Chapitre 16

Le sol qui avait semblé précaire s’était effondré en un instant. Comme c’était arrivé trop vite, ni Schumach et même Inas, qui était d’ordinaire si réactif, ne purent rattraper Nigel.

« Nigel… »

Même s’il l’appelait désespérément, il n’obtiendrait pas de réponse. Schumach se leva en chancelant. Il avait aussi été pris dans l’effondrement et était tombé quelque part. L’impact avait été rude pour son corps, mais la douleur était mineure.

Schumach baissa les yeux pour contempler ses mains vides et il serra les poings si forts que ses ongles s’enfoncèrent dans sa chair. Il n’était qu’un incapable qui n’avait pas su protéger son maître, indigne du titre de chevalier.

Il avait encore échoué.

Il y avait trois ans, Schumach avait stupidement perdu Nigel. Même si les autres habitants de la cité avaient été en danger, il n’aurait pas dû quitter le jeune homme.

Nigel.

Au départ, il avait juste pensé que ce gamin était étrange. Il y avait des fois où Nigel l’avait regardé bizarrement, à tel point que Schumach s’était demandé si l’adolescent n’avait pas des sentiments pour lui.

Schumach avait continué à veiller sur lui pendant sept ans. Au départ, escorter Nigel n’était qu’une extension de son travail. Cependant, alors qu’il observait ce jeune homme se démener dans ce qu’il faisait, il en vint à le chérir comme si c’était son propre petit frère ou son neveu. Il finit par agir très sérieusement pour protéger ce jeune homme qui se mettait en danger pour accomplir son travail, tout en conservant une attitude étrangement enfantine. Après avoir vu Nigel agir en tant que Messager de Dieu, Schumach avait alors décidé de le suivre et de le protéger pour le restant de sa vie. Mais bien qu’il avait pris cette décision et qu’il était resté à ses côtés, Nigel renfermait bien des secrets et des mystères.

Nigel était un maître intelligent et dont on pouvait être fier. Son seul défaut était qu’il était amoureux d’Inas Idenbach. Il tenait pourtant à garder ses distances avec Inas, comme s’il avait peur.

Schumach n’appréciait pas du tout Inas. Il le voyait comme quelqu’un de très désagréable. Bien qu’il n’y avait rien pour étayer ce sentiment, Schumach avait la nausée à chaque fois qu’il voyait l’autre homme. Il était convaincu que c’était un sale type, même s’il n’avait aucune raison logique de le penser.

Il s’était donc toujours méfié d’Inas. Et un jour il y avait trois ans, Nigel s’était volatilisé avec Inas.

Il avait cruellement ressenti l’absence de Nigel pendant trois ans, sans savoir s’il était vivant ou mort. Tout était de sa faute pour avoir fait confiance à ce sale type et s’être éloigné de Nigel.

Il l’avait regretté, encore et encore. C’était un miracle qu’ils avaient pu se retrouver à nouveau. Il s’était alors juré qu’il protégerait Nigel coûte que coûte. Il s’était juré de ne plus jamais le perdre. Pas comme…

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

« … »

Frappé par une pensée subite, Schumach prit sa tête douloureuse entre ses mains.

Encore.

Une migraine qui commençait soudain et le sentiment qu’il avait oublié quelque chose.

La seule personne que Schumach avait cru avoir perdu était Nigel. Mais il était souvent hanté par la sensation qu’il avait perdu d’autres personnes. Un abîme inexplicable rendit sa respiration difficile.

Cette douleur sans raison avait commencé après que Nigel avait disparu. En même temps que la douleur qui surgissait sans crier gare et qui le mettait sans dessus dessous, il faisait également des rêves très étranges de temps en temps. Il oubliait ses rêves dès son réveil, mais les sentiments douloureux rémanents le tourmentaient.

La douleur qui avait duré si longtemps avait complètement disparu ces derniers jours, depuis qu’il avait revu Nigel. Mais dès qu’il l’avait perdu de nouveau, cela avait recommencé, comme pour reprocher à Schumach d’avoir une fois encore failli à son maître.

La dernière image qu’il avait de Nigel, c’était le jeune homme qui tombait au milieu des débris de sol, serré très fort par Lana. Grâce à ça, Schumach put balayer ses pires suppositions.

La jeune fille avait déjà connu bien pire et elle s’en était toujours sortie sans grave blessure. Elle possédait une sorte de chance mystérieuse. Elle survivait toujours par miracle, comme si elle n’était pas destinée à mourir ici.

Alors vu que Lana était avec Nigel, elle serait capable de le protéger. Ils n’auraient donc pas de gros problèmes. Et si Nigel était correctement protégé, il pourrait guérir les blessures mineures.

Cependant, c’était dangereux d’être séparés les uns des autres comme ça. Le roi, le Chancelier, Inas… Il devait retrouver Nigel et le protéger avant que ces éléments problématiques ne s’en prennent au jeune homme.

« … Il faut d’abord que je retrouve le chemin. »

Schumach se releva. Il se ferait des reproches une fois qu’il aurait retrouvé Nigel.

Mais je vais vraiment pouvoir retrouver mon chemin ici ?

Avec cette pensée désespérante, Schumach regarda autour de lui, ses yeux s’étant habitués à l’obscurité.

Ce n’était pas non plus comme s’il avait été envoyé dans un tout autre endroit. Il était toujours dans le labyrinthe. Il voyait actuellement quatre couloirs. Pourrait-il retrouver son chemin s’il se dirigeait à l’aveugle ? Il ne savait que faire.

Mais il n’avait pas trente-six choix. Schumach dégaina son épée et fit une marque sur le mur. Il prit ensuite au hasard un des couloirs.

Le labyrinthe était si complexe que Schumach termina plusieurs fois dans des culs-de-sac. La sensation des ténèbres épaisses et de l’humidité qui s’accrochait à son corps était plus que désagréable. Sa gorge était constamment sèche. Il ne cessait aussi de ressuyer la sueur qui coulait de son front, sans doute à cause de l’anxiété et de la migraine.

Il avait beau essayer de ne pas se focaliser sur ces pensées inutiles, sa migraine ne faisait qu’empirer.

Et alors que la douleur était de plus en plus intense, il se mit aussi à avancer plus vite.

Étrangement, il avait l’impression de connaître le chemin. Il aurait pu jurer que c’était la première fois qu’il venait ici, pourtant il avait l’impression d’avoir déjà arpenté ces lieux des milliers de fois.

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Le temps passant, le nombre de fois où Schumach rencontra une impasse diminua et ses pas se firent plus rapides. À force d’avancer avec de plus en plus d’assurance, il finit par sortir du labyrinthe.

Au bout du couloir sombre et étroit émergea un tout autre monde. Un endroit spectaculaire s’offrit à ses yeux et il ne put s’empêcher de regarder autour. Les murs et le plafond étaient couverts d’or et de pierres précieuses, l’image même d’un luxe et d’un plaisir inimaginable en ce monde. Ce n’était absolument pas un décor digne d’un temple. C’était un endroit où n’importe qui serait envahi par l’avidité.

« Ughn… »

Schumach inspira brusquement. Cet endroit rayonnait tel le soleil, pourtant une vision étrange surgit dans son imagination : la vue de ce temple qui devenait complètement noir. En même temps, il fut rempli d’une avidité qu’il n’avait encore jamais ressentie auparavant.

« Tu pourras obtenir tout ce que tu désires. »

Une voix inconnue et sûrement imaginaire murmura ces mots à son oreille. C’était une voix faussement séductrice. Schumach secoua la tête pour tâcher de se débarrasser de cette hallucination auditive.

Hélas, il ne pouvait pas totalement se libérer de son contrôle.

Il devait attendre Nigel ici. Même avec cette pensée en tête, Schumach s’enfonça dans le temple sans la moindre hésitation. Ses pas étaient assurés, comme si c’était son destin de se rendre là-bas.

Il arriva dans une pièce, toujours sans hésitation. En contraste avec l’extérieur fastueux, cette pièce était grande et vide, sans la moindre décoration. Au fond de la vaste pièce se trouvait un morceau d’une épée qu’il n’avait encore jamais vue.

C’était un morceau de l’épée de Glarus.

« Ugh… »

En cet instant, une vive douleur transperça sa tête, comme si on y avait enfoncé une lame. Schumach ne put le supporter et s’effondra sur place. Mais cette douleur à sa tête ne s’arrêta pas et déchira son estomac. D’étranges souvenirs surgirent au milieu de sa tourmente.

Des souvenirs de la session précédente.

Schumach pénétra seul dans la pièce. Avant d’entrer dans le temple, l’image de Nigel et de Kei qu’il avait quittés dans la cité de Magnus apparut brièvement dans son esprit, avant de disparaître tout aussi vite.

Pour le Schumach actuel, peu importait ce qui arrivait aux autres. Alors qu’il se rapprochait du temple, l’épée démoniaque presque achevée n’avait cessé de lui murmurer à l’oreille : Complète-moi le plus vite possible, obtiens tout ce que tu désires et venge-toi.

Il était désormais temps d’achever sa quête. Schumach prit en main le dernier morceau de l’épée qu’il avait recherché pendant si longtemps. La pierre précieuse fut absorbée par l’épée presque complète.

Ce fut ainsi que l’épée démoniaque Bertha fut rassemblée.

Une force immense se mit à affluer vers lui. L’assurance qu’il pouvait tout faire fut implantée en lui, de même que la puissance et la férocité. À ce point, il se disait qu’il pouvait enfin tuer tous ceux qui l’avaient ignoré et l’avaient piétiné.

Schumach s’enivra totalement de ce pouvoir, ne se rendant pas compte que ses pensées étaient de plus en plus tordues et perverties par l’épée démoniaque.

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Au moment où il était imbu de pouvoir, un homme entra dans la pièce.

Il connaissait Idenbach de vue car il l’avait déjà vu quelques fois. Bien que cet homme ne soit pas aussi fort que lui, son nom revenait souvent quand on parlait des meilleurs chevaliers de tout le royaume. Du coup, Schumach l’avait considéré comme un rival dans un pur esprit de compétition.

Il ne savait pas pourquoi Inas était subitement apparu ici. En tout cas, cet homme n’était rien d’autre qu’un insecte insignifiant qui ne pouvait pas faire le poids contre le Schumach actuel.

L’épée démoniaque réclamait du sang, alors Schumach comptait faire d’Inas Idenbach la première victime de cette lame.

De son côté, Inas lui jeta un regard comme si c’était Schumach qui ne signifiait rien pour lui, et il tourna les talons pour quitter les lieux. Schumach devint furieux de se faire ainsi ignorer. Il brandit son épée et l’abattit dans l’intention d’éliminer Inas d’un seul coup.

Cependant, Inas n’était plus là.

Quoi ?!

Schumach n’aurait su dire où Inas était passé mais avant qu’il ne s’en rende compte, l’autre homme se trouvait juste devant lui. Inas tint d’une main l’épée de Schumach, l’air glacial.

Et l’épée démoniaque se brisa en deux.

Cette épée magique avait procuré un immense pouvoir à Schumach et là, comme si ce n’était rien, elle se brisait encore plus facilement qu’une épée en bois avec laquelle un enfant jouait.

« Uh, aaaaaaah ! »

Schumach se mit à hurler. L’épée démoniaque Bertha n’avait été qu’un outil par le biais duquel Schumach avait hérité du pouvoir du dieu maléfique Ederta. Cette arme en était à l’origine et elle servait aussi de tampon pour amortir le choc. Quand elle disparut, un pouvoir trop puissant à endurer pour un humain fut aussitôt injecté en Schumach.

« Tu es trop bruyant. »

Inas fit tomber Schumach d’un coup de pied et posa le pied sur lui. Il le toucha à peine, pourtant les os de Schumach se brisèrent aussitôt. Bien que son corps avait été renforcé par le pouvoir d’un dieu maléfique, il fut incapable de riposter, comme un enfant impuissant.

C’était un monstre.

Schumach en fut terrifié. Cet homme qui pouvait casser sans effort apparent l’épée magique emplie du pouvoir d’un dieu ne pouvait clairement pas être humain.

C’était un ennemi impossible à vaincre, décida Schumach avant de tenter de s’enfuir. Sa fierté et son orgueil cédèrent la place à une terreur instinctive. Cependant, la seule raison qui l’arrêta un moment dans son élan, ce fut l’expression d’Inas.

Cet homme qui semblait n’avoir peur de rien était en train de pleurer. Une seule larme coula sur sa joue pâle, comme une vision impossible. Cet homme, qui semblait dénué d’émotion de prime abord, contemplait Schumach d’un regard rempli de peur et de tristesse débordantes.

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Bien qu’il aurait pu aisément tuer son adversaire à main nue, Inas dégaina son épée. La lame glissa pour s’enfoncer dans la cuisse de Schumach. Ce dernier hurla. Malgré ça, Inas le frappa à nouveau, ne se souciant pas du tout de la douleur de l’autre.

Son épée évitait exprès les points vitaux à chaque fois. Inas marmonna pour lui-même alors qu’il enfonçait son épée dans Schumach comme pour défouler sa colère :

« Pourquoi est-ce que Nigel t’a suivi ? Pourquoi il me déteste autant ?! »

C’était normal que Nigel l’ait haï. Cela avait dû être terrible de vivre avec un monstre pareil, se dit Schumach en lui-même. Malheureusement, comme il était en train d’agoniser, il ne put répondre à voix haute.

« S’il continue de se rappeler, alors…

– …

– Que faire si Nigel me haït à nouveau par la suite ? »

La voix d’Inas se mit à trembler un peu, comme s’il allait fondre en larmes. Cet homme adulte était aussi apeuré qu’un enfant. Cette vulnérabilité détonnait avec le corps intimidant, grand et musclé d’Inas, pourtant cela semblait naturel chez lui.

En cet instant, des souvenirs se mirent à déferler dans l’esprit de Schumach, comme si une digue avait cédé.

Le souvenir de mourir, mourir, mourir, mourir, mourir, mourir, mourir, mourir et mourir encore.

Une mort et une tragédie qui s’étaient répétées des dizaines de milliers de fois. Ce choc immense frappa Schumach de plein fouet. Mais avant qu’il ne puisse pleinement l’intégrer…

« Nigel… »

La voix d’Inas se fit impatiente. Il songea enfin à ses priorités et trancha d’un coup la tête de Schumach.

Même dans les derniers instants de la vie de Schumach, Inas n’avait que le nom de Nigel en bouche. Quand ce fut pour de bon sa fin, Inas le traita comme s’il était insignifiant.

Ce fut ainsi que la vie de Schumach arriva une fois encore à son terme.

Le Schumach actuel tituba. Les souvenirs enfouis dans les profondeurs du temps lui revinrent aussitôt à l’esprit, comme une réaction en chaîne après qu’il se soit souvenu de sa dernière mort.

Tout ne lui revint pas à l’esprit. Sa mémoire était très instable. Cependant avec le peu dont il se souvenait, il comprit ce que Kei avait ressenti quand il avait tenté de tuer Inas et Nigel.

Il était très probable que Kei avait été l’une des personnes les plus souvent tuées par Inas, tout comme lui.

Pendant un moment, Schumach resta figé sur place. Ses yeux étaient rouges de fureur et sa respiration était irrégulière. Il ne parvenait pas à se calmer.

Pendant qu’il se tenait ainsi immobile, quelqu’un entra dans le temple.

Note de Karura : Oh, oh, Schumach se souvient de tout. Les beaux efforts de Nigel vont-ils être réduits à néant ?

Les souvenirs de Schumach se rapportent aux événements de la fin de la partie 2. Tellement de choses sont arrivées depuis…

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