Chapitre 6
Après ça, Inas avait dit qu’il devait retourner à l’endroit qu’il avait quitté et il disparut de son propre chef. Laissé seul, Nigel était très perturbé mais il décida d’observer la situation de ses propres yeux, comme l’avait suggéré Inas.
La première chose à faire était de rencontrer cet adolescent du nom de Kei. Kei avait beau être le <personnage principal> de ce monde, ce ne serait pas très difficile pour le duc Nigel de le rencontrer, lui qui était un simple roturier. En fait, si Nigel avait vraiment été très déterminé, il aurait pu agir bien plus rapidement. Mais il résista à sa pulsion d’employer la manière forte et attendit simplement que Kei et son groupe arrivent dans la capitale.
Normalement, Kei et ses compagnons auraient dû rencontrer le comte Rudio en arrivant à la capitale. Cependant, Nigel contacta le comte et demanda à obtenir l’entretien. Le comte, qui estimait plus le duc de Magnus que de simples aventuriers, lui céda l’entretien sans y réfléchir à deux fois.
L’heure convenue était durant l’après-midi.
Nigel, qui avait été trop distrait pour travailler correctement toute la journée, se leva sans attendre de son bureau. Il prit un bain rapide et s’habilla lui-même. Comme il ne s’agissait que de roturiers, Nigel aurait tout à fait pu les rencontrer dans une tenue simple mais pour une raison ou une autre, une mouche le piqua et il choisit sa plus belle tenue. Il termina en prenant des ornements assez simples.
« Vous êtes encore plus splendide que d’habitude, seigneur Nigel. Si vous sortez maintenant dans la rue, je suis sûr que vous allez ensorceler tout le monde. Où allez-vous comme ça ?
– Nulle part. »
Ignorant les flatteries de son adjudant, Nigel accueillit ses invités, Kei et ses compagnons, tout en cachant sa nervosité.
Kei, Lana et Axel. Les trois jeunes gens entrèrent dans la pièce l’un après l’autre. Tous les trois étaient clairement très nerveux, comme s’ils n’arrivaient pas à voir pourquoi un aristocrate de si haut rang les avaient subitement faits venir alors qu’il n’avait aucun lien avec le comte Rudio.
Le premier à prendre la parole pour saluer ne fut pas Kei.
« Bonjour, seigneur Magnus. C’est un honneur d’être en votre présence. Je me nomme Axel, et voici Kei et Lana.
– Je vous en prie. Soyez les bienvenus dans mon manoir. Je ne vous ai pas fait venir pour une raison importante, alors détendez-vous et prenez place. »
Pendant que le serviteur entrait servir le thé, Nigel observa discrètement les trois jeunes gens.
Kei avait dix-sept ans et Lana seize. C’étaient des amis d’enfance partis en pèlerinage. Ils avaient rencontré par hasard Axel, vingt-et-un ans, dans une autre ville et ce dernier avait rejoint leur groupe. Il était apparemment devenu le meneur parce qu’il était le plus âgé d’entre eux.
Tout en faisant semblant de proposer du thé et de boire, Nigel vérifia les fenêtres d’informations des deux autres.
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Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !
| Fenêtre d’informations principale du personnage
▷ Compagnon du Personnage principal | |
| Nom : | Axel |
| Profession : | Guerrier |
| Niveau : | 24 |
| HP : | 117 / 117 |
| MP : | 40 / 40 |
| <voir stats> | |
| <voir compétences> | |
Kei était le personnage principal, alors les deux autres étaient listés comme compagnons du personnage principal. Contrairement aux autres personnes, ces mots brillants indiquaient leur particularité.
D’après ce qu’avait dit Inas, Kei allait continuer à voyager avec ses amis pour se rendre à Seldom, Rangini, Orta, Bisrald, Hilmer pour finalement traverser le duché de Magnus et arriver à la fin… puis le temps reviendrait en arrière.
Nigel avait toujours considéré que les prophéties ou autres n’étaient que des mensonges… Mais là, il était impossible d’ignorer la mention <Compagnon du Personnage Principal> qui clignotait dans la fenêtre d’informations. Il aurait pourtant bien aimé se dire que tout ça était absurde et fou. À présent, il y croyait presque à moitié.
Toutefois, il fallait bien que Nigel vérifie. Le duc de Magnus qui se tenait au-dessus des autres n’était pas une position où on avait toujours l’occasion d’expérimenter soi-même avant de croire, mais il n’avait guère le choix.
Nigel décida donc d’apporter son soutien à Kei et à son groupe afin de vérifier ce qu’avait dit Inas. D’après Inas, le temps revenait automatiquement en arrière dès que Kei, le personnage principal, et les autres se faisaient tuer, même si Nigel et Inas allaient bien.
Il était donc possible de tuer immédiatement Kei pour vérifier s’il était le <Personnage Principal> ou pas mais dans ce cas, il serait impossible de prouver ce qu’Inas avait récité comme une prophétie. Alors comme l’avait suggéré le chevalier, Nigel allait aider Kei et son groupe pour qu’ils mènent leurs aventures sans accroc et sans dévier de la normale. Nigel avait la chance de pouvoir leur apporter un soutien total.
« Je vous ai fait venir parce que j’ai appris que vous aviez résolu le problème de disparition du comte Rudio. Il se trouve que dame Rudio, que vous avez sauvée, est une lointaine parente.
– Nous n’avons fait que notre devoir.
– Il y a tant de gens dans le monde qui ne font pas leur devoir. Vous avez fait de l’excellent travail. C’est normal d’en être fier et de recevoir une récompense. Ce n’est pas grand-chose, mais je voulais faire un petit geste. »
En venant ici, ils avaient dû s’imaginer toutes sortes de choses mauvaises sur la raison de cette invitation. Mais en voyant l’attitude amicale du duc, le soulagement fut évident sur le visage des trois aventuriers. Kei, dont l’expression changea le plus radicalement, secoua la tête.
« Merci, mais non. Nous avons seulement fait ce qui était juste.
– J’ai entendu dire que tu avais refusé l’offre du comte Rudio de te faire adouber.
– Je n’ai pas l’intention de devenir un chevalier… mon seigneur…
– Je ne vais pas te proposer la même chose. J’ai appris que vous étiez en pèlerinage. … Je veux juste vous apporter un peu d’aide, alors j’espère que vous accepterez. »
Au signe du regard de Nigel, le serviteur apporta la récompense préparée à l’avance. Kei, qui allait persister à refuser, tressaillit.
La récompense consistait en objets essentiels pour le combat, comme des armes et des potions. C’étaient des objets de bonne qualité pour Kei et ses compagnons, qui n’étaient encore que des aventuriers novices, mais ce n’était pas non plus excessivement cher pour eux. Nigel avait tout de suite pressenti que s’il leur donnait trop, ils allaient refuser. Alors il avait opté pour des objets utiles et d’une valeur convenable.
Nigel adressa un sourire gracieux au groupe qui hésitait.
« Veuillez accepter. Vous avez déjà une guérisseuse, mais cela pourra toujours servir lors d’un combat.
– Alors merci. »
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Quand Kei répondit de manière un peu cavalière, Lana lui donna un coup de coude dans les côtes.
« Kei !
– Ah, quoi encore ? … Ce n’est pas de l’argent et ça n’a même pas l’air trop cher.
– Effectivement, ce n’est rien de bien cher, » intervint Nigel parce que ce serait trop embarrassant de faire comme s’il n’avait rien entendu.
Lana referma la bouche, l’air gênée.
« Bien entendu, ce n’est pas que je voulais seulement vous offrir des objets bon marché. Ce sont des épées et des potions que mes chevaliers utilisent couramment, alors je me suis dit que ce ne serait pas trop extravagant. Je souhaite que vous les acceptiez en attendant d’avoir de meilleures armes. »
Ce n’était vraiment pas grand-chose. Laissant les trois jeunes gens débattre entre eux du regard, Nigel ouvrit la fenêtre d’informations et vérifia de nouveau.
| Épée des chevaliers du duché de Magnus (réserve) |
| Une épée couramment utilisée par les
chevaliers du duché de Magnus. Le goût particulier de poisson est assez intense pour L’épée a été forgée par un maître artisan mais elle est légèrement moins affûtée que prévue car des impuretés ont été mélangées à l’acier. Puisque cette épée est en réserve et n’a pas été officiellement donnée à un chevalier, elle ne porte pas la marque du duc de Magnus |
| Prix : 30 rubels |
… Nigel n’avait jamais commandé une épée avec des impuretés, mais c’était pourtant arrivé. À cause de ça, la valeur de cette épée était considérablement plus basse qu’à l’origine. Le prix du produit fini n’était que de trente rubels, alors que rien que le prix des matériaux de base dépassait cette somme.
Nigel ignorait pourquoi le forgeron, qui pourtant servait depuis longtemps le duché, avait soudain ajouté des impuretés à l’acier. Cela aurait été plus avantageux pour lui d’exécuter fidèlement les commandes du duc plutôt que de voler des matériaux pour pas grand-chose.
En temps normal, Nigel aurait immédiatement fait interroger cet homme mais là, il ne se sentait pas trop motivé. En plus, d’après Inas, si Nigel intervenait de trop, le temps reviendrait en arrière.
Pendant que Nigel réfléchissait, les trois autres avaient rapproché leurs têtes pour débattre entre eux afin de décider s’ils allaient accepter ou pas. Finalement, ils décidèrent d’accepter.
« Nous allons en faire bon usage, merci infiniment.
– Bien. Quand comptez-vous repartir ?
– Nous partirons demain après avoir fait nos préparatifs.
– Dans ce cas, que diriez-vous de rester ici en attendant ?
– Oh, c’est-à-dire… »
L’hésitation apparut sur le visage de Kei, qui avait souri jusque là, comme s’il estimait que c’était trop pour accepter. Nigel rendit son sourire plus radieux et doux pour le convaincre.
« Il y a beaucoup de chambres dans ce manoir. Je ne fais que vous en donner quelques-unes.
– Mais c’est que nous sommes en pèlerinage… »
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La coutume pour tous les aspirants aventuriers était de partir en pèlerinage vers la Terre Sacrée de Glarus. Un tel périple où il fallait s’abstenir de tout luxe et parcourir le continent à pieds serait impensable pour Nigel. En tout cas, il était clair que les jeunes gens allaient refuser. Nigel continua de sourire radieusement et affectueusement pour qu’ils aient bien du mal à refuser son offre.
« C’est juste pour une nuit. Il se trouve que j’ai une santé fragile, alors je ne peux même pas rêver de voyager… Voilà pourquoi j’aimerais écouter le récit de vos aventures. J’espère que vous n’y voyez pas d’inconvénient.
– … Non, bien sûr. Merci. »
Surpris par une telle gentillesse, le visage de Kei devint rouge vif. C’était vraiment un jeune homme très innocent.
Dès que les trois jeunes gens furent escortés hors de la pièce par le majordome, Inas surgit de nulle part. Nigel voulut le réprimander pour son manque de manière car il aurait pu emprunter la porte, mais le visage d’Inas était si sombre qu’il n’osa pas dire un seul mot.
L’homme s’approcha de Nigel, mit un genou à terre et lui prit la main pour déposer un baiser sur le dos. C’était un geste courant d’allégeance chez les chevaliers, pourtant le visage de Nigel devint bizarrement brûlant.
Inas ne l’avait pas quitté des yeux tout en lui prenant la main. Il retourna la main du jeune homme et embrassa la paume. Ses lèvres étaient doucement pressées contre sa paume et son souffle chaud chatouilla la main de Nigel. Déconcerté, Nigel repoussa Inas de toutes ses forces. Inas eut un rire grave qui ne montrait en rien qu’il était fâché et il ne lâcha pas son maître.
« Ne lui souriez pas autant. On dirait que vous voulez le séduire.
– … Quelle stupidité tu racontes encore ?
– Je dirais que le drapeau a déjà été planté… »
Qu’est-ce que c’est encore cette histoire de drapeau ?
Inas soupira légèrement en voyant Nigel pencher la tête sur le côté, perplexe quant à cette expression qu’il n’avait jamais vue, même après des jours à consulter les fenêtres d’informations.
« Je veux dire que Kei semble avoir un faible pour vous.
– Quoi ?! Ne dis pas n’importe quoi. »
Kei avait dix-sept ans, tandis que Nigel en avait vingt-trois. Même sans parler de la différence d’âge, ils venaient à peine de se rencontrer. Nigel n’aima pas ça et déclara que c’était n’importe quoi, mais Inas resta sérieux.
« Ce n’est pas n’importe quoi : jusqu’à présent, Kei est tombé amoureux de vous au moins une centaine de fois.
– … Vraiment ?
– Vraiment. Et la plupart du temps, je l’ai tué pour ça… »
Inas semblait parler très sérieusement et sincèrement. Bien que ce ne soit pas la vie de Nigel qui soit actuellement en danger, de la sueur froide coula sur son dos à cause du ton féroce de l’autre homme.
« Ne le tue pas.
– Très bien, pour le moment. »
Pour le moment, qu’est-ce que tu veux dire… ?
Nigel fixa son chevalier, très mal à l’aise. Inas avait disparu pendant des jours et là, il surgissait à l’improviste et se mettait à raconter n’importe quoi.
Le devoir d’un chevalier était d’être l’épée de son maître. Jusque là, Inas avait été l’exemple même du chevalier fidèle qui était entièrement dévoué à son maître, au point même de lui donner sa vie sur un mot de Nigel. Il n’avait jamais été du genre à parler ainsi.
Si tu comptes ignorer les ordres de ton maître comme si c’était du vent, pourquoi ne pas carrément renoncer à ton titre de chevalier ?
Jusque là, il y avait bien eu des moments où Inas avait ignoré les ordres de Nigel, mais c’était pour de petites occasions — comme lui faire prendre ses médicaments alors que Nigel ne voulait pas. Mais jamais encore il ne s’était montré désobéissant à ce point.
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En temps normal, Nigel ne se serait pas gêné pour répliquer mais ce n’était plus aussi facile à présent. Entre un niveau 3 et un niveau de plus de 40 000, ce serait comme si une fourmi s’attaquait à un homme. Et encore, la fourmi aurait bien plus de chances que lui de l’emporter.
Que faire dans ce cas ? Si Nigel avait toujours pu dire ce qu’il voulait, c’était parce qu’il était en position de supériorité. Les faibles ne pouvaient que se taire. Nigel décida donc d’en profiter pour cultiver son esprit et fit en sorte de retenir ce qu’il avait sur le cœur.
« … De toute manière, cela ne te concerne en rien s’il est amoureux de moi ou pas. »
Il fallait savoir que Nigel avait une personnalité des plus horribles. Bien qu’en général, son image était plus celle de quelqu’un de fragile à cause de sa maladie, Nigel était aussi un duc de Magnus, une famille réputée pour son mauvais caractère de génération en génération.
Ne fallait-il pas au moins qu’il écoute la raison pour laquelle Inas poignardait les gens à mort ?
Malgré sa voix un peu tranchante, le visage d’Inas resta aussi calme que d’habitude :
« N’est-ce pas le devoir d’un chevalier que d’écraser les mouches qui tournent autour de son maître ? »
Les lèvres de Nigel se tordirent. Il avait voulu voir Inas se montrer jaloux, mais la réponse qu’il reçut n’avait rien de plaisant.
Au lieu d’exprimer vivement sa désapprobation, Nigel retira timidement sa main de celle d’Inas.
Prends sur toi, prends sur toi.
Nigel se força à rester calme. Il tâcha plutôt d’obtenir des informations pour essayer de retourner cette situation qui ne lui était pas avantageuse de bien des manières.
« Pour commencer, c’est quoi cette histoire de drapeau ?
– C’est un terme classique dans les jeux vidéos.
– Un terme de jeu vidéo… ? »
Inas réfléchit un moment. C’était plutôt difficile d’expliciter des mots qu’il employait naturellement.
« Hé bien, c’est en quelque sorte nécessaire pour former une relation amoureuse… C’est un pré-requis pour ça.
– Une relation amoureuse ? »
Nigel n’avait jamais eu l’intention de s’engager dans une relation amoureuse, alors pourquoi se retrouvait-il tout à coup dans un pré-requis pour ça ? Inas hocha la tête avec satisfaction, comme s’il était très content de l’air choqué de son maître.
« Je trouve aussi ça ridicule, mais Kei est le personnage principal. Tout le monde peut potentiellement devenir son amoureux à la fin, du moment que Kei l’apprécie et qu’il y a une certaine affinité.
– C’est quoi, ça ? »
Tu me dis que je vais tomber amoureux d’un gamin de dix-sept ans qui n’a même pas encore eu sa cérémonie de majorité ?
Pendant que Nigel paniquait, Inas haussa les épaules d’un air d’évidence.
« Voilà pourquoi je n’ai pas eu d’autre choix que de tuer Kei. »
En effet, c’était le personnage principal, quelqu’un autour de qui le monde tournait. Apparemment, le jeu dont parlait Inas n’avait pas un seul déroulement bien défini mais pouvait changer en cours de route.
Bien sûr, de son point de vue, Nigel ne pouvait pas accepter ça si calmement. Il secoua la tête tout en frottant ses bras couverts de chair-de-poule.
« … Je comprends ce que tu veux dire, mais ne le tue pas.
– Entendu. En voyant la réaction du seigneur Nigel en ce moment, je pense que Kei échouera à créer une affinité entre vous. Heureusement pour lui. »
Nigel se réjouit vraiment de ne pas voir Inas tuer un adolescent.
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En fait, Nigel comptait faire venir Kei pour lui parler en privé avant son départ… Mais il valait mieux à présent renoncer à cette idée, sinon Kei allait mourir sans avoir le temps de dire ouf.
Nigel, qui se frottait le torse, fixa soudain Inas, frappé par une pensée.
« Au fait, alors ça veut dire que Kei est déjà tombé amoureux de toi… ? »
Note de Karura : Nigel est tout aussi jaloux qu’Inas, sauf qu’il ne va pas tuer des gens pour ça.
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