Prisonnier du Temps 66

Chapitre Soixante-six : Au maximum


Quand Shi Jian se réveilla, ce fut pour découvrir que le chaton s'était niché au creux de son cou à un moment ou à un autre de la nuit. Il était fermement pressé contre son cou et dormait à poings fermés. Dès qu'il bougea un peu, le chaton plissa ses yeux clos et agita ses petites pattes aux coussinets roses pour tenter de le gifler, comme s'il n'appréciait pas qu'il perturbe son sommeil récupérateur.

Shi Jian sourit légèrement, attrapa sa patte pour l'agiter un peu. Puis il souleva lentement le chaton pour le déposer sur l'oreiller, le couvrit d'une taie puis se leva du lit pour prendre une douche — c'était samedi aujourd'hui mais pour lui, la notion de week-ends était un peu abstraite car chacun de ses jours de repos était entièrement consacré à des petits boulots.


Quand il revint de la salle de bains, le chaton ne s'était toujours pas réveillé : il était encore endormi sur la taie d'oreiller avec les quatre pattes en l'air. Le ventre d'un blanc laiteux était bien exposé sur l'oreiller et le chaton ronflait — il avait roulé d'un bout à l'autre de la taie d'oreiller durant son sommeil.

Shi Jian tendit la main et en profiter pour caresser son ventre. Le chaton toujours endormi lui tapota deux fois la main de ses petite pattes. Puis Shi Jian alla à côté du lit pour s'habiller.


Après ça il vérifia l'heure — il se faisait tard et s'il ne partait pas tout de suite, il allait être en retard pour son travail. Il réfléchit un moment mais ne put se résoudre à laisser un si petit chat tout seul toute la journée. Ce petit idiot n'oserait sûrement pas sauter du lit. Il craindrait de rester enfermé tout seul et ne saurait certainement pas se nourrir seul.

Alors Shi Jian alla à la cuisine, emballa la soupe de poisson et le poisson de la veille dans une boîte alimentaire et mit le tout dans son sac à dos. À son travail, il y avait un endroit pour réchauffer la nourriture. Le chaton aurait donc à manger à son réveil.

Shi Jian emballa le tout avant de retourner au lit. Il prit le chaton dans ses bras en l'enveloppant d'une taie d'oreiller et quitta l'appartement avec lui.


* * *

Yan Tuo se leva avec l'odeur du lait et du café. Confus, il ouvrit les yeux et découvrit qu'il se trouvait sur un tabouret avec un épais coussin soigneusement placé sous lui. La pièce était très petite et remplie d'objets divers ainsi qu'un vieux canapé. On aurait dit un débarras ou une salle de stockage.

Il se mit debout un peu nerveusement et la taie d'oreiller qui le couvrait tomba du tabouret.

Avait-il été enlevé par un voleur de chat ? Ou bien Shi Jian l'avait donné à quelqu'un d'autre ?

Yan Tuo ressentit un chagrin et une injustice inexprimable ainsi qu'une profonde angoisse. Il s'avança au bord du tabouret et baissa les yeux — c'était moins haut que le lit de Shi Jian mais encore bien trop haut pour lui.

Yan Tuo recula de deux pas pour prendre son élan, serra les dents, ferma les yeux et sauta sans y réfléchir à deux fois.


Après son bond, il se rendit compte que tout allait bien. Bien qu'il soit actuellement petit, il était tout à fait capable de sauter et son corps était flexible. Il avait instinctivement atterri par terre sans se faire mal.

Il regarda autour et se dirigea vers la porte en vacillant.

Qu'il soit un vrai chat ou pas, il possédait néanmoins la plupart des caractéristiques d'un félin, tel que se déplacer furtivement et presque silencieusement. En plus il était si petit que c'était difficile de le remarquer.

Il y avait un couloir dans les deux sens de l'autre côté de la porte. Yan Tuo hésita à la porte un bon moment avant de finalement choisir d'aller à gauche — il pouvait entendre des bruits et des conversations venant de cette direction. Il devait donc y avoir beaucoup de gens là-bas alors ce serait plus facile pour lui de découvrir où il se trouvait et où était parti Shi Jian.

Quoi qu'il en soit, Shi Jian dans le futur était susceptible de rencontrer son corps d'origine. Ce serait plus facile de trouver le moyen de récupérer son corps en restant avec lui. En plus il avait l'air de bien s'occuper de son chat alors Yan Tuo ne voulait pas le quitter pour le moment.


Il passa en dessous d'un rideau noir et tourna sa petite tête dans tous les sens pour mieux voir. Il vit des haut comptoirs des deux côtés avec du lait, des machines à café et autres sur une table à côté. Devant lui une vitrine était remplie de desserts appétissants et de pains.

Il était trop petit et avait un champ de vision limité. Avant de pouvoir tout bien distinguer, il fut saisi par une paire de mains fines et familières puis il se retrouva dans des bras familiers.

Yan Tuo émit inconsciemment un léger miaou puis pressa sa petite tête velue contre le torse de l'homme.

Il reprit aussitôt ses esprits et les poils de sa queue explosèrent — cela ne faisait qu'un jour, comment se faisait-il alors qu'il se sentait instinctivement proche de cet homme ? Parce qu'il lui avait donné à manger ? Si c'était ça, c'était comme s'il était vraiment un chat élevé par l'autre homme.


Shi Jian accepta son comportement sans discuter et ébouriffa le pelage sur sa tête. Quand Yan Tuo ouvrit la bouche pour miauler de protestation, Shi Jian en profita pour toucher du doigt ses petites dents de lait toutes récentes.

« Mon petit. »

Shi Jian sourit et retira son doigt sous le regard chagriné et protestataire du chaton. Il saisit doucement la patte de Yan Tuo pour la secouer un peu.

« Bébé, pourquoi tu te promènes tout seul ? Je prévoyais justement de venir te voir. »

À ce moment Yan Tuo examina le jeune homme en face de lui. L'autre homme portait un uniforme noir de serveur avec un tablier rouge mais cela ne diminuait en rien sa grande beauté et son élégance. Au contraire cela ajoutait un peu de douceur à son air froid et distant habituel. Il n'y avait pas de doute sur le fait que Shi Jian travaillait ici.

Yan Tuo devint le centre de l'attention des clients du café. Le spectacle du beau serveur qui tenait un chat dans ses bras et le taquinait attira l'attention générale et provoqua des murmures. Certains clients se mirent même à filmer discrètement la scène — Shi Jian était capable d'attirer plus de clients et de les inciter à commander même sans rien faire, et les clients dont il se chargeait ne cessaient toujours de commander davantage. C'était sûrement pour cette raison que, en dépit du fait qu'il ne pouvait travailler que partiellement après les cours et le week-end, le gérant du café ne refusait pas de l'employer.


Yan Tuo n'apprécia guère que l'homme touche ses dents. Il détourna la tête de lui puis son regard se posa sur la vitrine remplie de desserts. Autrefois il était très difficile sur sa nourriture mais à présent les desserts de ce café banal lui semblaient très appétissants.

Il agita ses pattes vers le comptoir sauf qu'il se rendit alors compte qu'il ne pouvait pas se libérer de l'étreinte de Shi Jian. Il tourna de nouveau la tête vers lui, le fixant de ses grands yeux ronds et en miaulant doucement à l'intention du jeune homme. Ce faisant, il révéla sa petite langue rose et une paires de grands yeux brillants.

Pour Shi Jian, son bébé faisait encore des caprices. Il pressa la petite patte du chaton et fit d'un ton sévère :

« C'est inutile de faire le mignon avec moi. J'ai vérifié sur le Starnet : les petits chatons ne peuvent pas manger ça. Sois gentil, je vais te donner de la bonne soupe de poisson bien chaude. Tu as aimé ça hier. »

Sans parler du fait qu'il n'avait pas assez d'argent pour acheter ces desserts à son chaton. Ce café se trouvait dans un centre commercial spécialisé dans les produits de luxe alors les prix étaient assez élevés. Son salaire d'une journée de travail au café suffirait à peine pour acheter trois petits gâteaux au comptoir. Cela n'en valait pas la peine. Il devait économiser de l'argent pour leur vie future.


Le prince n'avait jamais mangé de restes de la veille de toute sa vie. En comparaison avec ces desserts appétissants, la soupe de poisson de la veille paraissait particulièrement fade.

Il entendit la réponse de Shi Jian et sa queue retomba soudain. Malgré tout il ne renonça pas à contempler la vitrine.

À ce moment deux jeunes filles habillées avec style s'approchèrent d'eux après avoir payé un gâteau servi sur assiette. L'une d'elle fit à Shi Jian par-dessus le comptoir :

« J'ai plein de chats à la maison et j'ai étudié la biologie à la fac. Concernant votre chat, monsieur, il n'appartient peut-être pas à la race féline d'origine mais à une variante d'une autre galaxie. Il peut donc mieux s'adapter et peut manger la même chose que les humains, comme les gâteaux par exemple. »

Après ça, elle leva la tête et sourit à Shi Jian en demandant :

« Votre chat est trop mignon. Je peux lui donner ce gâteau à manger ? »


Shi Jian vit le petit être dans ses bras s'animer comme s'il avait compris : ses yeux noirs et ronds s'illuminèrent aussitôt et il leva la tête en direction des deux filles. Puis il sembla se rappeler de quelque chose et il tourna la tête pour le regard d'un air suppliant, comme pour obtenir sa permission.

Le cœur de Shi Jian l'élança soudain sans raison apparente. Il garda le silence un moment, caressa les oreilles du chaton et accepta doucement :

« Vas-y. »

Yan Tuo retrouva aussitôt tout son entrain. Il se rua des bras de Shi Jian sur le comptoir et dressa la tête devant les deux filles. Il les laissa à tour de rôle le nourrir petit bout par petit bout du gâteau avec une cuillère en argent. Il était comme un petit empereur qui se faisait naturellement servir.

Shi Jian resta silencieux derrière et vit le chaton tendre sa langue rose pour manger le gâteau joyeusement. Les deux filles étaient de toute évidence tombées amoureuses du chaton et de temps en temps il les faisait agréablement rire à cause des petits sons qu'il émettait, de ses mouvements maladroits ou de son air benêt.


Je n'ai pas les moyens de lui acheter un gâteau si cher alors je ne peux pas le nourrir avec et faire en sorte qu'il se montre si joyeux avec moi. Même la soupe de poisson m'a été offerte et j'ai dû la mettre de côté. Pas étonnant que mon bébé n'en veuille plus.

Il y avait un léger sourire au coin de ses lèvres mais ses yeux étaient sombres. Il espérait un jour pouvoir acheter des gâteaux à son bébé pour le rendre heureux afin que son bébé tende la langue devant lui pour manger joyeusement. Il voulait que son bébé ne compte que sur lui, n'embête que lui et ne fasse le mignon que devant lui. Il ne voulait pas que son chaton soit proche d'autres personnes et apprécie joyeusement leur nourriture. Mais il n'y pouvait rien, il ne pouvait pas dire non quand son chaton le regardait comme ça. Il n'avait pas les moyens de choyer suffisamment son petit.


Il s'était d'abord dit qu'avec la paie d'aujourd'hui il pourrait acheter des aliments frais pour un mois. Bien que les ingrédients frais soient très chers sur la planète Mutian, c'était encore moins cher si on cuisinait soi-même plutôt que de manger à l'extérieur. Il pouvait donc acheter les ingrédients de base et cuisiner pour son bébé.

Mais cela semblait loin de suffire désormais car son bébé chaton était bien trop délicat et difficile. Il ne voulait pas décevoir le chaton qui lui demandait pitoyablement et de manière si dépendante. Il voulait lui donner ce qu'il y avait de mieux.

Et puis... Et si quelqu'un pouvait offrir à son bébé de meilleures conditions de vie ? Lui proposer toutes sortes de nourritures délicieuses, lui préparer un lit complet de chat, des jouets pour chat à n'en plus finir et des petits vêtements mignons pour chat ? Le laisser vivre la vie de château tous les jours, aux bons soins de nombreux serviteurs, bref vivre une vie de prince ? Son bébé n'avait pas le choix mais est-ce qu'il voulait vraiment vivre avec lui plutôt que de rester avec lui ?


Après avoir fini de nourrir le chaton, les deux filles dirent au revoir avec réticence au jeune homme et au chat. Shi Jian conserva un sourire poli sur les lèvres. Quand les filles partirent, il reprit dans ses bras le chat dont l'estomac était plein et qui était paresseusement allongé sur le comptoir. Une fois dans ses bras, il lissa sa fourrure et fit :

« Bébé, tu resteras toujours avec moi, d'accord ? Je vais devenir très puissant. Je pourrai aussi t'offrir des gâteaux. Je pourrai t'offrir tout ce que les autres pourraient t'offrir et même qu'ils ne pourraient pas t'offrir. »

Il y avait songé et jugeait que c'était le mieux à faire. Tant qu'il devenait celui qui avait le plus à lui offrir, son chat ne choisirait pas de le quitter pour d'autres.



Note de Karura : Shi Jian boit du vinaigre tandis que Yan Tuo se fait servir comme un prince (et c'est un prince, ne l'oublions pas!).

Un peu plus tard, dans un jeu télévisé...

Animateur : Candidat Shi Jian, vous jouez pour dix millions. Dites-moi d'abord ce que vous allez faire de tout cet argent si vous gagnez.

Shi Jian, impassible : J'achèterai à mon chat tout ce qu'il veut.

Public : ???

Shi Jian leur montre le chaton Yan Tuo avec ses grands yeux noirs.

Public : Ooooh, il est trop choupinet !

Animateur : C'est bon, c'est bon, je vous déclare grand gagnant !







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