Prisonnier du Temps 85

Chapitre Quatre-vingt-cinq : Minou minou


« Tu as bien entendu. »

Après la fin de l'appel, l'homme chauve menaça Yan Tuo.

« Mais tu as énormément de chance. Un gamin comme toi est tombé sur une excellente opportunité, murmura le chauve pour lui-même avant de se tourner vers Yan Tuo pour lui rappeler : c'est une excellente opportunité. Si tu tapes dans l'œil de cette Excellence, tu n'auras plus à te soucier de ton avenir. Ce n'est pas pour ça que tu es venu, d'ailleurs ? Alors tu sais ce que tu as à faire. »

Non désolé, je ne sais pas ce que j'ai à faire, répondit Yan Tuo en lui-même. En tant que fils unique de l'empereur, Yan Tuo avait été un prince depuis la naissance. C'étaient les autres qui cherchaient à lui plaire, il n'avait jamais pris l'initiative de chercher à plaire à quelqu'un.

En tout cas il savait plus ou moins à présent ce que ces gens voulaient faire. Selon toute vraisemblance, ils comptaient envoyer quelqu'un dans la chambre de son Excellence. On avait déjà essayé ça sur lui avant mais il avait éjecté de la pièce les personnes qu'on lui avait envoyées.


Yan Tuo décida d'attendre et de voir ce qui allait se passer. Premièrement c'était parce qu'il était toujours curieux au sujet de l'identité de cette personne. S'il savait avec qui le prince Ming voulait faire alliance dans la Fédération, ce serait plus facile de découvrir ce qu'il comptait faire ensuite. Deuxièmement il ne s'en faisait pas pour lui-même : au vu de la réaction du majordome qui les avait refoulés, on pouvait deviner que la vie privée de celui que le prince Ming essayait de conquérir n'était pas chaotique et qu'il était difficile et méticuleux dans le choix de ses amants. Yan Tuo avait toutes les chances de se faire chasser de la chambre quand l'autre homme l'y trouverait, comme il l'avait fait lui-même. Comme ça il pourrait connaître l'identité de cet homme puis s'éclipser discrètement.

Et même en supposant que l'autre homme comptait vraiment s'en prendre à lui, Yan Tuo se fiait aux médicaments restants dans sa boucle d'oreille pour se protéger.

Du coup Yan Tuo ne résista pas et se laissa docilement conduire au vingt-septième étage par l'homme chauve.


* * *

Une femme d'âge moyen impeccablement vêtue d'un uniforme de l'hôtel se tenait dans le couloir et les attendait. La femme fit signe au chauve de partir puis ouvrit une porte sur le côté gauche et y fit entrer Yan Tuo.

« Voilà la salle de bains. Il y a un peignoir. Tu peux y aller pour te laver, commanda rapidement la femme. Je te conseille de te montrer malin et de bien surveiller tes paroles et tes actes parce que si son Excellence se sent vraiment offensé et décide d'enquêter, tous les gens impliqués dans cette histoire ne pourront pas s'en tirer. »

Elle lança un regard d'avertissement au jeune homme devant elle et s'inquiéta de ce que ces idiots de l'Empire avaient fait.


Elle ne comprenait pas pourquoi son chef lui avait demandé d'aider le prince de l'Empire à faire quelque chose d'aussi évident et stupide. Le passé avait déjà apporté la preuve que ce genre de manœuvre ne fonctionnait pas avec cette Excellence : on avait beau lui présenter des beautés uniques, cet homme n'était pas du tout intéressé. C'était comme s'il était né sans émotion et donc sans se laisser tenter. C'était non seulement le moyen le plus inefficace mais aussi le plus méprisable du point de vue de son Excellence. Le seul effet que cela aurait, ce serait que son Excellence serait encore plus agacé contre le prince Ming.

Agacé... Rien qu'à cette idée elle préféra cesser de réfléchir. Elle donna quelques consignes à Yan Tuo, alluma de l'encens dans la pièce puis partit en refermant la porte derrière elle.


Yan Tuo s'assit sur le lit et sentit ses jambes s'affaiblir peu à peu tandis que son corps semblait plus chaud. Qui plus est il se sentait agité. Il fronça les sourcils et se demanda si le problème ne venait pas de l'encens dans la pièce.

Yan Tuo avait vu la femme prendre l'encens du tiroir de la table de nuit. Il l'ouvrit et prit une boîte intacte pour l'examiner. C'était juste un encens haut de gamme qui avait un effet apaisant. Toutefois il y avait un avertissement à propos de certains ingrédients de cet encens qui pouvait provoquer les chaleurs chez un chat. Les gens qui possédaient des chats chez eux devaient utiliser l'encens avec précaution.

Yan Tuo plissa le front et remis l'encens en place. Cela semblait être un produit normal alors d'où venait le problème ? Comme sa condition présente n'était pas très bonne, il décida de partir et tant pis s'il n'avait pas pu découvrir l'identité de cette personne.


La porte s'ouvrit à ce moment de l'extérieur et avant que Yan Tuo ne puisse se retirer, il fit face à l'homme qui entra.

Cet homme portait un uniforme noir et ses épaulettes suffisaient à prouver son pouvoir et son statut. Par contre il avait l'air très jeune avec un visage très beau mais glacial et une paire d'yeux sombres et profonds sous l'ombre de sa visière noire. Il était en train de regarder Yan Tuo devant lui et fronçait légèrement les sourcils. Derrière lui l'épaisse porte en bois se referma automatiquement avec un léger bruit étouffé.

Yan Tuo connaissait ce visage : bien qu'il n'avait jamais eu directement affaire à l'autre, il l'avait déjà vu sur le Starnet. Cette Excellence à qui le prince Ming faisait de son mieux pour plaire s'avérait être le légendaire commandant de la Fédération, Shi Jian.

Yan Tuo serra les poings malgré lui et l'espace étroit et fermé de l'entrée le rendit nerveux. En même temps il comprit aussi pourquoi les hommes du prince Ming avaient sauté sur l'occasion : cet homme était de toute évidence ivre mais pas au point de sombrer dans l'inconscience.

Du coup, cela semblait plus facile de réussir ces petites ruses pour lui plaire et le flatter.


« Pourquoi ce genre de choses arrive encore ? »

Shi Jian baissa les yeux pour le dévisager froidement.

« Qui t'a fait venir ? »

Parfait, tout se passe comme prévu. Yan Tuo se sentit à moitié soulagé en entendant les paroles de l'autre. À en juger par son expérience, il allait bientôt se faire expulser. Il pourrait alors en profiter pour s'enfuir comme prévu puis se cacher et régler tranquillement les comptes avec son oncle.

Il savait bien qu'il ferait mieux de se taire et de laisser cet homme impatient le chasser. Cependant il refusait d'en rester là et voulait en profiter pour faire du tort à son oncle — de toute évidence l'homme se moquait bien de lui dans cette histoire. Du moment que Yan Tuo se faisait éjecter, il ne serait pas tenu pour responsable de cette manigance.

« C'est le prince Ming, monsieur. Son Altesse m'a demandé de bien vous servir alors vous pouvez faire de moi tout ce que vous voulez. »


Yan Tuo tâcha de se montrer respectueux et servile et fit de son mieux pour se montrer plus séducteur et professionnel — il fallait donner l'impression qu'il avait vraiment été envoyé par le prince Ming pour lui plaire et pas que c'était un ennemi du prince Ming qui l'avait envoyé pour semer la discorde entre eux.

L'homme chauve avait dit que si Shi Jian se fâchait, Yan Tuo ne devait pas dire qu'il avait été envoyé par le prince Ming. Cependant il voulait précisément faire le contraire, non seulement pour rendre furieux l'autre homme mais aussi pour qu'il sache exactement qui lui avait envoyé Yan Tuo.


Il fit un pas en avant et tenta de se coller contre l'homme — les gens qui avaient été envoyés dans sa chambre avaient souvent tenté de faire ça mais c'était ce qui le gênait le plus. Du coup l'autre homme allait certainement reculer avant qu'il ne l'atteigne puis le ferait sortir de sa chambre avec perte et fracas. Ensuite l'autre homme enverrait ses gens enquêter soigneusement sur celui qui avait osé se permettre d'envoyer quelqu'un dans sa chambre.

Cependant Yan Tuo n'irait pas trop loin car ce ne serait pas une bonne idée de se faire arrêter plutôt que de se faire chasser.

Le parfum d'encens se fit soudain plus intense dans la pièce. Yan Tuo fit seulement un pas en avant puis sentit soudain ses jambes se dérober sous lui. Il s'élança en avant et se jeta directement dans les bras de l'autre homme.

Il y avait une odeur particulièrement familière et spéciale chez cet homme qui lui donna aussitôt l'impression de se retrouver dans un autre monde. À cause de cette forte odeur, sa capacité de réaction diminua. Il ne se libéra pas tout de suite et l'homme ne le rejeta pas comme prévu mais resta au contraire sur place et tendit même une main pour le rattraper.


Shi Jian en resta également stupéfait un moment. Il avait l'impression de voir en cet instant son petit chaton tout blanc agiter sa petite queue et s'avancer maladroitement vers lui. À mi-chemin il allait s'emmêler les pattes et tomber en avant. S'il ne sautait pas dans ses bras ou si Shi Jian ne le rattrapait pas à temps et que le petit gars tombait pour de bon, il se sentirait alors vexé et malheureux. Il se fâcherait, lui taperait les bras, les épaules et le visage avec ses griffes et l'ignorerait pour le restant de la journée.

Il baissa les yeux pour croiser les yeux noirs et brillants du jeune homme qui le regardait d'un air innocent et hébété. C'était exactement comme son chat. Puis le jeune homme plissa le front, ferma les yeux à moitié et poussa un gémissent d'inconfort. Ses deux mains restèrent inconsciemment agrippées à sa manche.


Pendant que Shi Jian en restait sidéré, les yeux du jeune homme se refermèrent complètement et sa prise sur lui s'affaiblit progressivement. Finalement il gémit et se recroquevilla à ses pieds. Il finit par se transformer en un petit chaton blanc on ne peut plus familier pour Shi Jian.

Le chaton ne semblait pas aller bien du tout. Il retomba sur la pile de vêtements au sol et gémit faiblement.

Shi Jian se rendit alors compte qu'il semblait y avoir un problème avec l'encens dans la pièce. Son corps avait déjà pris le chat dans ses bras avant que sa conscience n'enregistre ce geste, ses mouvements extrêmement précis. Il éteignit prestement l'encens puis déposa son chat sur le lit sans oser le lâcher. Il le cajola et ne put s'empêcher d'embrasser la douce nuque du petit être.


Après le choc initial, l'extase, le doute, l'incrédulité et ainsi de suite, Shi Jian se calma peu à peu. Il ne pouvait pas se tromper : c'était son bébé, son seul et unique bébé.

Ces dernières années, l'Univers tout entier avait été au courant qu'il recherchait frénétiquement son chat et à quel point il l'aimait. Plusieurs personnes avaient trouvé des chats qui ressemblaient énormément au sien — voire même avaient fait exprès de transformer un chat pour qu'il y ressemble — ils les lui avaient apportés mais il ne s'était pas fait avoir une seule fois : il savait à quoi ressemblait son bébé, il connaissait le moindre poil de son chat.

Alors il n'eut pas le moindre doute sur le fait que c'était vraiment son bébé cette fois et que son bébé lui était revenu.


Il contacta d'abord un vétérinaire et lui demanda de venir le plus vite possible puis il se mit à réconforter le pauvre chaton malade qui gardait les yeux fermés dans ses bras. Cependant une fois calmé, plusieurs doutes surgirent dans son esprit — pourquoi son bébé avait-il une apparence humaine ? Qui plus est, c'était vraiment une personne consciente qui pouvait parler, et il n'avait pas semblé le reconnaître. Il avait dit que c'était le prince Ming qui l'avait envoyé, quel était le rapport avec l'Empire ? Pourquoi son bébé avait-il ressurgi subitement après cinq ans ? Que lui était-il arrivé durant ce temps, avait-il souffert, avait-il été martyrisé... ?

On avait aussi transformé son bébé en un humain qui offrait ce genre de services pour plaire aux hommes. Son chat avait effectivement une apparence très plaisante mais rien qu'à cette idée, son cœur, son foie, sa rate et ses poumons lui brûlaient. Comment aurait-il pu tolérer qu'on fasse le moindre mal à ce délicat et fier petit empereur qu'il plaçait au-dessus de tout le reste ?

Il était pressé de connaître les réponses à ces questions et mourait d'envie de savoir ce qui était arrivé à son chat. Alors pendant qu'il cajolait le petit chat minaudier qui se frottait contre lui, il utilisa son communicateur pour ordonner à ses gens de trouver les informations importantes.


Notes de Karura :

Yan Tuo : C'est le prince Ming qui m'envoie. (Prends-toi ça, tonton !) o(* ̄︶ ̄*)o

Shi Jian : Mon bébé a passé cinq ans à servir des hommes ! ಥ _ಥ Ce prince Ming est un homme mort ! (╬▔皿▔)╯

Dans l'Empire :

Prince Ming, frissonne : Je crois que je vais avoir des ennuis. QAQ


Sinon je note que l'auteur continue à nous renvoyer à des situations de l'arc précédent, sauf que cette fois Yan Tuo est un vrai chat.







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