Le Prince Solitaire 6 16

Chapitre Seize : L'étau se resserre


Kurojū, septième mois de l'année 2454


Pour le coup, le général Bakkushō se redressa complètement, ahuri.

« Comment vous savez que… »

Il se rendit compte qu'il s'était trahi. Il tenta malgré tout de se reprendre :

« Je ne comprends pas. Le fils de Tadeoru ?

Le matin de la bataille, vous êtes parti en avance avec le jeune homme que j'avais capturé la veille car vous aviez reçu une demande de libération pour lui. »

La bouche du général se tordit en un pli moqueur.

« Oui, hé bien, contrairement à certains, je n'ai pas passé ma matinée à dormir  ! »

Ce rappel des faits avait pour but de détourner l'attention de ses propres manquements. En entendant des rires étouffés, Seiryū se raidit, furieux de l'attitude et de la stupidité des conseillers.


Haruni poursuivit, ignorant la pique :

« Vous vous êtes permis de disposer de mon prisonnier sans me consulter au préalable.

Je vous aurais volontiers consulté, votre Altesse, mais vous dormiez ! »

Seiryū fut pris de l'envie de frapper cet arrogant général afin d'effacer son sourire narquois.

« L'affaire était-elle si urgente que vous ne pouviez pas attendre mon réveil ?

En temps de guerre, il revient de droit au plus haut gradé de décider du sort de tous les prisonniers ! s'agaça Bakkushō.

Vous estimez-vous plus gradé que le Second Prince, général  ? » intervint Tegami d'un ton âcre.

Plus il entendait Bakkushō parler à son fils, moins cet homme lui plaisait.


« Non, votre Majesté, répondit aussitôt Bakkushō. Bien sûr que non ! Pardonnez-moi, j'ai parlé sans réfléchir !

Pourtant, vous vous êtes permis de recevoir de l'argent pour le prisonnier de mon fils. »

Le général pâlit et se prosterna à nouveau.

« Naturellement, j'ai fait cet échange pour le compte du Second Prince ! L'argent de la rançon lui sera versé dès demain ! »

Personne ne fut dupe. Bakkushō s'enfonçait de plus en plus et ce n'était pas fini. Tegami releva un autre détail :

« Général Bakkushō, saviez-vous que le prisonnier en question était le fils même de Tadeoru ?

Non, je l'ignorais ! Le Second Prince ne m'en avait rien dit.

Je ne connaissais pas non plus son identité au moment de sa capture, confirma l'adolescent.

Comment l'as-tu su alors ?

C'est le commandant Gorō qui me l'a dit. Il voulait me décourager. »

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Le visage de Bakkushō s'illumina en voyant cette porte de sortie.

« Qui dit que le commandant n'a pas menti ? se hâta-t'il de lancer.

Il a menti sur plusieurs choses, concéda Haruni, mais pas sur ce point.

Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ?!

À combien s'élève la rançon que vous avez touchée, général Bakkushō ? » demanda plutôt Haruni.

Cette question matérialiste le prit au dépourvu.

« Je… je ne sais plus exactement.

Une estimation alors ?

Deux mille pièces d'or.

Si peu ? s'étonna Haruni.

Oui ! Voilà pourquoi je n'avais aucun moyen de soupçonner l'identité de ce prisonnier ! »

Satisfait de son argument, Bakkushō retrouva son assurance et se releva en hochant la tête.


« Général Bakkushō, fit soudain Haruni d'un ton ironique, vous devez vraiment avoir besoin d'argent. Avez-vous des dettes à régler ?

Quoi ? s'écria le général d'un air outré. De quel droit vous vous permettez de dire ça ?!

Le matin même d'une importante bataille, vous quittez le campement pour faire cet échange. Cela n'aurait-il pas pu attendre quelques jours ? »

À ces mots, tout le monde comprit qu'il y avait effectivement quelque chose de suspect. Les libérations de prisonniers avaient en général lieu bien après les combats pour laisser du temps aux négociations de prix. Se sentant observé de près, Bakkushō perdit un peu de sa contenance.

« Hé bien… Tout était déjà prêt pour la bataille, alors… Je n'avais rien d'autre à faire…

Vraiment ? En tant que général, vous n'auriez pas dû inspecter les troupes, recevoir les derniers rapports du terrain, vérifier et ajuster la stratégie en conséquence et transmettre les derniers ordres aux différents régiments ? »

Le visage de l'autre homme s'assombrit. Il semblait que ce gamin connaissait parfaitement le rôle d'un général.


« Je… j'ai pensé à un père inquiet pour son fils, ou quelque chose dans le genre.

Inquiet au point de ne proposer que deux mille pièces d'or ? En plus, il me semble que le commandant Gorō a parlé d'une fortune. »

Bakkushō maudit intérieurement ce commandant trop bavard. S'il avait tout révélé au Second Prince, pourquoi ne l'avait-il pas tué tant qu'à faire ?

« Je ne sais pas. Il devait sûrement être ironique, marmonna-t'il.

Je me souviens qu'il a même dit que vous aviez bien négocié le prix. »

C'en était trop. Bakkushō avait l'impression d'être dans un piège qui se refermait lentement sur lui. Le plus irritant, c'était qu'au lieu de dévoiler tout ce qu'il savait, le Second Prince ne lui servait qu'un morceau d'information. Il attendait qu'il argumente, puis démolissait ses justifications avec un autre renseignement. C'était une guerre d'usure et le Second Prince semblait très doué pour ça, bien trop pour un enfant de son âge !


Cependant, Bakkushō était un guerrier dans l'âme et il refusait de se rendre. Le Second Prince n'avait aucune preuve tangible, seulement les dires d'un ennemi et des actions discutables. De son côté, le général avait des décennies de bons et loyaux services, sans parler de la réputation impeccable de sa famille. Il ne risquait donc rien !

« C'est faux, » affirma-t'il avec aplomb.

Tant qu'il nierait, on ne pourrait pas l'accuser. Haruni plissa les yeux devant sa résistance. Il ne pouvait plus qu'espérer avoir suffisamment semé le doute dans l'esprit des conseillers.

« Général Bakkushō, intervint l'Empereur, vous êtes invité à rester à Kurojū le temps de l'enquête officielle. Il va de soi que vous allez coopérer, puisque vous n'avez rien à vous reprocher.

B-bien entendu, votre Majesté, » fit-il en s'inclinant.

En son for intérieur, il dressait déjà la liste de toutes les preuves à détruire.

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« Vous ne serez pas autorisé à communiquer avec vos hommes ou qui que ce soit, ajouta Tegami.

Votre Majesté, protesta alors Bakkushō, suis-je prisonnier ? »

Il semblait bien être le seul à s'en indigner. Les autres conseillers paraissaient douter de lui à leur tour. L'Empereur eut un sourire aimable.

« Bien sûr que non, général, vous êtes mon invité»

Sur ce, l'Empereur mit fin à la séance. Cinq membres de la garde impériale escortèrent le général Bakkushō vers des appartements, s'assurant que personne ne lui parlerait. Les conseillers sortirent à leur tout en murmurant vivement sur le sort du général : était-il un traître ou juste un incompétent ? Les avis étaient partagés. Seiryū fut réticent à s'en aller, car il aurait voulu échanger quelques mots avec le Second Prince. Malheureusement, ce dernier ne lui prêtait aucune attention. Finalement, le Firal dut partir avec son père.


~*~


Il ne resta plus que l'Empereur et ses deux fils. Comme à son habitude, Tomuki n'avait rien osé dire durant la réunion houleuse, mais il avait attentivement écouté et certaines choses l'avaient horrifié au plus haut point. Il rejoignit son frère et le serra fort dans ses bras, sans remarquer la crispation de ce dernier.

« Je n'aurais jamais dû accepter qu'on se sépare ! s'écria-t'il, les larmes aux yeux.

Cela n'aurait pas changé grand-chose. Nous aurions été capturés tous les deux et Tadeoru aurait eu un meilleur moyen de pression sur Père. »

Troublé, Tomuki le relâcha. Haruni cacha la douleur dans son bras gauche.


« Haruni, fit leur père, quel est le problème avec le général Bakkushō ?

Je pense que c'est un traître à la solde de Dekita. »

Tomuki retint un cri de stupeur. Tegami réagit moins vivement, car il s'était douté des pensées de son cadet, sans parler de ce qu'il avait entendu durant la réunion.

« Depuis quand nous aurait-il trahis, d'après toi ?

Avant la bataille, c'est sûr. »

Haruni prit un air songeur.

« Je crois qu'il savait pour l'attaque surprise du campement, voilà pourquoi il ne voulait pas me confier des hommes. Comme cela a échoué, il nous a laissés au camp sans protection suffisante, tout ça pour que les hommes de Gorō nous capturent. Sans parler du fait qu'il a libéré le fils de Tadeoru juste pour de l'argent. »


Tegami fronça les sourcils et argua :

« Le général Bakkushō a une explication pour chaque fait que tu cites.

Ses justifications ne tiennent pas trop la route. Tout le monde s'en est rendu compte.

Pour autant, il me faudra des preuves solides, sinon je ne pourrai rien faire contre lui. Espérons que l'enquête nous apporte ce qu'il nous faut.

Demandez aussi aux Ombres d'enquêter.

Les Ombres ? intervint Tomuki, l'air un peu indigné. Parce que tu es aussi au courant de leur existence ? »

L'Armée des Ombres était normalement un secret connu seul de l'Empereur et du Second Empereur. Les princes ne devaient être mis au courant qu'à leur majorité, ce qui avait été le cas pour Tomuki.

« Je ne voulais pas lui en parler, se défendit l'Empereur, mais il a découvert leur existence tout seul. »

Tegami se rendait compte au fil du temps que Tomuki devenait facilement jaloux de son petit frère, alors il faisait tout son possible pour apaiser les choses. Il voulait que ses deux fils soient unis, pas qu'ils se chamaillent !

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« Je ne suis plus un enfant, Père, rétorqua Tomuki. Il serait temps que vous cessiez de me faire des cachotteries ! »

Il lança un regard à son frère avant d'ajouter :

« Comme le fait que Haruni peut utiliser la magie. »

L'Empereur tressaillit et jeta aussitôt un regard accusateur à son cadet :

« Haruni, tu lui as dit ?!

J'ai dû utiliser le feu pour nous aider à nous échapper, se justifia-t'il en haussant les épaules — une seule épaule en fait.

Quelqu'un d'autre t'a vu ?

Le Firal Seiryū, mais il ne dira rien à son père, assura-t'il devant l'effarement de son père. Le commandant Gorō et quelques soldats de Tomako le savent aussi, mais cela ne s'ébruitera pas non plus. »


Le visage de Tegami s'était assombri de plus en plus.

« Tu n'aurais pas dû utiliser ta magie ! s'écria-t'il. Tu veux que l'Empire tout entier soit au courant ?! »

Passablement irrité, Haruni répliqua aussi sec :

« Vous auriez préféré que Tomuki se fasse capturer aussi ? Et puis franchement, vous croyez que les gens ne me soupçonnent pas déjà d'avoir des pouvoirs magiques à cause de ce foutu sang Hikari dans mes veines ? Vous êtes vraiment trop naïf si vous pensiez pouvoir cacher ça pour toujours ! »

Tomuki se fit tout petit devant cette nouvelle dispute. Tegami, lui, devint blême de rage.

« Haruni !

J'ai ce pouvoir que je n'ai jamais demandé, alors autant qu'il serve ! Il faudrait être idiot pour ne pas utiliser tous les outils à sa disposition ! »

En même pas une minute, Tegami venait de se faire traiter de naïf et d'idiot par son propre fils. Inutile de dire qu'il n'apprécia pas du tout.


Il commença donc à s'énerver à son tour :

« Il y a une différence entre utiliser son pouvoir à tort et à travers, et l'employer avec parcimonie et uniquement dans des situations judicieuses !

À tort et à travers, vraiment ? releva Haruni. Vous voulez que je vous montre ce que c'est que d'employer son pouvoir à tort et à travers ? »

Tegami rétrécit les yeux et le foudroya du regard, les lèvres pincées. Haruni ne se laissa pas du tout impressionner. Son attitude de défi fut gâchée par le fait qu'il vacilla soudain, ayant dépensé trop d'énergie à se quereller.

« Haruni ! s'écria aussitôt Tomuki en se portant à ses côtés.

Ça va, assura l'adolescent, j'ai juste un peu de fièvre. »

Le médecin impérial avait forcément indiqué ça aussi dans son rapport.


Tegami arbora un air de regret.

« J'aurais vraiment dû attendre quelques jours avant de te faire venir devant le Conseil. Tu as besoin de repos.

Ce n'est pas ça, le problème, » reprit vivement Haruni.

L'Empereur resta coi devant cette nouvelle accusation.

« Vous pensiez vraiment que j'allais tout raconter devant ces gens ? continua l'adolescent.

C'est le Conseil ! Ils m'assistent pour gouverner et…

Il y pourtant déjà un traître parmi eux, rétorqua Haruni en lui coupant la parole. Qui sait s'il n'y en a pas d'autres ? »

Tegami ne savait plus vraiment quoi dire.


Fort heureusement, Haruni ne se sentait vraiment pas bien et préféra quitter la salle avant de faire un malaise.

« Je veux une copie des rapports d'enquête en temps réel, » exigea-t'il avant de partir.

Tomuki le regarda partir d'un air inquiet, puis se tourna vers son père.

« Il n'a vraiment pas l'air d'aller bien, commenta-t'il.

Il va s'en remettre, » fit Tegami.

Mais il semblait dire ça plus pour se convaincre que par réelle conviction. Tomuki se pinça les lèvres, puis fit d'un air décidé :

« Père, vous devez vraiment tout me dire au sujet de Haruni ! Ce n'est pas normal que j'ignore autant de choses à son sujet ! »

Troublé, Tegami se tourna vers lui.

« D-de quoi tu parles ? Haruni t'aurait dit autre chose ? »

C'était comme un aveu.

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Le Premier Prince fronça les sourcils.

« Il m'a juste dit que vous lui aviez interdit de parler de certaines choses, même à moi ! Je veux savoir de quoi il s'agit ! »

Tegami porta une main à son front, très las tout à coup.

« Pas maintenant, Tomuki, s'il te plaît. Nous verrons ça plus tard. »

Si cela avait été Haruni, il n'aurait pas lâché le morceau comme ça. Au contraire de lui, le visage de Tomuki s'adoucit et il hocha la tête.

« Ces derniers temps ont été très durs pour vous aussi, Père, fit-il d'un ton compréhensif. Je peux attendre, mais je saurai tôt ou tard ce que vous me cachez. »

Il salua son père, puis partit à son tour. Tegami soupira lourdement. Les enfants devenaient vraiment de plus en plus difficiles en grandissant.


~*~


De son côté, Seiryū eut droit à un véritable interrogatoire de la part de son père une fois qu'ils furent dans leurs quartiers.

« Je ne sais pas ce qu'il y a avec le bâtard, mais tu vas tout me raconter maintenant, Seiryū ! »

Le jeune homme déglutit. Kenryū n'était pas stupide : il ne pouvait qu'avoir remarqué le silence suspect de son fils durant le Conseil.

« Père, je ne peux vraiment rien dire de plus que ce qu'a déjà dit le Second Prince, » fit-il d'un ton implorant.

Malheureusement pour lui, le général renifla d'incrédulité.

« Quoi qu'ait pu te dire le Second Prince, il n'a aucune autorité sur toi ! Et s'il t'a menacé pour que tu te taises… 

Non, ce n'est pas ça du tout ! » s'empressa d'affirmer Seiryū en sentant que son père se mettait en colère.

Cela dit, ce serment qu'avait prononcé Seiryū pouvait s'apparenter à une menace. Mais d'un autre côté, Haruni ne l'avait pas obligé à le prononcer. Cela avait été son propre choix pour obtenir le pardon de l'adolescent.


« J'ai… j'ai donné ma parole, Père, ajouta-t'il. N'insistez pas, je vous en prie. »

Cela lui valut un regard stupéfait de la part de son père.

« Ta parole ? À qui ? Au bâtard Hikari ? Seiryū, il y a des moments dans la vie où il faut rompre certains serments !

Pas celui-là ! » répliqua fermement le jeune homme.

En constatant que son père était de plus en plus inquiet pour lui, il chercha les mots justes pour le rassurer.

« Ce que je ne peux pas dire… cela ne met pas l'Empire en péril. Je pense. Faites-moi confiance sur ce point, Père ! »

Kenryū le regarda avec un soupçon d'inquiétude et de fierté.

« Évidemment que je te fais confiance, répondit-il aussitôt. J'espère que tu me fais également confiance pour partager tes secrets. »

Cela mit du baume au cœur de son fils.

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« Absolument, Père, répondit-il, sauf qu'il ne s'agit pas là d'un secret, et encore moins le mien. C'est au Second Prince qu'il appartient d'en parler, c'est tout. »

Le visage du général se renfrogna en pensant à cet adolescent.

« Bon, tu peux me dire au moins ce que tu penses du général Bakkushō ? Le Second Prince a l'air de penser qu'il nous a trahi. »

Seiryū réfléchit et se dit qu'il pouvait donner son opinion sans rompre son serment, du moment qu'il ne parlait pas des événements passés.

« Les agissements du général Bakkushō ne sont pas clairs sur de nombreux points. Je ne lui fais plus confiance, moi non plus.

C'est aussi mon avis, confia Kenryū. L'enquête officielle devrait nous en apprendre davantage. »


Seiryū hocha la tête, puis posa une question qui le taraudait depuis un moment :

« Père, si vous aviez eu le fils de Tadeoru comme prisonnier, qu'auriez-vous fait de lui ?

Mmm, je m'en serai servi pour réclamer la reddition de son père.

Vous pensez que cela aurait fonctionné ? »

Kenryū prit un air songeur.

« C'est difficile à dire, mais cela aurait valu le coup d'être tenté. Un père peut faire énormément de choses pour son fils, » fit-il avec un sourire.

Seiryū lui rendit son sourire et avoua :

« Le Second Prince avait la même intention. »


Le sourire de Kenryū disparut aussitôt.

« Humph, ce n'est guère étonnant. Les Hikari sont vraiment des manipulateurs sans scrupule ! »

Seiryū se figea.

« Mais Père, songea-t'il, vous veniez de dire que vous auriez fait la même chose. Pourquoi vous réagissez aussi négativement quand il s'agit du Second Prince ? »

Il commençait à être un peu plus sensible à ce genre de contradictions. On avait l'impression que quoi que faisait Haruni, c'était forcément mauvais et avec des intentions cachées derrière. Seiryū commença à nourrir plusieurs doutes, mais il les garda pour lui. Dans tous les cas, il y avait un sérieux problème qu'il n'avait jamais remarqué jusque là.


~*~


Le général Bakkushō fut gardé sous étroite surveillance et n'eut droit à aucun visiteur. Même s'il était dans des appartements luxueux, il était néanmoins prisonnier. Les Ombres qui le surveillaient en plus des gardes interceptèrent les messages qu'il tenta d'envoyer par plusieurs moyens détournés, ce qui aida grandement l'enquête officielle. En effet, pourquoi s'embêter à fouiller tout un domaine pour trouver des preuves lorsque le général lui-même indiquait leurs emplacements pour qu'elles soient détruites ? Ce fut ainsi que le Conseil eut accès au registre de comptes du général Bakkushō qui stipula qu'il avait reçu deux millions de pièces d'or peu après son retour du front. Rien ne précisait la provenance d'une telle somme, aussi les conseillers en déduisirent-ils qu'il s'agissait forcément de la rançon pour la libération du fils de Tadeoru.


« Pourtant le général n'avait parlé que de deux mille pièces d'or, s'étonna Tomuki pendant la lecture du rapport au Conseil. Il aurait menti ?

Ou bien il est tellement riche que pour lui, deux mille ou deux millions de pièces d'or, cela revient au même, » commenta Haruni avec un sourire.

Seiryū, qui écoutait attentivement, masqua son rire, agréablement surpris que le Second Prince sache faire de l'humour. Cela dit, les conseillers s'offusquèrent de la remarque légère de l'adolescent. L'affaire était grave, un des membres du Conseil était tout de même soupçonné de trahison ! Ce n'était donc guère le moment de plaisanter.


Confronté à cette rentrée d'argent suspecte, Bakkushō ne put de nouveau pas se justifier.

« Un ami qui me devait de l'argent a remboursé sa dette.

Quel ami ? s'enquit le seigneur Hatochi d'un ton de doute.

C'est une affaire embarrassante pour mon ami, alors l'honneur m'incombe de ne pas révéler son nom.

Même si cela risque de devenir une affaire encore plus embarrassante pour vous ? »

Le général se raidit.

« Mon honneur est sauf, ma conscience est tranquille, je n'ai rien à me reprocher. »

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Sauf que d'autres rentrées d'argent furent repérées dans les mois précédentes, toujours sans aucune mention de leur origine.

« D'autres remboursements de vos amis ? » railla Hatochi.

Bakkushō s'enferma dans le mutisme. Les conseillers secouèrent la tête d'un air désolé. Ils ne pouvaient pas aider leur collègue si celui-ci refusait de s'exprimer clairement. Le coup était particulièrement plus dur pour les autres généraux. Ils connaissaient Bakkushō depuis des décennies et avaient combattu à ses côtés. Narubi et Modori refusaient fermement de croire qu'il avait pu trahir l'Empire et ils rejetaient toute la faute sur le Second Prince.


« Ce gamin se venge parce que Bakkushō n'a pas cédé à son caprice la veille de la bataille ! s'écria Narubi lors d'une réunion privée dans les appartements de Kenryū. J'étais présent et j'ai bien vu le regard de haine qu'il lui a lancé !

Mais il a des preuves matérielles, objecta Modori. Bakkushō a bel et bien touché de l'argent de manière suspecte.

Bah ! Lequel d'entre nous n'a pas une ou deux affaires secrètes ? » fit Narubi.

Il avait bien bu sous l'effet de la colère, ce qui expliquait que sa langue se déliait un peu trop. De son côté, Kenryū tentait de rester objectif.

« Dans ce cas, pourquoi Bakkushō garde-t'il le silence ? Et même ses autres explications m'ont paru suspectes.

Kenryū, enfin ! s'écria Narubi, choqué. Ne me dis pas que tu soutiens les accusations ridicules du bâtard Hikari ! »

Chacun savait que les deux autres ne portaient pas le Second Prince dans leur cœur, alors ils pouvaient parler librement.


« Biens sûr que non ! répliqua Kenryū d'un ton sec. Pour autant, je ne suis pas aveugle ! »

Il aurait aimé dire que Bakkushō était la malheureuse victime des persécutions du Second Prince mais en son for intérieur, il savait reconnaître une situation louche. Le meilleur exemple était la bataille de Mara, perdue par Bakkushō. Narubi assurait qu'ils n'avaient rien pu faire pour l'emporter, sauf que Kenryū avait interrogé certains officiers qui lui avaient rapporté le déroulement précis des combats. Il avait repéré des erreurs manifestes dans la gestion des troupes. Bien sûr, cela pouvait être de l'incompétence, mais il connaissait Bakkushō et il savait que ce dernier s'y connaissait en stratégie. Ce genre d'erreurs était impensable de sa part, même en tenant compte de la pression des combats.


~*~


Tous les doutes éventuels furent balayés lorsque les soldats qui accompagnaient l'enquêteur officiel au domaine du général Bakkushō empêchèrent sa femme et ses enfants de fuir au milieu de la nuit. La famille fut ramenée à Kurojū et le général céda enfin en voyant les siens prisonniers. Il avoua tout devant le Conseil :

« Cela fait cinq ans que je fournis des renseignements au seigneur Tadeoru. Au départ, c'était seulement des informations mineures mais avec la bataille de prévue, le seigneur Tadeoru a exigé de plus en plus. Je voulais y mettre un terme, mais il a menacé de révéler ma trahison. J'étais piégé.

Qu'a-t'il exigé de vous pour la bataille ? demanda Tegami d'un ton dur.

Je devais relâcher la surveillance du campement le soir avant la bataille pour que des soldats de Dekita attaquent par surprise et enlèvent les deux princes. C'était ce qui était prévu, mais il a fallu que le Second Prince s'en mêle ! »

Le général lança sur ce un regard haineux à l'adolescent.

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Haruni ne broncha pas.

« Vous avez dit que vous vouliez envoyer des hommes à ma suite, se rappela-t'il. Vous l'auriez vraiment fait ? »

Bakkushō ricana brièvement.

« Bien sûr ! Des hommes bien choisis qui vous auraient tranquillement livré à l'ennemi ! »

En entendant ça, Seiryū écarquilla les yeux. Alors finalement, il avait bien fait d'intervenir et d'aller rejoindre seul le Second Prince ? Cela apaisa une partie de sa culpabilité. Haruni, quant à lui, plissa les yeux et ne commenta pas.

« Alors le manque de sécurité au campement ? continua à demander Tegami.

C'était toujours dans le même but.

Et notre défaite à Mara ? »

Bakkushō se mordit les lèvres, ce qui était un aveu en soi.

« J'ai tenté de mettre un terme à cet arrangement en négociant la libération du Fieur Manoru, rien à faire ! »


La consternation fut générale. Parmi les conseillers, plusieurs avaient soutenu Bakkushō et comprenaient à présent qu'ils avaient eu tort.

« Bakkushō ! s'écria Narubi avec effarement. Pourquoi tu as trahi l'Empire de l'Aube ? »

Cette question intéressait tout le monde. Le général eut un rire moqueur.

« L'Empire n'est plus ce qu'il était avant, il est en plein déclin ! Et ça, c'est depuis les Hikari ! »

Bakkushō jeta un regard méprisant à Tegami.

« Vous n'êtes qu'un faible, indigne du trône ! C'est votre frère qui aurait dû régner ! Non seulement vous avez laissé les Hikari vous manipuler pendant des décennies, mais vous continuez en laissant leur bâtard vous murmurer à l'oreille ! Cet enfant né d'une putain causera la perte de l'Empire, c'est moi qui vous le dis ! »


Tegami avait blêmi tout du long. L'insulte envers son fils le fit bondir d'indignation.

« Gardes ! ordonna-t'il d'un ton furieux. Emmenez ce traître en prison ! Je ne veux plus le voir ! »

Bakkushō continua de rire et de cracher sur le famille impériale, alors même que les gardes le traînaient hors de la salle. Une atmosphère bien lourde régna après son départ. Tegami était furieux au-delà des mots. Tomuki regardait son frère, en état de choc. Haruni, lui, était indifférent aux insultes prononcés. Les conseillers étaient quant à eux embarrassés par la traîtrise d'un des leurs, mais aussi parce que Bakkushō avait dit tout haut ce qu'ils pensaient au fond d'eux. Cela dit, il y avait une énorme différence entre penser et trahir.


Le seigneur Hatochi s'éclaircit la gorge en se cachant derrière son éventail.

« Hum, il nous reste à décider du sort du général Bakkushō.

La haute trahison est passible de la peine de mort, pour lui et toute sa famille, » rappela le ministre Mekkoshi.

Si certains approuvaient cette sanction, d'autres étaient partagés.

« Quel âge ont ses enfants ? s'enquit Haruni.

Il a deux fils, un de trente ans, l'autre de soixante ans, ainsi qu'une fille dans la quarantaine, répondit Hatochi.

Le Firal Mukō, son aîné, était avec mes troupes, intervint Kenryū. Il a parfaitement exécuté les ordres et je n'ai rien à lui reprocher.

Les enfants ne devraient pas avoir à payer pour leur père, » décida le Second Prince.

Beaucoup de conseillers approuvèrent mais d'un autre côté, les enfants voudraient peut-être se venger des années plus tard. Il était parfois plus simple d'éliminer une menace potentielle. Tegami soupira et déclara :

« Seul le général Bakkushō sera exécuté pour sa trahison. Quant au Firal Mukō, il conservera son titre, mais il ne succédera pas à son père comme général de l'Empire. La majorité de leurs biens et de leurs terres seront confisqués. »

Les conseillers approuvèrent.

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~*~


Le général Bakkushō fut ainsi exécuté dès le lendemain. Pour l'occasion, on lui avait coupé les cheveux à ras — une humiliation supplémentaire — et il ne portait qu'une simple tunique. L'exécution eut lieu dans la cour principale en présence de la famille impériale et des nobles, y compris la femme et les trois enfants du condamné. Pour ses dernières paroles, Bakkushō ne recommença pas à maudire l'Empereur. Il s'adressa simplement aux siens et leur demanda de vivre en paix dans le respect de l'Empire. Puis sa tête roula sur les pavés, tranchée d'un coup net par l'exécuteur assigné.


Certains membres du Conseil scrutèrent le visage du Second Prince afin de déceler la moindre trace de triomphe sur son visage, mais ils ne virent rien. Haruni ne se réjouissait pas particulièrement de la mort de ce traître, c'était une juste punition. Tomuki, lui, pâlit en voyant le cadavre et en fit des cauchemars dans les nuits à venir. Il s'agissait en effet de sa toute première exécution. Néanmoins, quand il prendrait la place de son père, il lui faudrait faire appliquer la justice et parfois condamner des gens à mort. Il doutait d'en être capable et souhaita plutôt que son père règne encore le plus longtemps possible !






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