Chapitre 8

« Il est enfin parti… »

Nigel soupira et se rassit sur sa chaise dès qu’Etna eut disparu. Il avait fait comme si de rien n’était, mais la présence d’un Dieu en personne était écrasante. Il avait ressenti une pression immense rien qu’en restant là. Enfin libéré, Nigel poussa un soupir de soulagement.

Inas s’approcha de lui d’un air soucieux. Bien que ridiculement faible par rapport à avant, Inas semblait avoir supporté ça mieux que Nigel.

« Nigel, tu vas bien ?

– Oui, ça va. Je suppose que j’étais un peu nerveux… »

Alors qu’il souriait pour montrer qu’il allait bien, Inas fronça les sourcils. Au moment où Nigel allait lui demander pourquoi, l’homme se pencha et lui pinça les joues.

« Nigel.

– Hein ? Que… »

Avant que Nigel ne puisse lui demander ce qu’il faisait, les lèvres d’Inas effleurèrent les siennes. De surprise, Nigel referma la bouche et tourna la tête sur le côté.

« Re-recule.

– Il n’y a pas d’urgence pour le moment, non ? » fit Inas d’un ton d’évidence.

Qu’est-ce que ça voulait dire ? Après un moment de réflexion, Nigel comprit la logique : puisque rien ne pressait, ils pouvaient bien en profiter pour s’embrasser. Mais ce qui inquiétait le plus Nigel, ce n’était pas ce qui les attendait.

« Il y a des gens allongés juste à côté… !

– Oui, merci de ne pas nous oublier, » fit une voix d’homme sombre et étouffée juste à côté.

Sursautant, Nigel repoussa Inas. Ce denier ne cacha pas son mécontentement et jeta un regard noir à Schumach qui se redressait à côté.

« Tiens, tu es réveillé…

– Ouais.

– Depuis quand ?

– Au moment où Nigel t’a demandé de reculer. »

Une fois encore, ça tombait malheureusement au pire moment. Si on regardait ça d’un œil objectif, on aurait dit qu’Inas essayait de profiter de Nigel qui n’était pas d’accord.

« Espèce de sale enfoiré, tu as osé… »

Schumach foudroya l’autre homme du regard, le visage rouge de colère. Nigel tenta maladroitement de le calmer, alors que Schumach regardait Inas comme s’il voyait la pire des ordures.

Traduction faite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr ou sur Scan Manga. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé cette traduction !

« Arrête, Schumach. Pourquoi tu t’énerves autant pour un simple baiser ?

– Parce que je te considère comme mon petit frère. C’est pour ça que je te protège !

– Sache que même mon père a approuvé notre relation.

– Quoi ? » s’écria Schumach, confus.

Il semblait quelque peu choqué par la révélation de Nigel. Après un moment, il poussa un lourd soupir et marmonna :

« Je présume que l’ancien duc ne devait pas bien connaître ce sale petit bâtard.

– … C’est toi qui ne le connais pas du tout.

– Bref. Je n’ai pas non plus vraiment l’intention de vous séparer… C’est juste que je trouve ça un peu désagréable. »

Ce n’était pas du tout ce qu’il pensait. Mais par égard pour Nigel qui avait les yeux fixés sur lui, Schumach s’obligea à prononcer ces mots qui ne correspondaient pas du tout à la tête qu’il faisait.

« Pour l’instant, ne restons pas ici… Allons ailleurs pour nous abriter, suggéra Nigel.

– Entendu. »

L’eau de mer avait commencé à sécher, alors leurs vêtements étaient devenus un peu inconfortables. Schumach se remit debout et s’approcha de Lana, qui était restée allongée sur le côté.

« Lana, réveille-toi. Lana ? »

Etna avait dû endormir la jeune fille bien profondément pour qu’elle ne se réveille pas. Au moment où cette pensée traversa l’esprit de Nigel, il remarqua soudain que les joues de Lana étaient d’un rouge anormal.

« Lana ? » appela-t’il à son tour.

Il s’approcha d’elle et posa une main sur son front. C’était trop chaud. La respiration de Lana était saccadée et un peu laborieuse, comme si elle avait pris froid. Était-ce à cause de sa vie de fugitive, qu’elle était tombée dans la mer et qu’elle était restée un moment comme ça, avec les vêtements trempés sur elle sans qu’elle ne puisse correctement les sécher ? En plus quand elle avait accepté l’épée sacrée, elle avait reçu pas mal de pouvoir dans son corps, alors c’était naturel qu’elle ait atteint ses limites.

Schumach regardait Nigel d’un air perdu, comme s’il ne se rendait même pas compte que Lana était malade. Pourtant, son front était si brûlant qu’on s’en apercevait dès qu’on posait la main dessus… Pris d’un doute, Nigel posa la main sur le front de Schumach.

« Tu as de la fièvre toi aussi. »

Schumach était également fiévreux. Il était même encore plus brûlant que Lana. Mais l’homme haussa les épaules, comme si ce n’était pas grand-chose.

« J’ai juste un peu chaud.

– Non, tu n’as pas chaud, le détrompa Nigel. C’est de la fièvre !

– Moi ? Je ne tombe jamais malade.

– C’est pourtant flagrant ! »

Étant donné que Schumach avait toujours eu une santé de fer, il ne semblait même pas se rendre compte qu’il était malade.

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Pendant que Nigel soupirait, Inas le rejoignit soudain par derrière. Quand la main d’Inas se leva vers le front de Schumach, ce dernier prit peur et recula d’un bond.

« Ne me touche pas !

– Tu as de la fièvre, alors tiens-toi tranquille. »

Schumach aurait bien aimé réfuter les paroles froides de l’autre homme, mais il garda la bouche fermée en sentant la fraîcheur de la main d’Inas sur son front.

« Nous n’allons pas pouvoir partir tout de suite, de toute manière. Alors autant en profiter pour vous reposer, » conclut Inas.

Nigel était également d’accord avec lui.

Ce jour bien chargé se termina enfin.

Schumach porta Lana jusqu’au lit, puis il s’allongea aussitôt à son tour. Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, ce ne fut pas du tout dérangeant pour les deux de partager le seul lit. Schumach s’endormit rapidement à côté de Lana, comme s’il en avait pris l’habitude après leur longue fuite.

Nigel, qui avait vomi du sang et était aussi tombé dans l’eau, ne se portait pas bien non plus. Mais puisqu’il allait relativement mieux que les deux autres, il tâcha de tenir le coup. Sauf que dès qu’il vit un endroit où s’allonger, son corps devint tout à coup très lourd.

« Ne te force pas, Nigel, lui fit Inas. Va dormir.

– Et toi ?

– Je vais bien. J’ai des choses à faire, alors je vais en profiter.

– Je veux rester avec toi…

– Repose-toi plutôt, Nigel. »

Nigel ne voulait pas. Il insista, sauf que son corps ne lui obéit pas et devint tout mou. Au bout du compte, Nigel s’allongea au bord du large lit. Et malgré son entêtement, il s’endormit presque aussitôt.

Il ne se réveilla pas avant un long moment. Ce fut quand il sentit une odeur délicieuse qu’il ouvrit les yeux et vit Inas se tenir non loin avec un plat fait maison dans les mains. L’homme lui désigna une pile de vêtements sur le côté.

« Mange et change-toi, j’ai rassemblé autant de vêtements que j’ai pu. Il en restait encore de la dernière fois.

– Merci. »

Schumach et Lana se réveillèrent également à cause de l’odeur alléchante et le bruit de leurs voix. Heureusement, il y avait assez à manger pour quatre. Nigel avait craint qu’Inas n’aurait préparé à manger que pour eux deux, mais il ne semblait pas assez cruel pour laisser mourir de faim les deux autres qui devaient les accompagner. Ce fut un soulagement.

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« J’ai des remèdes et quelques vêtements, vous pourrez vous changer après avoir mangé, fit Inas avant de se tourner vers Lana. Même si elles seront un peu grandes, j’ai quelques tenues que tu pourras mettre.

– Merci. »

Bien qu’un peu gênée, Lana accepta sans hésitation la générosité d’Inas. Contrairement à Schumach, elle avait plutôt une bonne impression de lui. Nigel fut étrangement heureux de voir qu’Inas était apprécié par quelqu’un d’autre.

Une fois le repas fini, Nigel se sentit rempli d’énergie. Au contraire, Lana et Schumach étaient encore fatigués. Après avoir mangé, ils se rendirent au puits voisin pour laver leurs corps couverts d’eau de mer, ce qui n’était pas agréable. Cela parut être leur limite car juste après, ils s’effondrèrent de nouveau sur le lit.

Durant tout ce temps passé à fuir, ils avaient dû maintenir une vigilance constante. Alors à présent qu’ils se trouvaient dans un endroit isolé du monde extérieur, ils se détendirent et la fatigue accumulée se faisait sentir d’un coup. Après s’être assurés plusieurs fois que Kei ne pourrait pas entrer sur l’île, les deux compagnons s’endormirent de nouveau.

« Il vaut mieux les laisser dormir encore une journée, fit Nigel.

– Oui, ça vaut mieux, » répondit calmement Inas.

Il se leva en portant les assiettes vides.

« Où est-ce que tu vas ? demanda aussitôt Nigel.

– Faire la vaisselle. Je vais aussi regarder les ingrédients restants pour prévoir le repas de Nigel demain.

– Je viens avec toi.

– Repose-toi plutôt, Nigel.

– Mais je vais beaucoup mieux. »

Inas continua de vouloir le dissuader, lui disant de se reposer, mais Nigel s’entêta et finit par sortir avec lui.

Il devait avoir longtemps dormi, car il faisait déjà nuit dehors. Inas fit preuve de considération envers Nigel et ouvrit le chemin avec plusieurs petites lumières flottantes sous ses pieds. Nigel le suivit et regarda autour, s’aidant des lumières.

Pendant que les autres dormaient, Inas devait en avoir profité pour absorber un peu la magie du cristal, car l’endroit était plus dégagé. Alors qu’ils empruntaient une route vaguement familière, ils arrivèrent rapidement en vue d’un petit bâtiment.

« Attends-moi ici. »

Inas entra en laissant Nigel dehors. Il lava les plats et ressortit rapidement.

Nigel, qui était adossé contre le mur et plongé dans ses pensées, releva les yeux vers lui. Quand il vit Inas portant une simple chemise un peu usée, avec ses cheveux mouillés qui retombaient un peu, il sentit quelque chose le titiller. Il lui tendit la main et Inas l’accepta sans même savoir ce qui se passait. Nigel serra fort la main bien plus large que la sienne.

Il ne dit rien et reprit leur marche. Inas, qui le suivait en arborant un air perplexe, se mit rapidement à marcher à côté de lui.

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Le cœur de Nigel était rempli de toutes sortes de tendres émotions. Ses pieds se mouvèrent sans la moindre hésitation, se sentant plein. Bien qu’il marchait avec enthousiasme, il n’avait pas de destination particulière en tête. Après un moment à marcher en silence, il s’arrêta dans une petite clairière au milieu d’un bois.

Nigel se retourna pour regarder Inas. Dans la nuit sombre, son amant, qui semblait plongé dans la mélancolie sous la faible lumière, avait un visage aussi splendide que jamais. Bien que les traits de son visage semblaient avoir été tracés avec force et un pinceau épais, donnant une impression de simplicité, Nigel connaissait toute la palette d’émotions qui pouvait se peindre sur ce visage, adoucissant l’expression intimidante.

À présent, une légère perplexité et du doute transparaissaient sur son magnifique visage ciselé. Ces émotions, qui ne collaient pas avec ce visage qui était plutôt du genre à piétiner et détruire, étaient adorables. Nigel partit d’un léger rire, imité par Inas.

Au-dessus de la tête d’Inas, au-delà du cristal qui entourait les environs, les étoiles scintillaient comme si elles étaient sur le point de tomber. Quand Lee Jiwoon vivait encore sur Terre, il n’avait jamais vu autant d’étoiles d’un coup. C’était un spectacle splendide qu’il ne voulait pas oublier. Chaque instant était un souvenir qu’il voulait conserver pour toujours.

Il y avait eu un temps où il haïssait le fait que seul lui continuait à se souvenir. C’était un très vieux cauchemar.

Nigel contempla tendrement son pauvre amant qui avait mis fin à son cauchemar en prenant sa place. Les mains blanches et délicates de Nigel caressèrent les joues d’Inas et l’attirèrent vers le bas. Nigel embrassa ses lèvres fermes. Pressant ensuite leurs fronts ensemble, Nigel murmura d’un ton taquin :

« Pourquoi tu as l’air aussi inquiet ?

– Nigel, tu es sûr que tu ne vas pas le regretter ? Je parle d’être revenu ici… »

Nigel s’était demandé ce qui pouvait autant inquiéter l’autre homme. Il se sentait comblé, comme s’il avait obtenu tout ce qu’il souhaitait, tandis que de son côté, Inas semblait soucieux. Nigel lui sourit et hocha la tête en exagérant exprès le mouvement.

« Tu parles encore de ça ? Je ne regrette pas du tout d’être revenu à tes côtés.

– Tu dis ça maintenant, mais peut-être que plus tard… Tu ne regrettes vraiment pas du tout ce à quoi tu as dû renoncer pour être avec moi ?

– Bien sûr que non. Je suis revenu parce que je le voulais, Inas, » murmura affectueusement Nigel à un Inas qui ne parvenait pas à se défaire de ses doutes bien ancrés.

Cependant, Inas n’arrivait toujours pas à y croire.

« Même si on ne sait pas du tout où on ira après avoir quitté ce monde ? Qui sait, ce pourrait être encore pire que ce que tu as déjà connu.

– Je ne crois pas qu’il nous arrivera quelque chose de mal… relativisa Nigel. Et puis, qui ne tente rien n’a rien.

– Ce sera peut-être un endroit horrible !

– Horrible comment ? »

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Inas jeta un regard sérieux à Nigel, qui prenait ça à la légère.

« Il est possible que nous atterrissions dans un monde rempli de créatures étranges qui n’ont rien d’humain. Par exemple, un monde rempli d’insectes, ou bien où les gens ont des tentacules à la place de la bouche… »

Inas poursuivit ses exemples tous plus horribles l’un que l’autre. Étant donné qu’il en avait vu des monstres étranges durant ses nombreux voyages dans les Montagnes Impies, les diverses créatures qu’il imaginait étaient vraiment terrifiantes. C’était clairement un peu effrayant. Nigel tira sur le bras d’Inas, qui continuait à vouloir lui faire peur.

« Inas !

– … Oui ? » répondit calmement l’autre.

Nigel contempla ses yeux noirs. Après un examen approfondi, il aboutit facilement à une conclusion :

« Tu as peur ?

– … Oui. »

Nigel se serait attendu à ce qu’Inas nie, mais ce dernier avoua docilement.

Le regard d’Inas vacilla et il baissa les yeux, démuni.

« Oui, ça fait peur.

– De quoi tu as peur ?

– Qu’il se passe quelque chose et que je ne sache pas quoi faire…

– …

– C’est effrayant de penser que tu pourrais être à nouveau menacé par quelque chose d’inconnu.

– …

– J’avais espéré que tu serais heureux dans ton monde d’origine. »

Inas dévoila honnêtement ses véritables sentiments. Nigel se rappela d’Inas qui l’avait toujours protégé par des moyens extrêmes et radicaux.

Il adorait voir Inas comme ça et se sentait en même temps désolé pour lui. Inas était vraiment à plaindre.

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Nigel resserra sa prise avec ses mains. Comme Inas qui l’avait toujours soutenu, ce serait bien si Nigel pouvait aussi le soutenir fermement. Rempli de cette envie et de cette détermination, Nigel le regarda droit dans les yeux.

« Quand… quand je t’ai tout transmis et que j’ai fui la réalité, tu m’as dit une chose : “Je vais tout prendre pour toi, alors s’il te plaît, aime-moi pour toujours, quoi qu’il arrive.”

– Je m’en souviens aussi… Je me suis rappelé de tout.

– Je suis peut-être un lâche, mais j’ai tenu ma promesse. Bien sûr, il y a eu des moments où tu n’en avais pas l’impression, mais…

– Nigel m’a toujours aimé.

– Oui, c’est vrai. »

Même quand Nigel se sentait très frustré et en colère, il était toujours apaisé rien qu’en voyant le visage d’Inas. Il l’avait invariablement aimé et rien ne pourrait jamais faire disparaître ses sentiments pour lui.

Nigel s’était constamment reposé sur Inas depuis bien longtemps. Même quand il était Lee Jiwoon, il avait compté sur Inas qui l’aimait aveuglément. Cela n’avait pas changé durant les longues années qu’Inas avait répétées. Alors désormais, Nigel voulait soutenir Inas ne serait-ce qu’un peu.

Nigel était amoureux d’Inas depuis très longtemps.

Et il continuerait à l’aimer pour toujours.

« N’aie pas peur, lui chuchota Nigel Je continuerai toujours à t’aimer et tout ira bien. »

Ayant écouté son serment, Inas l’embrassa comme fasciné. Nigel protesta qu’ils étaient dehors, mais ses paroles se firent vite avaler par Inas. Après un moment d’hésitation, Nigel lui rendit son étreinte. Très vite, le corps d’Inas se plaça sur lui. Nigel ferma les yeux, savourant ce poids.

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