Chapitre 17

Ils arrivèrent dans la chambre de Nigel.

Inas déboutonna de ses propres mains le manteau de Nigel, qui avait du mal à respirer. Quand la pression autour de son cou disparut, sa respiration se fit plus facile. Cependant, son mal de tête lancinant et sa terreur ne disparurent pas.

Nigel haleta et s’accrocha à Inas. Ce dernier prit un air soucieux et ressuya la sueur sur le front du jeune homme.

« Nigel, tu vas bien ?

– C’est, c’est étrange. Inas…

– Que veux-tu dire ?

– Schumach… Tout à l’heure, il était bizarre.

– En quoi est-ce important ? »

Cette réponse calme engendra un sentiment d’étrangeté en Nigel. Est-ce qu’Inas prenait vraiment des choses comme ça à la légère ? En avait-il l’habitude ? Pouvait-on vraiment s’habituer à ça ?

Dans sa confusion, Nigel tâcha d’expliquer ce qu’il ressentait :

« Il n’avait pas l’air humain.

– …

– Comme une poupée… Non, ce… je veux dire… »

Inas posa une mains sur la sienne pour stopper ses explications. Il fixa Nigel d’un air inexpressif.

« Cela n’a rien d’étrange, ce ne sont que des données, » fit-il d’un ton affectueux.

Le message d’avertissement surgit de nouveau dans l’esprit de Nigel, comme s’il ne pouvait plus attendre plus longtemps.

Ce fut alors qu’une scène dont Nigel ne se rappelait pas surgit dans son esprit :

« C’est parce que tu n’es qu’un ensemble de données. »

C’était il y avait très longtemps… Il avait cru entendre… une voix résonner dans sa tête. Cela avait été une voix froide et impitoyable, sans la moindre chaleur. Il n’y avait eu pas la moindre affection dans cette voix qui avait été plus proche du mépris que de l’amour.

Sous le choc, Nigel trembla et leva les yeux vers Inas.

Avec son visage aimable, il ne semblait pas capable de dire quoi que ce soit de cruel à Nigel. Pourtant, Nigel était sûr et certain de l’avoir entendu dire ça autrefois…

« Tu dis que ce ne sont que des données.

– En effet.

– Je, je… ce n’est pas ça… »

Inas soupira devant les bafouillements de son maître. Il se mit à lui masser gentiment ses mains glaciales, ce qui fit reculer Nigel de surprise. La chaleur d’Inas était agréable et faisait fondre la glace dans son estomac, comme s’il avait avalé un morceau de glace très froid.

« On dirait que tu n’avais pas relevé ça. J’espérais le contraire, mais tu n’as pas tout compris.

– Quoi… ?

– Nigel, ceci est un jeu. Et dans ce jeu, tu es un PNJ. »

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Les yeux de Nigel vacillèrent. Oui, c’était clairement un jeu. Il ne s’en rappelait pas jusque là, mais il avait vécu des milliers de vies, encore et encore…

Alors que les fenêtres apparaissaient et disparaissaient tour à tour, une immense douleur envahit Nigel. Il haleta face à cette douleur agonisante. Incapable d’endurer ça, il se mit à hurler.

Ça fait mal. Ça fait trop mal. Arrête.

Nigel se boucha les oreilles. Cependant, Inas lui retira gentiment mais fermement les mains des oreilles.

« N’essaie pas de fuir, écoute-moi. Tu es ce qu’on appelle un personnage. Tu n’es ni le personnage principal, ni même un personnage secondaire important… Quand arrive le générique de fin, ton nom apparaît à peine au bout. »

Les paroles d’Inas entaillèrent Nigel sans la moindre pitié. Le jeune homme voulut retirer ses mains de celles d’Inas, mais l’autre refusa de le lâcher. Pire encore, il rapprocha son visage du sien, le tenant fermement.

Nigel retint son souffle en voyant ce visage splendide et étourdissant s’approcher. Sauf que pour le moment, il ne voulait même pas voir ce visage. Des paroles qu’il n’avait encore jamais entendues mais dont il se souvenait pourtant ne cessaient de résonner dans sa tête, le hantant comme des fantômes.

« Parce que ce n’est qu’un jeu.

« Même s’il meurt, il reviendra à la vie de toute manière. Alors ce n’est pas grave si je le tue.

« Ne te moque pas de cette histoire de données. Ne fais pas semblant de comprendre. Ne m’aime pas. »

Nigel aurait voulu ignorer ces paroles, mais elles ne cessaient de tourner en boucle dans son esprit. Devait-il se rappeler et tout accepter ? Devait-il se rappeler de ces mots cruels ? Il songea de nouveau à la colère exprimée par Inas dans sa vision précédente. Malgré ça à ce moment, Inas semblait vraiment aimer Nigel. Mais Inas n’avait-il vraiment aimé que lui durant ces si nombreuses sessions ?

« … Arrête.

– Tu as dit que tu écouterais. Nigel, à l’origine, je ne viens pas de ce monde.

– Je ne veux pas…

– J’ai joué à ce jeu il y a bien longtemps. Hum, tu peux dire que j’ai lu ce livre. Le personnage principal était Kei et ni Nigel, ni Inas n’étaient des personnages bien importants. Ils apparaissaient juste à un moment, puis disparaissaient.

– Ne dis pas des choses étranges ! »

Nigel repoussa Inas de toutes ses forces.

Je ne veux pas me souvenir.

Cependant, cet homme qui l’aurait relâché en temps normal se rapprocha encore plus. On pouvait sentir la folie émaner d’Inas alors qu’il se rapprochait de Nigel.

« Tu, tu as dit que tu m’aimais ! »

Les mouvements d’Inas cessèrent aussitôt qu’il entendit le cri désespéré de Nigel.

« Si tu m’aimes, alors arrête, je t’en prie… »

Malheureusement, Inas ne renonça pas et interrompit la supplique du jeune homme :

« Mais Nigel, tu as dit que tu écouterais. Ce n’est qu’une petite partie de ce que j’ai à te dire. »

Nigel cligna des yeux.

Si c’est le cas, alors qu’est-ce qu’il te reste encore à me dire ?

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

L’histoire que Nigel ne pouvait interrompre se poursuivit :

« Je venais de jouer à ce jeu et à mon réveil, je me suis retrouvé dans le jeu. J’étais juste Inas Idenbach, un personnage du jeu.

– Quoi… ? »

Même les voix fantomatiques qui n’avaient cessé de résonner à ses oreilles s’arrêtèrent sous l’effet du choc. Nigel contempla Inas avec des yeux écarquillés de stupeur. Dans ses yeux rouges, une émotion intense se mit à entrer en éruption comme un volcan. La détresse et les conflits furent engouffrés par ces nouvelles émotions et profondément enfouies.

C’était loin du choc qu’il avait ressenti quand Inas lui avait dit qu’il n’était rien de plus que des données, plus que de la consternation quand il avait appris qu’il n’était qu’un personnage au rôle insignifiant qui ne méritait même pas d’avoir un rôle secondaire. Nigel saisit Inas par le col et le tira vers lui.

C’était de la colère.

Inas fut lui aussi un peu surpris par la colère de Nigel qui semblait prêt à le tuer sur-le-champ. Il écarquilla les yeux.

« Inas, tu, tu…

– Oui, Nigel ?

– Tu… Tu es bien Inas ? » fit Nigel d’une voix qui tremblait terriblement.

Ce fut à ce moment qu’Inas comprit ce que craignait Nigel et son sourire s’élargit. Satisfait de la colère et l’obsession du jeune homme, Inas secoua la tête.

« Je ne suis pas Inas mais en même temps, je suis bien le Inas que tu connais.

– Qu’est-ce que…

– Mon premier souvenir se passe peu de temps avant de t’avoir rencontré.

– … »

Au moment où Nigel comprit ce qu’il venait de dire, ses mains retombèrent avec impuissance.

« Je m’en souviens encore. Je ne pourrais jamais oublier ce moment de toute ma vie. Quand j’ai rencontré le seigneur Nigel, on était au début de l’hiver. C’était encore l’automne dans la capitale, mais il faisait déjà froid à Montstein. Au départ, j’étais un peu nerveux en arrivant. Toutes les feuilles étaient déjà tombées, cela rendait la route très désolée.

– Oui, je m’en souviens… »

Grâce à la description d’Inas, Nigel fut également capable de visualiser parfaitement ce moment dans son esprit. Ce n’était pas comme s’il avait pu oublier ça pour commencer. Il s’agissait du premier et du dernier amour de la vie de Nigel. Cela avait été le commencement d’un immense amour. Tout ce que Nigel était devenu émanait de ce moment précis.

Inas déposa un léger baiser sur la joue de Nigel qui était maintenant calmé. Sans lui laisser le temps d’être surpris, il poursuivit :

« Il se trouvait que vous étiez dans le duché, portant encore des vêtements de deuil. Le château tout entier n’était que gris et noir. Pourtant, le précédent duc portait une tenue normale. Le seigneur Nigel avait eu une légère fièvre la veille et il était encore un peu faible. Au moment où je l’ai vu, son visage était pâle mais quand je l’ai salué, son visage était devenu aussi rouge qu’une rose et il s’est enfui. Votre père s’est fâché et l’a appelé de derrière, mais le seigneur Nigel l’a ignoré et a continué à courir. Le duc a essayé de le rattraper mais il a renoncé quand le seigneur Nigel a failli tomber.

– … Ah.

– Alors, suis-je bien le Inas du seigneur Nigel ? »

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

L’anxiété qui avait fait rage dans son esprit disparut d’un coup. Peu lui importait que ce ne soit pas le Inas de naissance. Du moment que cet Inas était bien celui que Nigel avait toujours connu, cela n’avait aucune importance.

Ce n’était pas Inas le problème. Le problème, c’était…

Inas serra Nigel contre lui qui avait failli s’effondrer à cause de son relâchement. Leurs visages se rapprochèrent. Il y avait une subtile tension dans l’air, comme s’ils allaient s’embrasser. Nigel s’humecta les lèvres avec sa langue et répondit avec du mal :

« Oui, alors ça va.

– Tant mieux. Je ne voudrais pas perdre le seigneur Nigel au profit de l’Inas d’origine.

– Mmm… » acquiesça Nigel avec du mal.

C’était sans doute à cause de la surprise et l’agitation, mais il se sentait tout à coup très fatigué et voulait se reposer. Toutefois, il ne pouvait pas mettre un terme à la conversation qu’ils venaient d’avoir, alors Nigel tria ce qu’Inas venait de dire en butant un peu :

« Pour résumer, je suis un personnage de jeu vidéo… Tu as joué à ce jeu et tu t’es subitement retrouvé dans ce monde.

– … Oui, c’est bien ça.

– Malgré ça, tu es bien le Inas que je connais.

– En effet. »

Nigel tâcha de calmer sa respiration qui menaçait de devenir de nouveau laborieuse. Il en avait assez de cette fenêtre qui clignotait sous son nez, alors il ferma les yeux.

Inas avait toujours aimé Nigel. Il voulait que Nigel se rappelle de tout à son sujet, alors Nigel ne voulait pas détourner le regard juste parce que c’était trop dur. Tout ça parce qu’il aimait Inas. Tout ça parce qu’il voulait répondre à ses attentes. Tout ça parce qu’il voulait qu’Inas continue à l’aimer.

Nigel se ressaisit et rouvrit les yeux. Son nouveau champ de vision était libre, aucune fenêtre ne venait le perturber.

« Bon, ce sera tout pour le moment. »

Quand Nigel annonça cela de manière nonchalante, Inas fit tout à coup une drôle de tête.

« Vous êtes sûr que ça va ?

– Bien sûr. Ne suis-je pas qu’une illusion de toute façon ?

– Vous n’êtes pas une illusion. »

Nigel eut un léger rire en voyant Inas nier aussitôt. Il avait dit qu’il n’était que des données, alors quelle était la différence entre ça et une illusion ? Quant au mot ‘données’, à force de l’entendre, Nigel avait fini par saisir un peu ce concept, peut-être à cause de ces souvenirs du passé dont il se rappelait.

Nigel se força à sourire à Inas.

« Tout va bien. Tu ressens tout ça comme la réalité, de toute manière. Alors ce doit être vrai que tu m’aimes.

– …

– N’est-ce pas ? » demanda-t’il en regardant franchement Inas qui restait silencieux.

Le chevalier hocha lentement la tête.

« Oui, c’est exact.

– Bon, alors tout va bien…

– …

– Excuse-moi, mais je me sens un peu fatigué, là. Tu as autre chose à me dire ? »

Inas baissa les yeux sur lui et se pencha. Ses lèvres effleurèrent le front de Nigel avant de se retirer.

« Non, je vais me retirer. Reposez-vous bien, Nigel.

– Merci. »

Inas quitta la chambre après l’avoir salué. Il ne se montra pas attentionné en l’aidant à se changer ou se laver, comme il l’aurait fait d’habitude. Il avait dû remarquer que Nigel tremblait.

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Dès qu’Inas fut parti, Nigel se rua dans la salle de bain pour vomir.

« Eurk eurk… »

Il voulait tout vomir mais comme il n’avait rien mangé, rien ne sortit. Il aurait voulu au moins recracher tout ce qu’il avait vu et entendu ces derniers temps.

En fait, rien n’allait bien.

Ces voix dans sa tête qui semblaient le traiter de manière très désinvolte comme s’il était totalement insignifiant. La façon dont le traitait le Inas actuel, c’était comme s’il était une poupée. Nigel ne se sentait clairement pas comme lui, comme le reste du monde. Mais Nigel se rappelait très bien. Dans le passé, de telles conversations avaient eu lieu plusieurs fois.

« Ce n’est qu’un jeu. »

Ces paroles qu’il avait déjà entendues résonnèrent dans sa tête.

Inas était réel. Ce monde n’était pas réel. Nigel n’était qu’une illusion.

Inas aimait Nigel. Nigel ne pensait pas que cela soit faux. Mais comment Inas pouvait-il vraiment aimer quelqu’un qui n’était rien de plus qu’un ensemble de données ?

Si c’était vraiment de la pure affection, cela n’expliquait pas les paroles haineuses qui étaient restées dans les souvenirs de Nigel. Est-ce que toutes ces épines avaient fondu à présent dans le cœur d’Inas ? Tout comme Nigel le croyait ? Si ce n’était pas le cas…

Est-ce que les sentiments d’Inas ne relevaient pas plutôt d’une longue obsession qui avait fini par devenir une habitude ? Ou bien c’était de l’amour, mais plutôt comme l’affection pour un jouet…

« … »

Incapable de trouver une réponse, Nigel sortit en titubant de la salle de bain et alla s’enfouir sous les couvertures.

Note de Karura : Nigel apprend que son monde n’est pas réel, mais la seule chose qui l’inquiète, c’est… Est-ce que Inas est bien son Inas ? Est-ce que Inas l’aime vraiment ?

Décidément, il n’y en a que pour Inas ! 😋

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