Ils disent tous que j'ai vu un fantôme 42


Apparemment, mes élèves avaient leur propre réseau d’informations. Ils savaient déjà que j’avais appris la vérité sur eux. Pour ce cours, ils étaient tous vêtus de manière extravagante, les cheveux en bataille, les visages crasseux, dégoulinant de sang, rien à voir avec leur ancienne apparence mignonne.

La lumière était bien brillante dans la salle n°4 de la troisième année, et le fait de voir vingt fantômes féroces faisait son effet. Quand j’entrai dans la salle, je reculai et vérifiai le numéro de la salle, persuadé de m’être trompé. Pendant un moment, j’avais cru que j’avais atterri sur un plateau de tournage par mégarde.

Mu Huaitong et Duan Youlian avaient déjà eu leur diplôme. La rangée de devant était donc vide. À ma gauche, il y avait un élève dont il manquait la moitié de la tête et qui tenait ses yeux arrachés dans ses mains. C’était sans doute comme ça qu’il pouvait me voir.


« Ahem. »

J’étais un peu nerveux. Je m’éclaircis la gorge puis fis d’une voix douce :

« Bonsoir, mes élèves. Je dois reconnaître avec honte que, même si nous nous connaissons depuis un moment, j’ai seulement découvert récemment votre véritable identité. En tant que professeur, j’ai clairement failli dans mes devoirs. Alors nous allons recommencer à zéro. Je m’appelle Shen Jianguo, professeur débutant, et ceci est mon premier travail. Cela me rend un peu nerveux de faire cours pour la première fois. Peu importe votre identité, pour moi, vous êtes mes tous premiers élèves et je ne vous oublierai jamais. Je vais faire à présent l’appel. »

Après avoir nommé les vingt élèves, j’écrivis les mots « comment établir une bonne vision du monde » sur le tableau noir.

« La principale Zhang vous a certainement dit que ce serait notre dernier cours. Le but est que vous ayez tous votre diplôme… Mais j’estime que, humain ou fantôme, vous devez aller au bout des choses, alors je terminerai la leçon sur la vision du monde.


« Le point essentiel est de parvenir à distinguer le bien du mal. »

Ce n’était pas vraiment un sujet facile. Au cours de l’Histoire, nombre de philosophes avaient consacré leur vie entière à discuter du bien et du mal sans parvenir à trouver une réponse satisfaisante pour tout le monde. Naturellement, je ne pouvais guère apporter quelque chose de concret.

Tout ce que je pus leur dire, c’était qu’il fallait conserver un cœur intègre en permanence et ne jamais en avoir honte.

Après avoir parlé pendant plus d’une heure, je fis aux élèves :

« Vous devez vous dire que maintenant que je sais que vous êtes des fantômes, pourquoi je vous embête encore avec la vision du monde ? N’est-ce pas stupide de parler de vision du monde à des fantômes ? Mais après mes récentes expériences, je suis intimement convaincu que la frontière entre les humains et les fantômes n’est pas celle entre la vie et la mort. Il existe des vivants qui sont pires que des esprits maléfiques et qui font du mal aux gens et à leurs biens. À l’inverse, même si certaines personnes sont mortes, leur esprit restera toujours vivant dans le cœur des gens.


« Le professeur Liu et Ning Tianshi m'ont expliqué que lorsque vous prenez le bus de Frère Qi et que vous traversez le point de Naihe, vous oubliez tout de votre vie passée. Alors vous risquez de ne pas vous rappeler ce dont je vous parle actuellement. Mais je crois que même si le souvenir disparaît, il restera néanmoins des choses gravées dans l'âme qui ne s'oublieront jamais. »

Une fois fini, je pris un questionnaire sur les intentions d'orientation et le distribuai aux élèves.

« Ce formulaire vous propose un certain nombre de choix : transcender, continuer à venir en cours ou bien devenir fonctionnaire à Difu. Les élèves qui choisissent la transcendance, veuillez prendre le sutra de réincarnation sur votre table. Vous le réciterez sous la tutelle de Liu Shishun, votre professeur de chinois, jusqu'à ce que vous vous soyez transcendés. Si vous choisissez de travailler pour Difu, je me renseignerai sur les offres d'emploi qu'ils proposent et les brûlerai pour vous. Si vous voulez poursuivre les cours, Ning Tianshi vous emmènera tous à la secte de Maoshan ce soir. Je continuerai à vous y faire cours. »


Dès que je prononçai le dernier mot, tous les élèves prirent le sutra de réincarnation et se mirent à le réciter comme un seul homme. Il y avait même un élève sans main qui se servit de sa bouche pour prendre le sutra avec détermination.

« On dirait que vous êtes tous fermement décidé à obtenir votre diplôme, alors j'invite le professeur Liu à venir sur l'estrade pour la lecture. »

Sur ce, je descendis de l'estrade. Le professeur rajusta son costume Zhongshan gris, sortit un peigne de je ne sais où pour le passer dans ses cheveux puis prit le cahier dans lequel il venait de finir d'écrire avant de monter sur l'estrade.

Je m'assis à côté de Xiao Ning pour les écouter tous réciter le sutra et rapidement, je me mis à dodeliner de la tête. Dès que je commençais à piquer du nez, Xiao Ning me poussait du coude pour me réveiller. Nous en avions convenu ainsi plus tôt : je ne devais absolument pas m'endormir pour ce dernier cours.


La lecture se poursuivit jusqu'à deux heures du matin. Quand le chauffeur arriva à l'heure pour me ramasser à l'entrée de l'école, le professeur Liu conduisit tous les élèves dans le bus.

Il ne resta pas un seul des vingt élèves. Assis dans leur siège, ils me regardaient par la fenêtre, sans un mot.

Le chauffeur me fit :

« Le prochain arrêt est le pont de Naihe. Les vivants ne peuvent pas monter. »

Je restai donc devant le bus avec Xiao Ning et nous regardâmes le professeur Liu monter en dernier et qui nous faisait gentiment au revoir de la main.

« Je n'ai eu aucun client pendant plus d'un mois et enfin j'ai de nouveaux des passagers, commenta le chauffeur en agitant vaguement la main devant moi, comme pour chasser une mouche. À l'avenir, évitez les bus fantômes. »

Les portes se refermèrent et du brouillard surgit brusquement. Le bus immatriculé 444 disparut lentement dans la brume, laissant Xiao Ning et moi regarder dans sa direction, un peu hébétés.


Mon portable émit la notification de message. Cela venait de la principale Zhang :

[Votre salaire et votre bonus ont été transférés sur votre compte, et je mets fin à votre contrat.]

Je contemplai l'ordre de virement de 420 000 yuan sur mon compte, mais n'en tirai aucune joie.

La principale Zhang m'envoya un autre message.

[Merci pour tout. N'oubliez pas de venir à mes funérailles dans quelques jours.]

Xiao Ning pressa gentiment ma main.

« La vie de la principale Zhang est arrivée à son terme et elle prendra sûrement le bus fantôme à son prochain voyage. Mais ne t'en fais pas : avec la vertu qu'elle a accumulée, elle va certainement renaître vite et dans une bonne famille, avec une vie heureuse.

– Je sais bien, fis-je un peu tristement. Mais c'était mon tout premier travail. Je n'avais qu'une seule collègue humaine et elle ne sera bientôt plus.

– Tu auras de nouveaux collègues, assura Xiao Ning.

– Mais je dois chercher un autre travail et toi, tu vas certainement diriger la secte de Maoshan un jour... »


Une pensée me frappa soudain.

« Nous venons à peine de débuter notre relation et nous allons devoir vivre dans deux endroits différents ? C'est trop affreux ! »

Je venais à peine d'avoir mon premier baiser hier.

« Nous ne sommes pas obligés de vivre dans deux endroits différents, répondit Xiao Ning en se caressant le menton. En fait, notre secte de Maoshan a toujours entretenu l'idée de vivre avec son temps. Nous nous adaptons à chaque époque. Par exemple, nos revenus viennent principalement de nos lieux touristiques et non de l'exorcisme des fantômes. C'est une forme de progrès. »

Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire, seulement que Xiao Ning semblait avoir une idée pour éviter notre séparation, alors je le fixai dans l'expectative.


D'un ton solennel, Xiao Ning poursuivit :

« En tant que premier disciple du chef de secte et futur chef de la secte de Maoshan, je me suis toujours fait du souci sur les capacités de nos disciples en matière de politique. Les jeunes de nos jours sont trop inconstants. Parfois, quand ils voient un fantôme, ils crient encore plus que la victime. C'est un peu gênant de les emmener avec moi. Nous avons besoin de toute urgence d'un professeur de politique qui connaît la situation interne, n'a pas peur des fantômes, possède une bonne connaissance théorique, a une licence voire plus, afin de leur enseigner à s'armer d'idées conformes à notre époque et cultiver un cœur qui est juste et ferme, ne craignant ni dieu ni fantôme. »

Hein ? Les conditions mentionnées par Xiao Ning... c'était tout à fait moi !


« Quel est le salaire mensuel ? L'amour ne lui fait pas perdre le nord ! (1) demandai-je aussitôt.

– Notre secte de Maoshan est une entreprise privée de grande envergure. Elle compte des centaines de salariés, du chef de secte aux intérimaires des lieux touristiques. Le salaire se doit donc de correspondre à une telle entreprise. Que dirais-tu d'un salaire de base de dix mille yuan, nourriture et logement inclus, ainsi qu'une commission qui dépendra du nombre de disciples qui achèveront leur formation ?

– Est-ce que le chef de secte Ning et les aînés de la secte de Maoshan sont d'accord ?

– Qui pourrait refuser après ton exploit d'avoir transcendé vingt-et-un fantômes féroces d'un seul coup ? »

Xiao Ning me lança un regard et sourit.

« Il me semble qu'il ne manque plus qu'un CV.

– J'en ai un sur mon ordinateur. Donne-moi l'adresse mail et je l'envoie sur-le-champ ! »

Je sortis le portable de mon sac.


« Il y a encore un autre problème.

– Quel problème ? Je peux le régler ! »

Ma tête était remplie de ces dix mille yuan mensuels.

Xiao Ning pointa le doigt sur le pansement sur son visage et fit :

« Le directeur des ressources humains, Ning Tiance, veut abuser de sa position pour ses intérêts personnels et poursuivre de ses assiduités le nouveau professeur de politique. Si le professeur Shen n'accepte pas, il peut ensuite subir diverses formes de harcèlement sur son lieu de travail. »

J'embrassai Xiao Ning sur son pansement et déclarai :

« Le professeur Shen accepte !

– Alors va imprimer ton CV pour le mettre dans une pochette J'ai achevé mon travail et je peux devenir officiellement un Maître Céleste. Après les funérailles de la principale Zhang, nous ramènerons ton CV à la secte de Maoshan. Je m'occupe des billets de train.

– Pas de sièges durs ! »


Je saisis la main de Xiao Ning avant qu'il ne puisse réserver quoi que ce soit sur son portable, et entrelaçai nos doigts.

« Tu ne peux pas réserver de billets la nuit. Nous allons louer des vélos pour rentrer à l'hôtel, là. Demain matin, nous réserverons des billets d'avion, d'accord ? C'est moi qui paierai. »

Dire que j'avais à présent des centaines de milliers de yuan sur mon compte, ainsi qu'un séduisant petit-ami. En plus, ce dernier était à la tête d'une grande entreprise de tourisme à l'échelle nationale. Mon futur était des plus prometteurs.


J'avais vraiment atteint le summum de ma vie !



FIN



La parole à l'auteur : Ce roman est fini mais il y a encore quelques extras, notamment sur les sentiments de Xiao Ning alors qu'il pourchasse sa femme et autres ~

Cette histoire était censée être courte depuis le début. Le professeur Shen a beau être intrépide, à partir du moment où il apprend qu'il a vu un fantôme, l'histoire n'a plus lieu de continuer.

Cependant, l'histoire de Xiao Ning et du professeur Shen se poursuivra dans un autre monde, et le professeur Shen va assurément devenir une légende parmi les fantômes.

Merci pour vos encouragements tout au long de cette histoire. Votre soutien a été pour moi la plus grande source d'inspiration de ce roman. J'aime tous les gens qui aiment le professeur Shen.



Note de Karura : L'histoire est courte, en effet, mais l'auteur a bien raison : cela ne servirait à rien de poursuivre plus loin. J'ai bien ri avec toutes ces références aux films d'horreur asiatiques. J'espère que vous avez aussi passé un bon moment. Il reste encore cinq extras qui reviendront sur certains passages de l'histoire, mais du point de vue de Ning Tiance. Le dernier extra vous montrera comment le professeur Shen s'en sort dans son nouveau travail ! 😉




Notes du chapitre :
(1) L'amour ne lui fait pas perdre le nord !






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