Le Prince Solitaire 5 12

Chapitre Douze : Créer des liens (partie 2)


La pêche s'avéra une bien meilleure alternative puisque les poissons ressemblaient vraiment à ce qui était servi dans les plats à Kurojū. Chiharu adora utiliser un pieu pour les attraper dans le ruisseau où les poissons étaient abondants. Il lui fallut un moment pour réussir à en attraper un, au contraire de Haruni qui avait clairement plus l'habitude que lui. Par contre, Chiharu fit une grimace dégoûtée en voyant son frère prendre son couteau pour vider leur prise.

« C'est obligé ? se plaignit-il.

Oui. »

Kikuchi observa sans participer, notant que le Second Prince effectuait toutes ces tâches machinalement, comme s'il y était habitué. Il enterra même les entrailles loin de leur campement afin de ne pas attirer les animaux sauvages.

« Il a vraiment l'habitude de camper, » nota mentalement le Firal.

Ce n'était donc pas un mensonge — pas complètement, en tout cas.


Ils firent cuire le riz apporté du palais, puis griller les poissons sur des pics en bois. Chiharu apprécia grandement ce repas, bien qu'il soit plus frugal que ce qu'il avait l'habitude de manger. Il remarqua que même son petit frère montrait plus d'appétit.

« C'est meilleur quand c'est frais, expliqua ce dernier avec un sourire.

Et quand on l'a pêché soi-même ! » renchérit Chiharu.

Finalement, il ne regrettait pas sa demande ! Une fois le repas fini et les reliefs enterrés plus loin, Chiharu se tapota l'estomac, content de lui.

« Ouah, je commence à comprendre pourquoi tu aimes autant camper, petit frère !

C'est une des raisons. »

Loin de leurs parents et devant l'attitude amicale de son frère, le Premier Prince osa manifester sa curiosité :

« Quelles sont les autres raisons ? Tu n'aimes pas vivre avec nous ? »

C'était l'une des conclusions à laquelle il avait abouti quelques années plus tôt et cela le peinait beaucoup.


Haruni eut cet étrange mouvement d'épaules auquel Chiharu ne comprenait rien.

« C'est étouffant d'être au palais, reconnut-il.

Ah bon ? Moi, je ne trouve pas.

C'est normal, tu n'as jamais rien connu d'autre. »

Chiharu laissa ses mots en suspens : “Mais toi non plus.” Parfois, il avait l'impression qu'on lui cachait des choses sur son frère, mais il n'arrivait pas à concevoir quoi. Que ce soit Haruni ou leurs parents, il y avait des remarques étranges, des non-dits perturbants, des mots coupés... Dès que Chiharu essayait d'en savoir un peu plus, ses questions étaient éludées ou ignorées. C'était frustrant et intriguant, mais surtout frustrant ! Il n'était plus un enfant, après tout !


Le feu crépitait dans la clairière. La nuit était tombée et ils pouvaient entendre la vie nocturne des animaux sauvages. C'était paisible. Chiharu retint un bâillement : entre la chevauchée, la pêche et le plein air, il était épuisé. D'un autre côté, il voulait prolonger ce moment avec son frère. Il se pencha sur le côté dans sa direction et posa la tête sur son épaule avec un sourire amusé. Haruni lui lança un regard circonspect.

« Chante-moi une chanson ! demanda le Premier Prince en lui faisant les yeux doux.

Qu'est-ce qui te prend encore ?

Je veux la chanson que tu as chantée à Yatsu quand on a tous dormi dans tes appartements, insista Chiharu.

Tu es sûr ? »

Chiharu acquiesça et fut transporté de joie quand son frère s'exécuta. Sans jamais oser l'avouer, Chiharu avait été jaloux de Yatsu, ce garçon inconnu à qui son frère cédait tous ses caprices. C'était donc une victoire pour lui de jouir du même privilège.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

La voix de Haruni était encore dans les aigus des jeunes garçons, au grand désespoir de ce dernier. Voilà pourquoi il ne chantait pas souvent. Cela ne posa aucun problème à Chiharu qui apprécia l'air doux et un peu mélancolique. Kikuchi, par contre, avait pris un air surpris dès les premiers mots de la chanson. Il dévisagea Haruni ouvertement sans rien dire. La chanson finie, Chiharu eut un léger rire.

« J'aime beaucoup la mélodie mais je ne comprends pas les paroles. Pourquoi ?

Parce que c'est la langue des Vites, » répondit Kikuchi d'un ton suspicieux.

Surpris, Chiharu se redressa un peu pour voir le visage de son petit frère.

« C'est vrai, Haruni ? Tu connais la langue des Vites ?

Oui.

Comment ça se fait ? Qui te l'a apprise ? »


Haruni dut chercher une réponse qui ne le ferait pas mentir, mais c'était très compliqué.

« Je ne l'ai pas apprise à Kurojū, biaisa-t'il.

Oh, c'est quand tu étais à Madare ?

En quelque sorte. »

Il avait dû réapprendre à prononcer correctement cette langue car la plupart des sons n'existaient pas dans la langue des humains. Cela avait été un des effets secondaires de son changement de corps. En tout cas, Chiharu n'insista pas, pensant avoir trouvé la réponse. Même Kikuchi parut s'en satisfaire aussi. Le Premier Prince cessa enfin de lutter contre le sommeil et alla se coucher dans la grotte où ils avaient étendu leurs couvertures. Il était si fatigué qu'il ne sembla même pas remarquer la dureté du sol.


Devant le feu, il ne resta plus que Haruni et Kikuchi. Comme ils n'avaient rien à se dire, le silence régnait.

« Il serait plus prudent que l'un de nous monte la garde, fit soudain le Firal.

L'endroit n'est pas dangereux, répondit le Second Prince en haussant les épaules.

Et pour les bêtes sauvages ?

Je nourrirai le feu avant de me coucher. Il tiendra jusqu'à l'aube. »

Kikuchi le fixa un moment, semblant hésiter.

« Vous... ne dormez pas beaucoup, à ce que m'a dit Chiharu. »

Haruni se retint de soupirer devant les indiscrétions de son frère.

« C'est vrai. »

Il s'attendait à un reproche, comme quoi un enfant devait dormir davantage, mais Kikuchi se contenta de hocher la tête avant de se lever et de lui souhaiter bonne nuit. Haruni eut un sourire ironique.

« Lui au moins, il ne fait pas semblant de se soucier de moi, se dit-il. C'est bien mon seul ennemi honnête à la Cour. »

Il préférait de loin ça aux nombreuses flagorneries des nobles.


~*~


Quand Haruni se réveilla peu après l'aube, le feu rougeoyait encore un peu. Il se leva pour quitter la grotte et se passer de l'eau froide sur le visage, ainsi que pour assouvir un besoin naturel. En revenant, il vit que Kikuchi s'était levé à son tour, ce qui le fit sourire intérieurement.

« Cela m'étonnerait qu'il se lève si tôt d'ordinaire, songea-t'il. Il fait ça pour me garder à l'œil. »

D'autres auraient été ennuyés de cette suspicion permanente, mais Haruni avait dû s'y faire. D'un autre côté, ce n'était pas s'il voulait gagner la confiance du Firal, alors peu lui importait son hostilité à son égard.

« Bien dormi, Firal Kikuchi ? lui demanda-t'il poliment.

Ça a été, votre Altesse, » répondit le jeune homme.

Son ton encore endormi démentait ses propos, mais il était bien trop fier pour ne pas prétendre le contraire.

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Chiharu se leva une heure plus tard avec la tête de quelqu'un qui aurait aimé dormir plus longtemps, mais dans un lieu bien plus confortable.

« J'ai rêvé d'ours, se plaignit-il dès qu'il sortit de la grotte. Haruni, tu es sûr qu'il n'y en a pas dans les parages ?

On est dans une forêt, Chiharu, il y a forcément des ours. Mais tant qu'on ne les dérange pas, ils n'ont pas de raison de nous attaquer. »

Le ton d'évidence ne convainquit pas totalement le Premier Prince, mais il préféra ne pas insister. Il se débarbouilla le visage au ruisseau et entreprit de démêler ses cheveux, ce qui était nettement plus difficile sans servant. Kikuchi le prit en pitié et lui proposa son aide. Lui-même s'était recoiffé seul, ayant plus l'habitude.


Une fois qu'il fut de nouveau présentable, Chiharu offrit d'aider son frère.

« On dirait que tu ne t'es pas coiffé depuis hier ! »

Haruni ne dit rien parce que c'était effectivement le cas : quand il partait en voyage, il se contentait d'une natte bien serrée qui pouvait durer des jours.

« On n'a pas le temps pour ça, tenta-t'il d'éluder. Il faut préparer le petit-déjeuner, rouler les couvertures...

Je m'occupe du repas, proposa Kikuchi avec un sourire narquois.

Allez, je ferai vite ! » promit Chiharu.

Coincé, Haruni ne put que céder, pour la plus grande joie de son frère. Chiharu s'était toujours désolé de le voir coiffé et habillé avec si peu de sophistication. Il savait que ses amis se moquaient souvent de Haruni — mais pas en sa présence — disant que même les servants faisaient plus d'effort de présentation. C'était un des nombreux points sur lequel son petit frère se distinguait des autres. Fort heureusement, c'était le plus facile à arranger, à condition que Haruni le veuille bien.


Chiharu s'en donna donc à cœur joie. Il défit la natte et fut surpris de constater que les cheveux allaient presque jusqu'aux genoux de son frère — la longueur usuelle chez les nobles était en-dessous de la taille. En plus, ils étaient épais. Pour Haruni, c'était un calvaire tandis que pour Chiharu, c'était une belle masse à travailler. Il les partagea en trois et assembla la partie supérieur en un chignon qu'il fit tenir tant bien que mal puisque Haruni n'avait rien pris comme bijou ou barrette. Il fit plusieurs tresses avec la partir du milieu, puis les réunit pour les tresser ensemble. La partie inférieure resta libre. Chiharu fit face à son frère pour admirer son travail et en fut ravi. La coiffure était basique mais soignée, et cela n'avait pris qu'une demi-heure !

« Ça te va très bien, petit frère, affirma-t'il. Tu devrais te coiffer comme ça tous les jours.

Mmm. »


Peu convaincu, Haruni observa brièvement son reflet dans le ruisseau, sans s'attarder sur son visage. Comme toujours, il ne se sentait guère concerné par son apparence.

« Merci, Chiharu, » fit-il poliment mais avec indifférence.

Si le Premier Prince fut un peu déçu par son manque d'enthousiasme, il fut rassuré par la réaction de Kikuchi qui avait fini de réchauffer le bouillon de poisson de la veille avec du riz. Le Firal écarquilla les yeux et commenta :

« Votre Altesse, quelle élégance. Chiharu, tu as fait du beau travail. »

Tandis que l'aîné se rengorgeait, le cadet se renfrogna.

« Ce n'est qu'une apparence, » déclara-t'il d'un ton sévère.

Il ne comprenait toujours pas cette société basée sur les apparences. Ce n'était pas parce qu'il avait une autre coiffure que les gens devaient le voir différemment, bon sang !


Pour sa part, Kikuchi ne comprenait pas sa réaction à son compliment.

« On croirait que je viens de l'insulter ! » songea-t'il, un brin vexé.

Il lança un regard à Chiharu qui s'excusa silencieusement de la réaction de son frère. Lui non plus ne savait pas pourquoi Haruni n'avait pas apprécié ce compliment pourtant sincère. Quelque part, ce n'était qu'une étrangeté de plus à mettre sur le compte du garçon. Le moment de gêne passa pendant le repas que Chiharu apprécia pleinement.

« Que fait-on maintenant ?

Nous pouvons nous rendre au lac de Biwa. C'est à deux heures de cheval. L'endroit est agréable et on pourra même nager. »

Chiharu se figea et le fixa.

« Nager ?

Oui, tu n'aimes pas ça ? » s'enquit Haruni.

Il avait prévu ces activités en se basant sur ce qui plaisait le plus à Yatsu autrefois, vu qu'il ignorait tout des goûts de son frère en la matière.

« Euh... hésita Chiharu. C'est que je n'ai jamais fait ça...

Nager dans un lac ?

Nager tout court. »

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Haruni en resta sans voix. Chiharu ne savait pas nager ? Le Premier Prince, héritier du trône, ne savait pas nager ?! Il suffirait donc qu'il tombe à l'eau pour mourir ?! C'était inadmissible ! Le sang de Haruni ne fit qu'un tour.

« Je vais t'apprendre, déclara-t'il d'un ton ferme.

C'est vraiment nécessaire ? demanda Chiharu, peu motivé.

Bien sûr ! »

Devant la fermeté de son frère, il céda.

« Mais toi, comment ça se fait que tu saches nager ? demanda-t'il avec curiosité.

J'ai failli me noyer une fois, alors j'ai appris, » répondit Haruni sans donner plus de détail.

C'était au Chapitre du Sud avec Marius qui l'avait projeté dans un lac durant un combat d'entraînement. Constatant qu'il ne remontait pas à la surface, l'Archange de l'Eau l'avait sorti de là avec son pouvoir et l'avait ensuite copieusement engueulé. Puis il lui avait appris à nager.


Chiharu prit un air horrifié et même Kikuchi ne masqua pas son choc.

« Tu as failli te noyer ? C'était quand ? Où ? Comment ?

Mmm... C'était il y a longtemps. »

Chiharu n'en revenait pas.

« Mais c'est trop dangereux ! Si Père savait que tu as failli mourir, il ne te laisserait plus sortir seul !

Ça n'a rien à voir. Et ne commence pas à faire des histoires parce que de nous deux, c'est toi qui as le plus de chances de mourir noyé ! »

Kikuchi grimaça devant le ton dur, reconnaissant bien là le mauvais caractère du Second Prince. Il se demanda s'il devait intervenir ou pas dans cette querelle fraternelle mais décida que ce n'était pas son rôle.


Chiharu prit un air larmoyant et Haruni se morigéna aussitôt. L'adolescent n'avait pas pour habitude qu'on lui crie dessus et supportait mal toute trace de querelle. Cela dit, il n'irait pas bien loin dans la vie s'il se mettait à pleurer dès qu'on élevait un peu la voix en sa présence ! Il faudrait l'endurcir.

« Chiharu, je dis ça parce que je me fais du souci pour toi, d'accord ? Je ne veux pas qu'il t'arrive du mal. »

Reniflant un peu, le Premier Prince marmonna :

« Moi non plus, je ne veux pas qu'il t'arrive du mal.

Je sais, fit Haruni avec un soupir. Mais je te l'ai dit, c'est du passé. Maintenant, non seulement je sais nager, mais je suis aussi en mesure de te l'apprendre. Alors ce n'était pas une si mauvaise chose au final, non ? »

Pas complètement consolé, Chiharu offrit tout de même un léger sourire à son frère.

« Tu as raison. »

L'orage était passé.


~*~


Pour se rendre au lac de Biwa, ils devaient passer par des routes un peu plus fréquentées, ainsi qu'un village. Haruni recommanda à son frère de rabattre sa capuche sur le visage.

« Pourquoi ? se plaignit ce dernier. Il fait si chaud !

C'est pour éviter d'attirer l'attention sur nous, » répondit Haruni.

Chiharu ne voyait pas le problème.

« Et ce n'est pas bien si les gens nous voient ? Je t'ai déjà entendu reprocher à Père qu'il restait tout le temps enfermé à Kurojū ! »

Peut-être que Haruni avait un peu trop tendance à dire le fond de sa pensée. Cela se retournait contre lui en l'occurrence.

« Chiharu, intervint Kikuchi, si les gens vous voient, ils vont se prosterner et ne bougeront pas tant que vous ne serez pas partis. Cela va causer des problèmes plus qu'autre chose. »

Chiharu fut sensible à cet argument et mit gentiment sa capuche. Un peu surpris, Haruni croisa le regard émeraude du Firal et inclina légèrement la tête dans sa direction en remerciement. Kikuchi lui rendit son geste.


Malgré ces précautions, le passage de trois nobles à cheval fit tout de même un peu de remous, mais rien d'exagéré : les marcheurs se mirent sur le côté pour les laisser passer, les enfants montrèrent les chevaux du doigts avec de grands yeux avant de se faire rabrouer par leurs parents et certains tentèrent de leur vendre des fruits et des légumes, avant que Kikuchi ne s'interpose d'un air sévère. Ils avançaient au trot puisque la route était un peu chargée. Chiharu regarda ces gens très différents des servants et des nobles qu'il avait toujours côtoyés. C'était donc eux, le peuple qu'il dirigerait un jour. Il se promit de devenir un bon empereur afin de faire régner la paix et la prospérité pour tous.

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Le passage dans le village fut rapide mais laissa une forte impression à Chiharu. Il vit les gens travailler aux champs, aidés de leurs fils. Au villages, les femmes faisaient la lessive ou bien préparaient le repas avec leurs filles.

« Les enfants ne s'amusent donc jamais ? s'enquit-il auprès de son frère.

Si, mais à certaines heures, quand leur travail est fini.

Et les études ? »

Haruni lui lança un regard.

« Ils n'étudient pas. Les gens du peuple ne savent ni lire, ni écrire en général. Ils ont bien d'autres soucis. »

Pour Chiharu, qui avait passé la majeure partie de sa vie à étudier et pour qui la poésie était une passion, c'était inconcevable.


« Mais alors, ils ne connaissent pas notre histoire, la beauté de la poésie ou encore...

Il y a des conteurs itinérants et aussi des troupes de théâtre, le rassura Haruni. Mais pour eux, le plus important est de connaître ce dont ils ont besoin pour vivre. Ils ont leur propre culture et savent tout de même s'amuser.

C'est comme un autre monde. »

C'était une remarque pertinente. Haruni connaissait tous ces mondes de par son expérience, ce qui n'était pas le cas de Chiharu. Cela lui faisait donc du bien de sortir de Kurojū, ce microcosme à part. Kikuchi, lui, ne disait rien mais il observait leurs échanges avec attention.


~*~


Le lac de Biwa était très grand — environ un kilomètre de diamètre — et niché entre les collines. Haruni les fit arriver en hauteur, ce qui fit qu'ils purent voir la grande étendue bleue qui reflétait le ciel dans un écrin vert. Chiharu en resta bouche bée.

« C'est magnifique ! » s'écria-t'il, les yeux brillants.

Haruni fut ravi de sa réaction positive. Il y avait un village de l'autre côté du lac mais ils l'évitèrent. Des pêcheurs menaient leurs barques à différents endroits, mais le lac était si grand qu'il n'était pas bien difficile de trouver un endroit isolé. Les chevaux burent l'eau claire et fraîche, tandis que leurs cavaliers se dégourdirent les jambes en admirant la vue.

« Kikuchi, tu étais déjà venu ? s'enquit Chiharu.

Non, admit le Firal. J'avais entendu dire que c'est un des plus grands lac de l'Empire de l'Aube, mais je ne l'imaginais pas si grand. »

Haruni eut un sourire satisfait en entendant l'étonnement pointer dans la voix du jeune homme. Apparemment, la sortie ne serait pas éducative que pour Chiharu.


« On va se baigner ? » suggéra Chiharu.

En voyant le cadre si fantastique, il n'était tout à coup plus aussi réticent à l'idée de nager. Cela fit rire un peu Haruni.

« Il faut d'abord qu'on aille chasser notre repas.

Du lapin ?

Euh, non. Du faisan. »

En disant cela, il observa attentivement son frère pour déterminer si ce serait un plat acceptable. Les faisans cuisinés, tout comme le poisson, avaient quasiment la même apparence que vivants, contrairement aux lapins. Cela ne devrait donc pas trop heurter la sensibilité du Premier Prince.

« Ah oui, j'en ai déjà chassés ! C'est pour ça que tu m'as dit de prendre mon arc ?

Oui, » acquiesça Haruni, fort soulagé.


Cette fois, Kikuchi les accompagna à la chasse une fois qu'ils eurent bien attaché les chevaux. Afin d'éviter de tenter les voleurs — bien que l'endroit semblait peu fréquenté — le Firal attacha la bannière impériale à la selle du cheval de Chiharu. Le tissu violet orné d'un dragon noir indiquait que ces chevaux appartenaient à la famille impériale et que quiconque tenterait de les dérober encourrait la colère des Dieux. Pour Haruni, c'était de la superstition plus qu'autre chose mais du moment que cela fonctionnait, il ne discuterait pas. La forêt qui entourait le lac abritait de nombreuses espèces, dont les faisans. Chiharu se débrouilla bien à l'arc, même sur une cible mouvante. Ils eurent vite fait de tuer deux volatiles, des mâles au vu des couleurs du plumage. Chiharu avait tué le premier, Kikuchi le second. Le triomphe de Chiharu ne dura pas lorsqu'il fallut déplumer puis vider les oiseaux. Haruni le prit de nouveau en pitié et lui confia seulement la première tâche, la plus facile. Pour sa part, il vida un des oiseaux tandis que Kikuchi se chargea de l'autre. Même si le Firal restait moins en retrait aujourd'hui, il n'engageait pas pour autant la conversation avec Haruni en dehors de l'essentiel. Cela ne dérangeait absolument pas le Second Prince.

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Kikuchi s'occupa une fois encore du feu, tandis que les princes fabriquaient des broches en bois pour faire rôtir la viande. Bientôt, une odeur délicieuse envahit la clairière.

« C'est du travail de préparer la viande, en conclut Chiharu, mais qu'est-ce que ça sent bon ! »

Il était si impatient qu'il aurait mangé la viande à peine cuite ! Haruni le regarda et pouffa de rire.

« Tu as des plumes partout ! »

Chiharu s'était montré très enthousiaste pour sa tâche et s'en était mis sur les vêtements et les cheveux. Effaré, il tenta de les retirer mais il en avait beaucoup trop. Haruni l'aida avec un grand sourire.

« Je suis sûr que ces oiseaux n'avaient pas autant de plumes, le taquina-t'il.

Haruni ! protesta son frère, rouge de honte.

Cela dit, tu pourrais lancer une nouvelle mode à la Cour ! »

Même Kikuchi eut un léger rire à cette remarque. Boudeur, Chiharu ne dit plus rien.


La mauvaise humeur du Premier Prince disparut comme par magie dès la première bouchée de viande juteuse et bien assaisonnée.

« C'est trop bon ! » fit-il la bouche pleine.

Kaname aurait sûrement été horrifiée de voir toute son éducation s'envoler aussi vite. Mais c'était également une autre raison pour Haruni d'aimer ces sorties : cela l'éloignait du formalisme rigide et protocolaire de la Cour. Il se sentait étouffé là-bas, incapable d'être lui-même. Une fois le repas terminé, ce fut l'heure de se baigner. Comme il faisait chaud, Chiharu ne se fit pas prier pour aller dans l'eau fraîche du lac. Il avait retiré tous ses vêtements, sauf le pagne. Haruni le suivit. Sans les vêtements, la différence de corpulence entre les deux frères était encore plus flagrante. Bien que plus grand, Chiharu était potelé sans pour autant être trop gros. Il avait la peau très pâle, signe qu'il ne s'exposait que très peu au soleil. Au contraire, Haruni était plus maigre, à tel point que Chiharu ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux d'inquiétude en voyant certains os pointer. Cependant, Haruni avait la peau plus bronzée, ce qui lui donnait un air en bonne santé malgré son allure efflanqué.


De son côté, Kikuchi ne semblait pas désireux de se baigner : il resta sur la rive, observant les deux frères.

« Allez ! le taquina Chiharu en lui jetant de l'eau.

Non merci.

Bah, tu ne sais pas ce que tu rates ! »

Chiharu resta là où il avait pied tandis que son frère nagea plus loin, retrouvant avec délice les sensations de la nage. Il finit par se mettre en étoile sur l'eau, flottant naturellement. En contemplant le ciel très bleu et sans nuage, il goûta à un instant de paix comme s'il était seul et sans responsabilité. Ce moment ne dura guère.

« Haruni ! le héla son grand frère. Tu avais dit que tu m'apprendrais à nager ! »

Pour quelqu'un qui n'était pas du tout motivé au début, Chiharu avait vite changé d'avis ! Le garçon eut un soupir résigné, puis le rejoignit en quelques brasses sous le regard attentif de son grand frère.

« C'est ça, nager ? Ça n'a pas l'air compliqué. »


Chiharu allait vite apprendre que les apparences étaient trompeuses. Il se coucha sur l'eau et tenta d'imiter les mouvements de son cadet, mais coula à pic dans des éclaboussements frénétiques. Haruni le saisit aussitôt sous l'eau et le releva. Sur la rive, Kikuchi s'était levé d'un bond mais il se rassit, rassuré de voir que Chiharu n'avait rien.

« Avant de nager, il faut que tu apprennes à flotter, » expliqua Haruni une fois que son frère eut fini de recracher de l'eau.

Un peu plus méfiant, Chiharu l'observa s'allonger sur le dos et se laisser flotter. Il l'imita et put ainsi flotter... deux secondes. Puis il se débattit de nouveau et coula — tout en ayant pourtant pied. Haruni le tira vers la surface.

« C'est trop dur ! se plaignit l'adolescent en recrachant à nouveau de l'eau.

Persévère, conseilla Haruni avec patience. Je vais te tenir. »


Ainsi rassuré, Chiharu s'allongea de nouveau en arrière, les mains de Haruni soutenant son dos.

« Reste droit, plie un peu les genoux.

Je sens que je coule !

Je te tiens, ça ne risque pas. Ça y est, tu flottes. »

Cela ne dura pas. Dès que Haruni reculait et le lâchait, Chiharu finissait immanquablement par paniquer et s'agiter. Après plusieurs essais cependant, il tenait plus longtemps mais n'était pas encore prêt pour la nage.

« La prochaine fois, » concéda Haruni.

Chiharu ne savait pas s'il devait se réjouir ou pas du fait que son frère songeait à renouveler cette expérience.


~*~


Après avoir rapidement séché sous le chaud soleil estival, les deux princes se rhabillèrent. Haruni avait eu la bonne idée de natter la partie de ses cheveux détachées avant se se baigner, donc il n'eut pas trop de mal à les démêler. Chiharu, lui, n'y avait pas pensé et il fit la tête en constatant que ses cheveux avaient tendance à frisotter avec l'humidité.

« C'est horrible ! s'écria-t'il en tentant vainement de les lisser avec son peigne.

Ce n'est pas pratique, ces cheveux, » commenta Haruni avec lassitude.

Comme il regrettait sa coupe courte du temps de Yama ! Mais il avait eu beau supplier Kaname de lui couper les cheveux, ne serait-ce qu'un peu, elle s'y était refusé et lui avait formellement interdit de le faire lui-même. C'était encore une histoire de statut et d'apparence.

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« On va où maintenant ? » s'enquit Chiharu.

Il semblait avoir pris goût à la vie en pleine nature et aux voyages ! Haruni eut un léger sourire.

« On va rester pour chasser le repas du soir et passer la nuit ici. Demain, retour à Kurojū.

Quoi, déjà ?

Oui, c'est ce qui a été convenu. »

L'Empereur avait bien insisté sur la durée de ce voyage : ils devaient impérativement rentrer le troisième jour. Haruni n'osait imaginer sa réaction s'ils revenaient un tant soit peu en retard.

« C'est passé trop vite ! » bouda Chiharu.

Haruni partageait son sentiment, il ressentait la même chose quand il partait en voyage et devait ensuite se résoudre à retourner au palais.

« Il nous reste encore du temps, alors profitons-en, » conseilla-t'il, prosaïque.

Chiharu acquiesça, retrouvant son sourire d'un coup.


Afin de profiter de l'après-midi, Haruni proposa une marche autour du lac.

« À pied ? s'horrifia Chiharu.

On fait assez de cheval comme ça, » répondit son frère.

Chiharu n'avait guère l'habitude de marcher en dehors de ses déplacements au palais. Dubitatif, il fit néanmoins confiance à son frère et le suivit dans sa promenade. Kikuchi leur emboîta le pas sans rien dire. Leurs chevaux était attachés, la bannière impériale bien en vue, et ils avaient pris leurs sabres avec eux. Ils ne craignaient donc pas d'éventuels voleurs. Les rives du lac étaient agréables et paisibles. La chaleur de l'été était compensée par une brise fraîche et humide en provenance de l'immense étendue d'eau.


Chiharu finit par apprécier grandement la balade, malgré ses réserves initiales.

« Il y a des gros poissons dans ce lac ! s'ébahit-il en voyant un poisson remonter brièvement à la surface au loin. On en pêche pour ce soir ?

On ne peut pas les pêcher depuis la rive, expliqua Haruni. Il nous faudrait une barque. »

Chiharu scruta le centre du lac et vit effectivement des petites embarcations. Il soupira, un peu déçu.

« Cela dit, reprit Haruni après réflexion, on pourrait aller au village de l'autre côté et acheter du poisson.

C'est vrai ? Faisons ça ! » s'emballa aussitôt l'adolescent.

Haruni eut un sourire indulgent face à son enthousiasme débordant.

« Attends, si l'un de nous deux y va, cela va causer un tumulte, » tempéra-t'il.

le regard azur du Premier Prince se porta alors sur leur troisième compagnon, en retrait comme toujours.

« Kikuchi ! Toi, tu peux y aller, hein ? »


Le Firal se figea, un peu mal à l'aise. Il n'y avait jamais eu à faire ça.

« Mmm... c'est que...

Les villageois ne vont pas vous manger, » intervint Haruni d'un ton amusé.

Kikuchi se raidit.

« Je n'ai pas peur d'eux ! lança-t'il avec véhémence. C'est juste que je n'ai pas pris d'argent avec moi !

De l'argent ? s'enquit Chiharu avec surprise. On peut leur donner ça alors ! »

Il tendit un de ses ornements de cheveux qui était en or et serti d'émeraudes. Haruni ne dit rien un moment : cet ornement valait bien dix fois le prix du village tout entier ! Quelque part, cela lui rappela juste après l'attaque de Metsūjū, lorsque Kaname avait voulu offrir une épingle en or à une villageoise contre un peu de nourriture. Chiharu était vraiment son fils !


« Heureusement que je suis prévoyant, » soupira Haruni en sortant une bourse de sa tunique.

Depuis qu'il avait commencé ses sorties, il avait insisté auprès de Kaname pour avoir un peu d'argent en cas de besoin. Cela n'avait pas été aussi simple d'en obtenir : à Kurojū, les nobles ne manipulaient guère de l'argent concrètement. C'étaient leurs intendants qui s'en chargeaient. La famille impériale était très riche, mais ses biens étaient des bijoux, des objets d'art, des étalons racés, des terres et bâtiments, etc. Il y avait bien des pièces dans le trésor... mais des pièces d'or. Jamais Haruni n'aurait pu acheter quoi que ce soit avec de l'or en dehors du palais, sans parler que cela aurait attiré les bandits aussi sec. En insistant, il avait fini par obtenir grâce aux servants des petites pièces de cuivre et d'argent, plus simples à écouler dans l'Empire. Il n'avait pas forcément toujours besoin d'argent car il couchait à la belle étoile et chassait ses repas, mais mieux valait être prudent. Chiharu contempla la bourse avec stupéfaction, lui qui n'avait jamais eu à se poser la question de l'argent. Au palais quand il voulait quelque chose, il n'avait qu'à le demander. Naïvement, il avait pensé que cela fonctionnait ainsi pour tout le monde. La notion d'argent était donc plus qu'abstraite pour lui, elle était irréelle.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

De son côté, Kikuchi était coincé : il ne pouvait plus refuser d'aller au village. Il prit la bourse à contrecœur.

« Demandez deux carpes, ou sinon des brochets, lui fit le Second Prince. Cela ne doit pas coûter plus de cinq pièces de cuivre, sinon vous marchandez. Vous savez à quoi ressemble une pièce de cuivre ?

Ça va, je connais, » marmonna le Firal, un brin vexé.

Il repartit en direction du campement pour prendre son cheval. Haruni le suivit avec un regard amusé. Chiharu regretta de ne pas pouvoir lui aussi se rendre au village. C'était bien beau de sortir voir la nature, mais il s'intéressait aussi aux gens ! Il n'hésita pas à faire part de sa frustration à son frère qui, à sa grande surprise, se montra compréhensif.

« C'est bien que tu t'intéresses à ton peuple, approuva Haruni, mais tu ne peux pas te montrer n'importe où. Pour les gens ordinaires, l'Empereur et toute la famille impériale sont des icônes. Mmm... c'est un peu comme si les dieux se manifestaient. »

Haruni avait hélas côtoyé les dieux bien trop souvent à son goût, ce qui n'était pas le cas de son frère qui comprit donc la comparaison.


Comme il semblait déçu, Haruni lui rappela :

« Le festival d'automne aura bientôt lieu, nous sortirons en ville pour profiter des festivités comme d'habitude. »

Ce festival se tenait à la capitale le quinzième jour du septième mois. À cette occasion, Kurojū s'animait encore plus avec des spectacles et des stands de nourriture dans toutes les rues. Les princes avaient le droit de sortir avec leurs amis, quoique accompagnés de la garde impériale, bien entendu. Chiharu tapa dans ses mains, se réjouissant de cette perspective.

« C'est vrai, ce sera trop bien ! »

Pas pour la première fois, Haruni se fit la remarque que Chiharu se comportait très souvent comme Yatsu, en dépit de la différence d'âge.

« Il est loin d'être mûr, songea-t'il avec un soupir intérieur. En même temps, vu la façon dont ces fils de nobles sont couvés, je peux guère le lui reprocher. »

S'il avait eu son mot à dire dans l'éducation de la jeunesse, il y aurait eu de sacrés changements !


~*~


Kikuchi revint une heure plus tard au campement où l'attendaient les deux princes. Il apportait avec lui une carpe et un brochet dans un panier d'osier. Chiharu l'accueillit comme un héros.

« Ils ont intérêt à être bons, se plaignit le Firal, parce que j'ai l'impression d'empester le poisson maintenant !

Tu n'auras qu'à te baigner dans le lac pour faire partir l'odeur, » suggéra le Premier Prince avec un sourire malicieux.

Kikuchi lui lança un regard mauvais, ce qui fit rire Chiharu. Il rendit ensuite la bourse à Haruni sans un mot. Le temps d'écailler, de vider les poissons — tâches que Chiharu évita — et de préparer le feu, il était déjà l'heure de souper. Tandis que les poissons grillaient joyeusement, emplissant la clairière d'une bonne odeur, Haruni fit chauffer de l'eau au-dessus d'un second foyer afin de cuire le restant de riz et de légumes apportés de Kurojū. Il avait prévu la bonne quantité pour leur voyage, même en comptant le gros appétit de son frère. Mais ce soir-là, ils mangèrent tous les trois de bon appétit car les poissons étaient excellents.

« Dommage qu'on ne puisse pas en ramener à nos parents, fit Chiharu en caressant son ventre bien rond.

Par cette chaleur, ce serait dur à transporter, » expliqua Haruni.


La nuit commençait déjà à tomber et sous le ciel étoilé, le lac prit une nouvelle beauté. La surface tranquille reflétait les étoiles, à tels point qu'on aurait dit un second ciel. Seuls les feux du village de pêcheurs de l'autre côté étaient visibles, sinon ils auraient pu aisément croire qu'ils étaient les seuls êtres au monde. La voix grave de Kikuchi rompit le silence contemplatif :

« Double ciel, mille feux scintillants. Je me sens si petit en cet instant. »

Chiharu applaudit son ami poète. Haruni, lui, était nettement moins sensible à cet art. Il préféra sortir sa flûte et jouer un air lent et doux qui s'envola dans l'air pur de la nuit. Voulant prouver que lui aussi était un artiste, Chiharu tenta d'improviser des paroles sur la mélodie de son frère. Après quelques accrocs, Haruni et lui trouvèrent leur rythme et même Kikuchi finit par se joindre à eux. La soirée se conclut ainsi de manière fort agréable.






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