Le Prince Solitaire 5 21

Chapitre Vingt et Un : Renoncer


À la grande surprise de Haruni, Seiryū ne protesta pas lorsqu'il fut informé que leur séjour allait se prolonger. Il refusa même l'offre de Mitsuhide de se faire escorter pour rentrer seul à Kurojū.

« J'ai donné ma parole à l'Empereur et à l'Impératrice de rester avec le Second Prince, déclara-t'il. Je ne peux pas accepter. »

Il demanda juste à envoyer deux messages : l'un à son père et l'autre à Kenshirō. Suspicieux, Haruni suggéra à Mitsuhide de lire les lettres afin de s'assurer qu'elles ne contenaient aucune information sensible — en dépit de la promesse que Seiryū avait faite à Kaname — mais le seigneur s'en indigna.

« Seiryū est un brave garçon et surtout, il n'est pas bête !

Il m'espionne pour le compte de son père depuis des années, contra Haruni. De toute manière, il doit se douter que son courrier sera lu !

Ce n'est pas parce que c'est une pratique courante à Kurojū que je dois accepter ça chez moi ! »


Finalement, le Firal déposa ses lettres non cachetées, comme pour les inviter à les lire. Les lèvres pincées, Mitsuhide parcourut les messages et secoua la tête.

« Je te l'avais dit, rétorqua-t'il à Haruni. Il s'excuse juste auprès de son père de devoir rester plus longtemps.

Et l'autre message ? »

Le visage de Mitsuhide s'éclaircit d'un sourire.

« C'est pour son amoureux. Ah, les jeunes sont vraiment passionnés de nos jours ! »

Haruni ne voulut pas en savoir plus.


~*~


Quatre jours après sa guérison miraculeuse, Yatsu fut assez fort pour quitter ses appartements, bien que soutenu par un servant, afin de prendre un peu l'air. Tetsuō prenait tous ses repas avec Haruni et lui, comme pour se faire pardonner de l'avoir laissé. Du coup, Seiryū les accompagnait. Mitsuhide les rejoignait uniquement pour les repas du soir. Par contre, Teshime et Jika ne furent pas des leurs car la dame n'était pas encore convaincue de la totale rémission de Yatsu. Elle avait eu tellement peur de perdre sa fille qu'elle ne voulait pas l'exposer inutilement, malgré les assurances de son époux. Tout le monde se montra compréhensif.


Malgré leur absence, les repas étaient joyeux et tous se réjouissaient de voir Yatsu manger avec un appétit grandissant. Tous sauf Haruni… Il tenait à respecter la promesse qu'il avait faite à son fils de manger comme lui et cela avait été facile les premiers jours, quand les repas étaient encore légers. Mais Yatsu avait repris des forces depuis et mangeait de la nourriture solide. Il n'hésitait pas à se resservir. À chaque fois que le garçon reprenait un bol de riz, ses yeux violets se tournaient immanquablement vers Haruni qui, bien qu'il n'avait encore pas fini sa part, redemandait la même chose. Souvent, les autres en étaient au dessert qu'il terminait encore ses plats.

« Haruni, le taquina Mitsuhide, je suis content de te voir manger, mais n'en fais pas trop !

Ça ira, » affirma le garçon en saisissant du riz avec ses baguettes.


S'il se forçait à manger plus que d'habitude, ce n'était pas seulement à cause de la promesse faite à Yatsu, mais aussi à cause d'une des conditions des Dieux.

« Tu dois te regarder dans le miroir une fois par jour, et vraiment te regarder.

À quoi rime cette condition ? avait-il protesté.

Nous te connaissons, fils, et Nous savons pourquoi tu évites ton reflet. Affronte-le et apprends à t'accepter. »

Effectivement, les Dieux connaissaient ses moindres pensées. Il s'était exécuté — ce n'était pas non plus l'impossible qu'Ils lui demandaient — et avait surtout constaté qu'il avait presque aussi mauvaise mine que Yatsu : le visage émacié, des cernes sous les yeux, le teint bien trop pâle… Pas étonnant que Seiryū ne s'était pas opposé à ce qu'ils restent un peu plus longtemps. Haruni n'aurait vraiment pas été en état de reprendre la route, même à un rythme lent.

Œuvre originale écrite par Karura Oh. Lisez sur mon site http://karuraoh.free.fr. Si vous la voyez sur un autre site, c'est qu'ils ont volé mon histoire !

Du coup, Haruni mangeait également pour reprendre des forces et ne plus présenter ce visage maladif aux autres qui ne pouvaient que s'inquiéter pour lui en le voyant. Toutefois, lorsque Yatsu passa à trois bols de riz par repas, Haruni eut bien du mal. Vers la fin du dernier bol, il pouvait sentir le riz lui remonter jusque dans la gorge et pourtant, il en avalait encore. Même Yatsu finit par remarquer son inconfort.

« Ça va ? s'enquit-il.

Oui, ça ira, » affirma le garçon d'un ton qui se voulait assuré.

Mais ça ne passa pas et il se retrouva à vomir dans la bassine qui, chose ironique, était initialement prévue pour Yatsu.

« Haruni ! s'écria Tetsuō avec affolement. Je vais aller chercher le médecin !

Ça va, ça va, assura le garçon avec une main sur la bouche. Je dois encore finir mon… »

Il eut à peine posé le regard sur son bol qu'il vomit de nouveau.


Heureusement, ils déjeunaient dans leurs quartiers. Yatsu le conduisit au lit qui se trouvait non loin de la table de repas où Tetsuō et Seiryū échangeaient des regards inquiets. Haruni s'allongea sur le côté, les mains autour de son ventre, tandis que Yatsu lui caressait le dos — un geste que Yama avait souvent fait quand le garçon ne se sentait pas bien.

« Je suis désolé, fit-il d'un ton contrit. Je mange de trop. Alors à partir d'aujourd'hui, je vais réduire…

Non ! Surtout pas ! s'écria Haruni en lui saisissant le poignet. Mange comme tu en as envie, je te suivrai.

Si c'est pour que tu t'en rendes malade…

Je t'ai fait une promesse, Yatsu, et je la tiendrai ! »

L'obstination du Second Prince n'était plus un secret pour personne et elle semblait s'appliquer dans tous les domaines.


Perdu, Yatsu chercha de l'aide auprès de Tetsuō, mais ce dernier semblait n'avoir pas plus d'idée que lui.

« Peut-être, fit soudain Seiryū, que son Altesse pourrait tenir sa promesse pour un seul repas par jour ?

C'est une excellente idée, Seiryū ! » fit Tetsuō avec soulagement.

Yatsu n'appréciait guère l'autre Firal, mais ce qu'il proposait était acceptable.

« Moi, ça me va ! » fit-il à l'intention de son père.

L'estomac encore douloureux, Haruni acquiesça vivement, bien content de ce compromis. Les repas suivants se passèrent donc beaucoup mieux et les deux garçons eurent peu à peu meilleure mine, chacun à son rythme.


~*~


La cérémonie de reconnaissance eut lieu cinq jour après. Fūdo, le prêtre supérieur du temple de Tomaru, vint en personne diriger la cérémonie dans la grande cour du palais. Des cérémonies similaires avaient lieu en même temps dans toute la province afin que tous les habitants soient réunis et prient les Dieux ensemble. À Hanajū, les gens étaient venus en grand nombre et ils se pressaient à l'intérieur et devant l'enceinte du palais.

« En ce vingtième jour du troisième mois de l'an 2450, déclara le prêtre d'une voix forte, nous sommes tous réunis ici pour remercier les Dieux d'avoir protégé notre province de Madare de l'épidémie. Nous Leur sacrifions ce magnifique taureau en signe de gratitude. »

Les gens se recueillirent tandis que la bête, retenue par plusieurs prêtres, était égorgée prestement. Haruni put sentir l'approbation des Dieux autour de lui, mais il ne comprenait pas très bien ce que cela Leur apportait. Cependant, quand son regard tomba sur Yatsu qui était bien vivant, il se dit qu'il s'en moquait totalement.

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« Autrefois, se dit-il, je craignais que les Diables ne me volent mon âme. Au final, je la leur ai quand même vendue.

Tu ne dois pas penser ainsi, fils ! » vint sans attendre la réprimande.

Il baissa la tête d'un air contrit. L'une des plus importantes conditions des Dieux était qu'il renonce définitivement à la religion des Vites et ses anciennes habitudes.

« Je ne la pratique plus depuis longtemps ! avait-il protesté.

Ah, vraiment ? Alors qui as-tu prié pour Yatsu avant de faire appel à Nous ? »

Haruni n'avait plus rien dit, reconnaissant les faits.

« Et de manière générale, tu te considères toujours comme un Vite. Ce n'est pas comme ça que tu trouveras la paix et le bonheur ! »

Ce ne serait cependant pas facile pour lui de changer sa façon de penser.


Les conditions imposées par les Dieux pouvaient sembler injustes et brutales mais honnêtement, Haruni se serait attendu à pire. Si les Dieux avaient exigé qu'il couche avec un autre homme une fois majeur, il aurait tout de même accepté — bien que cela aurait été très difficile. Du coup, il estimait que les Dieux S'étaient vraiment montrés raisonnables. En plus, quand on analysait attentivement les diverses conditions, une bonne partie était dans l'intérêt de Haruni, afin qu'il se sente mieux dans sa nouvelle existence. Les Dieux Se souciaient véritablement de son bien-être, ce qui prouvait que les liens du sang n'étaient pas à négliger.


~*~


Vers le milieu du quatrième mois, Yatsu était complètement rétabli. Cela fit énormément plaisir à Haruni mais en même temps, cela voulait dire qu'il n'avait plus aucune raison valable de rester à Madare. D'ailleurs, l'Empereur envoyait régulièrement des messages pour demander des nouvelles et Haruni tâchait de se dire que c'était par réelle inquiétude, et non pas pour le presser de rentrer. Il finit par se confier à Mitsuhide tandis qu'ils prenaient le thé seuls. Les garçons étaient à leurs leçons et Seiryū s'entraînait au sabre avec le général Shimada.

« C'est à toi de décider, fit le seigneur de Madare. Si tu veux rester ici plus longtemps…

Il me semble que nous avons déjà eu cette conversation il y a plusieurs années, nota le garçon avec un sourire. À l'époque, tu m'avais vivement recommandé de retourner à Kurojū.

Disons que là, je te fais entièrement confiance pour prendre la bonne décision. »


Haruni soupira. Qui avait dit que la vie était facile ?

« Je vais repartir dans deux jours, annonça-t'il. Je ne veux pas manquer l'anniversaire de Chiharu. »

Sa réponse amena un sourire soulagé sur les lèvres de son ami, quoiqu'un peu teinté de tristesse.

« N'oublie pas que j'attends toujours tes exploits avec impatience, le taquina-t'il.

Attends encore, » soupira le garçon.

Quand Seiryū apprit la nouvelle de leur prochain départ, il en fut ravi car il commençait un peu à se dire que le Second Prince ne voudrait plus jamais s'en aller ! Yatsu, lui, en fut peiné mais il se montra compréhensif. Ils avaient déjà vécu la même situation, de toute façon.

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« Je comprends que tu veuilles être avec ta famille, commença le garçon tandis qu'ils se faisaient leurs adieux en privé.

Tu es aussi ma famille, Yatsu, le corrigea-t'il aussitôt. Même les Dieux ont fini par reconnaître qu'il existait un lien fort entre nous.

C'est vrai ? » s'écria Yatsu avec un sourire ravi.

Haruni acquiesça et son fils se jeta dans ses bras.

« Alors même si nous sommes séparés un moment, nous finirons toujours par nous retrouver.

Mmm. Je t'aime, Papa.

Moi aussi, mon fils, » répondit-il en le serrant fort contre lui.

Les adieux restaient tout de même douloureux. Quand allaient-ils se revoir ? Bien entendu, il était toujours prévu que Yatsu et Tetsuō aillent étudier à la capitale, mais ce ne serait pas avant sept longues années ! Cependant, Haruni était prêt à endurer cette attente plutôt que de voir un autre drame les réunir de force comme cette fois !


~*~


Ce fut ainsi que deux jours après, accompagnés d'une escorte légère sur l'insistance de Mitsuhide, les deux jeunes gens repartirent pour Kurojū. Cette fois, le rythme de voyage fut nettement plus détendu, même s'ils ne traînèrent pas pour autant. L'escorte les laissa à la frontière de Kami dix jours après. Il ne leur restait plus que trois jours et demi de voyage.

« Nous arriverons juste à temps pour l'anniversaire de Chiharu, commenta Seiryū.

C'est le but, » répondit brièvement Haruni.

Durant le voyage de retour, ils ne s'étaient pas plus parlé que ça. Heureusement qu'il y avait eu l'escorte pour mettre un peu d'animation. Ce n'était pas que Haruni ressentait de l'animosité envers le Firal, c'était juste qu'il n'avait rien à lui dire. Comme il l'avait déclaré à Kaname lors de leur départ de Kurojū, ils ne s'entendaient pas, c'était tout. Mais au moins, ils pouvaient se supporter quelques temps si les circonstances l'exigeaient.


« Votre Altesse, n'oubliez pas que nous devons récupérer nos montures à la caserne où nous les avons laissées ! lui rappela le Firal.

Je sais, » fit Haruni.

Il tenait autant à récupérer Yaji que Seiryū voulait retrouver sa jument Senkō. D'ailleurs, la caserne n'était pas très loin, alors ils s'y rendirent directement. Bien entendu, l'Empereur avait envoyé des gardes impériaux les attendre là. Ils eurent donc une nouvelle escorte de dix hommes pour Kurojū. Haruni retint son agacement et endura ça de bonne grâce. Il ne doutait pas que son père lui avait réservé une sévère punition à son arrivée.


Lors du trajet, il ne put s'empêcher de repenser à tout ce que les Dieux lui avaient appris sur l'énergie des âmes et la nature.

« C'est donc le Creuset qui fournit l'énergie pour que le monde fonctionne ? songea-t'il à l'intention des Dieux.

Oui, d'où son importance.

– Vous dites que les âmes des Vites n'ont pas besoin de creuset, mais je me demande si le fait de mettre les défunts dans des tombes n'est pas une sorte de mini-creuset en soi. »

Les Dieux s'offusquèrent de ces pratiques.

« Il faut brûler les corps afin de rompre le lien avec l'âme !

– Je croyais que c'était pour éviter qu'ils ne soient possédés par des vampires. »

L'allusion aux Abominations Leur plut encore moins.

« C'est une des raisons aussi, admirent-Ils malgré ça.

– Le lien entre le corps et l'âme ne semble pas poser de problème pour les Vites, nota Haruni en songeant aux différences des rites mortuaires.

C'est parce que pour eux, le lien est fragile. Alors à leur mort, l'âme s'échappe aisément du corps. Toi, tu as pu constater que le lien avec ton corps était très puissant, en dépit du temps et de la distance. »

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Haruni fronça les sourcils, ne pouvant pas nier ce fait. Maintenant qu'il occupait ce corps — son corps — il se sentait plus stable et ancré. Le monde autour lui apparaissait également comme plus réel, que ce soient les odeurs, les goûts, les sons ou le toucher.

« Exactement, fils, approuvèrent les Dieux.

– Mmm… et pour le lien entre nous, alors ? Vous deviez travailler à le rompre, me semble-t'il. »

Les ombres marquèrent une hésitation, bien ennuyées.

« Nous avons été en contact trop longtemps, reconnurent-Ils. Il nous est impossible de Nous détacher de toi, sauf en te reniant — ce qui est hors de question !

– Tant pis, » songea-t'il en haussant les épaules.

Il s'en doutait depuis un moment déjà. De toute manière, il avait senti la présence de Dieux toute sa vie, il avait donc l'habitude !

« Évitez simplement d'intervenir à tout bout de champ, » leur demanda-t'il.

Les Dieux acquiescèrent.

« Seulement pour les choses importantes, fils. »


~*~


La ville de Kurojū leur tendit les bras, les toits sombres du palais se dessinant au loin. Les voyageurs avaient dû se hâter sur la fin, mais ils étaient parvenus à destination la veille de l'anniversaire du Premier Prince. Haruni y tenait beaucoup, déjà parce qu'il avait promis de ne jamais rater un événement important, mais aussi pour ne pas décevoir son frère. Il lui avait même acheté un cadeau à Madare — une broche en or comme Chiharu les affectionnait — et il avait également pensé à lui ramener des brioches au lotus pour qu'il y goûte.

« Cela fait plaisir de rentrer chez soi, » commenta soudain Seiryū avec un sourire.

Cela fit réfléchir le garçon : Kurojū était sa demeure désormais, pour le meilleur comme pour le pire. Alors était-il heureux de rentrer ? Il fixa les murs du palais à distance et chercha la moindre émotion dans son cœur. Il n'avait eu que peu d'endroits qu'il avait pu considérer comme son foyer. Mais étaient-ce les lieux qui lui procuraient ce sentiment ou plutôt les gens qu'il pouvait y retrouver ? Il avait toujours été plus attaché aux personnes qu'aux endroits. Et là, il devait reconnaître qu'il n'était pas mécontent de revoir sa famille.


« Nous sommes partis depuis plus de deux mois, répondit-il au Firal.

Ça va en faire, des leçons à rattraper ! » fit ce dernier avec un léger rire.

Ce n'était pas vraiment un problème : Seiryū arrivait à la fin de ses études et Haruni avait une excellente mémoire, ainsi qu'un esprit vif. Le retard serait vite comblé. Haruni soupira. Il y avait un point crucial à régler et il avait attendu le dernier moment pour cela. Il fit signe au Firal de se mettre un peu à part des soldats de leur escorte. Intrigué, Seiryū le suivit.

« Firal Seiryū, concernant tout ce qui s'est passé à Hanajū, puis-je compter sur votre discrétion ? »

Il s'agissait surtout de ne rien dire au général Kenryū mais ça, il n'avait pas besoin de le préciser.

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Toute trace d'amusement disparut du visage de Seiryū qui prit même un air vaguement offensé.

« J'ai déjà donné ma parole à l'Impératrice ! J'espère sincèrement qu'elle a su convaincre mon père de ne rien me demander. Mais même dans le cas contraire, je ne dirai rien. Je dois bien ça à sa Majesté. »

Se souvenant de la complicité entre Kaname et Kikuchi à l'époque, Haruni fut convaincu de la sincérité du jeune homme et il hocha la tête.

« Si je puis me permettre, ajouta Seiryū d'un ton songeur, je dois dire que je ne vous aurais jamais cru aussi proche du Firal Yatsu. C'est pourtant le fils du général-héros Yama.

Et alors ? répliqua Haruni.

Hé bien… Yama a tué une bonne partie des Hikari, » poursuivit le jeune homme un peu maladroitement.

Haruni haussa un sourcil et pencha la tête sur le côté.

« Et alors ? répéta-t'il.

Hum… non, rien, » balbutia Seiryū, confus.

Ce n'était pas aujourd'hui qu'il aurait l'explication de ce mystère !


~*~


Un des gardes avait pris les devants pour annoncer leur retour au palais. Ils n'eurent cependant droit à aucun comité d'accueil, non pas qu'ils en espéraient un. Un servant les informa juste qu'ils devaient se présenter dès que possible devant l'Empereur — ce qui voulait dire tout de suite. Haruni confia donc les rênes de Yaji à un garçon d'écuries, tandis que Seiryū en faisant de même avec Senkō. Avec un soupir, le Second Prince suivit le servant jusqu'à l'étude de l'Empereur, Seiryū sur ses pas. En voyant les deux jeunes gens, Tegami fronça les sourcils. Il examina son cadet sans un mot tandis que ce dernier le saluait convenablement, imité par le Firal. Kaname entra à son tour, le visage nettement plus amical, et les deux jeunes gens la saluèrent aussi. L'Empereur termina de signer un document et appliqua un poids dessus pour que l'encre sèche. Il le tendit ensuite à un officiel, puis daigna enfin adresser la parole à son fils.


« Le voyage de retour s'est-il bien passé, Haruni ?

Oui, Père, nous n'avons pas connu de difficultés. Merci de vous en soucier. »

La réponse courtoise — si peu caractéristique de Haruni — fit hausser les sourcils à l'Empereur.

« Tant mieux. J'ai été soulagé d'apprendre que le Firal Yatsu est complètement rétabli.

Merci, Père. »

Même Kaname commença à le trouver étrange et elle se mit à l'examiner plus attentivement dans le but de déceler la cause du changement.

« Firal Seiryū, fit ensuite Tegami en se tournant vers le jeune homme, vous avez toute ma reconnaissance pour avoir escorté mon fils cadet.

Votre Majesté, c'est mon devoir et aussi un honneur de vous servir, » répondit Seiryū en s'inclinant.

Kaname lui adressa un sourire bienveillant.

« Seiryū, sache que j'ai parlé à ton père et tout est arrangé. Tu peux aller le retrouver.

Ah, merci, votre Majesté ! » s'écria-t'il avec joie.

L'Empereur lui donna congé à son tour et le jeune homme partit d'un pas léger.


« Quel brave garçon, commenta Kaname en dissimulant son sourire derrière sa manche. Haruni, j'espère que ce voyage vous a rapprochés.

Mère, j'ai eu d'autres choses en tête que de faire ami ami avec le Firal Seiryū. »

Cette réponse ressemblait plus au Second Prince et quelque part, cela rassura ses parents.

« Quoi qu'il en soit, tu as très bonne mine. Est-ce l'air de Madare qui t'a fait autant de bien ?

L'air de Kurojū est bien meilleur ! » répliqua Tegami, tout à coup mécontent.

Il se reprit et toussota.

« En tout cas, je suis ravi que tu aies eu la considération de revenir à temps pour l'anniversaire de ton frère. Il aurait été très déçu que tu ne sois pas présent.

Je sais, j'y ai pensé.

Concernant le Firal Yatsu… quelle est donc cette histoire étrange que j'ai entendue ? Tu prétends que les Dieux l'auraient sauvé ? »

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Haruni retint un soupir et se prépara pour une discussion houleuse.

« Je ne prétends rien : c'est bien ce qui s'est passé.

C'est ridicule ! Les Dieux sont les protecteurs de la famille impériale, Ils n'interviendraient pas pour n'importe qui !

Pas n'importe qui, rectifia Haruni en se contraignant au calme. Il s'agissait de Yatsu, mon fils.

Vous n'êtes pas liés par le sang ! »

Le garçon soupira.

« J'ai déjà eu cette conversation avec les Dieux, remarqua-t'il, et Ils ont dû se résoudre à admettre l'existence d'un lien entre nous deux, même si ce n'est pas le sang.

Certes, mais de là à ce qu'Ils agissent…

C'était Leur décision. Vous pouvez en discuter avec Eux, si vous voulez. »

Tegami se crispa. Pendant des décennies, il avait négligé son devoir envers ses Ancêtres. Désormais, il veillait à pratiquer le Rituel d'Évocation une fois par an, mais cela n'avait rien d'agréable car les Dieux ne mâchaient pas Leurs mots avec lui.


« En tout cas, on ne peut pas laisser cette histoire se répandre dans tout l'Empire ! déclara-t'il fermement.

Pourquoi ? » demanda Haruni, sincèrement étonné.

Lui-même ne tenait pas non plus spécialement à cette célébrité, pourtant les Dieux avaient voulu que Leurs agissements soient connus de tous. Haruni aurait cru que Tegami partagerait Leur avis. Son père lui adressa un regard d'évidence :

« Si le peuple venait à apprendre que les Dieux peuvent sauver n'importe qui, ils viendraient en masse ici avec leurs malades et blessés !

Pas n'importe qui, rectifia de nouveau le garçon. De toute façon, il est trop tard pour taire cette histoire : on ne pouvait pas dissimuler la guérison de Yatsu. »

L'expression de l'Empereur indiqua qu'il aurait préféré le contraire.

« Ensuite, les gens ont bien trop de respect envers les Dieux et la famille impériale pour venir nous importuner à Kurojū. Ils vont plutôt se tourner vers les prêtres et se rendre aux temples. »

C'était certainement l'intention des Dieux d'avoir plus d'offrandes et de prières aux temples.


Tegami fronça les sourcils, toujours peu convaincu.

« Et qu'en est-il de cette cérémonie de reconnaissance à Hanajū ? tu dis que les Dieux auraient combattu l'épidémie ? Mais ce n'est pas Leur rôle ! »

Le Second Prince cligna des yeux.

« Vous… ne savez pas ce qu'Ils font, n'est-ce pas ?

Il n'en sait rien, répondirent les Dieux, pas plus que tous ceux qui l'ont précédé. Nous te l'avons dit : d'ordinaire, les empereurs apprennent la vérité une fois qu'ils Nous ont rejoint.

– Pourquoi m'en avoir parlé alors ? songea Haruni avec perplexité.

Tu es plus proche du monde des esprits, un peu comme Jūten autrefois. De plus, la vérité ne t'a jamais effrayé et tu avais besoin de comprendre pour accepter. »

Ce rapide échange était passé inaperçu ou du moins, Kaname trouva une excuse pour la distraction momentanée de Haruni.

« Tegami, je pense que notre fils a besoin de se remettre du voyage, fit-elle en posant une main sur le bras de son époux. Vous pourrez reprendre cette conversation plus tard. »

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L'Empereur acquiesça, mais il avait encore une dernière chose à dire avant de libérer son fils.

« Haruni, même si les circonstances étaient exceptionnelles, il n'en reste pas moins que tu as transgressé notre accord en retournant à Madare. Tu te doutes que je suis obligé de te punir. »

Haruni prit un air résigné et inclina la tête.

« Faites ce que vous estimez être juste, Père. »

Tegami s'était attendu à de vives protestations, aussi l'attitude docile de son fils le coupa dans son élan. Après quelques réflexions, il décida d'alléger la punition initialement prévue :

« Dorénavant, tu n'as plus le droit de partir pour tes sorties. C'est terminé. De toute façon, ce n'était pas acceptable pour un enfant, et encore moins pour un prince de l'Empire ! »


Haruni pâlit et serra les poings. Durant toutes ces années, ces sorties lui avaient permis de supporter l'atmosphère étouffante et hostile du palais. Il n'en avait pas abusé, mais il en avait besoin. Malgré ça, il comprenait que son père devait punir sa transgression et le principe d'une punition était de faire mal, physiquement ou moralement. Yatsu était vivant, ceci était un faible prix à payer.

« Soit, Père, je me soumets à votre volonté. »

Cette attitude respectueuse et soumise ravit Tegami qui ne regretta pas de s'être montré magnanime. Au départ, il avait carrément prévu d'annuler le séjour de Tetsuō et de Yatsu dans quelques années. Cette décision avait été prise sous le coup de la colère suite au départ de Haruni, alors qu'il le lui avait formellement interdit. Bon, la punition allégée suffisait amplement car le garçon semblait s'être rendu compte tout seul qu'il avait dépassé les limites. Dans ce cas, il ne serait pas convenable se se montrer trop vindicatif.


~*~


Haruni fut enfin congédié et put regagner ses appartements, la mine sombre. Une autre des demandes des Dieux était qu'il montre davantage de respect envers son père et qu'il cesse de se disputer avec lui au moindre mot de travers. Cela exigeait de Haruni qu'il prenne sur lui — beaucoup sur lui — cependant il espérait que ce serait plus facile avec le temps.

« Haruni ! » fit une voix derrière lui.

Il se retourna vers son frère qui le prit dans ses bras, toujours aussi démonstratif.

« Je suis si content que tu sois rentré ! J'ai appris que Yatsu était guéri, tu dois être soulagé !

Oui, en effet. Ah, Yatsu était très heureux de ta lettre. Il va te répondre.

Bah oui, c'est un garçon adorable. Je m'inquiétais pour lui, moi aussi. Heureusement qu'il s'en est sorti. »


Chiharu observa son frère et eut un grand sourire.

« Je trouve que toi aussi, tu as meilleure mine.

Merci, Chiharu. Au fait, je t'ai ramené des brioches au lotus de Madare. Si tu veux, nous prendrons le thé ensemble cet après-midi.

Les célèbres brioches de Madare ! s'écria le jeune homme en riant. J'ai hâte d'y goûter ! Bon, je dois aller à mon prochain cours. On se voit cet après-midi ! »

Plein d'entrain, le Premier Prince remonta le couloir, suivi comme toujours de son servant. Haruni secoua la tête avec un léger sourire : Chiharu avait décidément le même tempérament aimable que Yatsu. Comme il était facile de s'entendre avec eux deux !


Le temps était excellent quand la famille impériale se réunit au pavillon de jasmin pour le thé. Haruni en profita pour offrir les autres cadeaux qu'il avait prévus : du thé pour Kaname et de la liqueur pour Tegami.

« Merci, Haruni, fit l'Impératrice en souriant. C'est bien la première fois que tu nous rapporte quelque chose d'un de tes voyages.

Mes autres voyages se sont limités à la province de Kami, et pas dans des zones peuplées, » se justifia le garçon.

Ils se partagèrent aussi les brioches au lotus qui furent très appréciées. Même Haruni, qui n'était pas trop sucré, se força à en manger une en pensant que Yatsu était sûrement en train de prendre le thé à Hanajū à cette heure-ci et qu'il devait dévorer l'assiette de douceurs. Il n'était plus vraiment tenu de manger exactement la même chose que son fils étant donné l'éloignement, mais il avait promis à Yatsu de continuer à se nourrir correctement et il comptait bien tenir parole.







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