Chapitre Quinze : Règlement de comptes
Kurojū, septième mois de l'année 2454
Les conseillers accueillirent les deux rescapés en tapant du poing sur le sol — un salut élogieux. Ils s'étaient exceptionnellement installés en U. Seiryū et Haruni prirent place entre eux pour faciliter la discussion. Seiryū épia l'adolescent du regard et fut soulagé de lui voir meilleure mine. Il semblait déjà aller mieux.
« Mais vu l'état de son bras, songea-t'il, je suis surpris que l'Empereur l'ait fait venir. Peut-être qu'il va vraiment mieux. »
Il savait qu'il cherchait seulement à se rassurer : comment une blessure aussi atroce pouvait-elle guérir en si peu de temps et sans aucun traitement ?
« En tout cas, le Second Prince va être soigné correctement à partir de maintenant, » se dit-il avec un sourire.
Ses cauchemars cesseraient peut-être enfin.
De son côté, Haruni parcourut le Conseil du regard et s'arrêta en particulier sur le général Bakkushō. Ce dernier semblait à son aise, mais un œil averti pouvait déceler une certaine nervosité. Et surtout, contrairement aux autres, il évitait soigneusement de regarder le Second Prince. Haruni plissa les yeux et regarda devant lui, en direction de son père et de son frère. Un officiel annonça le début de la réunion :
« En ce vingtième-cinquième jour du septième mois de l'an 2454, le Conseil va étudier les faits qui se sont produits du seizième jour du sixième mois au quatorzième jour du septième mois. »
Plus qu'un simple compte-rendu, il s'agirait de déterminer les responsabilités. Après tout, les deux princes avaient été mis en danger et la catastrophe n'avait été évitée que de peu. Le Second Prince avait été retenu captif pendant plus d’un mois, ainsi que le Firal Seiryū. Il était hors de question de fermer les yeux sur cette histoire et de ne pas trouver de coupable à blâmer !
« Votre Altesse, fit l'Érudit Hōmaru en s'adressant à Haruni, le Premier Prince et les généraux nous ont déjà raconté ce qui s'est passé. Nous souhaitons seulement connaître la suite. Nous entendrons votre version, puis celle du Firal Seiryū. »
Haruni retint un sourire : cela prenait vite des allures de procès. Qu'à cela ne tienne, il était prêt !
« Vous désirez que je commence à partir de quand ? demanda-t'il.
– À votre capture par le commandant Gorō, si vous le voulez bien.
– Naturellement. »
Il expliqua le subterfuge employé pour faire gagner du temps à Tomuki et au reste des soldats, puis leur capture par les hommes de Gorō. Concernant son séjour à la caserne de Tomako, il fut assez laconique :
« Le commandant s'est montré assez rude dans mon traitement. »
À côté de lui, Seiryū se crispa, partagé entre l'effroi et l'incrédulité. C'était tout ? “Assez rude” ne couvrait même pas le centième des souffrances que Gorō avait infligées au Second Prince ! Comment pouvait-il ne pas en parler ?
« Qu'a-t'il fait exactement ? » demanda Tegami en fronçant les sourcils.
Seiryū lui lança un regard de gratitude. On pouvait compter sur un père pour déceler les non-dits. Haruni ne se démonta pas et lui rendit calmement son regard :
« Eh bien, vous vous doutez que je n'ai pas eu droit à une chambre, trois repas par jour et des bains. »
Seiryū se sentit visé par cette remarque en particulier. Il avait eu droit à ce bon traitement, lui, et il semblait que le Second Prince n'avait pas fini de le lui reprocher, même si cela n'avait pas été de sa faute.
« Pour le reste, reprit Haruni, ce ne sont que des détails sans importance.
– Ça a de l'importance pour moi ! objecta l'Empereur. L'ignoble réputation de cet homme est connue dans tout l'Empire !
– Quelle ignoble réputation ? » releva Haruni.
Pour sa part, il n'avait jamais entendu parler de Gorō avant de tomber entre ses mains.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
L'Empereur prit un air réticent et écœuré.
« Si cet immonde personnage a osé te déshonorer, reprit-il, je n'aurais de cesse qu'il soit capturé et puni de façon exemplaire ! »
Haruni vit les autres conseillers arborer des regards de compassion et d'indignation, comme s'ils le plaignaient de quelque chose. Il en resta perplexe.
« Qu'entendez-vous par 'déshonorer' ? Il ne m'a pas du tout respecté, c'est sûr, mais…
– Votre Altesse, intervint le seigneur Hatochi avec tact, nous comprenons que c'est un sujet délicat à aborder pour un jeune homme. Le commandant Gorō est tristement connu pour s'être déjà forcé sur des jeunes gens à peine majeurs… voire pas encore.
– Forcé à quoi ? » insista Haruni.
Il ne comprenait vraiment pas ces tournures de phrase bizarres.
Le seigneur Hatochi se pinça les lèvres et essaya de nouveau une approche subtile :
« Le général Kenryū a signalé que durant le voyage de retour, vous sembliez bien soucieux de votre intimité…
– J'ai toujours été soucieux de mon intimité, répliqua Haruni. Le général Kenryū ne me connaît pas assez bien pour le savoir.
– Ah, hum… »
Pendant que Hatochi cherchait le moyen de formuler sa question de manière subtile mais compréhensible, un véritable casse-tête, Haruni n'y tint plus et demanda directement une explication aux Dieux. Quand Ils lui répondirent, il prit un air d'illumination.
« Ah, vous voulez savoir s'il m'a violé. »
Quelques conseillers toussèrent devant la franchise de l'adolescent. Ce genre de choses ne devait pas se dire aussi directement !
« Non, reprit ensuite Haruni, rien de la sorte n'est arrivé.
– Tu es sûr ? insista l'Empereur. Tu ne dois pas avoir honte d'en parler, personne ne te jugera.
– Cela dit, il a mentionné cette idée une fois. »
Un silence horrifié se fit. Haruni poursuivit avec un sourire amusé :
« Mais il a ajouté que jamais il ne tremperait sa queue dans une pourriture de Hikari, de peur qu'elle ne ressorte pleine de merde. »
Le silence s'accentua, consterné cette fois. Jamais on n'avait tenu des propos aussi obscènes dans l'enceinte du palais, et cela de la bouche même d'un des princes ! De son côté, Seiryū écarquilla les yeux. Quand cela s'était-il produit ? Il était vrai qu'ils avaient été séparés un bon moment et Gorō en avait manifestement profité pour rendre visite à son autre prisonnier. En songeant à tout ce qui avait pu et aurait pu se produire, le Firal se sentit encore plus mal. Sa résolution de se racheter aux yeux du Second Prince n'en fut qu'accrue.
Tegami tapa soudain du poing sur le sol, furieux.
« De quel droit ce commandant s'est-il permis de dire pareille chose ? Son insulte est intolérable ! »
Haruni le fixa avec curiosité.
« Je ne comprends pas : vous auriez préféré qu'il me viole plutôt qu'il m'insulte, c'est ça ? »
Son père le fixa avec consternation. Il finit par inspirer et faire :
« Bien sûr que non, je suis content qu'il ne t'ait rien fait. Je craignais le pire. »
Une lueur étrange anima les yeux dorés.
« Ravi d'avoir apaisé votre unique crainte, père. »
Seul Seiryū comprit la nuance ironique dans ses paroles : à aucun moment l'Empereur ne s'était imaginé que le viol n'était pas la seule chose qui avait menacé le Second Prince, et même que cela aurait été dérisoire face à ce qu'il avait subi.
« Pourquoi le Second Prince n'en parle-t'il pas ? » se demanda-t'il à nouveau.
Il ne parvenait pas à saisir les motivations de l'adolescent.
Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !
L'Empereur nota un souci et se renfrogna.
« Le médecin de la cour m'a rapporté ton état. Il a fait mention de griffures causées par un tigre ?
– C'est exact, répondit Haruni sans sourciller devant la divulgation du docteur. C'est un divertissement que m'a proposé le commandant Gorō à la fin. »
Encore une fois, Seiryū faillit intervenir à cause des propos employés. Cela n'avait rien eu d'un divertissement ! Gorō avait envoyé l'adolescent combattre un tigre avec juste un simple sabre !
« Tu t'es retrouvé face à un tigre ?! » s'horrifia Tegami.
Haruni le fixa un moment, puis lâcha un léger rire et fit :
« Ne craignez rien, père, le tigre non plus ne m'a pas violé. »
Tous les conseillers manquèrent de s'étouffer. Les propos du Second Prince étaient de plus en plus scandaleux ! Ce qu'il suggérait… était encore plus abominable que de violer un mineur !
Le visage de Tegami oscilla entre le blanc et le rouge.
« Comment oses-tu parler de telles choses ?!
– Hé bien, je sais que cela vous inquiète beaucoup, père. »
L'Empereur secoua la tête.
« Pourquoi tu ne nous dis pas tout ?
– Tout ? »
Ce mot fut prononcé de manière étrange. Haruni prit soudain un air mortellement sérieux et grave. Il fixa son père droit dans les yeux. L'atmosphère devint si lourde que même Seiryū en frémit, lui qui se trouvait juste à côté du Second Prince.
« Vous souhaitez vraiment que je dise tout ? »
Mal à l'aise sans savoir pourquoi, les conseillers échangèrent des regards perplexes. De son côté, Tegami pâlit considérablement et fut incapable de parler un moment. Puis il détourna lâchement les yeux et marmonna faiblement :
« Je m'inquiète juste pour toi.
– Inutile de vous en faire. »
Les conseillers furent émus devant la détresse d'un père aimant face à son fils ingrat. Des murmures mécontents s'élevèrent.
« Tss, le Second Prince n'a vraiment aucun respect pour son père, » chuchota quelqu'un juste à côté de Seiryū.
Ce dernier foudroya la personne du regard : c'était le seigneur Tehiru.
« Firal Seiryū, l'interpella soudain l'Empereur, pouvez-nous nous donner une version plus détaillée afin de nous éclairer, je vous prie ? »
Les regards se posèrent sur lui, dont celui du Second Prince. Seiryū n'aurait pas demandé mieux que de tout raconter, du comportement honorable de Haruni à son sens aigu du sacrifice pour son frère aîné. Il y avait cependant son serment… Les cris de Gorō lui revinrent à l'esprit et il frémit.
« Je n'ai rien à ajouter, votre Majesté, » fit-il, la mort dans l'âme.
Cela lui valut des regards interloqués. Le visage de Tegami se durcit, n'appréciant guère qu'on lui cache des choses.
« Vraiment ? »
De son côté, le général Kenryū pressa son fils :
« Seiryū, tu dois tout nous dire ! »
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Le jeune pâlit et se mordit les lèvres, au supplice.
« Veuillez me pardonner, fit-il en s'inclinant bien bas, mais je ne peux vraiment rien dire d'autre ! »
La consternation se fit. Honteux, Seiryū risqua un coup d'œil en direction du Second Prince et vit que ce dernier avait déjà détourné le regard, comme s'il ne comptait guère. Il préféra donc continuer à fixer le sol. Tegami demanda le silence et les conseillers se calmèrent rapidement.
« Je saurai la vérité à ce sujet tôt ou tard, » prévint-il son fils.
Haruni battit lentement des cils, ne semblant pas du tout inquiet.
« Dis-nous au moins comment vous vous êtes échappés, poursuivit Tegami.
– Nous ne nous sommes pas échappés, répondit volontiers Haruni. Les soldats de la caserne nous ont laissés partir. »
Un des conseillers ne put retenir un rire incrédule.
Tegami se massa les tempes, sentant une migraine poindre.
« Le commandant Gorō vous aurait laissé partir sans rien dire ?
– Il ne pouvait effectivement plus rien dire, puisqu'il était mort. »
Les conseillers n'en pouvaient plus de tous ces chocs. Le Second Prince semblait prendre un malin plaisir à ne donner qu'une infime partie des renseignements. C'était sûr, il devait cacher quelque chose de répréhensible !
« Mort ? Comment ? s'écria Tegami, surpris.
– Il a causé sa propre mort en manquant de respect aux Dieux. »
Tegami attendit la suite, mais Haruni n'avait rien de plus à dire. Mécontent, l'Empereur poussa un lourd soupir et finit par déclarer :
« Haruni, il était de toute évidence trop tôt pour te demander des explications. Va donc te reposer et nous reprendrons dans quelques jours. La prochaine fois, tu auras intérêt à tout nous raconter ! »
De son côté, Kenryū comptait également interroger son fils sans relâche, surpris et inquiet de son silence qui semblait vouloir dire qu'il était de connivence avec le Second Prince.
Au lieu de s'incliner et de prendre congé, Haruni fit :
« J'ai également des questions sur les circonstances de ma capture. »
Tegami l'examina attentivement. Son fils ajouta :
« Je n'ai pas pu entendre les récits des généraux Narubi et Bakkushō, alors certains points sont flous. Puisque j'ai répondu à vos questions, pouvez-vous répondre aux miennes ? »
Une pensée commune parcourut l'assemblée : le Second Prince n'avait pas dit grand-chose, alors comment osait-il réclamer des informations ? Tegami hocha cependant la tête, conscient que son fils ne faisait pas ça sans raison.
« Qu'est-ce que tu veux savoir ?
– J'aimerais tout d'abord comprendre pourquoi il ne restait plus qu'une vingtaine de soldats au campement pour nous protéger le jour de la bataille. »
L'Empereur fit signe au général Bakkushō de répondre.
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Ce dernier fit d'un ton hautain :
« Comme je l'ai déjà dit, j'avais ordonné qu'un bataillon de cent hommes reste. Je ne m'explique pas ce qui s'est passé : soit les soldats ont déserté, soit ils n'ont pas reçu l'ordre et sont partis au front avec les autres. C'est un mystère.
– Vous n'avez donc pas tenté de retrouver et interroger les soldats fautifs ? lui demanda Haruni.
– Votre Altesse, j'ai des milliers d'hommes sous mes ordres, le sermonna le général. Je ne sais même pas quelle unité a été réquisitionnée, c'est un de mes commandants qui s'en est chargé.
– Lequel ? insista l'adolescent.
– Le commandant Jirō, décédé durant la bataille. Vous conviendrez qu'il n'est guère possible d'interroger un mort. »
Haruni songea surtout que c'était bien commode pour le général.
« Vous n'aviez prévu que cent hommes, donc ? enchaîna-t'il en changeant d'approche. N'était-ce pas un peu léger ?
– Vous auriez voulu que je vous laisse toute l'armée ? » se moqua Bakkushō.
Des rires accompagnèrent ses propos. Seiryū serra les poings devant ce comportement presque irrespectueux du général, et cela en présence de l'Empereur ! Cependant, Tegami fronça les sourcils et ne réprimanda pas Bakkushō. Quant à Haruni, il s'en moquait bien, concentré sur autre chose.
« Bien sûr que non, concéda-t'il, mais au vu de l'attaque surprise de la veille, vous auriez dû renforcer la sécurité. »
Cela parut relancer un débat antérieur.
« Je n'y comprends rien, fit le seigneur Hatochi en s'éventant. Il y a eu une attaque surprise de l'ennemi ou pas ?
– L'attaque a bien eu lieu, répondit Haruni.
– Je confirme ! » intervint brusquement Seiryū.
Il avait enfin vu une occasion de venir en aide au Second Prince sans trahir son serment.
Haruni lui lança un regard froid avant de continuer :
« La veille au soir de la bataille, deux cents soldats ennemis ont tenté d'approcher de notre campement en passant par le pont de la rivière Morishiwa. Le général Bakkushō a ignoré mes avertissements.
– Parce que vous étiez incapable d'expliquer d'où venaient ces renseignements ! se défendit Bakkushō d'un ton indigné. Le général Narubi pourra confirmer. »
Narubi hocha effectivement la tête.
« Pourtant, insista Haruni, l'attaque a bien au lieu.
– Et tu y es allé seul, intervint sombrement Tegami.
– Non, le Firal Seiryū m'a rejoint, » rectifia l'adolescent.
Devant le regard consterné de son père, il se justifia :
« Quel autre choix avais-je ? Le général Bakkushō refusait de me laisser prendre quelques soldats et le temps pressait.
– J'ai voulu envoyer des soldats à votre poursuite, s'insurgea le concerné, mais c'est le Firal Seiryū qui m'en a dissuadé ! »
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Les regards convergèrent vers le jeune homme qui cessa de respirer. Cette décision avait été la première d'une longue liste d'erreurs, il s'en rendait compte à présent. Mais sur le coup, cela avait été comme descendre une pente raide. Il n'avait eu ni le temps de réfléchir, ni la possibilité de revenir en arrière. Il reconnut piteusement :
« Le général Bakkushō dit vrai.
– Vous voyez ? triompha ce dernier. Ce n'est donc pas de ma faute !
– Soyez sans crainte, général Bakkushō, assura Haruni avec un léger sourire. Je ne souhaite pas que vous soyez puni pour des faits dont vous n'êtes nullement coupable. »
Bakkushō tiqua puis rétrécit les yeux, sentant une autre signification dans le ton de l'adolescent. Haruni reprit :
« Quoi qu'il en soit, étant donné que l'ennemi avait prouvé qu'ils pouvaient agir en traîtres, j'estime que même cent hommes n'étaient pas assez pour assurer la protection de mon frère. »
Même si les conseillers n'étaient guère favorables envers Haruni, ses propos tombaient sous le sens. Bakkushō se renfrogna.
« Je n'aurais pas eu à me soucier de votre protection si vous m'aviez accompagné sur le champ de bataille comme prévu, votre Altesse. Mais non, vous étiez trop occupé à dormir jusqu'à midi ! » fit-il avec un sourire clairement ironique.
Des regards réprobateurs et moqueurs se posèrent sur l'adolescent.
« Dormir le jour d'une bataille, non mais quelle honte ! souffla l'Érudit Taikōshi en fronçant le nez.
– Ce n'est encore qu'un enfant et il veut réclamer des comptes au général Bakkushō ! renchérit le seigneur Kawano.
– Il déshonore clairement la famille impériale, » lança le général Modori.
Seiryū se retint de hurler devant cette injustice : c'était lui qui avait donné un somnifère à Haruni, voilà pourquoi ce dernier avait dormi si tard ! Les larmes aux yeux, il lança un regard au concerné. Le Second Prince restait indifférent aux mauvaises critiques qui pleuvaient sur lui et ne cherchait pas à se défendre. Pourquoi ne se rendait-il pas compte qu'en s'abstenant de réagir, c'était comme s'il leur donnait raison ?
Haruni consacrait tous ses efforts à rester concentré sur son objectif, luttant contre la fièvre qui ne diminuait pas et qui lui embrouillait l'esprit. Rien d'autre ne comptait.
« Vous n'avez pas répondu à ma question, général Bakkushō, reprit-il d'une voix forte pour couvrir les murmures moqueurs. Aviez-vous pris des précautions supplémentaires suite à cette attaque surprise ?
– Bien sûr, répliqua le général en croisant les bras. J'ai envoyé des éclaireurs surveiller le pont afin d'éviter une nouvelle tentative, et ce dès la nuit ! »
Une lueur éclaira les yeux dorés. Ne laissant rien paraître, Haruni poursuivit :
« Et que vous ont dit les éclaireurs ?
– Aucune troupe ennemie n'a tenté de repasser par le pont. J'ai reçu des rapports réguliers juste avant le début de la bataille. Après ça, j'étais trop occupé à me battre, moi ! »
Haruni prit un air songeur.
« Aucune troupe ennemi n'a tenté de repasser par le pont, répéta-t'il. Est-ce tout ce qu'ils vous ont dit ?
– Oui ! » fit le général en opinant du chef.
Haruni marqua une pause, tandis que Seiryū comprenait enfin.
« Général Bakkushō, je suis perplexe.
– Qu'y a-t'il encore ?! »
Le général était clairement à bout de patience et ne masquait plus son hostilité. Haruni cligna des yeux dans sa direction.
« Bien sûr qu'aucune troupe ennemi ne pouvait repasser par le pont, puisqu'il a été détruit. »
L'autre homme écarquilla soudain les yeux, pris au dépourvu.
« Ce… c'est… Comment ça, détruit ? Ce n'est pas possible !
– Le Second Prince dit vrai ! » rétorqua Seiryū, ravi de pouvoir intervenir de nouveau.
Son père lui lança un regard étrange, car il commençait à soupçonner quelque chose. Quant à Haruni, une fois de plus, il ne lui manifesta aucune reconnaissance.
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Pendant ce temps, le général Bakkushō avait pu réfléchir à une excuse.
« Cela veut dire que les éclaireurs ont menti ! affirma-t'il. Ce ne sont que des fainéants ou bien des traîtres !
– Vous semblez avoir une bien piètre opinion de l'Armée Impériale, général Bakkushō, releva Haruni. Vos éclaireurs sont des traîtres, les hommes qui devaient protéger mon frère sont des déserteurs… »
Les autres généraux froncèrent les sourcils et observèrent leur collègue. Il était vrai que cette accumulation d'erreurs n'était pas normale !
« Général Bakkushō, en profita pour intervenir Tegami, je note que d'après vos propos, vous étiez bien trop occupé à la bataille plutôt qu'à vous soucier de la sécurité de mes deux fils, n'est-ce pas ? »
Le général tiqua. Il n'avait pas réfléchi en disant cela, trop énervé par l'aplomb de ce morveux de Second Prince. Il savait cependant que l'Empereur était extrêmement susceptible pour tout ce qui concernait ses enfants. Il se prosterna aussitôt.
« Votre Majesté, bien sûr que non ! se défendit-il. Même au plus fort de la bataille, une partie de moi songeait sans cesse aux deux princes. Je vous assure que je les croyais en sécurité ! Je vous supplie de me croire ! »
Le regard noir de Tegami resta fixé sur l'homme prosterné.
« Je demande qu'une enquête approfondie soit ouverte sur ces événements. S'il le faut, que tous les soldats présents soient interrogés !
– Votre Altesse, s'écria le ministre Kimora, cela prendra un temps colossal !
– Et alors ? rétorqua Tegami. Vous aussi, vous estimez que la sécurité de mes fils n'en vaut pas la peine ?
– Hum… Non, bien sûr que non ! » céda aussitôt le ministre.
Satisfait, l'Empereur ramena son attention sur son fils et fut surpris de le voir l'examiner avec surprise et approbation. Cela lui fit chaud au cœur.
« Haruni, la vérité sera découverte, je t'en fais le serment.
– Merci, Père.
– Y a-t'il autre chose ? »
L'adolescent fit mine de réfléchir. Les conseillers le fixèrent avec appréhension, redoutant ce qui allait sortir de sa bouche.
« Ah oui, un dernier détail. »
Haruni adressa un sourire au général toujours prosterné qui avait juste relevé la tête.
« Général Bakkushō, je sais bien que vous étiez très absorbé par les préparatifs de la bataille imminente, mais puis-je savoir pourquoi le matin même, vous êtes parti pour libérer contre de l'argent le fils de Tadeoru que j'avais capturé la veille ? »
Note de Karura : Haruni en pleine action ! Bakkushō ne sait pas à qui il a osé se frotter !
Commentaires :
Plafond a écrit le dimanche 12 novembre 2023 à 11:34
Boom ! Haruni a vraiment l'art et la manière d'amener les choses !
J'attends la suite avec toujours autant d'impatience :)
Novel_roman a écrit le dimanche 12 novembre 2023 à 14:40
Haruni est trop intelligent et franchement les réactions de seiryu sont trop drôle 🤣
Merci pour ce chapitre ❤️
Hâte d'être au week-end prochain