Child of the Night 55

Attention : du viol, mais sans violence. Mentions de satanisme.


Partie Cinquante-cinq : Paiement


L'an de grâce 1713
Une chaumière dans les bois près de Versailles



« *Monsieur le vicomte*, vous êtes sûr du chemin ? »

Sinn s'arrêta en se retournant pour lancer un regard impatient au garçon qui le suivait.

« J'ai parcouru ce chemin une centaine de fois, Rustan. Je pourrais le faire les yeux fermés. Maintenant, arrête de traîner des pieds. Je ne veux pas y passer la nuit.

– Mais monsieur, j'ai apporté une lanterne. Si vous me laissiez retourner près des chevaux pour la récupérer...

– Pour la dernière fois — non ! cracha Sinn. Mon garçon, tu n'as pas encore appris qu'il y a des choses qu'il vaut mieux faire dans le noir ? Il y a assez de lumière pour voir où nous allons. »

Et, en effet, il y en avait juste assez. La lumière argentée de la lune était tamisée par les branches et Rustan pouvait juste voir le sentier et l'homme qui marchait devant lui. Pourtant, il y avait encore bien trop d'ombres au goût du garçon.


Rustan était le fils du palefrenier en chef de la famille Barbee et il avait grandi à Paris avec sa mère. Quand Sinn était arrivé à la cour, on l'avait envoyé avec pour prendre soin des deux chevaux et de l'attelage qui avaient été le cadeau d'adieu du Comte Barbee à son fils. Il était fier de cette responsabilité (peu de gens de dix-sept ans avaient une telle confiance) et il aimait plutôt bien la vie au palais animé mais la campagne sauvage le rendait nerveux. Il avait souvent préparé la monture de son maître pour ses excursions nocturnes et il avait attendu son retour jusqu'au matin mais c'était la première fois que Sinn lui avait demandé de venir.


Sinn se hâtait en maudissant mentalement son compagnon à la traîne. 'Amène un ami', avait dit Tisane. 'Un garçon — mignon.' Il songea brièvement à Rustan avec ses cheveux noirs cuivrés, sa peau crémeuse et ses yeux bleus sombres. Bon, il convient à la description et il fera ce que je lui dirai s'il sait ce qui est bon pour lui. Dieu sait ce que la vieille peau a préparé. Si j'ai de la chance, elle ne va s'occuper que du garçon et je vais pouvoir prendre mon bien et partir.

En songeant à l'objet qui l'attendait sans doute, le cœur de Sinn battit plus vite. Il n'avait pas été sûr de l'existence du livre mais Tisane lui avait juré qu'il existait bien et qu'elle pouvait l'obtenir pour lui.


Sinn connaissait la région aussi bien qu'il le prétendait mais il fut surpris de tomber sur la chaumière — c'était toujours le cas. Le sentier se fermait sur des buissons et s'ouvrait soudain sur une petite clairière. Sinn s'arrêta à la fin du sentier en regardant le petit bâtiment devant lui.

Ce n'était guère plus qu'une ombre sombre sur la pénombre environnante. Il n'y avait pas de fenêtre — les fenêtres étaient encore un luxe. Pas un rayon de lumière ne s'échappait de la porte rustre mais Sinn pouvait deviner le nuage de fumée de la cheminée alors qu'il passait devant la lune.


Rustan murmura :

« Qui irait vivre dans un endroit aussi désert ? »

Sinn se tourna vers lui avec un sourire pas très gentil, écarquilla les yeux et murmura :

« Une sorcière ! »

Rustan déglutit. Il savait que le Vicomte se moquait de lui mais il ne pouvait s'empêcher d'avoir un peu peur. Son vieux grand-père avait vu une fois une sorcière se faire brûler. Il jurait qu'une chauve-souris était sortie de sa bouche avant que les flammes ne l'engouffrent.

Sinn l'observa en se demandant s'il aurait dû faire cette dernière remarque. Ce petit idiot pouvait très bien s'enfuir, et que ferait-il alors ? Tisane voulait un second camarade et si elle ne l'avait pas, elle ne serait pas facile à traiter.

« Tu n'as pas peur, voyons ? »


Rustan carra ses épaules.

« Non, m'seigneur. Ce ne sont que des superstitions. »

Sinn acquiesça. Laissons-le croire cela si ça peut le rendre plus courageux.

« Je suis sûr que tu as raison. Ce n'est qu'une étrange vieille femme mais elle a quelque chose dont j'ai besoin alors tu vas m'aider à la divertir. »

Il posa une main lourde sur le bras du garçon.

« Tu feras tout ce que je te dirai. Est-ce compris ? »

Rustan acquiesça.

« Je suis sérieux, mon garçon. Je peux te demander quelque chose de déplaisant. Tu ne dois pas hésiter. »

Rustan acquiesça à nouveau, plus lentement cette fois.

« Bien. Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te demander de tuer quelqu'un. Viens. »

Rustan savait que Sinn se montrait sarcastique avec lui mais cela l'apaisa un peu. La noblesse exigeait une obéissance inconditionnelle de la part de ses serviteurs, parfois jusqu'à la mort.


Sinn le conduisit vers la chaumière et frappa à la porte d'un air péremptoire. Rustan s'agitait derrière son maître en jetant des regards nerveux aux ombres environnantes. Une voix craquelée fit de l'intérieur :

« Qui demande à entrer à une telle heure ? »

Sinn se renfrogna mais il répondit avec civilité. Tisane aimait jouer ces jeux et cela ne servirait à rien de les lui gâcher. Elle pouvait se montrer de mauvaise humeur si elle n'était pas divertie.

« Quelqu'un qui cherche le savoir, sage femme. »

Il lança un regard à Rustan.

« Quelqu'un qui apporte un prix et une offrande.

– L'offrande dont tu parles — elle est mignonne ?

– Très mignonne, madame. »


Il entendit le raclement du verrou qu'on soulevait et un moment plus tard, la porte s'ouvrait. Une lumière dorée s'en échappa, faisant ciller Rustan et protéger ses yeux. Sinn s'y était attendu et avait détourné les yeux pour éviter d'être ébloui mais pourtant la silhouette sur le pas de la porte n'était qu'une ombre pour lui. Il sentit plus qu'il ne vit la femme le dépasser pour étudier le garçon qui clignait des yeux. Puis elle recula.

« Entrez, jeunes hommes. »

Sinn avança puis lança un regard à son compagnon.

« Eh bien ? Suis-moi, mon garçon. »

Rustan le suivit avec réticence. Alors qu'il dépassait la petite silhouette en détournant respectueusement les yeux, il sentit qu'on pinçait fortement son derrière et il bondit en criant. Il y eut un rire sec alors que la porte était refermée et verrouillée.


Il se retrouva dans une chaumière paysanne typique — peut-être un peu plus fournie et propre que la moyenne. Elle était chaude et il y avait une odeur lourde et épicée dans l'air. Il songea que cela pouvait venir des masses d'herbes séchées et de racines pendues au plafond mais la fumée qui sortait de la cheminée sentait plus que le bois brûlé. Elle avait dû ajouter quelques herbes sur le feu pour parfumer l'air.

La tête de Rustan commença à lui tourner. Sinn discutait avec la vieille petite femme, leurs voix basses. Le vicomte fit un geste vers lui et des yeux petits et rusés se tournèrent pour l'étudier. Elle s'approcha de lui, marchant lentement mais ses gestes n'étaient saccadés. Elle se déplaçait comme on s'approcherait d'un enfant nerveux.

« Eh bien. »


Sa voix était stridente mais forte. Rustan vit à présent qu'elle pouvait ne pas être aussi vieille qu'il l'avait d'abord cru. Les cheveux très fins qui s'échappaient de sa coiffe avaient toujours des mèches sombres parmi les grises, et les rides de son visage étaient plus dues à la débauche qu'à l'âge.

« C'est pas souvent que j'ai deux si beaux visiteurs. Quel est ton nom, mon enfant ? »

Rustan commença à répondre mais il dut s'éclaircir la gorge avant de pouvoir parler.

« Rustan Dubois, ma dame. »

Elle gloussa, ses yeux raisin s'illuminant d'un amusant qui n'était pas du tout rassurant.

« Ma dame ! Oh, ça fait si riche, ça ! »


Elle tendit la main et il flancha lorsqu'elle lui pinça les joues.

« C'est poli à dire, aussi. Tu aimerais un peu de vin, mon cher ?

– Je... »

L'endroit était assez propre mais il se sentait nauséeux à l'idée de manger ou de boire quelque chose que cette femme aurait manipulé.

« Non merci, ma dame. »

Tisane lança un regard à Sinn qui fit sèchement :

« Tu me ferais honte en refusant son hospitalité ?

– Non ! fit Rustan avec précipitation. Oui, merci.

– Alors asseyez-vous tous les deux. »


Elle prit deux brocs grossiers d'une armoire et une bouteille près de la table. Quand Sinn ne bougea pas, elle fit à nouveau d'une voix plus dure :

« J'ai dit de vous asseoir, jeune seigneur. »

Il se dirigea vers la table.

« Pas là. »

Le seul autre endroit était le lit rude contre le mur. En fronçant légèrement le nez, Sinn s'assit au bord. Rustan s'agita, mal à l'aise, jusqu'à ce que Tisane lui fasse signe.

« Toi aussi, mon garçon. »

Rustan lança un regard rempli de doutes à Barbee mais son maître soupira et tapota le matelas à côté de lui.

« Viens, Rustan. »

Il leva un sourcil sardonique.

« À moins que tu n'aimes pas ma proximité ?

– Oh non, m'seigneur ! »

Rustan s'assit près de Sinn mais son vertige se transforma en sentiment d'irréalité. Il ne s'était jamais assis en présence d'un aristocrate et encore moins sur le même siège. Il remarqua que le jeune noble portait une sorte de parfum. Ce n'était pas rare car beaucoup de courtisans préféraient se parfumer plutôt que de se baigner. Ce qui était différent avec Sinn, c'était qu'il n'y avait aucune odeur corporelle aigre sous le parfum épicé.


Tisane avait rempli les brocs. Elle lança un sourire rusé à Rustan.

« Je parie que tu aimes le sucré, hein, mon garçon ? »

Quand Rustan acquiesça, elle rit.

« Bon, je vais t'en donner un peu alors. »

Elle ouvrit un petit pot et mit une cuillère de liquide épais et doré dans l'une des coupes.

« Ce miel est spécial. Les abeilles ne se nourrissent que des plus doux trèfles et elles ne donnent leur miel qu'à moi. Quiconque essayerait de voler leur trésor le regretterait amèrement. »

Elle remua puis leur apporta leur boisson en donnant à Rustan le vin sucré. Rustan commença à siroter puis fit timidement :

« Vicomte, vous ne voulez pas de miel ? »

Sinn lança un regard cynique à la vieille femme qui sourit.

« Je n'ai pas besoin de miel pour désirer mon rafraîchissement, Rustan. »


Ils burent tout les deux et Sinn observa le garçon par-dessus sa tasse. En baissant le broc, il se lécha lentement les lèvres, ses yeux parcourant oisivement son palefrenier.

« Je le trouve assez sucré. »

Sinn posa la coupe vide sur le sol et fit :

« Madame, vous avez ce dont nous avions parlé ?

– Patience, Barbee, patience. »

Elle s'assit sur la chaise près de la table.

« Amuse-moi un peu avant de conclure notre affaire. »

Elle s'arrêta en souriant alors que ses yeux passèrent sur Rustan qui avait fini son vin et posait son propre verre.

« Raconte-moi les rumeurs de la cour. »

Sinn soupira et commença :

« Eh bien, il paraît que le roi songe à prendre une autre maîtresse. »

Il fit claquer sa langue.

« Soixante-quinze ans et il fait toujours le coq dans la basse-cour. Les beautés de la cour rendent leurs coiffeurs et leurs couturières fous avec... »


Rustan s'assit en laissant la voix traînante de Sinn le bercer. Il trouvait cela intéressant — comme il travaillait à l'écurie, il n'avait pas accès à toutes les rumeurs partagées entre les serviteurs qui travaillaient au palais. Comme la plupart des gens de sa classe, il était fasciné par les actes de ses supérieurs et il voulait absorber tout ce qu'il pouvait. Il en retirerait un certain privilège parmi les siens s'il pouvait raconter quelques rumeurs alléchantes.

Rustan tenta d'écouter attentivement mais son esprit vagabondait. La pièce était très chaude et l'air semblait presque épais. Est-ce que la cheminée est bloquée et que la fumée reste dans la pièce ? La vieille femme ne semble pas avoir remarqué, de même que le vicomte...

« ... sens bien ?

– Monsieur ? »

Rustan cligna des yeux devant Sinn.


Sinn lui lança un sourire condescendant.

« Là, mon garçon ! Quelques gorgées de vin et tu as déjà l'esprit perturbé. »

Rustan secoua la tête pour tenter de l'éclaircir.

« Je suis désolé, m'seigneur. Je me sens un peu confus. »

Tisane leva ses mains, d'un air contrit.

« Sinn, nous corrompons les innocents. À quoi pensais-je en le forçant à boire ?

– Oh, Rustan va bien. Un peu de vin est bon pour le corps et l'âme. Tu vacilles, Rustan. »

Rustan se rendit compte qu'il était penché et il se remit droit.

« La pièce tourne. »

Sinn rit.

« Non, c'est seulement ta tête. Là, appuie-toi contre moi. »


Il passa un bras autour des épaules de Rustan en attirant le garçon à ses côté.

« Pose ta tête sur mon épaule. »

Il pressa la tête brillante sur son épaule et la maintint là, son contact familier alors qu'il racontait à Tisane les dettes de jeux qu'une certaine duchesse avait payé de manière intime et inhabituelle.

Ses sens égarés, Rustan se détendit contre son maître. Il était assez conscient pour s'étonner de sa propre audace. Bien que Sinn ne soit pas un maître cruel, il n'avait jamais encouragé la proximité physique et il y avait de grandes chances qu'il regrette d'avoir permis ce contact familier et punisse Rustan plus tard.

Rustan laissa ses yeux se fermer et son esprit vagabonder. Les rumeurs que Sinn relatait étaient assez scandaleuses. Rustan fut surpris des termes crus qu'utilisait le vicomte. Il croyait que seule la plus basse vermine de la rue utilisaient de telles obscénités mais les injures dans la voix douce et cultivée de Sinn étaient étrangement irrésistibles.


Il cligna des yeux lorsqu'on le secoua gentiment.

« Rustan ! Ce n'est pas poli de dormir durant une visite. »

La chambre parut encore plus floue et son environnement semblait manquer étrangement de couleurs. La seule couleur était le vert vibrant des yeux de Sinn, et ces yeux étaient très proches.

« Je suis désolé. Peut-être que si je prenait un peu l'air, ça me réveillerait. »

Il commença à se lever mais il perdit l'équilibre et retomba sur Sinn.

« Tu vas te briser le cou, idiot, » gronda Sinn.

Il se déplaça en poussant Rustan en arrière jusqu'à ce qu'il soit allongé sur le lit puis il se rassit près de lui.

« Repose-toi quelques moments. Dors.

– Dormir... murmura-t-il.

– Oui, détends-toi. »


Rustan ferma à nouveau les yeux. Il entendit Sinn et Tisane murmurer ensemble et il saisit les mots : '... m'avais promis...' et '... montre d'abord, et après...'.

« Très bien. »

La voix de Sinn était ennuyée mais il repoussa gentiment une mèche du garçon de son front. Rustan sentit les doigts chaud courir sur son visage, caressant ses joues et s'arrêtant sur ses lèvres avant qu'un doigt ne soit poussé entre elles. Il était si détendu que le doigt glissa profondément dans sa bouche en caressant sa langue avant qu'il ne comprenne ce qui arrivait. Avant de pouvoir rassembler ses pensées, le doigt caressa sensuellement sa langue et près de son oreille, la voix de Sinn murmura :

« Suce, mon petit garçon. Voyons si tu as un peu de talent avant d'aller plus loin. »


Rustan obéit instinctivement en resserrant ses lèvres autour du doigt et en suçant doucement. Le doigt glissa dans et en dehors de sa bouche lentement et Sinn paraissait plaisamment surpris.

« Que lui as-tu donné, Madame ? J'aurais juré qu'il aurait détalé comme un lapin.

– Ma propre mixture, monsieur. Je ne partage pas mes recettes mais elle a été utilisée plus d'une fois à votre cour, et j'ai été bien payée. »

Sa voix était amusée.

« Tu aimes ça ?

– Plus que je ne l'imaginais. Il est plus doux que ce que j'aime d'ordinaire mais il offre des possibilités que je n'avais pas reconnues. »


Le doigt fut retiré et Rustan gémit de perte, sa langue sortant dehors pour lécher ses lèvres dans l'espoir d'un dernier goût. Il entendit Tisane rire.

« Il aime ça ! Bon, tu peux me remercier de t'avoir trouvé un nouveau compagnon, Sinn, mais tu ne vas pas apprécier les plaisirs de la bouche du garçon ce soir. J'ai besoin de vos essences — vos DEUX essences et j'en veux chaque goutte. »

Rustan sentit qu'on tirait sur son pantalon, puis une bouffée d'air chaud sur sa peau nue. La voix de Sinn était amusée.

« Il ne porte pas de sous-vêtements. Comme c'est délicieux. »

En se concentrant, Rustan parvint à ouvrir les yeux. Son maître était penché sur lui.

« Monsieur, murmura-t-il, que... ?

– Chut, Rustan. Tu es en train de dormir. Tu es en train de rêver. Tu as déjà rêvé de moi avant, non ? »


Le garçon ne songea pas à démentir et il ne remarqua pas le regard satisfait de Sinn lorsqu'il acquiesça.

« Alors détends-toi. Un rêve ne peut pas te faire de mal. »

Rustan gémit alors qu'une main chaude et ferme se refermait sur son membre en pressant.

« Mais ça peut t'apporter du plaisir. »

Rustan ferma à nouveau les yeux, se sentant durcir alors que les doigts connaisseurs caressaient et pinçaient doucement. Quand ils se retirèrent, il gémit de perte en tendant les mains. Il y eut un rire et une voix de femme fit :

« Une catin avide. Je l'aime bien, Sinn. Il faudra que tu me l'amènes encore. »

Il y eut un bruit de vêtements.

« Ne fais pas trop de projets, Tisane. Je ne te promets rien tant que tu n'auras pas rempli ton contrat.

– Sinn, fit-elle d'une voix désapprobatrice, j'ai toujours été juste avec toi, non ?

– Aussi juste qu'un serpent.

– Insolent seigneur. »

Sa voix était soyeuse.

« Je pourrais te punir pour ça. Suppose que je te demande de trancher la gorge de ce bel enfant avec qui tu te fais plaisir ? »


Il y eut un silence, sauf un son de détresse qu'émit Rustan. Il n'était pas assez drogué pour ne pas comprendre la menace dans les mots de la femme. Rustan sentit la main de Sinn sur sa joue.

« Tais-toi, mon garçon. Elle plaisante. »

Sinn lança un regard dur à la vieille femme. Il savait qu'elle ne plaisantait pas, qu'elle était tout à fait capable d'exiger une chose aussi stupide. Il savait aussi qu'il serait capable de le faire s'il ne voyait pas d'autres moyens de conserver sa faveur mais il ne le voulait pas. Ce n'était pas trop pour des raisons morales — Sinn avait autant de morale qu'un chat errant parisien. Non, c'était pour des raisons pratiques. Le garçon était connu parmi les serviteurs du palais et on remarquerait son absence. Il laissa sa main bouger pour caresser la chair chaude et ferme qui remplissait sa main.

« Tu ne demanderas pas ça, Tisane — il est si jeune et si beau qu'on pourra à nouveau se servir de lui plus tard. »


Il avait ouvert son propre pantalon. Il en sortit son sexe dur et se caressa en même temps qu'il caressait Rustan.

« Dois-je continuer ainsi ? Je sais que je ne peux pas le prendre puisque tu as besoin de la semence, mais je peux tout aussi bien apprécier ça.

– Tant que la semence n'est pas gâchée, je m'en moque. »

Un rire sec.

« Amuse-toi bien, mon mignon. Tu t'amuses toujours.

– Tiens-toi prêt pour la prendre quand je te le dirai. »

Sinn se mit à genoux en écartant les jambes molles et il s'abaissa jusqu'au corps du garçon. Il soupira lorsque leurs deux sexes s'effleurèrent puis il commença à frotter contre Rustan. Le garçon avait un sexe de belle taille et Sinn fut tenté de se redresser et de s'empaler dessus, le chevauchant comme un étalon. Peut-être plus tard...


Rustan gémissait à présent. Il avait déjà eu ce genre de rêves avant mais jamais aussi vifs. Il n'avait jamais songé au-delà d'une étreinte ou peut-être d'un baiser. Il y avait eu plus dans ses rêves mais ils étaient confus — des images confuses et des sensations qui disparaissaient le matin venu. Il n'aurait jamais pu imaginer tant de plaisir mais il était autant effrayé qu'excité. Quelque part, au fond de son esprit, une petite voix murmurait qu'on ne lui avait pas laissé le choix.

Sinn se frotta contre le garçon qui bougeait faiblement. S'il ne pouvait pas avoir un amant fort et autoritaire, alors prendre son plaisir avec quelqu'un sans défense était aussi stimulant. Il saisit la taille du garçon en poussant fort contre lui, se délectant des tremblements du garçon sous lui. Sentant les hanches du garçon commencer à bouger de manière saccadée, il appela :

« Il va venir. Dépêche-toi si tu le veux, femme. »


Tisane s'empara vivement d'un petit bocal sur la table et se rua. Sinn se remit à genoux, pencha le sexe rigide du garçon jusqu'à ce que la tête pointe dans le récipient et le caressa rapidement et fermement. Rustan émit un cri étranglé en arquant son dos et le sperme chaud et blanc jaillit dans le bocal, éclaboussant avec la force du jet.

Quand il eut tiré les dernières gouttes, Sinn se rallongea sur lui et se frotta contre son corps de plus en plus vite et fort. Finalement, il s’agenouilla à nouveau. Tisane tint le bocal et récupéra son sperme alors qu'il jouissait, son beau visage tendu de concentration.


Quand il eut fini, elle mit un couvercle sur le récipient en jubilant tandis que Sinn se rhabillait, de même qu'il rhabillait Rustan. Le vicomte se servit encore du vin, le but puis fit ironiquement :

« Au moins, avec ta méthode, il n'y a pas besoin de se nettoyer. »

Il lança un regard au garçon qui était toujours immobile, sauf pour sa poitrine qui se soulevait et s'abaissait.

« Dans combien de temps pourra-t-il voyager ?

– Oh, pas longtemps, pas longtemps. Son effort aura brûlé la plus grande partie de drogue dans son sang. Je ferais attention quand vous partirez, cependant, pour être sûr qu'il ne tombe pas de cheval. Son équilibre sera un peu perturbé pendant une heure ou deux. »


Sinn acquiesça brièvement en reposant le verre puis lui lança un regard d'attente.

« Le livre ?

– Pour quelqu'un qui est aussi méticuleux pour parvenir à ses fins, je te trouve bien impatient. »

Elle tendit la main.

« Le reste du paiement ? »

Sinn prit un petit sac de sa veste et le lui tendit. Elle l'ouvrit et y jeta un coup d'œil. En voyant le reflet de l'or, elle le referma et le mit dans son corsage desséché.

« Tu ne vas pas compter ? demanda Sinn.

– Non, mon gars. Je sais que tu as assez de bon sens pour ne pas tenter de tricher avec la vieille Tisane.

– J'ai pu mal compter.

– Alors que tu es si prudent ? J'en doute. »


Elle se rendit à une armoire fermée avec un cadenas. Sortant une clef de sa poche, elle l'ouvrit et fouilla dedans. Elle en sortit un paquet enveloppé et le tendit à Sinn. Sinn caressa le linge puis le déballa soigneusement.

C'était un livre — un livre qui avait au moins deux cent ans. La reliure ne trahissait pas son âge. Non, le livre avait été soigneusement préservé durant les années. Des générations de propriétaires avait huilé le cuir pour en conserver la souplesse. Il ouvrit délicatement le livre mais il n'y eut aucun craquement. Les pages à l'intérieur étaient en parchemin jauni et l'encre était passée du noir au gris durant les années mais l'écriture était toujours claires.

« Fapturi nefiresti. terme latin pour les créatures surnaturelles (1) Aici sunt exista monstus. ici, il y a des monstres (2) »

Il se renfrogna.

« Des monstres ? Tu as dit que ça me parlerait des êtres immortels et que ça me donnerait peut-être mêmes des indices pour ma propre immortalité.

– Et c'est possible. L'immortalité peut être une chose monstrueuse, petit seigneur. »


Quand Sinn lui lança un regard incrédule, elle haussa les épaules.

« Tu es encore bien jeune et tu ne connais pas encore le monde aussi bien que tu le pense. Crois-moi, l'immortalité peut être un bienfait et une malédiction. Où est la joie de voir tout ce que tu connais et aimes se dessécher puis mourir ? Ah, excuse-moi ! »

Elle sourit cyniquement.

« Ce n'est pas un problème pour toi, pas vrai ? »

Sinn lui lança un regard vide. Il savait objectivement qu'il devrait se soucier des autres mais il ne l'avait jamais fait. Il était cependant talentueux et il avait appris à feindre les émotions que les autres attendaient. Il avait abandonné toute prétention avec Tisane depuis longtemps, cependant. Ils se reconnaissaient comme des opportunistes froids et il y avait une sorte de respect particulier entre eux.


Il y eut un léger bruit provenant du lit. Sinn ré-enveloppa le livre, s'approcha et secoua Rustan.

« Réveille-toi, mon garçon. Je t'ai permis de dormir mais faut-il que tu ronfles ? »

Le garçon s'assit d'un air assommé et Tisane lui offrit un linge humide. Il se ressuya le visage en secoua la tête pour la débarrasser de ses toiles d'araignées mentales.

« J'implore votre pardon, monsieur — ma dame. »

Il regarda autour de lui d'un air confus.

« Je ne comprends. J'ai déjà bu du vin, plus que ça, et ça ne m'a jamais fait cet effet. »

Tisane lui tapota la joue d'un air séducteur.

« Ah, mais c'était mon vin, mon mignon. Je te promets que tu n'as jamais bu une telle chose. »

Et je souhaite ne plus jamais en boire, songea Rustan d'un air perdu. Ma tête me fait mal et pourquoi je me sens irrité au sexe ? Quelle étrange réaction à une boisson. Il fut content que Sinn soit prêt à partir. Bien qu'il ne puisse pas vraiment dire pourquoi, cet endroit le mettait mal à l'aise ainsi que sa maîtresse. Il décida que si Sinn lui demandait à nouveau de venir, il trouverait une excuse pour refuser, même si cela voulait dire qu'il serait puni.


Le fait de marcher jusqu'à leurs chevaux aida Rustan à redevenir alerte. Lorsqu'ils atteignirent la fin du sentier, il n'y avait plus de risque qu'il tombe de cheval.

Quand ils atteignirent le palais, ils descendirent de cheval hors des écuries. Rustan prit les deux jeux de rênes en se préparant à conduire les montures à l'intérieur et à les installer pour la nuit, mais Sinn l'arrêta d'une main sur l'épaule.

« Rustan, tu ne dois parler à personne de ceci. Mes affaires avec Tisane ne sont que mes affaires. Si tu répands des rumeurs chez les serviteurs, j'en entendrai parler. »

Sa main se resserra en signe d'avertissement.

« Je ne serai pas content. »

Rustan acquiesça. Bien sûr qu'il garderait le silence. Les serviteurs qui lâchaient des informations sur leurs maîtres perdaient leurs positions et parfois leurs têtes.


Sinn regarda à peine le valet qui lui ouvrit la porte en baillant. Le valet ne fit que s'incliner devant lui et lui demander s'il avait besoin d'une escorte. Il était assez intelligent pour ne pas questionner les errances nocturnes des nobles. Sinn refusa l'offre et se rua jusqu'à sa chambre.

Il alluma quelques bougies, se déshabillant en ne gardant que ses sous-vêtements et s'assit confortablement sur le lit avec le livre. Il fit courir ses mains sur la couverture en appréciant le contact doux du cuir, puis il l'ouvrit et commença à lire en traduisant le valaque sans peine. 'Ici l'érudit trouvera toutes les connaissances de l'homme sur les bêtes et les créatures qui ne se plient pas à la loi de Dieu ou de la Nature. Quelques-unes sont inoffensives alors que d'autres sont clairement des suppôts du Malin et devraient être tuées ou bien évitées si on ne peut les tuer.' Oui, oui. Mais est-ce qu'il y en a qui sont immortelles et peut-on voler leur secret ?


Il passa quelques pages en les dévorant. Banshees, petit peuple, sirènes, goules, succubes et incubes... Il sourit devant eux en se léchant les lèvres. L'illustration était plutôt intéressante. Licornes. N'ai-je as lu quelque part que boire ou se baigner dans le sang d'une licorne vous rend la jeunesse ou bien arrête la vieillesse ? Il faudra que j'étudie ça de plus près. Voyons voir... Métamorphes, Nosferatu...

Il s'arrêta en cillant, son regard devenant vague un moment. Sa main se leva pour toucher l'endroit meurtri et à vif de sa gorge. Cela faisait plus d'une semaine et ce n'était toujours pas guéri. Cela semblait important. Il avait la sensation insistante qu'il y avait quelque chose dont il pouvait se souvenir, quelque chose qu'il pouvait comprendre, si seulement il se concentrait. Ses yeux retournèrent sur le livre et il fronça les sourcils. L'illustration montrait une créature cadavéreuse avec de longues canines qui se penchait sur la gorge nue d'une jeune fille en pâmoison. C'est important. Cela veut dire quelque chose.

Sinn se réinstalla contre les oreillers et commença à lire.


Notes du chapitre :
(1) terme latin pour les créatures surnaturelles
(2) ici, il y a des monstres






Commentaires :


:

:

Pour insérer des émojis dans le message, appuyez sur la touche Windows et ; de votre clavier (pour Windows 10).

Derniers chapitres parus :
Le Prince Solitaire 7 02
La Renaissance du Suprême Immortel 353 et 354
Lanterne 1
Comment élever un sacrifice 6.04 et 6.05
Cent façons de tuer un prince charmant 324

Planning des mises à jour :
Samedi : Lanterne : le reflet d’une fleur de pêcher
Comment élever un sacrifice
Dimanche : La Renaissance du Suprême Immortel
Le Prince Solitaire