Prisonnier du Temps 20

Chapitre Vingt : L'Arbre du Temps


La main de Béphélius abaissa la poignée et il poussa lentement.

Il se moquait bien de ce qu'il allait affronter une fois la porte ouverte, il se moquait bien des risques inconnus, il voulait seulement connaître la vérité.

La porte s'entrouvrit sauf que l'extérieur du palais n'était pas la cour que Béphélius connaissait bien.

Une mer de nuages s'étendait à l'horizon dans un ciel immense. Au pied de l'escalier qui partait de la porte, le sol était couvert d'épaisses branches brun foncé. Quand on marchait sur les branches, on avait l'impression d'arpenter une route plate, stable et large.

Béphélius ne savait pas que son palais avait déménagé dans un arbre, un arbre immense qui s'élançait vers le ciel.

Ils se trouvaient à mi-hauteur de l'arbre et en levant les yeux, ils pouvaient voir les branches qui filaient vers le haut.


Béphélius se sentit comme une goutte d'eau dans l'océan, comme s'il ne pouvait voir que la partie émergée de l'iceberg, car il ne pouvait pas distinguer l'arbre en entier — il ne pouvait pas en donner la hauteur ou le diamètre qu'il couvrait mais la scène devant ses yeux suffisait déjà à lui couper le souffle.

Des branches brunes d'une taille au-delà de tout ce que l'on pouvait imaginer voyageaient à travers la mer de nuage et la lumière du soleil entourait les nuages d'un cadre doré. Les nuages au loin étaient complètement dorés, tel le royaume des dieux dans les légendes.


Vanain le souleva dans ses bras et franchit le seuil de la porte. Béphélius voulut descendre et marcher tout seul, en vain. L'Elfe Noir le serrait fort contre son torse. Béphélius renonça à se débattre et trouva une position confortable dans les bras de l'Elfe Noir, laissant l'autre le porter.

Après avoir clairement vu son environnement, Béphélius avait d'autres soucis en tête que ces détails triviaux. Il était complètement attiré par la vue devant lui, contemplant le ciel avec confusion.

Vanain baissa les yeux et l'embrassa légèrement sur le front.

« Vous voulez voir plus loin ? »

Il déposa Béphélius au sol et le conduisit vers le tronc et les nuages dorés.


Les pieds de Béphélius foulèrent les branches rugueuses et la plante de ses pieds commença à lui faire un peu mal avant de devenir rouge.

Il fit deux pas sans se plaindre puis tourna inconsciemment la tête en arrière pour regarder l'Elfe Noir. Vanain comprit ce qu'il souhaitait et le reprit docilement dans ses bras, le portant jusqu'au bout de la branche. Il le posa ensuite et garda Béphélius contre lui en une semi-étreinte.

Ils contemplèrent tous les deux la lumière dorée dans le ciel, sans dire un mot pendant longtemps.

Après un bon moment, Vanain embrassa gentiment le sommet du crâne de Béphélius, passa ses doigts dans les longs cheveux d'or pâle et demanda dans un souffle :

« Votre Altesse Royale, vous aimez cet endroit ? »


Béphélius ne répondit pas et il fallut un bon moment avant qu'il ne se retourne vers l'Elfe Noir qui était à la fois familier et inconnu pour lui. Son regard était calme et compliqué.

« … Qui es-tu ?

– Je suis né ici, fit lentement Vanain. Je suis né dans cet arbre. Je ne sais pas vraiment qui je suis. La première fois que je suis parti d'ici voir le monde à l'extérieur, un groupe d'Elfes m'a capturé et a restreint ma liberté. »

À ces mots, il pencha légèrement la tête sur le côté comme s'il se rappelait cette époque lointaine et intéressante :

« C'était il y a dix ans, Votre Altesse Royale. Au départ, j'étais furieux du comportement de ces gens mais aussi un peu curieux. Je ne savais pas vraiment ce qu'ils allaient faire de moi ni où ils m'emmenaient. Alors je ne les ai pas éliminés tout de suite, je les ai laissé m'emmener à Guangdu avec d'autres Elfes Noirs. Ce fut après que j'appris qu'ils comptaient me vendre à un noble elfique.


« Je n'ai pas trouvé cela insignifiant à l'époque. J'étais sur le point de faire payer à ces gens et de retourner à l'Arbre quand ils m'amenèrent à vous, Votre Altesse Royale.

« Je m'en souviens encore, j'étais un cadeau bien emballé de la part de votre cousin. Il m'a emmené dans votre palais et attendu nerveusement que vous apparaissiez. Et puis vous êtes descendu, portant une douce tunique blanche brodée d'or, en baillant un peu, votre visage encore endormi. Je me souviens que vous m'avez regardé et avez calmement dit : "Qu'il reste." »

Vanain resserra son étreinte et embrassa doucement le lobe de l'oreille de Béphélius.

« Votre Altesse Royale, au moment où je vous ai vu, j'ai changé d'avis. Tout à coup, je me suis dit que ce serait bien de rester.

« Je suis celui que j'ai toujours été. C'est même vous qui m'avez donné mon nom, Votre Altesse Royale, vous êtes le mieux placé pour le savoir. »


Béphélius se pinça les lèvres. Les mots de Vanain lui rappelèrent progressivement leur première rencontre.

À l'époque, il n'avait été qu'un tout jeune homme. Il avait alors été contrarié par quelque chose de totalement insignifiant à présent mais il avait dû abandonner l'idée de récupérer ses heures de sommeil dans l'après-midi, tout ça pour recevoir son cousin agaçant. Puis il avait aperçu l'Elfe Noir du coin de l'œil. Vanain fut le premier et le seul Elfe Noir qu'il désira garder près de lui.

Il se souvint même de la première fois où ils firent l'amour. Cela faisait environ six mois que Vanain était là. Béphélius avait bu à un banquet ce soir-là et il était rentré complètement ivre. Après que Vanain l'ait nettoyé et mis un pyjama propre, il s'apprêtait à se retirer. Il parut naturel à Béphélius de lui ordonner de "rester pour le servir"... Depuis, cela s'était produit de plus en plus fréquemment et c'était devenu naturel.

Ce ne fut que plus tard que Vanain devint son amant sans en porter le nom, mais en fait Béphélius n'avait jamais aimé que lui.


En rétrospective, c'était vrai qu'il n'y avait rien qu'il ignorait sur Vanain depuis ces dix dernières années et l'Elfe Noir n'avait rien à lui cacher.

C'était juste que depuis leur rencontre, Béphélius n'avait jamais fait très attention à son esclave elfique qui n'avait même pas de nom et ne s'était guère intéressé à son passé ou ses origines. Ensuite, quand il commença à lui prêter attention, il ne se souciait plus de son passé. Naturellement, il ne lui était jamais venu à l'esprit de lui poser la question.

Depuis le début, il ne connaissait pas Vanain aussi bien qu'il l'aurait cru ; l'autre Elfe n'était pas aussi simple qu'il l'aurait imaginé.

« Alors cet endroit... »

Il leva les yeux vers son Elfe Noir, ses yeux toujours assombris par le doute.

« C'est l'Arbre de la Vie de vos légendes, fit Vanain en caressant les branches épaisses, mais il est très différent de vos récits ou de ce que vous avez pu imaginer.


« Dans vos légendes, l'Arbre de la Vie est le lieu d'où provient toute vie. Mais, Votre Altesse Royale, vous vous êtes déjà demandé quelle était l'essence de la vie ? » fit l'Elfe Noir d'un ton léger, ses yeux rouge rubis baissés, ses bras emprisonnant l'Elfe de Lumière.

Béphélius secoua la tête par réflexe.

Vanain eut un doux sourire.

« L'essence de la vie, c'est le temps. Si une forme de vie est privée de tout son temps alors cette forme ne peut plus être qualifiée de vivante. Elle passera à un autre état qui est appelé l'état de mort. La frontière entre la vie et la mort relève du fait de savoir si la vie a encore du temps à elle. Il en est de même pour un monde : si un monde perd tout le temps qui lui appartient, alors ce monde sera détruit.

« Par delà l'éternité, toute chose existe selon la catégorie de temps ; toute chose a un temps à gérer et mesurer avant de sombrer dans la mort et la destruction.


« De ce fait, le légendaire Arbre de la Vie devrait plus exactement porter le nom d'Arbre du Temps. Il est l'essence de la vie en ce monde et l'essence du temps dans ce monde tout entier. Il continue de grandir vers le ciel, ce qui prouve que ce monde a du temps pour se mouvoir et couler. Voilà pourquoi la légende raconte que si l'Arbre de la Vie meurt, ce monde tout entier sera détruit. Ce n'est donc pas des sornettes. »

Vanain expliqua énormément de choses mais il n'y avait qu'une seule question qui intéressait Béphélius :

« Alors que diable es-tu ? Quelle est ta relation avec cet arbre pervers.

– Ce n'est pas un arbre pervers. L'Arbre du Temps n'est que l'incarnation du temps de ce monde. Il n'a pas du tout de conscience... Je n'ai rien à voir avec lui, fit Vanain.

« Il se trouve simplement que je suis né ici et, depuis ma naissance, j'ai su instinctivement tout de l'Arbre du Temps. Hormis ça, je n'en sais pas plus. Mais je suis né avec le pouvoir de le contrôler, je sais que je suis une existence supérieure à la sienne. Je sais que j'ai le pouvoir de l'aider à croître tout comme je peux retirer tout le temps qu'il représente et le laisser détruire ce monde, » expliqua tranquillement l'Elfe Noir, montrant clairement à son compagnon le pouvoir qu'il détenait.


En entendant les paroles de Vanain, Béphélius leva les yeux et se mit à étudier les branches et la canopée au-dessus de lui. Il remarqua soudain un fait étrange : plusieurs branches avaient été clairement coupées intentionnellement. Les branches cassées étaient tombées plus bras, desséchées et mortes.

« Puisque c'est l'Arbre du Temps, pourquoi y a-t'il des branches cassées ? demanda-t'il en se tournant vers Vanain.

– Je vous l'ai dit, je peux contrôler l'Arbre du Temps. Je peux l'aider à croître et je peux le détruire. »

Vanain lança un regard doux à Béphélius, ses yeux rouge rubis remplis de ténèbres insondables.

« Le temps se divise en trois : le passé, le présent et le futur. L'Arbre du Temps peut aussi symboliser les différents temps dans le passé, le présent et le futur. Chacune de ses branches représente les différentes possibilités et les différentes directions futures. Nous sommes deux formes de vie indépendantes ; durant le temps où vous et moi existons dans ce monde, il n'y a que deux possibilités : soit nous sommes ensemble, soit nous ne le sommes pas.


« Alors j'ai pris la peine de couper la moindre branche qui représentait le fait que nous ne serions pas ensemble à l'avenir. Ainsi, peu importe ce qui arrivera, peu importe dans quelle direction ira le monde, même si le ciel et la terre sont chamboulés, il y a une seule chose qui peut être garantie. »

L'Elfe Noir plongea son regard dans celui du prince, un doux sourire au coin des lèvres.

« Pour le restant de nos vies, nous serons toujours ensemble, Votre Altesse Royale. »



La parole à l'auteur :

« Par delà l'éternité, toute chose existe selon la catégorie de temps ; toute chose a un temps à gérer et mesurer avant de sombrer dans la mort et la destruction. »

Ainsi, il existe une certaine relation entre l'éternité, le temps et la mort, mais les causes et conséquences sont plus que claires 23333333 C'est du langage Internet pour indiquer le rire. (1)



Notes du chapitre :
(1) C'est du langage Internet pour indiquer le rire.






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