Chapitre Vingt-Huit : Reviens à la maison
À l'extérieur, dans la voiture, Shuangxi ne put s'empêcher d'ouvrir la bouche en grand en entendant la conversation dans la Maison.
Il savait que le prince était très doué. Quels que soient les moyens, il obtenait toujours ce qu'il désirait. Mais il n'aurait jamais cru que le prince pouvait aller jusque là pour récupérer le major général Shi Jian tout en préservant son déguisement, et il ne put retenir son admiration — personne ne devinerait jamais que cet oméga était le prince.
Dans le club, Shi Jian sentit sa gorge se nouer.
Il se dit que s'il pouvait vraiment avoir des chaleurs et que son cycle débuterait, ce serait maintenant — la façon dont le prince l'avait appelé le réchauffa de l'intérieur et troubla d'autant plus son cœur.
Il avait tenté plusieurs fois d'obliger Yan Tuo à l'appeler ainsi, surtout pendant les chaleurs de Yan Tuo, mais ce n'était que lorsque Yan Tuo était poussé dans ses derniers retranchements qu'il acceptait l'humiliation de l'appeler ainsi en supplication avec ses yeux remplis de larmes.
Du coup, c'était la première fois que Yan Tuo l'appelait ainsi de son plein gré.
Shi Jian eut l'impression d'être sur un petit nuage et tous les bruits autour furent étouffés comme dans du brouillard. Il ne pouvait rien entendre, rien voir et plus rien d'autre ne comptait.
Néanmoins d'un point de vue extérieur, il maintenait l'aspect d'une montagne glaciale et indifférente.
Voyant qu'il ne répondait pas, Yan Tuo se pencha plus en avant d'un air blessé et prit l'initiative d'enrouler ses bras autour du cou de Shi Jian pour ensuite se laisser tomber dans son étreinte.
Ce faisant, il le supplia doucement :
« Si quelque chose ne te plaît pas chez moi, tu n'as qu'à le dire et je changerai. Je t'obéirai, je ferai tout ce que tu voudras et tu peux me faire tout ce que tu veux. Je te donnerai tout ce que tu veux alors je t'en prie, ne m'abandonne pas, mon époux... »
L'odeur des phéromones alphas du brouilleur de Shi Jian le mettait mal à l'aise. Pour être exact, ce n'était pas une sensation de malaise mais plutôt le même sentiment d'inconfort que durant ses chaleurs. Yan Tuo sentait faiblement ce qu'il désirait mais cela le rendait confus. Il ne parvenait pas à dire ce qu'il voulait — rempli de désir mais aussi d'ignorance, ce sentiment d'inconfort ne faisait que croître.
Ses jambes commençaient également à faiblir alors il se tourna à moitié et s'assit sur les genoux de Shi Jian avant d'en profiter pour se nicher dans les bras de l'autre homme, complètement détendu et se reposant sur l'autre.
Les gens du club n'étaient pas certains de leur identité alors ils ne se massèrent pas pour mieux voir, mais en fait ils épiaient le moindre mouvement de leurs yeux, leurs oreilles et leur nez. En entendant la déclaration de Yan Tuo, Shi Jian reçut bon nombre de regards envieux.
Quand Shi Jian fut ainsi enlacer par le prince et entendit ses paroles aguicheuses, il eut bien du mal à se retenir. Tout en sachant que l'autre homme faisait seulement semblant, il ne pouvait que se laisser complètement émouvoir.
En tant qu'héritier du dirigeant suprême, Yan Tuo s'était toujours montré fier et arrogant. Il ne s'abaisserait devant personne et ne laisserait personne le dominer. Ce n'était que pendant ses chaleurs qu'il se montrait doux et enjôleur avec Shi Jian. Une fois cette période passée, la plupart du temps il détournait le regard et refusait d'admettre ce qui s'était passé. Si Shi Jian ne l'y forçait pas, il ne se montrait jamais aussi affectueux et débridé que pendant ses périodes de chaleur.
Ainsi quand Shi Jian vit Yan Tuo se comporter de la sorte cette fois, il fut complètement incapable d'y résister.
Néanmoins, le major général prétendait toujours être indifférent en surface. En tout cas lorsque la jeune bêta qui travaillait à l'accueil se rua, paniquée, elle ne vit qu'une ordure glaciale.
Elle vit l'alpha de glace laisser son partenaire oméga lésé s'asseoir sur ses genoux, passer ses bras autour de son cou, se frotter la tête contre ses épaules, sans l'accepter ou le refuser clairement.
Il se contenta de lever la main pour redresser le menton de l'oméga. Ses lèvres fines effleurèrent le lobe d'oreille de l'autre homme et il fit d'un ton nonchalant :
« Vraiment ? Tu écouteras tout ce que je te dis ? Alors donne-moi une preuve de ta sincérité. »
Yan Tuo était vraiment furieux contre son oméga. Sur son visage n'apparut que de la peine mélangée à une pointe de honte.
Il tira sur les manches de Shi Jian d'un côté puis de l'autre. Ce faisant, il le supplia :
« Mon époux, arrête, rentre à la maison avec moi, d'accord ? Rentrons à la maison. Je t'écouterai en tout, tu pourras faire tout ce que tu voudras. »
Shi Jian se retint de dire :
« Très bien, ton époux t'écoute. Rentrons. »
À la surface, il dégagea rudement ses manches de la prise de Yan Tuo, baissa les yeux vers lui et fit :
« Non, ici. Montre-moi une preuve. »
Son regard se posa sur le verre de vin sur la table et il fit d'un ton détaché :
« Donne-moi à boire. »
Yan Tuo suivit son regard et vit le verre de vin sur la table. Il refusa fermement à une voix basse :
« Non, pas question que je te donne à boire avec le vin qu'un autre t'a offert. »
Shi Jian retint un éclat de rire — là, il avait le sentiment que les paroles du prince n'étaient pas de la comédie.
Il leva la main et commanda au serveur un autre verre de vin.
Le liquide ambré fut vite apporté. Yan Tuo contempla le verre de vin transparent placé sur la table, le prit après quelques hésitations, but une gorgée et se pendit au cou de l'autre homme avec résolution pour l'embrasser et entrouvrir ses lèvres afin de lui donner à boire.
Le prince avait eu une révélation. Même si c'était un endroit publique, il y avait des gens dans les coins qui se caressaient et s'embrassaient. Il n'y avait donc rien d'embarrassant à ce qu'il embrasse son propre oméga.
Yan Tuo versa le vin dans la bouche de Shi Jian par petites gorgées et comme c'était la première fois qu'il faisait ce genre de choses, il s'inquiétait que Shi Jian s’étouffe alors ses mouvements furent très prudents et emplis d'une subtile impression de langueur...
Shi Jian fut en transe pendant qu'il lui faisait boire ainsi le vin. Il regarda les yeux fermés de l'autre homme et se rapprocha de lui-même de Yan Tuo qui lui faisait boire le vin. Ses yeux étaient devenus sombres, sa langue s'enroula inconsciemment autour de l'autre et dansa avec, ses mains encadrant son visage. Il passa ses bras autour de sa taille et son prince se retrouva dans son étreinte.
Une fois le baiser terminé, Yan Tuo leva les yeux vers Shi Jian et lui lança un regard en coin. Il avait été tourmenté et incapable de résister, et il fit d'une toute petite voix :
« J'ai fait ce que tu as dit. Tu veux bien rentrer avec moi maintenant ? »
Shi Jian le contempla sans un mot et leva la main gauche pour caresser de son pouce les lèvres rouges du prince. Puis il fit se lever Yan Tuo avant de faire de même et de marcher en premier vers la sortie.
« … la journée est presque finie, rentrons. »
Il était d'accord pour partir.
Après ça, comme s'il se moquait bien de sa petite femme jiao Cela se dit d'une épouse très gâtée et chérie. (1) oméga, il quitta les lieux et Yan Tuo s'empressa de le suivre. Aux yeux de tous, bien que le mignon oméga était parvenu à convaincre son époux de rentrer, ce dernier refusait encore de le voir.
Tous les gens présents soupirèrent d'émotion en se disant qu'on ne chérissait jamais ce qu'on obtenait sans difficulté. La jeune bêta qui travaillait ici soupira en suivant du regard Yan Tuo qui courait derrière l'alpha, en se lamentant de son malheur.
Aucun ne pouvait savoir qu'une fois que les deux hommes montèrent dans la voiture, Yan Tuo recouvra aussitôt son air digne et arrogant d'origine. Ce n'était plus la pauvre petite chose dans le club qui avait supplié son époux de changer d'avis.
Il tourna la tête en direction de Shi Jian qui s'était assis seul sur la banquette d'en face et il demanda :
« Pourquoi tu as marché si vite et tu t'assois si loin ? »
Shi Jian étira les lèvres en un léger sourire et baissa les yeux sans rien dire. Il avait déjà retiré son masque argenté, dévoilant son visage familier à Yan Tuo.
Yan Tuo n'était pas sous l'effet de son brouilleur de phéromone cette fois alors il était entièrement exposé en ce moment, remplissant l'intérieur de la voiture de sa douceur suave, ce qui pour Shi Jian était aussi addictif que le goût du pavot. Encore maintenant, la voix et l'apparence du prince qui l'appelait "mon époux" dans la Maison de Velours Argenté, les yeux remplis de grief, restaient gravées dans son esprit et il se sentait extatique rien qu'en fermant les yeux et en se rappelant la scène.
Comme celui qui l'excitait tellement était juste à ses côtés, s'il ne s'éloignait pas au plus vite du prince, il craignait de ne pas pouvoir se retenir — comment pourrait-il ouvrir la bouche et révéler au prince qui avait toujours été si fier ses désirs sombres et son envie profonde ?
Puisqu'il ne savait pas comment expliquer cela au prince, mieux valait se taire.
Shi Jian ne répondit rien et Yan Tuo n'insista pas. Il changea de sujet et demanda :
« Tu viens souvent ici ? »
Il attendait que Shi Jian s'explique. Il restait convaincu que Shi Jian avait une raison des plus légitimes, comme une mission officielle ou bien pour entraver les plans du second prince et d'autres personnes influentes.
Shi Jian regarda Yan Tuo qui se mordait l'intérieur des joues et fit d'un ton léger :
« Oui. »
Mais il ne s'expliqua pas plus.
Quand Yan Tuo était entré dans la Maison de Velours Argenté, il n'avait pas complètement menti à la jeune bêta, en tout cas sur un point :
« Avant, il me rendait visite au moins tous les jours tant qu'il n'était pas en voyage d'affaires. »
Avant, tant que Shi Jian restait à la capitale impériale et qu'il n'était pas pris par son travail, il trouvait toujours le temps de le voir une fois par jour même si c'était parfois juste pour manger ensemble.
Voilà pourquoi après quatre jours consécutifs, le comportement anormal et distant avait mis Yan Tuo mal à l'aise et en même temps, son sentiment de déprime atteignit son sommet à cause de la réaction silencieuse et froide de l'autre homme.
« Pourquoi tu viens ici ? demanda-t'il calmement en essayant de se retenir.
– Et vous alors, Votre Altesse Impériale ? répliqua Shi Jian en levant les yeux vers lui. Pourquoi êtes-vous venu aujourd'hui ?
– Si ce n'était pas parce que tu... »
Yan Tuo s'arrêta au beau milieu de sa phrase et retint les mots "viens ici tous les jours". Il vit le sourire au coin des lèvres de Shi Jian et comprit qu'il venait de se trahir — ses paroles à l'instant révélait le fait qu'il avait envoyé des gens pour surveiller Shi Jian tous les jours.
Toutefois la réaction de Shi Jian permit vite à Yan Tuo de comprendre quelque chose — l'autre homme avait deviné très vite qu'il avait envoyé des hommes pour le suivre et cela ne paraissait pas trop le déranger.
Yan Tuo admit franchement :
« Tu savais que mes gens te surveillaient. »
Shi Jian acquiesça et fit doucement :
« Ils devraient être reconnaissants d'être vos hommes, autrement ils n'auraient eu aucune chance de s'en sortir vivants. »
Mais c'était plutôt lui qui leur était reconnaissant. Sans eux, il n'aurait jamais pu voir son prince se montrer si séduisant aujourd'hui. S'il n'avait pas voulu savoir ses moindres faits et gestes, il n'aurait pas eu besoin d'agir ainsi ces derniers jours.
Il voulait simplement que ces espions secrets rapportent tous ses faits et gestes au prince.
Au lieu de se sentir offusqué, il appréciait que l'autre homme fasse attention à lui.
Yan Tuo avait bien conscience qu'il avait eu tort de le faire surveiller en secret alors il changea de sujet :
« … Tu ne m'as toujours pas dit ce que tu faisais dans un tel endroit. »
Shi Jian leva les yeux vers lui, à l'affût de la moindre réaction de l'autre homme, mais en apparence il répondit d'un ton détaché :
« Votre Altesse Impériale, vous refusez tout le temps que je vous touche excepté pendant vos chaleurs... »
Son visage sembla prendre alors un air attristé.
« … je ne veux pas vous forcer, Votre Altesse Impériale, je ne peux pas, alors je voulais voir si je pouvais aussi être avec d'autres personnes... »
Bien sûr que non, répondit-il dans le secret de son cœur. Cela faisait déjà longtemps qu'il le savait, comme si c'était un désir et une obsession gravée dans les profondeurs de son âme — personne sauf le prince.
Et il devait le posséder entièrement et complètement, il fallait que l'autre homme n'appartienne qu'à lui avec nulle part où aller et nulle part où s'échapper.
Naturellement, Yan Tuo ne pouvait pas deviner quelles genres de pensées et d'obsessions tournoyaient derrière ces yeux d'un bleu glacial.
Il venait d'entendre les paroles de Shi Jian et sa poitrine se souleva et s'abaissa inconsciemment. Il fixa du regard l'homme en face de lui d'un air vague comme s'il ne réagissait pas aux paroles de l'autre personne mais ses yeux devinrent rouges à la première moitié du discours. Il se pinça les lèvres, ferma les yeux et parut incapable de supporter cela.
« Tu n'as donc pas conscience de ton statut de future princesse ?! » explosa soudain Yan Tuo.
Notes du chapitre :
(1) Cela se dit d'une épouse très gâtée et chérie.
Commentaires :