ! Les Dieux lui avaient montré la vérité et il avait pu serrer son enfant dans ses bras — même si le dit enfant faisait bien trois têtes de plus que lui !
« Divins Ancêtres, songea-t'il comme en prière, donnez-moi la force de résister à l'enchantement de ces maudits Hikari ! »
Il ne s'attendait pas réellement à une réponse, pourtant il crut sentir quelque chose autour de lui et en lui, comme une chaleur bienfaisante et réconfortante, comme l'étreinte de son père quand il était plus jeune. Cela lui donna plus de volonté.
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« Votre Majesté, fit alors Shumē, ne vous laissez pas influencer par ces étrangers. Regardez donc le chaos qu'il sont en train de semer à la Cour.
– Oui, mon amour, renchérit Kinohime en posant une main sur son bras. J'ai toujours été à vos côtés et mon cœur n'appartient qu'à vous. Alors pourquoi écouter des gens qui ne cherchent qu'à nous séparer ? »
Une partie de Tegami était tentée de les écouter et de lâcher prise, comme une berceuse qui vous endormait. Cela avait été si agréable de se laisser guider ainsi pendant des décennies... mais c'était à présent terminé ! Tegami refusait de décevoir à nouveau son cadet, qui avait déjà tant souffert par sa faute !
Alors il redressa la tête et leur adressa un regard noir.
« Vous avez tenté de tuer mon fils, mes deux fils !
– Que dites... »
Il ne les laissa pas parler plus longtemps et repoussa violemment le bras de Kinohime. La femme recula avec un léger cri.
« Je ne vous pardonnerai jamais ce que vous avez fait à Haruni ! » ajouta-t'il avec virulence, prononçant à voix haute le nom de son fils pour la première fois.
Un rictus déforma le visage de Shumē qui comprit qu'il avait perdu toute emprise sur l'Empereur.
« Dans ce cas, fit-il d'un air sombre, vous ne nous êtes plus d'aucune utilité, votre Majesté ! »
Kinohime changea également d'expression et ce fut du mépris qui apparut sur son beau visage. Elle sortit une dague courte et entailla le bras de Tegami. Ce dernier recul avec un cri vif.
Ignatius pour voir de loin ce qui arrivait à son père. Son angoisse redoubla lorsque Shumē et sa fille firent tomber leurs masques.
« Ils vont le tuer ! » songea-t'il.
Toutefois, il ne pouvait pas le rejoindre, il devait rester pour protéger Lucius et Kenryū. Son ami parut sentir son malaise car il fit soudain :
« Ignatius, laisse-moi me charger de ces Hikari. »
Le jeune homme lui lança un regard surpris.
« Tu es sûr ?
– Oui, fit Lucius en hochant la tête. Ils ont beau dire, j'ai le pouvoir de la lumière comme eux. Je peux donc forcément neutraliser leur sort. »
Les Hikari autour d'eaux entendirent ça et certains se mirent à ricaner.
« Le pouvoir de la lumière, qu'est-ce que tu y connais, sale bâtard ? Les éclairs sont le niveau suprême de notre art, ce n'est donc pas un misérable comme toi qui pourra l'atteindre. Voilà pourquoi on se débarrasser des bâtards comme toi ! »
Lucius arbora alors un air sombre, quelque chose qu'Ignatius ne lui avait encore jamais vu.
« Va, lui fit Lucius. Ne t'en fais pas, je me charge aussi de protéger le général Kenryū. »
Quoique rempli de doutes, Ignatius respecta la volonté du jeune homme. Il retira la protection des ombres et se rua vers son père sans perdre de temps. Quelques éclairs tentèrent encore de l'atteindre mais ils furent aussitôt repoussés par les Dieux. De son côté, Lucius tenta de repousser ou d'absorber les éclairs avec sa lumière, mais cela ne fonctionna pas. Plusieurs éclairs l'atteignirent. Bien que la souffrance fut horrible, cela ne le tua pas sur le coup. Tout d'abord perplexe, son fin visage devint blême de rage en comprenant que les Hikari jouaient avec lui comme des chats avec une souris. Cela n'aurait pas été amusant pour eux de le tuer du premier coup, c'était bien mieux de le voir se débattre et souffrir.
Ce que l'un des Hikari dit ensuite confirma ses soupçons :
« Alors, le bâtard ? On fait moins le malin maintenant ? »
Lucius le foudroya du regard, ce qui les fit tous rire. Il reçut une nouvelle salve d'éclairs qui le laissa pantelant et gisant au sol. Il arborait des brûlures sur tout le corps, ses vêtements étaient noircis à plusieurs endroits et même une partie de ses cheveux blonds était cramée. Ricanant avec malveillance, les Hikari se rapprochèrent de lui. Il reçut quelques coups de pied accompagnés de railleries.
« Sale bâtard, tu ne mérites même pas qu'on t'achève !
– Ouais, on va te laisser t'étouffer dans ton propre sang !
– Elle est où ta magie, hein ? Elle est où, la magie dont tu étais si fier ? »
Sous l'effet des provocations, Lucius ressentit une rage sans précédent, ainsi qu'une furieuse envie de meurtre. Jamais il n'avait haï des gens autant qu'en cet instant, pas même les monstres qui l'avaient recueilli était petit et dont il gardait encore les cicatrices — externes comme internes — des bons traitements. Cette haine coula dans ses veines jusqu'à emplir tout son être et menacer de déborder. Lucius rouvrit alors les yeux, mais ce n'étaient plus les iris bleu ciel : ses yeux étaient remplis de lumière. Il poussa un hurlement pour déchaîner le pouvoir qui coulait à flots en lui. Une vive lueur émana de son corps, plus puissante que jamais, tel un soleil miniature. Les yeux des Hikari autour de lui furent aussitôt aveuglés, la rétine ayant brûlé de manière irrémédiable. Sous l'effet de la douleur et de la panique, certains Hikari lancèrent leurs éclairs à l'aveugle, mais ne touchèrent que les leurs.
Lucius se redressa fièrement et toisa ces gens qui faisaient tellement les malins tout à l'heure. Avec un sourire narquois, il se dirigea vers le général Kenryū qui avait été sciemment épargné par la vive lueur. Le général fixa avec méfiance cet étranger qu'il n'avait jamais apprécié, mais il y avait désormais une lueur de respect et de crainte dans son regard. Satisfait à plus d'un titre, Lucius lui déclara :
« Je vous les laisse, général Kenryū. Ils sont à présent totalement inoffensifs. »
Kenryū hocha la tête et se chargea de rassembler ses hommes pour qu'ils s'occupent des Hikari.
Ignatius arriva à temps pour bloquer les éclairs que Shumē avait lancés sur l'Empereur. Enragés, les Dieux surgirent du sol pour s'emparer du sceptre du Hikari et le réduire en poussière. Ce dernier grimaça et fut alors bien obligé de lever les yeux sur Ignatius.
« Misérable, comment oses-tu t'interposer ?! tonna-t'il.
– C'est terminé pour toi, grand-père, » répliqua calmement Ignatius.
Il ajouta le dernier mot uniquement pour énerver l'autre homme, ce qui fit mouche. Shumē prit un air de dégoût profond et recula d'un pas. De son côté, Tegami se tourna vers celle qu'il avait autrefois tant aimée et fit d'un ton incrédule et attristé :
« Notre enfant, tu as osé tenter de te débarrasser de notre enfant et me faire croire qu'il était mort ! Comment as-tu pu, Kinohime ? »
La concernée cessa enfin de jouer la comédie, ce qui parut être un soulagement pour elle.
« Ce n'est qu'un immonde bâtard ! cracha-t'elle. Jamais je n'aurais permis à cette chose de vivre ! La race des Hikari doit rester pure. J'ai été obligée de coucher avec toi, tout ça pour pouvoir t'influencer au plus près, mais sache que ça a été comme de coucher avec un animal ! »
Tegami recula, choqué et blessé par ses propos. Ignatius en profita pour dégainer son épée et s'avancer vers elle. Peu lui importait les explications et les motivations, il se moquait bien de ces gens et n'avait qu'une idée en tête : les éliminer comme convenu.
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Cependant, Tegami retint sa main juste au moment où il allait enfoncer son épée dans le corps de Kinohime.
« Arrête, c'est ta mère, voyons ! »
Ignatius lui lança un regard excédé :
« Je vous ai déjà dit que cette femme ne représentait rien à mes yeux. Et comme vous venez de l'entendre, c'est réciproque ! Laissez-moi faire ça, il faut bien que quelqu'un le fasse. »
Tegami prit un air peiné, puis son expression devint résolue.
« Tu as raison, mais ce n'est pas à toi de le faire. C'est plutôt à m... »
Il n'avait pas fini sa phrase qu'il vit son fils se crisper soudain et écarquiller les yeux. En même temps, un filet de sang coula de sa bouche et il s'affala lentement.
« Haruni ? Haruni ?! » fit Tegami d'un ton paniqué.
Kinohime avait profité de leur discussion pour planter sa dague dans le dos d'Ignatius, au niveau du cœur. Un air haineux tordit les traits de son beau visage.
« J'aurais dû faire ça quand il est né ! » siffla-t'elle.
Avec un cri de fureur, Tegami récupéra son sabre à la ceinture de son fils et fendit l'air en diagonale. Une ligne sanglante se dessina sur la robe d'un blanc immaculé que portait la concubine. La haine sur son visage fut alors remplacée par de l'incrédulité. Alors que le sang tachait sa tunique de plus en plus vite, elle se tourna avec du mal vers Shumē et tendit une main tremblante vers lui.
« P-père ? » appela-t'elle.
Toutefois, Shumē ne parut pas plus que ça bouleversé par la blessure fatale de sa fille.
Le seigneur des Hikari examina la situation dans la grande salle et se rendit compte qu'il n'avait plus aucune chance de l'emporter. Il poussa un soupir et leva alors une main. Kinohime était tombée à genoux et une mare de sang s'était déjà rassemblée autour d'elle. Ce sang se mit à luire et à s'élever lentement dans les airs. La femme poussa un cri d'effroi et d'incrédulité :
« Non, Père, vous ne pouvez pas ! Je suis toujours en vie, je…
– Tu es quasiment morte et tu ne me sers plus à rien, fit froidement l'homme. Je n'ai eu que des bonnes à rien de filles, mais tu me seras au moins d'une certaine utilité pour la dernière fois de ta vie. »
Le sang continua de s'élever dans les airs.
Ignatius était au bord de l'inconscience, mais il ne ressentait aucune douleur. Il semblait même étrangement calme et détaché en observant tout ça, tandis qu'il était sur un genou.
« Il veut s'enfuir, songea-t'il à l'intention des Dieux en parlant de Shumē.
– Nous le savons. Nous pouvons le retenir mais... cela risque de te tuer, fils. »
Ignatius lâcha un rire sans joie.
« N'est-ce pas ce qui était prévu de toute façon ? »
Les Dieux ne dirent rien. D'un ton las, Ignatius donna son accord.
« Faites en sorte que Shumē ne s'en tire pas, leur demanda-t'il.
– Tu n'as pas besoin de Nous le demander. »
En cet instant, pendant que Shumē était en train d'invoquer un portail avec le sang de sa propre fille, les ombres explosèrent au niveau d'Ignatius. Elles se répandirent sur le sol, puis grimpèrent le long des murs et piliers de la salle, jusqu'à se rejoindre au plafond et se refermer entièrement. Sous ce dôme de ténèbres, le pouvoir de la lumière de Shumē fut totalement neutralisé. Le portail qui avait commencé à apparaître se dissipa d'un coup et le sang de Kinohime retomba par terre dans un bruit visqueux, de nouveau terne.
« Non ! s'écria Shumē dont le visage se tordit de rage. Vous de devriez plus avoir de forces, vous... »
Son regard se posa soudain sur Ignatius qui pâlissait à vue d'œil.
« Toi, sale bâtard ! cracha-t'il. C'est de ta faute s'ils peuvent agir ! »
D'un air mauvais, il avança vers le jeune homme mais se fit intercepter par Tegami.
« Shumē, c'est terminé, déclara l'empereur d'un ton glacial. Rendez-vous et vous serez jugés équitablement.
– Moi, jugé ? rétorqua l'autre homme en éclatant de rire. Je n'ai pas besoin d'être jugé puisque je vais tous vous anéantir ! À commencer par ce bâtard qui n'aurait jamais dû naître ! »
Il repoussa Tegami d'une main, ne craignant pas du tout que l'autre homme s'en prenne à lui. Après tout, cela faisait des décennies qu'il le connaissait et qu'il avait lentement et sûrement établi son ascendance sur lui. Même si Tegami avait blessé Kinohime, Shumē estimait que lui ne courait aucun risque.
Cependant, comme lui-même était un horrible père, il ne pouvait pas comprendre qu'un homme soit prêt à tout pour son enfant. Comment Tegami aurait-il pu le laisser s'en prendre à son fils sous ses propres yeux ? Avec un cri, il se rua vers Shumē et lui entailla profondément la nuque. Le seigneur des Hikari porta une main à son cou d'où jaillissait du sang épais en abondance. Ses yeux dorés s'écarquillèrent et se posèrent sur son agresseur.
« Vot-votre Majesté ? » articula-t'il avec incrédulité.
Ce furent là ses dernières paroles. Dans un gargouillis étranglé, Shumē tomba à terre, juste à côté de sa fille qui avait expiré depuis peu. Nul ne sut si avant de rendre son dernier souffle, le seigneur des Hikari regretta tout le mal qu'il avait fait.
Épilogue
Trois ans après les terribles événements, Lucius et Marius revinrent à Kurojū. Ils avaient passé tout ce temps à retourner dans le royaume des Vites afin de retrouver le plus possible d'enfants humains envoyés là-bas. En effet, l'Empereur avait été horrifié d'apprendre que beaucoup d'enfants s'étaient inexplicablement retrouvés chez les Vites et qu'ils y étaient le plus souvent maltraités ou brutalement tués. Il avait donc sommé les Archanges de retourner là-bas pour ramener ces pauvres petits dans leur patrie. Il ferait ensuite tout en œuvre pour retrouver les familles de ces enfants et les replacer dans leurs foyers qu'ils n'auraient jamais dû quitter. Ce n'était aussi qu'à cette condition qu'il leur pardonnerait d'avoir attaqué Metsūjū dans le but de tuer son fils aîné.
« Vous mériteriez la mort pour cette offense terrible en temps normal, leur avait-il dit. Mais en souvenir de lui, je veux bien vous accorder cette possibilité de vous racheter. »
Cela avait été également l'occasion de ramener les Templiers survivants chez eux. En effet, les bateaux n'étaient jamais revenus les chercher à la baie de Mika, malgré les nombreux signaux lumineux envoyés. Les troupes du clan Hamenoto les avaient vite retrouvés et encerclés, et la bataille avait déjà fait plusieurs victimes dans les deux camps avant que n'arrive le message de Kahiro disant de les capturer plutôt que de les tuer. Il restait un peu plus de mille hommes, soit à peine la moitié de ceux qui étaient venus ici. Cela dit, le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd. Les Templiers avaient été fort soulagés d'apprendre qu'ils pourraient rentrer chez eux sains et saufs. Ils durent juste laisser leurs armures et épées en dédommagement, car l'acier était une denrée rare et précieuse dans l'Empire de l'Aube.
Gaïus n'avait pas fait partie du voyage car plus que jamais, il ne voulait plus quitter sa terre natale même pour un bref moment. L'Empereur avait donc chargé les historiens de faire des recherches sur sa famille qui avait été retrouvée après quelques mois : il s'agissait de nobles mineurs de la province de Tadashi, à l'extrême Ouest de l'empire. Les retrouvailles furent quelque peu étranges au départ, surtout à cause de l'état mental bien particulier de Gaïus, mais sa mère assura que plusieurs membres de sa famille avaient parfois été particuliers eux aussi. Elle se rappelait encore de son propre grand-oncle qui se comportait de la même manière. Cela permit de mieux accepter ce fils subitement retrouvé qui alla vivre avec sa famille.
Une fois la cinquantaine d'enfants de tous âges confiés aux bons soins des servants, Lucius et Marius furent reçus en privé par l'Empereur et le général Kenryū.
« Tout sera fait pour que ces enfants et jeunes gens retrouvent leurs familles, assura Tegami. Il nous reste cependant à décider de ce que vous allez devenir. »
Lucius arbora un sourire ironique.
« Il est inutile de chercher ma famille comme vous l'avez fait pour Gaïus, fit-il. Mais peut-être que Marius voudra...
– Je me moque de ma famille, le coupa l''autre Archange qui avait laissé ses cheveux bleus pousser lors du voyage de retour. Ils ne m'ont pas manqué depuis toutes ces années, alors je n'ai pas besoin d'eux. »
Le regard azur de l'autre homme se posa sur lui comme pour dire 'menteur'. Kenryū toussota et proposa un compromis :
« Nous pouvons toujours faire des recherches en même temps que les autres. Si nous retrouvons votre famille, vous pourrez aviser à ce moment. »
Marius se renfrogna mais Lucius accepta aussitôt pour lui. Là, le petit homme ne dit plus rien. L'affaire était donc entendue. L'Empereur eut un sourire amusé, puis fit :
« En attendant, vous êtes les bienvenus pour rester ici, mais je compte sur vous pour garder le silence sur certaines choses, surtout avec lui. »
À ces mots, Lucius prit un air mitigé.
« Il ne se rappelle toujours de rien ?
– Non, et pour ma part, je trouve que c'est une bénédiction. »
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Après avoir assuré à l'Empereur qu'ils ne divulgueraient rien, les deux Archanges sortirent, escortés par le général Kenryū. Ils allaient être conduits dans des quartiers ordinaires. En passant dans une cour bordée de jardins somptueux, ils entendirent un rire d'enfant ainsi que le cri affolé d'un jeune homme :
« Votre Altesse, revenez ! »
Une petite boule noire surgit des buissons juste devant eux. Elle s'arrêta net en voyant les trois hommes en face. Tandis que Lucius et Marius se figeaient sous l'effet du choc, Kenryū prit un air faussement sévère.
« Votre Altesse, quelle bêtise êtes-vous encore en train de faire ? »
Le garçon aux cheveux noirs et aux yeux dorés étincelants tenta de cacher quelque chose dans son dos, de manière très peu discrète. Il avait un peu plus de cinq ans et était plutôt frêle pour son âge, mais il se dégageait de lui une vitalité et une fraîcheur impressionnantes. Il prit un air embarrassé et fit :
« Général Kenryū, je... mmm... je ne faisais rien de mal. »
À ce moment, un jeune servant arriva et, le souffle court, il s'arrêta aux côtés du Second Prince.
« Votre Altesse, fit-il d'un ton de reproche, vous savez que vous n'avez pas encore l'âge pour ça ! Revenez plutôt pour votre leçon de calligraphie.
– Mais Doko, protesta le garçon en se tournant vers lui, ce n'est pas le pinceau que je veux manier ! C'est trop ennuyant d'écrire ! »
Le servant prit un air démuni et se tourna vers le général Kenryū en quête d'aide. Ce dernier ne masqua plus son sourire amusé. Il s'approcha en silence du prince qui lui tournait à moitié le dos et lui prit le sabre en bois qu'il cachait derrière lui. Le garçon poussa un cri et tenta de le récupérer. Hélas, même en sautant et en tendant ses bras minuscules, il ne put atteindre son sabre en bois.
« Votre Altesse, fit Kenryū, vous savez que vous devez attendre d'avoir vingt ans pour commencer à pratiquer le sabre. Vous êtes encore bien trop jeune, voyons ! »
Haruni le fixa en faisant la moue. On pouvait déjà deviner sur ses traits enfantins l'entêtement propre à la famille impériale.
« Mais grand frère a commencé cette année, argua-t'il, et Kikuchi est déjà très fort ! Je veux faire comme eux, je sais que j'en suis capable ! »
Kenryū le fixa avec un sourire chaleureux.
« Votre Altesse, je n'ai aucun doute sur le fait que vous deviendrez plus tard un guerrier exceptionnel. Mais pour le moment, vous devez encore grandir et prendre des forces. Vous devez aussi cultiver votre esprit, car un guerrier ne pense pas qu'au sabre dans la vie. Ne soyez pas pressé de grandir, vous avez toute la vie devant vous. »
Il lui caressa tendrement les cheveux.
Haruni garda son air réticent, mais renonça à récupérer son sabre.
« Quand je serai grand, marmonna-t'il, je serai encore plus fort que vous, général Kenryū.
– Je n'attends que de voir ce jour, répondit l'homme d'un ton sincère.
– Et je serai aussi plus fort que Kikuchi !
– Ça, ça reste à voir.
– Je vous dit que j'y arriverai ! »
En riant, le général le laissa dire. Le garçon finit par bien vouloir partir pour sa leçon de calligraphie, au grand soulagement de son servant. Du début à la fin, il n'avait pas plus prêté que ça attention aux deux hommes qui suivaient le général. Eux par contre ne l'avaient pas lâché du regard, l'un d'eux en particulier. Kenryū se tourna vers eux et commenta :
« Ça doit vous faire bizarre de le revoir.
– Non, pas tant que ça, fit Lucius en sortant de sa transe. Le plus bizarre a été il y a trois ans. »
Trois ans plus tôt, Ignatius était mort rapidement à cause de la blessure infligée par Kinohime ainsi que de la perte de son énergie utilisée par les Dieux. Lucius avait été aussi dévasté que l'empereur en contemplant le corps sans vie dans le Pavillon Principal. Puis tout à coup, Tegami s'était figé un moment. Quand il parla de nouveau, on pouvait sentir l'espoir dans sa voix :
« Il est à Myūjin, il est vivant !
– Vous êtes sûr ? avait demandé Lucius du ton de celui qui n'osait pas y croire.
– Les Dieux viennent de me l'affirmer. Il a regagné son corps ! »
Le soulagement avait été grand et tout le monde s'était précipité à Myūjin.
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Et là, ils purent voir Haruni, le Second Prince né de l'Empereur et de sa concubine, qui avait été plongé dans le sommeil depuis la naissance et qui retrouvait enfin son âme quatre ans après. Il s'avéra rapidement que Haruni ne possédait aucun des souvenirs d'Ignatius. L'enfant avait mis quelques semaines à pouvoir utiliser son corps correctement, mais il restait fragile. D'un commun accord, les gens au courant de tout jurèrent de ne pas lui révéler la vérité, sauf nécessité absolue. Le plus important était que Haruni puisse mener une vie normale, la vie dont les Hikari avaient voulu le priver. Si ses souvenirs revenaient plus tard, ils aviseraient à ce moment.
« Le Second Prince est un enfant adorable et plein de joie de vivre, fit Kenryū aux deux Archanges. Je peux parfois voir en lui des traces de celui qu'il était, alors je pense qu'en grandissant, il retrouvera ses qualités exceptionnelles.
– Cela va sans dire, » approuva Lucius, les yeux brillants.
Un peu boudeur, Marius lui fila un coup de coude dans les côtes.
« Au lieu de t'attarder sur le passé, lui fit-il, pense plutôt à ce que nous allons faire de notre vie. »
Lucius lui lança un regard réprobateur.
« Tu devrais commencer par accepter l'idée de retrouver ta famille. Je me souviens encore quand tu es arrivé au manoir, tu étais tout content à l'idée d'avoir une famille.
– C'est du passé, protesta le petit homme avec embarras. Et je refuse d'avoir une famille qui pourrait me séparer de toi ! »
Un silence suivit cette déclaration. Lucius se mordit les lèvres et jeta un rapide coup d'œil en direction de Kenryū. Le général ne semblait ni surpris, ni choqué. Heureusement, car Marius semblait décidé à jeter toute prudence aux orties. Il se tourna en effet vers le général et demanda directement :
« Général Kenryū, une bonne fois pour toutes, est-ce que les relations entre hommes sont oui ou non tolérées ici ?
– Marius ! s'horrifia Lucius.
– On ne le saura qu'en demandant ! » répliqua l'autre homme.
Face à un regard expectatif et un autre vigilant, Kenryū répondit avec le plus grand sérieux :
« Non, elles ne le sont pas. »
Lucius poussa un cri de dépit.
« Tu vois, je te l'avais bien dit !
– Je m'en moque ! s'entêta Marius. Alors s'il le faut, on ira vivre dans un endroit désert où personne ne nous jugera ou ne nous dictera notre manière de vivre ! »
Le général toussa légèrement pour interrompre le discours enflammé.
« Laissez-moi donc finir : les relations entre hommes ne sont pas tolérées, elles sont normales. »
Un silence stupéfait accueillit ses propos. Kenryū se retint de rire, il avait l'impression d'avoir deux adolescents en face de lui à qui il devait apprendre les choses de la vie. Mais quelque part, c'était effectivement le cas.
Alors il les emmena au pavillon du Lotus et leur expliqua tous les détails d'une cour. Il alla même jusqu'à leur parler de l'Union, l'équivalent du mariage entre hommes. Les deux hommes restèrent bien songeurs en apprenant tout ça. Nul doute que ces informations allaient avoir un poids capital sur leurs décisions futures. Avec un sourire amusé, Kenryū se sentit apaisé pour la première fois depuis des décennies. Malgré les sombres manigances des Hikari, tout le monde était revenu à sa place. L'Empire de l'Aube ne pourrait que très bien s'en porter.
Note de Karura : Ouf, j'ai enfin fini cet extra ! C'est bien la dernière fois que je fais ça : publier une partie qui n'est pas encore finie d'écrire.
Bon, dire que je voulais à la base placer cet extra à la fin de la partie 3, inconsciente que j'étais. Il est bien mieux ici.
Vous avez donc pu lire une fin possible différente, une Alternative. Pour autant, cela complète l'histoire principale puisqu'on en apprend plus sur les Hikari et leur relation avec l'Empereur. Tegami a le droit de jouer le héros dans cette version et peut ainsi se racheter aux yeux de son fils. Les Archanges ne sont pas morts et peuvent reprendre eux aussi leur place dans l'Empire. Haruni a perdu ses souvenirs mais en réalité, n'est-ce pas mieux pour lui ? Vous pourrez comparer avec ce qui lui arrivera dans l'histoire principale.
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