Chapitre 73 : Partir chacun de son côté
Yuan Tianwen était visiblement à deux doigts de se fâcher. Lin Xuanzhi jeta un regard à Duan Yuyang et en resta sans voix. Ce gamin perdait trop facilement son calme. Plus il agirait ainsi, plus Yuan Tianwen le trouverait détestable.
« Puisque le jeune maître du pic Yuan nous le demande, pourquoi ne pas partager avec eux ? »
Lin Xuanzhi découpa une bonne pièce de viande, la planta sur le bout du couteau avant de la tendre au jeune homme.
« Une minute ! Qui t'a autorisé à lui donner ça ? » fit Duan Yuyang en bondissant sur ses pieds.
Il lança un regard mauvais à Yuan Tianwen et fit :
« Crache le fric, mille pièce d'or ! »
Yuan Tiawen avait beau être riche, il n'était pas stupide Je me retiens de rire. (1) ou du genre à se faire arnaquer. Il lança un regard glacial à l'autre jeune homme.
« Duan Yuyang, il y a des limites à tes caprices.
– Eh ben oui, je suis capricieux, je suis même plus capricieux que n'importe qui d'autre ! »
Duan Yuyang pointa le doigt sur son propre nez. Il était si furieux que son torse gonflait et retombait avec son souffle court.
« Si ça ne te plaît pas, tu n'as qu'à foutre le camp ! Arrête de nous coller au cul. »
Rempli de fureur, Yuan Tianwen enfonça le couteau directement dans la cuisse du cerf et déclara :
« Puisque c'est comme ça, alors partons chacun de notre côté.
– C'est ce qu'on aurait dû faire depuis le début. C'est pas comme si j'avais voulu voyager avec toi, ah ! » rugit Duan Yuyang.
Yan Tianhen faillit en lâcher le bout de viande qu'il mangeait. Pourquoi se disputaient-ils ? Ce n'était pas juste un bout de viande ?
Yuan Tianwen leur tourna le dos et s'éloigna à grands pas. Il siffla pour appeler la grue à cinq couleurs. Il saisit par la main Han Yuran qui regardait le spectacle de loin et les deux jeunes gens partirent aussitôt sur le dos de la grue.
« Il... Il est parti ? » fit Yan Tianhen qui ne comprenait rien à ce qui venait de se passer.
Duan Yuyang s'accroupit soudain, enfouit son visage dans ses bras croisés et se mit à pleurer doucement.
Yan Tianhen en fut choqué. Il ne se soucia plus de la viande et s'approcha aussitôt pour s'accroupir à côté de son ami.
« Dis, frère Yuyang, c'est toi qui l'as fait partir en t'énervant alors pourquoi tu pleures maintenant, ah ? »
Duan Yuyang redressa la tête pour foudroyer le garçon du regard.
« Sale gosse, c'est comme ça que tu réconfortes les gens, ah ? » s'écria-t'il.
Le garçon trouva ça injuste. Il se gratta le nez et insista :
« Mais ce n'était pas juste pour un bout de viande ? Tu as commencé à dire n'importe quoi et tu as même réclamé mille pièces d'or. C'était un peu abuser, ah.
– T'y comprends que dalle !
– ... »
Pendant ce temps, Lin Xuanzhi restait de côté. Il coupa lentement un bout de viande, le mit dans sa bouche et commença à mâcher.
En voyant cela, Duan Yuyang se remit sur pied et s'écria violemment comme un fou :
« Tu n'as donc pas la moindre compassion, ah ?!
– Tu as causé ton propre malheur et tu veux me blâmer ? » fit Lin Xuanzhi avec indifférence.
Duan Yuyang voulut se lamenter à nouveau mais se dit qu'il était effectivement le seul et unique responsable de son propre malheur.
Yan Tianhen cligna des yeux et demanda :
« Pourquoi tu te montres toujours aussi méchant avec le jeune maître du pic Yuan ? Il t'a fait quelque chose ? »
Duan Yuyang lança un regard au garçon, ressuya ses larmes puis s'assit près du feu un moment avant de prendre l'autre cuisse de cerf pas encore cuite. Il inséra une branche au travers puis se mit à la griller.
Incapable de comprendre ce qui se passait, Yan Tianhen ne put que lancer un regard perdu à son grand frère.
Lin Xuanzhi expliqua calmement :
« Il y a des gens qui plus ils aiment quelqu'un, plus ils vont l'embêter et se moquer de lui, tout ça pour attirer son attention. Mais ils ne se rendent pas compte que c'est la pire façon de faire et que cela ne peut que leur retomber dessus. Une fois que la personne qu'ils aiment se trouve un autre bien-aimé, l'amour se transforme en haine. »
Yan Tianhen se tourna vers Duan Yuyang qui était dans son propre monde et ne pouvait pas s'en extirper. Il réalisa soudain :
« J'ai compris. Frère Yuyang, je ne me serais pas attendu à ça de ta part.
– Comment ça, moi ? se hérissa le jeune homme. Qui te dit que je l'aime ?!
– Si tu ne l'aimais pas, pourquoi tu n'as pas cessé de l'embêter en chemin ? fit le garçon. Quand tu as proposé d'annuler le contrat de mariage, j'ai cru que tu faisais ça uniquement pour mon frère mais je n'aurais jamais pensé qu'en fait, tu avais des sentiments pour lui ! »
Duan Yuyang prit un air ébahi.
« De qui tu parles ?
– De Han Yuran ! s'écria Yan Tianhen. Après que Han Yuran et mon grand frère aient dissous leur accord de mariage, il ne t'a pas sauté au cou mais s'est mis avec le jeune maître du pic Yuan. En voyant ça, ton amour envers Han Yuran est devenu de la haine et tu t'es aussi mis à haïr le jeune maître du pic Yuan au point de ne plus supporter sa vue.
– ... »
Duan Yuyang aurait aimé avoir un morceau de tofu sous la main pour se battre à mort !
Lin Xuanzhi porta le poing à ses lèvres et eut un léger rire.
Je n'aurais jamais cru qu'on pouvait expliquer la situation de manière si tordue, et en plus c'est très convaincant !
Duan Yuyang voulut piquer une crise mais se retint.
Que le Ciel ait pitié de lui, on ne pouvait pas blâmer l'ignorant. Il ne pouvait pas faire des histoires au garçon et en plus, par fierté personnelle, il ne pouvait pas non plus saisir le col de Yan Tianhen et lui hurler "C'est clairement Yuan Tianwen que Laozi Laozi, lit. père, est ici utilisé pour désigner sa supériorité. (2) aime, alors c'est quoi ces conneries avec l'autre con, ah ?"
Duan Yuyang déprima donc dans son coin et ne put que continuer à griller sa viande.
Lin Xuanzhi ne se soucia plus de lui. Une fois que Yan Tianhen eut assez mangé, il l'emmena s'asseoir à côté de lui sous un grand arbre.
Le garçon bailla.
Lin Xuanzhi s'assit en tailleur et serra son frère contre lui en faisant :
« Pour ce soir nous allons devoir faire avec et dormir ici. Quand nous aurons franchi les Monts du Luan Volant demain, il y aura une auberge au pied de la montagne. »
Yan Tianhen hocha la tête puis se cala contre le bras de son frère. Il le regarda et s'enquit :
« Grand frère, tu ne vas pas dormir ?
– Je vais continuer à méditer, » fit-il en secouant la tête.
Yan Tianhen se releva aussitôt.
« Alors je ne vais pas te déranger. Je vais dormir ailleurs. »
Aussitôt dit, Yan Tianhen alla plus loin pour s'asseoir et ne laissa même pas le temps à Lin Xuanzhi de refuser.
Bien que ce dernier soit quelque peu impuissant, il savait aussi que Yan Tianhen refuserait de le déconcentrer alors il n'eut pas d'autre choix que de sortir un oreiller de son sac de stockage pour le placer à côté du garçon.
« Ton grand frère va monter la garde cette nuit, alors dors tranquille. »
Yan Tianhen saisit l'oreiller à deux mains et le cala sous sa tête. Il ferma ensuite les yeux et s'endormit très vite.
Lin Xuanzhi dut reconnaître que Yan Tianhen était vraiment très positif. À même le sol dans cette étendue sauvage avec le ciel au-dessus de leurs têtes, n'importe quel autre enfant d'une famille honorable aurait sans doute dû se préparer mentalement et tourner un moment avant de pouvoir dormir un peu.
Lin Xuanzhi se rassit en tailleur, forma des sceaux avec ses mains puis entra dans un état de méditation.
Dans sa mer de connaissance, le Plateau Spirituel prit la parole.
« Petit, je te préviens : si tu ne me procures pas des pierres forgées, que tu continues à te servir sans refaire le stock, j'aurai totalement disparu dans quelques jours.
– Je le sais bien, répondit Lin Xuanzhi d'un ton nonchalant. Mais les pierres forgées de la cité de Qing ne sont pas de très bonne qualité et elles sont bien trop chères. Quand j'arriverai dans la Cité Mystérieuse, j'achèterai des pierres forgées pour nourrir ta perle spirituelle.
– Où ça une perle spirituelle ? fit la voix d'un ton furieux. Ce Vénérable est un Plateau Spirituel ! »
Lin Xuanzhi jeta un coup d'œil la perle de la taille de son pouce et ne dit rien.
Le Plateau Spirituel s'étouffa de rage.
« C'est parce qu'un certain petit con perfide et détestable comme toi vient me piquer tous les jours mes pierres forgées. Si ce Vénérable n'avait pas rapetissé son corps, son âme se serait évanouie depuis longtemps ! »
Lin Xuanzhi eut un léger rire mais ne le prit pas au sérieux. Il savait au fond de lui que si le Plateau Spirituel en était réduit à ce point, c'était à cause du manque de Qi spirituel et du propre niveau de cultivation du Plateau Spirituel qui avait énormément baissé. Cela n'avait rien à voir avec les pierres forgées.
Mais cela concernait l'existence secrète du Plateau Spirituel ainsi que sa vie précédente. Lin Xuanzhi n'avait pas l'intention de le laisser douter de ses origines pour le moment alors il n'allait pas lui révéler cela.
Le Plateau Spirituel sonda le corps de Lin Xuanzhi et s'écria avec stupeur :
« Pas mal, petit. En à peine quelques jours, tu as atteint le quatrième rang de Raffinage du Qi et tu es à deux doigts de percer au cinquième rang ! Tu progresses à une vitesse terrifiante ! »
Lin Xuanzhi ferma les yeux et annonça :
« Du coup, j'ai prévu ce soir de percer au cinquième rang.
– Non ! explosa le Plateau Spirituel. Tu dois d'abord m'acheter des pierres forgées !
– Je compte fabriquer un pichet d'alcool ce soir. Il se trouve que j'ai récupéré des cornes douces Il s'agissait d'un jeune cerf dont les cornes n'étaient pas encore durcies. (3) de cerf. Un pichet fabriqué avec ce matériau aura un effet supplémentaire de renforcer le corps. Une fois que je l'aurai forgé, il sera de qualité haute alors le prix augmentera en conséquence. Quand je l'aurai vendu, tout l'argent servira à acheter des pierres forgées. »
Le Plateau Spirituel faillit fondre en larmes.
« C'est aussi ce que tu as dit la dernière fois, quand tu as fabriqué ces coupes d'alcool.
– Je ne reviens jamais sur ce que j'ai dit, » fit Lin Xuanzhi en souriant.
Le Plateau Spirituel grinça des dents avant de lâcher trois pierres spirituelles de niveau Primaire et de qualité haute.
Lin Xuanzhi sourit sans rien dire.
Le Plateau Spirituel lâcha alors deux autres pierres identiques.
« J'ai l'intention de forger un trésor magique de qualité supérieure, tu te moques de moi ? fit enfin le jeune homme.
– Un trésor magique de qualité supérieure, un trésor magique de qualité supérieure ! fulmina le Plateau Spirituel. Tu crois vraiment que ça se fabrique comme ça ? Tu as simplement eu du bol la première fois quand tu as fabriqué cette épingle de qualité supérieure, petit enfoiré. Après ça, tu as vu combien de pierres forgées de qualité supérieure tu as utilisées et combien de trésors magiques de qualité supérieure tu as sortis ? La dernière fois, je t'ai donné dix pierres forgées de qualité supérieure et tu me les as foutues en l'air ! »
Sans se sentir le moins du monde coupable, Lin Xuanzhi fit :
« C'était un accident la dernière fois.
– Rien à foutre ! lança le Plateau Spirituel, bien déterminé.
– Vraiment pas ? insista le jeune homme.
– Je ne te les donnerai pas même si tu me tabasses à mort.
– Puisque c'est comme ça... »
Lin Xuanzhi se servit aussitôt du contrat qu'il avait autrefois forcé le Plateau Spirituel à signer et lui prit dix pierres forgées.
Plateau Spirituel : « !!! »
Le Plateau Spirituel fut de nouveau aux bords des larmes. Il poussa un Aou puis cessa de parler comme s'il était mort.
Lin Xuanzhi sortit Le Manuel Oriental d'Artisan puis tourna jusqu'à la page concernant la fabrication d'un pichet. Il parcourut du regard les matériaux basique et les sceaux de main nécessaires pour la fabrication, ainsi que les instructions pour contrôler son feu spirituel. Il les apprit par cœur en silence puis referma Le Manuel Oriental d'Artisan dans sa mer de connaissance.
Après ça, il sortit de son sac de stockage un morceau de Calcédoine Spirituelle de Sang qui avait surgi du livre et dont il n'avait utilisé que la moitié pour fabriquer les coupes d'alcool la dernière fois. Il sortit également plusieurs matériaux chers qu'il avait achetés dans le magasin de matériaux de la rue de l'Immortel Descendu dans la cité de Qing l'autre jour. Il se lança alors calmement dans la fabrication.
Des pierres forgées émanait une lueur moirée et sombre. Les filaments de Qi spirituel jaillissaient régulièrement des matériaux qui flottaient dans les airs.
Lin Xuanzhi forma ses sceaux de main rapidement et régulièrement, sans la moindre pause, et le feu spirituel dans son corps brûlait de manière continue. Le feu spirituel était encore assez faible, il n'avait ouvert que trois cent soixante points d'acupression sur les sept cent vingt de son corps et il pouvait donc à peine supporter la fabrication qu'un trésor magique de qualité haute de la taille du pichet.
Cependant Lin Xuanzi voulait forger un trésor magique de qualité supérieure ce soir, ce qui voulait dire que durant la fabrication, il devait ouvrir les deux cent cinquante deux points d'acupression restants dans son corps, à l'exception des cent huit point vitaux.
Normalement, ça ne se faisait pas en un jour. La plupart des Artisans qui voulaient raffiner leur feu spirituel devaient être bien préparés dans un endroit clos tranquille et complètement sûr puis y passer au moins dix à quinze jours. Ils devaient durant ce temps laisser leur feu spirituel circuler en un flot stable parmi leurs méridiens puis ouvrir les points d'acupression de leur corps progressivement.
Cependant Lin Xuanzhi n'avait pas l'intention de procéder ainsi.
Premièrement, il n'avait pas le temps. Deuxièmement, s'il voulait raffiner ce pichet d'alcool de qualité haute voire supérieure, il fallait absolument que son feu spirituel se complète mutuellement avec le Qi spirituel des pierres forgées, sinon cela allait très certainement échouer.
Notes du chapitre :
(1) Je me retiens de rire.
(2) Laozi, lit. père, est ici utilisé pour désigner sa supériorité.
(3) Il s'agissait d'un jeune cerf dont les cornes n'étaient pas encore durcies.
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