Chapitre 13

Comme ils ne pouvaient sortir de manière normale sans courir de risque, ils n’eurent pas d’autre choix que d’avoir de nouveau recours à la magie spatiale pour rentrer. Ce genre de sort était assez dangereux si jamais il ratait. Inas serra fort Nigel contre lui, ce dernier fronçant les sourcils avec réticence.

« Ne t’en fais pas Nigel, assura Inas. Comment pourrais-je commettre une erreur alors que tu es avec moi ?

– … Entendu. »

Cela ressemblait vraiment à de la confiance infondée mais quand Inas disait ça, on avait envie de lui faire croire en lui. En effet, Inas était la personne la plus consciencieuse au monde quand Nigel était impliqué. Il était donc le plus digne de confiance, en tout cas quand cela concernait la sécurité de Nigel.

Nigel franchit l’espace dans les bras d’Inas. Il sentit la nausée l’envahir, peut-être à cause de la magie un peu instable. Alors qu’il gémissait, Inas lui tapota gentiment le dos.

« Nigel ! »

Dès qu’il entendit la voix agitée de Schumach, Nigel s’empressa de repousser Inas. Alors qu’il titubait de nouveau, Inas le rattrapa et le soutint. Nigel fut bien obligé de s’appuyer contre lui dans une position un peu gênante.

Ils se trouvaient dans un jardin qui semblait avoir été soigneusement entretenu. Schumach et Lana venaient vers eux. Nigel fut soulagé de voir que le chevalier allait bien et ne semblait pas blessé.

« J’ai été surpris quand cet enfoiré a subitement disparu… commença Schumach.

– Il est venu me chercher, expliqua Nigel.

– Il s’est passé quelque chose ?

– Non, pas du tout. Inas est juste excentrique par nature. »

Nigel ne voulait pas que les autres s’inquiètent, alors il se contenta de sourire et de mentir. Heureusement ou pas, Schumach comprit aussitôt lorsqu’il dit qu’Inas était excentrique.

« C’est clair que ce type est bizarre, approuva-t’il. Il a tendance à devenir cinglé, surtout quand tu es impliqué.

– Ce n’est pas non plus à ce point… tenta de le défendre Nigel.

– … »

Le regard féroce de Schumach était lourd de sens et exprimait tout son sérieux. Nigel se racla la gorge et préféra éviter son regard.

« Quoi qu’il en soit, reprit-il, la prochaine fois qu’Inas veut faire quelque chose de bizarre, empêche-le. Au fait, tu vas bien ?

– Oui, j’ai l’habitude de me faire capturer, puis de m’échapper, » répondit Schumach en soupirant.

Il ne semblait pas du tout blessé et avait l’air indemne.

Quand ils s’étaient rendus chez Léona, ils s’étaient tout de suite préparés à l’éventualité de se faire capturer. Apparemment, Schumach avait fait semblant de s’endormir au signal de Nigel et était parvenu à rester calme avant de s’enfuir pour retrouver les autres.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

« Je suis soulagé qu’il ne te soit rien arrivé, fit Nigel.

– Tu devrais plutôt t’inquiéter pour toi ! Tu es tellement fragile.

– C’est normal que tu sois inquiet. Après tout, tu es mon… mon compagnon. »

Il avait voulu dire ‘mon chevalier’, mais la main d’Inas, qui le soutenait, s’était tout de suite crispée, alors Nigel avait préféré se taire. Schumach jeta de nouveau un regard mauvais à Inas.

Puisqu’il s’agissait des deux personnes que Nigel appréciait le plus, il aurait bien aimé qu’ils puissent s’entendre. Hélas, plus ces deux hommes passaient du temps ensemble, plus leur relation se détériorait. Nigel décida donc de réduire les occasions où ils auraient à se parler sans utilité.

« Cet endroit… on est à l’intérieur du manoir, » murmura Nigel en regardant autour de lui.

Il n’avait pas pu dire clairement quand il se trouvait dans la chambre mais à présent qu’il était en extérieur et qu’il pouvait voir clairement le paysage, cela devint très clair pour lui. C’était le manoir de la famille ducale de Magnus, un endroit qu’il connaissait très bien.

Il avait reconnu l’endroit dès qu’il avait ouvert les yeux. C’était en effet plus pratique de réquisitionner le manoir d’un vassal pour loger le roi plutôt que de prévoir une villa à l’écart. En tout cas pour Nigel, il préférait cet endroit dont il connaissait les moindres recoins plutôt qu’un lieu inconnu.

« J’en ai profité pour me renseigner un peu sur la situation, intervint Lana. Ça fait quelques jours que le roi est arrivé en ville. Il est apparemment venu de sa propre initiative et n’a cessé de donner des ordres au duc. À cause de ça, les habitants de la cité n’ont pas une bonne opinion de lui.

– Vraiment ? s’étonna Nigel. Bon, je suppose que ça n’a pas dû leur plaire de voir le roi aller et venir ici comme si c’était son territoire.

– En effet. Le duc actuel n’a pas eu d’autre choix que de laisser son manoir au roi. Comme il ne se montre pas ouvertement coopératif, le roi n’est entouré que de ses propres soldats. On semblerait aussi que le roi a ordonné de bloquer l’accès à la cite mais comme l’ordre vient de lui, Teren n’est pas enthousiaste pour l’exécuter. »

Nigel ne connaissait pas bien Teren mais en tant que duc de Magnus, le fait que le roi se soit approprié son manoir suffisait à blesser sa fierté. En voyant la réaction de Teren, il semblait qu’il n’avait vraiment pas eu d’autre choix que de céder devant le roi. Alors même s’il ne se révoltait pas ouvertement, il n’allait pas non plus lui obéir au doigt et à l’œil.

« Nous avons aussi inspecté les passages secrets, ajouta Schumach. Il n’y a pas de gardes postés là-bas. On peut en déduire que Kei n’est pas encore là, mais il ne va sûrement pas tarder. »

Une fois la situation mise à plat, la conclusion allait de soi :

« Alors on ferait bien d’agir tout de suite. »

Kei, qui détenait le vrai pouvoir, n’était pas présent. Seul le roi était là et on ne pouvait pas dire qu’il avait obtenu la coopération du duc. Alors ils devaient profiter de cette situation fragile pour agir au plus vite. S’ils arrivaient à accomplir le Test de l’Épée Sacrée, ce qui était leur objectif principal, les contraintes seraient ensuite réduites.

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Bien que Nigel s’était fixé son objectif et était prêt à passer à l’action, ses pensées perturbantes ne le quittèrent pas totalement. Il soupira tandis qu’il se mettait en route.

« Essian est devenu complètement fou, fit-il.

– Il était déjà cinglé avant, » répliqua Schumach d’un ton indifférent.

Nigel secoua la tête.

« Ce n’était pas encore à ce point. Il a en fait transformé son corps en celui d’une chimère.

– C’est quoi, ça ?

– Un humain combiné avec un monstre. »

Quand Lana entendit ça, elle s’arrêta net, ses yeux écarquillés. Elle finit par rester en arrière et ce fut alors que Schumach s’en aperçut. Trouvant ça étrange, il l’appela et elle les suivit de nouveau.

Après s’être assuré que Lana ne restait plus en arrière, Schumach demanda à Nigel :

« C’est possible au moins ? Non, même si c’est possible, qu’est-ce qui lui a pris de faire ça ?

– Il veut devenir plus fort. Puisque la situation est dangereuse, je pense qu’il a dû se dire qu’il avait besoin de sa propre force.

– C’est absurde.

– C’est fou.

– Tout à fait. »

Nigel jeta un regard à Schumach qui avait renchéri comme si cela allait de soi.

« Ce que tu as essayé de faire était tout aussi absurde, » lui rappela-t’il.

Essayer de récupérer un morceau de l’épée de Glarus. Cela semblait si lointain parce que beaucoup de choses étaient arrivées entre-temps. Mais en fait, cela ne datait que de quelques jours.

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Si Nigel avait interpelé Schumach un peu plus tard, l’homme aurait commis une erreur irréparable. Le pire avait pu être évité à l’époque, mais Nigel ne permettrait jamais que cela se reproduise.

« N’essaie pas d’obtenir du pouvoir de l’extérieur juste parce que tu n’es pas assez fort, Schumach. »

On aurait dit que le chevalier fut profondément ébranlé par l’avertissement de Nigel. Ses yeux vacillèrent un moment, puis il se calma comme s’il se pliait à la décision de Nigel.

« Très bien, j’ai compris. »

Les paroles qu’on adressait à quelqu’un avait d’autant plus d’impact quand on les disait au bon moment. Comme maintenant. La voix de Schumach ne contenait clairement plus aucune hésitation. Nigel était donc rassuré quant au fait que le chevalier ne commettrait plus jamais la même erreur.

Ils firent des détours afin d’éviter de croiser quelqu’un. Même s’ils couraient le risque de se faire repérer à tout moment, Nigel, qui connaissait le niveau d’Inas, se déplaça d’un air plutôt détendu.

Le groupe arriva enfin à l’entrée d’un des passages secrets et s’y enfonça. Quand ils refermèrent la porte et allumèrent les petites torches à l’intérieur, le passage secret, qui était assez large, se dévoila à leurs yeux.

« Nigel, fit soudain Inas, tu veux que je te porte ?

– Quoi ? Non, ça ira. »

Le passage n’était pas trop compliqué pour que Nigel ne puisse pas le faire à pied. Cela aurait même été embarrassant. Quand Nigel le fixa d’un air déterminé, Inas parut un peu inquiet, mais il hocha la tête docilement.

« Dans ce cas, je vais ouvrir le chemin au cas où. »

Inas se retrouva donc en tête, tandis que Schumach referma naturellement la marche, disant qu’il allait protéger leurs arrières.

Lana, qui n’avait plus rien dit depuis un moment, regarda autour d’elle d’un air confus.

« Un endroit pareil existe, s’étonna-t’elle.

– Cet endroit est top secret, répondit Nigel. Peu de gens sont au courant de son existence. Quoique Kei le connaît.

– Kei… Comment peut-il connaître ce passage secret ? »

Nigel se tourna pour la regarder. La faible lueur de sa torche révéla l’air perdu de la jeune fille. Elle avait aussi semblé perdue dans ses pensées compliquées tout à l’heure. Baissant ses yeux vacillants, elle marmonna comme dans un souffle :

« Et pourquoi cet endroit me rappelle quelque chose ?

– Quoi ?! s’écria Nigel.

– J’imagine que c’est parce que tu as déjà dû aller dans des endroits similaires, » répondit Inas à la place d’un Nigel bien embêté.

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Se pouvait-il que Lana soit également en train de retrouver tous ses souvenirs ? Après tout, l’ancien personnage principal, Kei, s’était aussi rappelé de tout, ce qui était exceptionnel. À présent que Lana était la nouvelle héroïne, elle risquait aussi de recouvrer ses souvenirs perdus.

Cela poserait de gros problèmes si Lana se rappelait des autres sessions. Comme Kei qui avait changé de camp aussitôt que ses souvenirs étaient revenus, Lana risquait elle aussi de se sentir trahie. En plus, elle pourrait carrément finir par rejoindre Kei…

Dans ce cas, la probabilité que Nigel et Inas puissent voir une fin normale diminuerait grandement. Nigel devait donc éviter à tout prix que cela se produise.

Plongé dans ses pensées turbulentes, Nigel continua d’avancer rapidement pour arpenter le passage secret. Cet endroit avait longtemps été bien entretenu mais sans doute à cause des divers événements récents, il y avait eu des effondrements par endroit et ça semblait dangereux. Même si ce n’était pas au point où le tunnel allait complètement s’effondrer tout de suite, Nigel pressa naturellement le pas.

« Ouh… »

Sa respiration se fit laborieuse. Le groupe qui marchait tranquillement ne semblait pas du tout fatigué. Au contraire, Nigel, qui était comme d’habitude plus faible, atteignit rapidement ses limites.

Inas s’en rendit compte et se rapprocha de lui.

« Nigel.

– Ça va, ça va ! »

Avant qu’Inas ne puisse dire quoi que ce soit, Nigel secoua la tête.

Cependant, Lana intervint sans qu’Inas n’eut besoin de dire un mot :

« Ne vous en faites pas pour nous, laissez-le vous porter.

– Ouais, renchérit Schumach, pourquoi tu t’inquiètes ? Je m’inquiète bien plus de te voir tomber par terre si tu continues comme ça. »

Le visage de Nigel devint rouge à cause de ces paroles considérées et remplies de sous-entendus.

Autrefois, Lee Jiwoon avait affiché au grand jour sa relation avec Inas. Il était devenu roi et avait vécu ouvertement avec Inas à ses côtés, ou bien il avait batifolé avec lui sans la moindre gêne dans un coin d’une salle de banquet remplie de monde…

C’était un comportement que Nigel ne pourrait jamais comprendre, lui qui avait été autrefois un Coréen bien élevé par sa grande sœur et qui avait ensuite été éduqué par Luther, son père conservateur.

En repensant à ces souvenirs, Nigel se sentit encore plus honteux de s’être montré aussi débridé devant les autres. Cependant, il ne pouvait plus se permettre de faire le difficile maintenant.

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Il s’approcha d’Inas sans dire un mot. L’autre homme le souleva avec un bras, comme s’il ne pesait rien. Inas ne parut même pas faire d’effort, comme s’il tenait un bébé ou un chiot.

Il déposa un léger baiser sur l’oreille complètement rouge du jeune homme. Puis il serra Nigel comme pour l’empêcher de s’enfuir et lui murmura, sa bouche encore tout près de son oreille :

« Je ne fais que te porter, ne pense pas à des choses bizarres, Nigel. Je sais ce que tu aurais espéré. »

Nigel tapa Inas sur le dos, le visage complètement cramoisi. Schumach fit claquer sa langue et reprit son avancée le long du tunnel droit.

Après que Nigel se fasse porter par Inas, ils progressèrent bien plus vite. Un escalier apparut au bout du passage rectiligne, conduisant hors de la cité. En voyant Schumach et Lana faire la tête comme s’ils étaient fatigués à leur tour, Nigel se réjouit du fait qu’Inas soit en train de le porter.

Et après avoir marché encore un peu, ils sortirent enfin du passage.

La lumière qu’ils virent de nouveau était un peu faible. Il avait dû s’écouler pas mal de temps depuis que Nigel avait perdu connaissance chez Léona, car le soleil déclinait à l’horizon. Le groupe, qui regardait autour tout en reprenant leur souffle dans l’air pur, se figea de surprise.

Le ciel au-dessus de leur tête était fissuré.

C’était étrange à dire, mais c’était impossible de décrire ça autrement. Des ténèbres profondes débordaient à travers les fissures qui craquelaient le ciel, comme une feuille de papier déchirée. C’était comme il y avait trois ans, quand des fissures immenses étaient apparues au sol.

C’était le signe que ce monde, qui avait maintenu un équilibre précaire, était lentement en train de s’effondrer.

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