Chapitre 9

Dès que Kei attrapa la main tendue de Nigel, il se mit à courir à toute vitesse. La main qui serrait celle de Nigel était à peu près de la même taille, mais bien plus ferme. Nigel regarda derrière lui alors qu’il courait main dans la main avec Kei.

« … »

Inas se tenait dans l’obscurité avec le visage encore plus pâle que celui d’un fantôme. Il contemplait Nigel de ses yeux noirs aux pensées insondables. Il resta planté ainsi là et ne tenta pas de le suivre.

Ce n’était peut-être pas une description adéquate, mais Nigel eut subitement l’impression d’abandonner un chien qui lui avait toujours été fidèle. Il se sentait coupable alors qu’il était pourtant une victime et l’avait toujours été.

Nigel courut dans le couloir en fermant les yeux. Quand il atteignit les escaliers, il ouvrit les yeux et regarda tout autour. Il avait l’impression d’être dans un autre lieu car tout était enveloppé dans les ténèbres. Le chemin qui descendait le long des escaliers était étrangement calme, comme si le monde retenait son souffle pour eux.

Kei traversa les jardins. Nigel contempla les jardins où personne ne se trouvait et que seul le clair de lune illuminait. Kei n’alla pas jusqu’au mur d’enceinte mais s’arrêta à l’entrée d’un passage secret dans un coin du sous-sol.

« Comment tu connais cet endroit ? demanda Nigel.

– Parce que je me suis déjà enfui avec toi. »

Après cette réponse lourde de sens, Kei se mit naturellement à actionner le mécanisme compliqué.

Nigel regarda tout autour de lui, nerveux.

« On va vraiment s’en aller comme ça ?

– Oui.

– Et tes compagnons… ? »

Tu as vraiment l’intention d’abandonner tes compagnons qui ne savent rien ?

D’un air sombre, Kei regarda en direction des appartements où se trouvaient ses deux compagnons, puis il détourna rapidement la tête.

« Ils ne se rappellent de rien du tout. Si je les laisse comme ça, Inas ne les tuera sans doute pas. Si je dois mourir, je préfère encore mourir seul. On a beau revenir à la vie après, cela reste douloureux de mourir… »

Après avoir ainsi marmonné, ses mains se figèrent aussitôt. Le mécanisme avait été bien activé et on put entendre d’immenses rouages se mettre en route. Ce n’était pas très fort, mais assez pour mettre mal à l’aise les deux fugitifs. Heureusement, la porte s’ouvrit sans réveiller personne.

« Une minute, je dois laisser un message pour Heize, fit soudain Nigel.

– C’est inutile de le contacter.

– Qu’est-ce que tu veux dire ?

– Je vous le dirai quand nous serons sortis, » fit fermement Kei en entrant dans le passage secret.

Au bout du compte, Nigel n’eut pas d’autre choix que de le suivre.

Cela faisait longtemps qu’il n’était pas passé par là. Il parvint à peine à s’insérer dans le passage étroit et tout à coup, le chemin descendit. Il tomba et se prépara à mal atterrir, mais Kei le rattrapa.

« Vous allez bien ?

– Hum, oui. »

Nigel resta un peu confus car c’était la première fois depuis l’âge adulte qu’un autre qu’Inas le portait ainsi. Comme Inas était toujours à ses côtés, c’était naturellement lui qui portait Nigel…

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

Sans avoir le temps de s’attarder sur cette pensée, Nigel dut suivre Kei qui marchait à grands pas.

À l’intérieur, il y avait un chemin assez large pour une seule personne. C’était une route assez compliquée. Comme Nigel avait souvent vu la carte de cet endroit et avait mémorisé la route, il ne risquait pas de se perdre. Étonnamment, Kei trouva le bon chemin sans la moindre difficulté.

« Quand Inas et vous entrez en conflit, la majorité de vos lieutenants se rangent du côté d’Inas, » fit Kei en ouvrant la voie et en tournant au cinquième croisement.

C’était quelque chose d’incroyable pour Nigel.

« Quoi… ? Heize est mon adjudant, Inas et lui ne sont que des collègues…

– En effet, mais en qui on a confiance est une autre histoire. »

Choqué, Nigel s’arrêta net. Mais comme Kei refusait de le ménager, il n’eut pas d’autre choix que d’avancer rapidement de nouveau.

« Peut-être qu’Inas est en train de raconter ça maintenant : “L’aventurier qui loge au manoir a enlevé le duc par un moyen insidieux.” Vous avez été ensorcelé et vous obéissez à tout ce que je dis.

– C’est ridicule…

– Vous devriez y croire, parce que c’est déjà arrivé plusieurs fois.

– … »

Nigel ne voulait vraiment pas y croire… Mais en y repensant bien, Heize avait été l’une des rares personnes à avoir cru en Inas jusqu’au bout quand ce dernier avait massacré les clients d’une auberge et s’était enfui dans la seconde session, alors que même Nigel avait fini par douter de lui.

Si Heize devait choisir entre sa loyauté envers Nigel et sa confiance envers Inas, il choisirait la première. Mais si les deux étaient intelligemment combinées, il était normal qu’il fasse confiance à Inas. Pour commencer, cette situation où Nigel s’enfuyait avec Kei en évitant les autres, même Nigel trouvait que cela ne lui ressemblait pas du tout.

Même si Heize était de son côté, cela ne voulait nécessairement pas dire que le duché suivrait Nigel. En premier lieu, les chevaliers suivraient plutôt Inas, pas Nigel, et le reste croirait volontiers que leur duc avait été ensorcelé et se rangerait du côté d’Inas.

Pour toutes ces raisons, Nigel fut envahi par le désespoir et ses pas ralentirent. En entendant ça, Kei s’arrêta et regarda derrière.

« Qu’est-ce qui vous arrive ?

– N’est-ce pas inutile de s’enfuir comme ça ? Inas peut traverser l’espace, il va nous rattraper quoi qu’il arrive. »

Kei haussa les épaules comme si c’étaient des paroles futiles et il reprit la marche. À contrecœur, Nigel fut bien obligé de le suivre quand le jeune homme lui jeta un regard en arrière.

« Ça va aller, si on considère ses actions jusque là.

– Ses actions jusque là ?

– Ce n’est pas la première fois que nous nous enfuyons ensemble ainsi. Vous ne vous en rappelez pas ?

– Non, pas du tout. »

Contrairement à Kei, qui se rappelait même de l’emplacement d’un passage secret qu’il n’avait jamais pris, Nigel avait l’impression que tout ceci se produisait pour la première fois.

« Mes souvenirs ne sont pas très clairs. Depuis le jour où je me suis rendu compte que le temps revenait en arrière… les souvenirs me reviennent de manière éparse. C’est la quatrième fois que je vis en ayant conscience de la vérité.

– Ah bon ? »

Pourquoi était-ce différent ? Ils ne dirent plus rien pendant un moment, comme si chacun réfléchissait à l’autre. Kei semblait aussi curieux à ce sujet que Nigel.

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Ce ne furent pas des paroles qui interrompirent leurs réflexions, mais le changement dans le chemin qu’ils empruntaient. Petit à petit, l’odeur de l’eau se fit sentir mais le chemin devint extrêmement étroit. Au bout du chemin où ils durent ramper et se tortiller, un mur apparut comme une impasse. Kei actionna le mécanisme sans hésiter et la paroi en pierre se souleva.

Après avoir franchi le petit trou, ils arrivèrent quelque part dans les tunnels d’alimentation en eau de la capitale. Ces tunnels se répandaient dans toute la cité et il était possible de quitter la capitale en les empruntant tout du long.

« De toute façon… Dans un cas pareil, Inas ne vient pas nous capturer en personne, fit Kei en regardant la rivière souterraine, la main sur son épée. Bien sûr, en tant que représentant du duc de Magnus et chevalier, Inas Idenbach emploie tous les moyens à sa disposition, mais il ne se sert pas de ses pouvoirs transcendants.

– … Pourquoi ? »

Kei haussa les épaules.

« Allez savoir. Seul un fou peut comprendre un autre fou.

– … »

Nigel n’était pas fou, mais il lui semblait comprendre vaguement les pensées d’Inas. Autrefois, il l’avait clairement entendu dans des sessions dont il ne se souvenait pas clairement.

« C’est ennuyeux de tout résoudre par la magie, alors j’y ai mis des limites. Il est toujours possible d’accomplir des Réussites en essayant ça et ça. C’est bien plus efficace comme ça. »

Du point de vue de la victime, Nigel était à la fois furieux et soulagé de la nonchalance d’Inas.

Même si Inas avait réellement l’intention de les pourchasser, il leur restait encore pas mal de temps. Le chevalier Inas Idenbach était supposé se trouver dans le territoire du nord actuellement. Cela laissait pas mal de temps avant qu’il n’arrive dans la capitale pour rechercher Nigel.

Alors ce qui comptait vraiment le plus, c’était l’endroit où ils allaient s’enfuir.

« Où est-ce qu’on va maintenant ?

– Aucune idée. Je n’ai nulle part où aller. »

C’était bien de vouloir s’enfuir avec panache, mais encore fallait-il savoir où se rendre.

« Y a-t’il un endroit où vous voulez aller ? » demanda Kei après un moment de réflexion.

Nigel hésita un peu avant de répondre :

« Je veux aller voir mon frère.

– Je savais que vous diriez ça ! » fit Kei avec un grand sourire.

Quand Nigel avait vu Kei face à Inas, il s’était dit que le fait que l’autre avait retrouvé ses souvenirs avait affecté son tempérament. Mais quand il le vit ainsi, il constata que Kei avait toujours son côté enfantin.

« J’ai repris connaissance au beau milieu de votre conversation, alors j’ignore ce que le duc a bien pu entendre. Le cercueil d’Etna est vide. Le défunt Etna est devenu un serviteur d’Odelarth et il repose inconscient dans le temple des Montagnes Impies.

– Comme un boss caché ? » demanda Nigel en employant un terme de jeu vidéo.

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Kei ne répondit pas et après quelques secondes, il se renfrogna :

« Vous m’écoutez ? fit-il à Nigel.

– Oui, je t’écoute… »

Les mots ‘boss caché’ furent naturellement ignorés. Apparemment, Kei avait juste retrouvé ses souvenirs antérieurs mais n’avait aucunement conscience que ce monde était un jeu vidéo.

Il était donc inutile d’essayer de lui dire la vérité. Nigel avait été très choqué à l’époque, cela n’apporterait rien de bon de choquer Kei ici et maintenant.

« Mais est-ce vraiment une bonne idée que je le rencontre ? s’inquiéta-t’il plutôt.

– Dans mes souvenirs, oui. Je ne vous ai pas vu rencontrer Etna de mes propres yeux, mais… il vous a toujours aimé. N’est-ce pas votre grand frère ? Il a fait des choses horribles, mais pas aux personnes qu’il aime. Alors quelle importance après tout ? Tout reviendra au début de toute manière.

– Oui, c’est vrai mais…

– Alors c’est entendu : nous allons au nord.

– Ça risque d’être dangereux.

– Au pire, on ne peut que mourir. »

Ce qui pourrait être le plus effrayant pour des gens ordinaires n’était rien pour eux deux. Les regards de Nigel et Kei se croisèrent et ils eurent un léger rire entendu.

« Tu es sûr que ça te convient vraiment ? insista Nigel.

– Oui, je ne sais pas quoi faire d’autre, de toute manière. Les souvenirs me reviennent au fur et à mesure que je vous aide. Ce n’est pas encore complet, mais d’autres souvenirs pourraient refaire surface. »

C’était logique. Il était clair que Nigel serait incapable de se rendre tout seul au nord de tout manière, alors Kei avait décidé de le protéger pour le moment.

« Le seul problème, c’est que c’est un peu loin. Je peux tout faire, mais je ne peux pas nous emmener là-bas.

– Pourquoi ?

– Vous avez de l’argent ?

– … »

Bien sûr que Nigel n’avait pas d’argent. Il dormait au début alors il était encore en pyjama. Du coup, il n’avait même pas un bouton qu’il aurait pu revendre.

« Il faut de l’argent pour voyager. »

Des chevaux, un carrosse, des chambres pour la nuit et la nourriture, tout cela coûtait de l’argent. Cela semblait très naturel, mais c’était assez nouveau pour Nigel. Il savait bien entendu qu’il fallait beaucoup d’argent pour voyager sur une longue distance, mais il n’avait jamais eu à se soucier en personne de ce genre de menues dépenses.

Il sentit soudain un regard insistant et tourna la tête. Kei le regardait d’un air incrédule. Nigel s’empressa de se justifier :

« Oui, je sais bien qu’il faut de l’argent. Je disais juste ça parce que normalement, je ne m’en occupe pas.

– Je vois.

– Bon, combien nous faudra-t’il pour arriver au nord ?

– Si on compte environ dix jours à cheval… Hum, ça vous irait de dormir dans des granges ?

– Oui, je peux le faire. »

Il ne l’avait encore jamais fait.

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Kei soupira et eut l’air suspicieux devant la réponse rapide du jeune homme.

« Même si on prend des auberges miteuses, il nous faut au moins trente à quarante rubels.

– Si peu ? »

Le regard de Kei se modifia, comme s’il regardait un enfant qui ignorait tout du monde, alors Nigel décida de garder la bouche fermée. Cette somme n’était pas grand-chose pour Nigel en temps normal mais là, il n’avait même pas un rubel sur lui.

Bien entendu, leur situation n’était pas non plus sans issue. Il y avait une personne qui comprendrait que Nigel ait voulu s’enfuir loin d’Inas et qui ne les dénoncerait pas. Cette même personne avait aussi les moyens de les aider.

Nigel, qui avait réfléchi un moment, jeta un regard en douce à Kei.

« C’’est quoi, le problème ? fit ce dernier.

– Tu as bien dit que tu te rappelais, pas vrai ?

– Oui.

– Alors ne te fâche pas.

– D’accord. »

Bien que l’ayant prévenu à l’avance, Nigel était un peu nerveux. Il inspira profondément :

« … Schumach peut comprendre notre situation. Allons le voir. »

Le regard de Kei se fit soudainement acéré.

Note de Karura : Pendant ce temps, Inas est en train de détruire le monde, furieux et bouleversé parce que son Nigel s’est enfui avec le vilain Kei.

Quand il va apprendre que Nigel compte aller voir Schumach…

Petit délire perso en relisant le webtoon : Nigel est le duc de Magnus, ce qui donne en anglais the duke of Magnus. Si on retire une lettre, ça fait the uke of Magnus. Et uke veut bien entendu dire celui qui est en-dessous dans une relation gay.

…

On s’amuse comme on peut !

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